G. AUDITION DE MME LAURE TOURJANSKY, CHEFFE DU SERVICE DES RISQUES NATURELS ET HYDRAULIQUES DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES DU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE - MERCREDI 20 FÉVRIER 2019

Mme Pascale Bories , présidente. - Nous terminons notre après-midi d'auditions en entendant la direction générale de la prévention des risques, représentée par Mme Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques, que je remercie d'avoir accepté notre invitation.

Je rappelle que la direction générale de la prévention des risques relève du ministère de la transition écologique et solidaire et pilote la politique de l'État en matière de prévention pour différentes catégories de risques, notamment les risques naturels.

À ce titre, nous avons souhaité vous entendre le plus tôt possible dans notre cycle d'auditions. Je vous laisse la parole pour une présentation liminaire d'une dizaine de minutes, avant de passer aux questions de nos collègues.

Mme Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques de la direction générale de la prévention des risques. - La direction générale de la prévention des risques est chargée des risques technologiques, des risques pour la santé et l'environnement, des risques naturels avec, pour chacun de ces risques, une posture différente. S'il existe une même grille d'analyse prenant en compte les aléas et les enjeux pour apprécier le risque, s'agissant des risques naturels, la question primordiale est de définir les zones de travail prioritaires car l'ensemble du territoire est exposé à des risques différents.

Notre service est constitué d'environ 80 personnes. Sa spécificité est d'avoir des activités opérationnelles, notamment pour la sécurité des ouvrages hydrauliques et la prévision des crues à travers le site « Vigicrues ». Ce site est le fruit d'un travail partenarial entre certaines de nos équipes situées à Toulouse et l'ensemble des services de prévision des crues et unités d'hydrométrie implantés dans les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).

La politique de prévention au sein de l'État est structurée autour d'un échelon central et de trois niveaux : les Dreal de bassins pour les inondations ; les Dreal au niveau régional et les directions départementales des territoires (DDT) auprès des préfets de département. La direction travaille également avec de nombreux opérateurs de l'État bénéficiant de compétences indispensables, comme Météo-France.

Le champ d'action est très large car les risques naturels couvrent de très nombreux sujets. Nous sommes très mobilisés sur les inondations, tant leurs formes et leurs localisations diffèrent. Ce n'est pas pareil de réduire les dommages et les atteintes à la vie humaine en cas de crue de la Seine ou dans les cas de crues cévenoles connues en octobre dernier.

Il y a également des aléas plus régionaux qui demandent des réponses adaptées en fonction des territoires concernés. Je pense aux incendies dans le Midi, qui peuvent remonter progressivement vers le Nord ou aux mouvements de terrains qui sont d'ailleurs historiquement à l'origine des outils de la politique de prévention des risques naturels. Il y a également les risques de montagne, liés aux avalanches et au permafrost. Dans chaque situation se pose la question de l'évolution de ces risques à la lumière du changement climatique.

Un autre sujet nous occupe énormément, c'est le risque de séisme qui, lui, n'est pas lié au changement climatique. C'est une préoccupation majeure notamment aux Antilles, dans les Alpes et dans des villes comme Nice ou Lourdes.

Concernant les faits marquants de ces dernières années, il est important de les rappeler car ils sont souvent les éléments déclencheurs d'une évolution des politiques publiques. Il faut bien évidemment s'appuyer sur les périodes de mobilisation des autorités publiques consécutives à des catastrophes naturelles, qui permettent de déceler de nouveaux outils de prévention. Nos services ont en particulier été mobilisés par Xynthia, les crues du Var de 2010, les sécheresses en 2003 et 2012, la tempête Irma en 2017. L'année 2018 aura été assez chargée entre les crues lentes hivernales en janvier, les épisodes orageux en mai et juin et les crues d'octobre dernier.

Si tout le territoire est concerné par des risques naturels, nous nous focalisons sur certaines zones, notamment les outre-mer et les zones dites « Arcmed », très concernées par les crues cévenoles. La Caisse centrale de réassurance (CCR) produit des cartes de sinistralité par département qui offrent une vue d'ensemble sur ces catastrophes naturelles. Nous nous attachons, dans le cadre de notre travail partenarial avec la Fédération française de l'assurance (FFA) et la CCR, à ne pas retenir que la sinistralité d'une zone mais à bien travailler sur la notion d'exposition en croisant les cartes. Certains territoires n'ont connu aucune catastrophe depuis longtemps mais sont exposés à un fort risque, je pense au risque sismique par exemple.

