COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS

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I. DÉPLACEMENT À ANGERS
(Vendredi 8 Février 2019)

Composition de la délégation : Mme Catherine Deroche, présidente, Mmes Michèle Meunier et Dominique Vérien, rapporteures, et M. Stéphane Piednoir.

? Visite des services du conseil départemental de Maine-et-Loire chargés de la protection de l'enfance, de la protection maternelle et infantile et de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP).

Personnes rencontrées : Mme Martin, vice-présidente chargée des solidarités, M. Danel, directeur général adjoint chargé du développement social et de la solidarité, M. Charcellay, directeur enfance famille, Mme Fredon, chef du service enfance en danger, Mme Bordage, chef de service par intérim de l'offre d'accueil jeune, M. Chéron, adjoint au chef de service protection maternelle et infantile, M. Audrouing, directeur du centre départemental de l'enfance et de la famille, Mme Binder, médecin référent protection de l'enfance et Mme Coton, chef du service administration ressources humaines.

Depuis 2016, le conseil départemental a dissocié les missions d'évaluation et d'accompagnement en matière de protection de l'enfance en créant une équipe dédiée au traitement des informations préoccupantes. L'équipe de la CRIP a pour mission d'évaluer les risques associés à une information préoccupante et de préconiser des mesures de protection de l'enfant. Puis la décision revient au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) en veillant à la collégialité de la décision, afin de ne pas laisser un professionnel décider seul.

L'équipe de la CRIP a présenté les différentes étapes du traitement d'un évènement préoccupant. La cellule dispose de quatre agents chargés de l'évaluation des risques sur le terrain, avant de recommander la mise en place d'une mesure de protection de l'enfance.

Dans ce cadre, les agents de la CRIP ont fait part d'une coordination satisfaisante avec le parquet qui est informé directement de toutes les situations d'urgence. L'équipe est associée à certaines interventions des forces de police lorsqu'il est nécessaire de prendre en charge des enfants en danger. Les services procèdent une fois par an à la transmission de données statistiques à l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE). La CRIP est enfin chargée d'effectuer des formations à destination des professionnels en contact avec des mineurs : personnels des hôpitaux, des maternités, de l'Éducation nationale, etc .

Cette présentation a été illustrée par un cas concret dont la CRIP  a été saisie: une psychiatre a signalé une information préoccupante concernant l'une de ses patientes mineure, suivie par l'ASE et qui déclarait avoir des relations sexuelles avec son éducatrice ; la CRIP a transmis le signalement au parquet et contacté la structure d'accueil de la jeune fille. Par précaution, l'éducatrice a été suspendue de ses fonctions.

Au sein des structures d'accueil de la protection de l'enfance, les services du département ont indiqué que les violences sexuelles se déroulaient majoritairement entre mineurs. En 2018, les services ont engagé quatre inspections au sein d'établissements pour ces raisons.

Une présentation des procédures d'agrément des assistants maternels et familiaux a ensuite été effectuée . Le département de Maine-et-Loire compte 7 200 assistants maternels agréés pour 24 000 places d'accueil et 545 assistants familiaux agréés pour 945 places d'accueil. Les services ont rappelé qu'un extrait du bulletin n° 2 du casier judiciaire du demandeur ainsi que de toutes les personnes majeures vivant à son domicile était demandé pour la délivrance d'un agrément. Ils ont indiqué que les délais d'inscription au bulletin n° 2 des condamnations judiciaires étaient trop longs, ce qui pouvait nuire à l'effectivité des procédures de contrôle. Par ailleurs, ils regrettent que les assistants familiaux diplômés d'État soient dispensés de la procédure de renouvellement d'agrément tous les cinq ans, comme c'est le cas pour les autres assistants familiaux.

En outre, les services du conseil départemental considèrent que le délai de suspension de l'agrément d'un assistant maternel ou familial, d'une durée maximale de quatre mois, peut s'avérer trop court par rapport au temps judiciaire. Il arrive que les services soient obligés de mettre fin à la suspension de l'agrément alors qu'une procédure judiciaire est encore en cours pour les faits ayant conduit à la suspension.