Nous disposons par ailleurs de nombreux outils. Le premier volet d'action est l'élaboration de plans de prévention des risques (PPR). C'est peut-être le plus visible grâce à la mobilisation des préfets et des élus locaux. Le délégué aux risques majeurs a fait un état des lieux de la couverture du pays en PPR fin 2017 : la France a vu sa couverture en PPR progresser de manière remarquable entre 1995 et aujourd'hui, permettant d'intégrer la notion de risque dans l'urbanisme, malgré une procédure complexe pour les élus. Afin de mieux identifier un aléa sur un territoire donné, les personnes concernées peuvent consulter le portail « Géorisques » que l'on essaie de moderniser. Chacun peut donc être informé d'un risque d'inondation, de séisme ou de glissement de terrain là où il habite. Dans cette connaissance, nous nous appuyons beaucoup sur différents opérateurs et l'objectif est de faciliter la circulation de la connaissance de ces aléas afin d'améliorer leur prise en compte dans les documents d'urbanisme.

Le second volet d'action consiste à réduire la vulnérabilité tant à l'échelle d'une ville que d'un bâtiment. Pour que ces actions soient efficaces, nous essayons de développer l'information préventive et de recourir à des campagnes de communication. Nous avons par exemple mené pour la quatrième année consécutive une campagne d'information sur les crues cévenoles et, pour la première fois cette année, une campagne sur la prévention des incendies. Parmi les autres outils régaliens, il y a aussi ceux destinés à prévoir les crues.

En outre, il existe des outils contractuels, qu'il est très important de mentionner. Notre conviction est que la politique des risques naturels doit s'appuyer sur un socle législatif stable. Le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer de l'année dernière sur les risques naturels outre-mer est d'ailleurs éloquent en ce qu'il n'appelle à aucun bouleversement du cadre législatif mais plutôt à une mobilisation des outils existant. Certes, la prise en compte du risque peut d'abord être perçue comme une contrainte, mais l'enjeu est d'en faire une composante du développement durable d'un territoire par une mobilisation commune de l'État et des élus locaux. En ce sens, des outils contractuels comme les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) constituent le meilleur exemple de la politique que l'État souhaite mener avec des élus locaux. Ces derniers se saisissent d'ailleurs de cet enjeu local, et sont accompagnés par les préfets pour mobiliser les financements du fonds Barnier.

Au sein de la commission mixte inondation (CMI), chargée de labelliser les PAPI, nous nous rendons compte que c'est un moment fort pour les pétitionnaires qui viennent présenter leurs programmes, particulièrement pour les élus mobilisés et sensibilisés à la question de la conciliation des différents outils. Ainsi, le PAPI nous permet de concilier le régalien - en s'appuyant sur le PPR -, la démarche de construction d'un territoire et les cofinancements.

Il y a 154 PAPI labellisés aujourd'hui. Cela représente 1,9 milliard d'euros de cofinancements en provenance de l'Union européenne, de l'État et des collectivités locales ainsi qu'un apport du fonds Barnier de 0,8 milliard d'euros.

À titre de comparaison, notre budget et le fonds Barnier représentent des montants « epsilonesques » par rapport aux coûts des catastrophes naturelles. Néanmoins, il faut prendre en compte l'effet de levier qui permet d'économiser sept euros pour un euro investi.

La gestion des risques naturels est par ailleurs intégrée au plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC).

Le fonds Barnier, les PPR, les PAPI sont inscrits dans le paysage depuis longtemps. L'évolution la plus récente de nos outils se retrouve dans la Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) qui permet une montée en puissance des collectivités territoriales avec le soutien de l'État. Un travail a également été mené dans la loi ELAN, afin de lutter contre les effets de la sécheresse sur le retrait-gonflement des argiles. Grâce à cette nouvelle loi, il sera possible d'imposer des études de sol peu coûteuses préalablement à la construction des maisons afin d'éviter des dommages très importants. C'était une préoccupation majeure pour les assureurs car la réparation des logements mobilise une part importante du fonds Barnier alors que c'est un aléa où les atteintes à la vie humaine sont rares. En outre, un travail est en cours sur l'encadrement des plans de prévention du risque inondation (PPRI) dans le but de faciliter leur préparation et leur approbation. Enfin, la loi de finance pour 2019 a permis des évolutions du fonds Barnier.

Notre préoccupation est de contribuer à une mobilisation collective. À ce titre, les instances de gouvernance comme le conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) doivent être utilisées pour faire vivre ces sujets et pour cela, nous avons besoin de la présence d'élus. De même, les 25 et 26 mars se déroulent les Assises nationales des risques naturels (ANRN) à Montpellier qui permettront, lors d'ateliers réunissant tous les acteurs de la prévention des risques, de faire un point sur les politiques actuelles et d'évoquer des pistes d'amélioration. Les résultats de ces assises permettront d'alimenter in fine le COPRNM.

Mme Maryse Carrère . - J'ai une expérience en termes de gestion d'un syndicat de rivière qui a anticipé la Gemapi d'un an et qui porte toujours un PAPI de 15 millions d'euros sur un territoire. Les PAPI sont des outils pertinents qui ne sont pas toujours compris par nos concitoyens mais qui sont surtout très complexes à mettre en place sur nos territoires. Il faut faciliter la vie de ces PAPI. Pour prendre l'exemple que je connais bien, le PAPI dont je vous parle devait durer deux ans pour un montant de 15 millions d'euros. On en est aujourd'hui à 70 % au bout de quatre années compte tenu de la durée des études requises !

Quel est le niveau d'intervention de la DGPR sur les attributions des sommes issues du fonds Barnier mais aussi des autres fonds de solidarité ou sur les calamités agricoles ? Pourrions-nous avoir une idée de la consommation de ces fonds sur l'année 2018 ? Avec un nombre croissant d'évènements naturels, l'État n'aura-t-il pas tendance à utiliser les PAPI comme variable d'ajustement du fonds Barnier ? De plus en plus de dossiers ne sont pas retenus aujourd'hui car ils ne figurent pas dans les PAPI. Enfin, la doctrine de l'État est-elle de favoriser la reconstruction à l'identique des ouvrages touchés ou peut-il y avoir des marges de manoeuvre ?

Mme Pascale Bories , présidente. - J'adhère à l'ensemble de ces questions. Je me fais l'écho, dans le Gard, d'attentes identiques en tout point de syndicats n'arrivant pas à réaliser le moindre investissement en travaux car ils sont sans cesse contraints de relancer de nouvelles études. Ils désespèrent de pouvoir dépenser le premier euro pour lancer un chantier dans le cadre d'un PAPI.

M. Didier Mandelli . - Je rejoins mes collègues sur les procédures et les lenteurs sur ces dossiers. J'ai eu l'occasion dans le cadre des débats budgétaires de m'élever contre les prélèvements importants réalisés par l'État sur le fonds Barnier : 55 millions d'euros il y a trois ans, 71 millions l'année dernière et un plafonnement cette année à 137 millions d'euros pour plus de 200 millions de recettes. Si l'on considère que l'on n'a plus besoin de ces recettes pour le financer, je m'interroge sur le niveau du fonds Barnier aujourd'hui. Vous avez évoqué le nombre de PAPI et les investissements supérieurs à un milliard d'euros actuellement. Quel est le nombre de PAPI complémentaires à venir dans les deux et trois prochaines années et, partant, quel est le niveau de financements nécessaires pour y faire face ? Quelle visibilité a-t-on pour éviter cette gestion à vue des dotations du fonds Barnier ? C'est une vraie question des élus locaux et des sénateurs, dont témoigne l'adoption d'un amendement, dont j'étais à l'initiative, voté à l'unanimité pour le déplafonnement du fonds Barnier !

Mme Gisèle Jourda . - Depuis des années, les élus locaux de l'Aude travaillent pour élaborer un PAPI. Ce PAPI n'a toujours pas été conclu, puisqu'une association remet toujours en cause la pertinence du projet proposé par un recours.