Concernant l'accueil des mineurs par des assistants maternels et familiaux, les services du conseil départemental ont indiqué que la quasi-totalité des faits de violences sexuelles sur mineurs dont ils ont eu connaissance étaient commis par des hommes de l'entourage de la professionnelle. À cet égard, les services ont fait part du cas d'une jeune fille de onze ans, placée en famille d'accueil, qui avait subi des violences sexuelles commises par le conjoint de l'assistante familiale relais. L'assistante familiale en a informé le « référent protection » du conseil départemental qui a alerté le parquet. Le jour même du signalement, l'agrément de l'assistant familial a été suspendu et les services du conseil départemental ont recherché une place chez une autre assistante familiale pour l'enfant. Pour le traitement de ces cas, les services de la protection maternelle et infantile travaillent donc en étroite collaboration avec le parquet.

Les services du conseil départemental ont rappelé qu'en raison de la protection du secret de l'instruction, ils n'étaient pas autorisés à donner à l'assistant maternel ou familial la raison pour laquelle leur agrément était suspendu, en cas d'ouverture d'une enquête pour maltraitance. Cette situation est parfois compliquée à gérer pour le département. En tant qu'employeur, il peut proposer au professionnel un soutien psychologique.

Les services ont indiqué qu' il n'existe pas de fichiers mutualisés entre départements permettant de recenser les suspensions et les retraits d'agréments des assistants maternels et familiaux . Ils procèdent toutefois à des échanges d'informations bilatéraux avec d'autres conseils départementaux pour certains cas précis.

Les procédures de traitement des évènements préoccupants au sein des établissements de l'aide sociale à l'enfance ont également été présentées à la délégation. L'évaluation des signalements repose sur une échelle de gravité mise en place par les services du conseil départemental permettant de diagnostiquer les risques et de prendre des mesures adaptées, notamment le signalement au parquet. Au sein des structures d'accueil nouvellement construites, les espaces sont aménagés afin de privilégier les chambres individuelles et de séparer les filles des garçons. Des cellules de détection des mouvements sont également installées pour tracer les éventuels déplacements la nuit au sein des établissements.

Le rôle de la permanence d'accueil pédiatrique de l'enfant en danger (PAPED), installée au CHU d'Angers, a également été présenté à la délégation. Il s'agit d'une unité d'accueil médico-judiciaire permettant d'accompagner les enfants et de recueillir leur parole. Elle rassemble une équipe pluridisciplinaire composée de médecins (légiste, pédiatre, pédopsychiatre), d'infirmières et d'assistantes sociales.

Une présentation de la politique des ressources humaines concernant les personnels en contact avec les mineurs a été donnée à la délégation. Lorsque le conseil départemental recrute des agents qui seront en contact avec des mineurs, le casier judiciaire est systématiquement consulté. Les services ont par ailleurs la possibilité de demander la consultation du FIJAISV, par l'intermédiaire du préfet. Le délai maximal pour obtenir une réponse à cette sollicitation est d'un mois. Alors que la consultation du casier judiciaire est effectuée lors du recrutement d'un agent, les services du département ont suggéré qu'elle puisse être renouvelée périodiquement.

Enfin, au titre des recommandations , les services du conseil départemental ont préconisé que l'accompagnement des mineurs victimes d'infractions sexuelles soit renforcé , en croisant davantage la stratégie éducative et le suivi médico-psychologique. La création d'un parcours complet d'accompagnement de la victime pourrait, selon eux, être mis en place afin d'offrir une meilleure prise en charge médicale et médico-sociale.

? Déjeuner de travail avec le Dr Elise Riquin, responsable du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHU d'Angers, M. Yves Denéchère, professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers et Mme Corinne Bouchoux, enseignante, ancienne sénatrice de Maine-et-Loire.

Mme Corinne Bouchoux a indiqué que dans l'Éducation nationale, les procédures de détection et de signalement des infractions sexuelles devraient être largement renforcées , ainsi que les mesures de sanction des auteurs. Elle a indiqué que la formation des enseignants au sujet de ces violences était souvent faible, bien que figurant au programme des écoles supérieures du professorat et de l'éducation.