Vous avez parlé de la reconstruction à l'identique. Dans certaines zones de l'Aude, il est impossible de reconstruire pour ne pas avoir à subir les mêmes choses. Mais lorsque les villages sinistrés souhaitent déplacer leur EHPAD, leur station d'épuration, leur piscine, ou leur école, d'autres administrations en profitent pour tout changer afin de refaire leur cartographie globale. Ce type de problèmes très concrets se posent et limitent la possibilité d'une reconstruction rapide. Si le cas de l'Aude a été exemplaire en termes de célérité, ces questions de reconstruction et de logement des victimes posent des difficultés ailleurs.

M. Didier Mandelli . - J'ajoute que j'ai été désigné en 2014 pour siéger au Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs. À ma connaissance, il n'a pas été réuni depuis 18 mois.

Mme Laure Tourjansky. - Sur ce dernier point, il s'est réuni une fois par an. Il était prévu de le réunir deux fois l'année dernière mais nos services ont été mobilisés par les crues de l'Aude. Cette année, l'ambition est d'organiser deux réunions, l'une au mois de mai et l'autre à l'automne. Nous avons conscience que pour améliorer la mobilisation autour de cette politique, il faut entretenir ces instances de concertation, comme le COPRNM, et en faire des lieux d'échange sur les orientations. Cette concertation se fait déjà entre ministères avec la direction de l'eau et de la biodiversité, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, la direction générale des collectivités locales et la direction générale du Trésor. Il n'y a aucun antagonisme entre ces directions qui travaillent bien ensemble. Le COPRNM, pour nous, est un lien important que nous souhaitons mobiliser davantage pour débattre, par exemple du fonds Barnier. Aujourd'hui, les orientations sont décidées en fonction d'arbitrage interministériel, laissant peu de champ au débat extérieur, ce que nous regrettons.

Sur les PAPI, dans vos questions, il y a deux facteurs qui conduisent à accroître les délais. La réflexion sur un projet de territoire est longue car ce sont des sujets complexes. Mais il y a aussi des difficultés liées à la mise en oeuvre des PAPI. C'est une préoccupation pour nous au sein de la DGPR car nous administrons le fonds Barnier en lien avec la direction générale du Trésor. Or, si nous voulons montrer que le fonds Barnier est utile, il faut une mobilisation rapide des financements qui passe par une mise en travaux la plus prompte possible. Certains élus disent que nous avons progressé sur cette question même si d'autres déplorent que des PAPI soient toujours bloqués. Ce n'est d'ailleurs pas le PAPI qui fait l'objet de recours mais bien les travaux prévus à l'intérieur, comme pour tous les grands projets. Nous souhaitons apporter une réponse en renforçant le « PAPI d'intention » en essayant d'identifier les différents risques de procédure dès le début de la réflexion du PAPI, afin de lever ces obstacles et d'avancer plus vite sur la réalisation du PAPI lui-même.

Pour accélérer le processus, une certaine pédagogie est nécessaire auprès des personnes qui attaquent les PAPI afin de les convaincre que ce sont des projets d'ensemble qui favorisent des solutions favorables à la protection de la nature. Par exemple, la population se montre souvent méfiante vis-à-vis de l'implantation des digues, car elles sont souvent construites dans des zones fragiles où les enjeux environnementaux sont importants.

Nous avons fait le choix de ne pas soumettre les PAPI à l'avis des autorités chargées de l'environnement. Si le PAPI est soumis à évaluation environnementale, les procédures encadrant les projets sont normalement plus légères. Néanmoins, nous avons considéré qu'il était plus adapté d'élaborer les PAPI en prenant en compte la question environnementale, plutôt que de les soumettre directement à évaluation environnementale.

Mme Pascale Bories , présidente. - Les PAPI n'ont pas à être soumis à évaluation environnementale ?

Mme Laure Tourjansky. - Dans son ensemble, le PAPI n'est pas soumis à évaluation environnementale, contrairement à ses composantes. Nous avons rencontré l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Agence française pour la biodiversité (AFB) pour envisager l'élaboration d'un guide pour faciliter la prise en compte des normes environnementales. Par exemple, comment faire une route pour bien intégrer la dérogation espèces protégées ou le traitement des zones humides ?

Mme Pascale Bories , présidente. - Le problème c'est le délai. Quand vous lancez un PAPI, il faut deux ans. Vient seulement ensuite la phase d'identification et de validation des travaux. Entre ces deux temps, les normes ont évolué et il faut diligenter une nouvelle étude car le PAPI doit être actualisé.

Mme Laure Tourjansky. - C'est un sujet de préoccupation dont nous discutons au COPRMN ou dans la commission mixte inondation pour identifier les points de blocage et les obstacles au déploiement effectif des PAPI.

Reste-t-il beaucoup de PAPI à réaliser ? Notre politique est de prioriser les endroits où il y a des plans de prévention des risques et, pour l'inondation, les territoires à risques importants d'inondations qui découlent d'une directive européenne. En résumé, nous avons deux lignes directrices. D'une part, la politique de prévention doit reposer sur une adhésion des élus locaux. D'autre part, sur certains territoires soumis à une forte exposition et dépourvus d'outils adaptés aux risques, une vigilance accrue est nécessaire. Ce travail, nous l'avons mené avec la CCR, en croisant la sinistralité et les aléas. Pour certains territoires très exposés, la prévention doit être renforcée, avec le soutien du préfet ou des élus locaux dans les mois à venir, afin de mobiliser les outils disponibles tel que le fonds Barnier ou le PAPI. Par exemple en Ile-de-France, s'il existe un PAPI, la métropole et le préfet se mobilisent pour remédier à l'insuffisance des montants mobilisés pour la prévention des inondations au regard des dommages éventuels en cas de crue de la Seine.

Le fonds Barnier s'appuie sur les primes d'assurance. Il est doté de 200 millions d'euros par an, en légère croissance. Il a connu des épisodes en lois de finances qui sont de nature différente selon les années. Il faut bien distinguer les prélèvements sur la trésorerie, du plafonnement en recettes à 137 millions d'euros et enfin, l'année dernière, du plafonnement de mesures en dépenses du fonds Barnier. La DGPR veille à l'application du cadre légal. Le fonds Barnier est organisé en grands paquets. Le premier concerne les mesures de délocalisation qui, historiquement, ont été prises à la suite des mouvements de terrain de Séchilienne dans les Alpes. S'il est clair que les populations ne pourront être prévenues en cas d'effondrement brutal d'un morceau de montagne, le rachat des maisons au fur et à mesure dans les zones à risque peut être une solution satisfaisante, sachant que le prix d'achat des maisons concernées est déterminé en dehors de toute prise en considération des risques. Ces mesures ne sont pas prévisibles et le fonds Barnier est fait pour être réactif. Le second paquet permet de réaliser des études pour les collectivités locales. Si les élus locaux se saisissent de cet outil, des efforts de communication doivent être réalisés afin d'accroitre son utilisation. Cette mesure représentait un coût d'environ 125 millions d'euros, et a été récemment plafonnée à 105 millions d'euros. Un autre volet vise la réduction de la vulnérabilité pour les mesures prescrites dans les PPR pour les entreprises et les particuliers. Les montants sont peu importants, ce qui décourage les particuliers de les utiliser. Dans la loi de finances, le taux de soutien dans les territoires couverts par des PAPI a été porté à 80 %. Enfin, il reste des mesures d'acquisition de la connaissance, sous-jacent des PPR, dont le plafond a été ramené de 26 à 17 millions d'euros cette année.

Compte tenu de la trésorerie du fonds, l'action reste soutenable encore quelques années. Le montant de la prévention au regard de l'indemnisation n'est pas très élevé aujourd'hui. En revanche, il est clair que si les acteurs en ont besoin, la trésorerie ne suffira plus. Pour l'instant, il est possible de gérer les projets en planifiant par exemple les programmes d'acquisition de connaissances.

Sur les mesures de réduction de la vulnérabilité, peut-on reconstruire mieux ? Ce point est traité dans la stratégie nationale de gestion du risque inondations. En résumé, il convient de sauver des vies humaines, réduire la vulnérabilité des territoires et mieux reconstruire. Mais comment reconstruire mieux ? Ce n'est pas évident car les sinistrés ont des avis divergents sur la question. Nous sommes décidés à apporter plus de soutien via le fonds Barnier quant à la reconstruction visant à réduire la vulnérabilité. Mais cela ne peut concerner qu'une partie des travaux, à savoir 80 % des 10 % de la valeur vénale du bien.