Le Dr Elise Riquin a expliqué à la délégation les ressorts des syndromes post-traumatiques chez les victimes de violences sexuelles. Elle a indiqué que la prise en charge des enfants victimes de traumas ne pouvait pas se calquer sur celle d'un adulte. Par ailleurs, l'accompagnement psychologique de la personne doit lui permettre de ne plus se définir seulement comme victime, afin d'atténuer les effets post-traumatiques. Le Dr Riquin a également indiqué que lors du recueil de la parole de l'enfant, il est très difficile de faire la part entre la vérité et le mensonge. Elle a fait part du suivi pendant plusieurs années d'une cohorte de 130 enfants placés par les services de l'ASE dans le département de Maine-et-Loire. À l'âge de dix-huit ans, seul un enfant sur les 130 avait obtenu son baccalauréat. Ces jeunes faisaient par ailleurs l'objet de soins psychiatriques importants. Par conséquent, le renforcement des moyens de l'ASE doit être vu comme un investissement, au regard des difficultés des personnes sortant de ces structure. Le Dr Riquin a par ailleurs rappelé que le secret médical pouvait être levé lorsqu'un médecin avait connaissance de faits graves qui devaient être signalés à la justice. Elle rappelle constamment ces règles à ses patients.

M. Yves Denéchère a indiqué que si l'histoire contemporaine se caractérise par une reconnaissance progressive des droits des enfants , la France ne respecte pas encore totalement la Convention internationale des droits de l'enfant. En raison des mouvements de libération de la parole concernant les violences sexuelles, un grand nombre de faits devraient être dénoncés et révélés dans les années à venir et les collectivités publiques doivent s'y préparer. M. Denéchère a indiqué qu'il n'y avait plus de formation sur les violences et la maltraitance dans le cadre du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). Il convient selon lui de renforcer la prévention dans tous les secteurs. Au sein des établissements scolaires, les procédures de prévention, de détection et de contrôle pour lutter contre les violences sexuelles devraient être renforcées.

? Visite des services de la mairie d'Angers chargés de l'enfance, de la famille et de l'éducation

Personnes rencontrées : M. Christophe Béchu, maire d'Angers, Mme Caroline Fel, adjointe au maire chargée de l'enfance et de la famille, Mme Juliette Fouret, chef du service des temps de l'enfant à la direction éducation enfance, M. Jérémy Olivier, directeur multi-sites au service des temps de l'enfant, Mme Sophie Justal, chef du service petite enfance à la direction éducation enfance, Mme Catherine Potier-Jeanne, éducatrice de jeunes enfants, service petite enfance, Mme Nadine Lequeux, directrice de crèche, service petite enfance, Mme Françoise Barbier, directrice de crèche, service petite enfance, Mme Sylvaine Bolzer, responsable du programme de réussite éducative et parentalité, direction éducation enfance et Mme Lalie Barbin, coordinatrice du programme de réussite éducative.

M. Christophe Béchu, maire d'Angers, a indiqué que le taux de signalement d'informations préoccupantes et de placement de mineurs en Maine-et-Loire était plus élevé que la moyenne nationale. Le département dispose par ailleurs d'un des premiers budgets par habitant consacré à la protection de l'enfance. M. Béchu a regretté que les statistiques soient insuffisantes en la matière, en particulier sur la durée de placement au sein des structures de l'ASE et sur les parcours des jeunes à la sortie de ces structures.

La ville d'Angers emploie 1 200 agents dans ses services chargés de l'éducation et de l'enfance. Elle accueille environ 10 000 enfants dans les écoles publiques et entre 3 000 et 8 000 sur les temps périscolaires. Elle a choisi d'organiser le temps scolaire sur 4,5 jours par semaine, le temps périscolaire étant dès lors de trois heures hebdomadaires. La ville n'emploie pas d'agents dans les écoles privées de la commune.

Selon Mme Fel, l'obligation d'une éducation à la sexualité dans les écoles , posée par la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, n'est pas toujours respectée .