La question qui est débattue entre les assureurs et l'État est simple : peut-on aider la partie qui coûte plus cher à la reconstruction ? Dans le principe, tout le monde y est favorable mais la mise en oeuvre est très complexe, puisqu'aucune preuve de la bonne utilisation de cet argent ne peut être apportée. Notre travail est aujourd'hui d'accompagner et de conseiller, en élaborant des référentiels avec la CCR et la FFA, et de financer la réduction de la vulnérabilité avec le fonds Barnier.

Mme Nelly Tocqueville . - En tant que rapporteure de la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte, qui portait plus particulièrement sur le dossier du Signal, j'avais appris que les propriétaires mis en demeure de quitter leur domicile n'avaient pas pu bénéficier du fonds Barnier dans la mesure où il y avait une différence entre côte sableuse et côte rocheuse. En bord de Seine, pour les maisons construites en pied de falaise, le fonds Barnier est mobilisable. L'utilisation du fonds Barnier est donc soumise à des différences d'appréciation en fonction de la nature de la côte. Faut-il dès lors intégrer les expropriations préventives liées à l'érosion côtière dans les besoins du fonds Barnier ? Si c'était le cas, les besoins de financement ne seraient pas les mêmes.

Mme Laure Tourjansky. - Les règles d'utilisation du fonds Barnier sont de niveau législatif, ce qui limite le risque d'arbitraire dans sa mise en oeuvre. Tout n'est pas clair et une circulaire vient d'ailleurs d'être publiée pour préciser ce cadre général. Sur le recul du trait de côte, c'est un sujet complexe car la loi vise les aléas présentant un caractère « violent non prévisible ». Pour les falaises d'Ault par exemple, on sait que la craie est par nature fragile et peut casser de manière imprévisible, ce qui permet au fonds Barnier d'intervenir. Par contraste, le Conseil d'État puis le Conseil constitutionnel ont considéré que le recul lent du trait de côte n'entrait pas dans le champ d'action du fonds Barnier en ce qu'il ne constitue pas un aléa non prévisible.

La conviction que nous avons tous, c'est qu'il faudrait un outil complémentaire pour mieux prendre en compte le recul du trait de côte. On est au-delà de la prévention des risques naturels. On est dans la transformation de certains territoires. Il existe un chantier, même s'il a été est jugé que le fonds Barnier ne doit pas en être l'outil. Une mission commune IGF-IGA-CGAAER travaille sur le sujet et devrait proposer des outils adaptés à ce phénomène.

Mme Nicole Bonnefoy , rapporteure. - Sur l'indemnisation des sinistres, y a-t-il des choses à améliorer ?

Mme Laure Tourjansky. - Le président de la République a pris des engagements lors de son déplacement à Saint-Martin. Des pistes de réforme ont été ébauchées dès 2012 dont une évolution importante relative au retrait-gonflement des argiles, qui a été menée à bien dans la loi ELAN. L'ensemble des partenaires a dans l'idée que certains ajustements utiles peuvent être réalisés pour rendre l'indemnisation plus lisible et plus facile à mettre en oeuvre. Notre travail à la DGPR concerne surtout la prévention. C'est la direction générale du Trésor qui est en première ligne sur le sujet.

Mme Pascale Bories , présidente. - Siégez-vous à la commission interministérielle chargée de donner un avis sur la reconnaissance d'état de catastrophe naturelle ?

Mme Laure Tourjansky. - Nous y siégeons en tant qu'experts. Le secrétariat est assuré par la DGSCGC. Par exemple, pour savoir si une crue est une catastrophe naturelle, il faut déterminer quelle est son occurrence. Ce sont nos services de prévision des crues qui sont chargés d'estimer l'importance de l'aléa par rapport aux seuils qui ont été fixés.

Mme Pascale Bories , présidente. - Merci pour toutes ces réponses. Nous sommes preneurs de compléments par écrit, en réponses aux questions que nous vous avions adressées.

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