La ville d'Angers a mis en place un document interne sur la protection de l'enfant , destiné aux professionnels en contact avec les mineurs. Il donne des recommandations de bonnes pratiques aux professionnels, les informe sur les moyens de détecter un enfant en danger et sur les règles et les modalités de transmission d'informations préoccupantes.

Concernant le recrutement d'agents au contact avec des mineurs dans le secteur de la petite enfance , la ville d'Angers applique les procédures habituelles encadrant le recrutement des agents publics, avec le contrôle des antécédents judiciaires. Les services rencontrés ont indiqué qu'à leur connaissance, si l'extrait du bulletin n° 2 du casier judiciaire était demandé lors d'un recrutement, le FIJAISV n'était en revanche pas consulté.

Concernant le recrutement de personnels dans le cadre scolaire et périscolaire , la ville d'Angers transmet aux services de l'Éducation nationale la liste des personnes en fonction. Il revient alors aux services de l'État de procéder à d'éventuels contrôles.

L'encadrement des enfants pendant les temps périscolaires et extrascolaires comporte des moments plus sensibles, tels que l'accompagnement aux toilettes ou les passages dans les vestiaires. Les services de la ville ont fait part à la délégation de la crainte des membres du personnel d'être accusés à tort d'abus sexuels sur les enfants. Leur démarche consiste dès lors à éduquer les enfants pour les rendre les plus autonomes possible.

Les services de la ville ont également indiqué que les personnels en contact avec les mineurs étaient sensibilisés sur le sujet des infractions sexuelles. Des formations sont dispensées au sein des crèches. Dans ces structures, des échanges fréquents entre les personnels permettent de communiquer sur les comportements qui pourraient être inappropriés.

En outre, les ATSEM ont été sensibilisés par la ville sur ce sujet . Les services de la ville ont indiqué que ces personnels considéraient que les responsabilités de détection des enfants en danger et de transmission des informations préoccupantes incombaient d'abord aux enseignants. La ville a donc sensibilisé les ATSEM sur leur rôle et sur leurs obligations en la matière, afin qu'ils puissent eux aussi détecter des facteurs de risque et prendre en compte la parole des enfants.

Les services rencontrés ont par ailleurs fait part des inquiétudes des familles concernant les violences sexuelles . À cet égard, ils ont évoqué le cas d'une mère qui souhaitait s'assurer qu'aucun homme n'était employé au sein de la crèche qui allait accueillir son enfant. Selon les personnes rencontrées, ces craintes expliquent également la préférence des familles pour les modes de gardes collectifs, tels que les crèches ou les maisons d'assistantes maternelles.

En 2017-2018, les services de la ville ont été saisis de 33 évènements préoccupants et signalements, pour un effectif d'environ 11 000 enfants (petite enfance, temps de l'enfant, programmes de réussite éducative).

Les personnes rencontrées ont également présenté les programmes de réussite éducative mis en place dans cinq quartiers prioritaires de la ville afin d'accompagner les familles en difficulté.

Selon les services de la mairie, le visionnage croissant par des jeunes de contenus à caractère pornographique peut conduire les enfants à décrire des situations fictives. Il n'est donc pas toujours aisé de faire la part entre fiction et réalité lors du recueil de la parole de l'enfant.

Les personnels de la ville ont indiqué que certaines difficultés du conseil départemental en matière de la protection de l'enfance avaient des conséquences sur les services municipaux. À cet égard, la ville est parfois sollicitée par le service départemental de la PMI afin d'accueillir un enfant en crèche alors que celui-ci devrait être pris en charge par l'ASE. Dans ce cas, les personnels de la ville tentent de rediriger ces personnes vers les lieux d'accueil parents-enfants (LAEP).

Au titre des recommandations, les services de la ville d'Angers ont indiqué que la prévention et la sensibilisation sur les violences sexuelles devraient être renforcées à l'école.

Ils ont également suggéré que soit créée une fonction d'assistant éducatif pour encadrer les mineurs, notamment dans le cadre des activités périscolaires. Ce professionnel recevrait une formation en psychologie de l'enfant, afin d'avoir un rôle pivot entre l'accompagnement éducatif, social et psychologique. Cette fonction répondrait en outre à un besoin de reconnaissance des professionnels.

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