B. L'ÉCHEC DU MODÈLE D'ALLOCATION DES MOYENS À LA PERFORMANCE ET DU CONTRAT PLURIANNUEL EXISTANT

1. Le modèle SYMPA a échoué à devenir un outil de répartition des moyens

Le modèle SYMPA a été utilisé pour la dernière fois, en 2017, pour les universités pour la dernière vague d'emplois alloués au titre du rééquilibrage des dotations. La réforme de ce modèle, initiée en 2013, n'a pas permis de transformer SYMPA en véritable outil de répartition des moyens, le confinant à un rôle de « thermomètre ».

Votre rapporteur identifie plusieurs raisons à cet échec, notamment :

- l'absence de convergence entre la dotation théorique calculée par SYMPA et la dotation effectivement notifiée à chaque établissement qui devait se réaliser progressivement par ajout de moyens supplémentaires dans l'enveloppe nationale globale. Dans la mesure où, à partir de 2011, l'enveloppe a cessé d'augmenter, la convergence ne pouvait plus avoir lieu que par une redistribution des moyens entre établissements ;

- le passage aux RCE et la non-intégration dans le modèle SYMPA de la masse salariale.

Par ailleurs, le modèle d'allocation SYMPA ne couvre pas la totalité des moyens alloués aux établissements . Certains crédits ne sont effectivement pas répartis par le modèle car ils répondent à des logiques spécifiques. La Cour des comptes avait ainsi noté, dans son rapport de 2015 relatif à l'autonomie financière des universités 4 ( * ) , qu'outre les crédits d'investissement et le bonus contractuel qui n'avaient pas vocation à relever du modèle, les crédits relatifs aux contrats doctoraux fléchés, à la coopération internationale, à l'accueil de normaliens ou de polytechniciens, à la part du plan licence réservée aux IUT et à des actions spécifiques diverses continuaient d'être notifiés spécifiquement.

Un constat également dressé par l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) en 2012 5 ( * ) : « le modèle d'allocation des moyens SYMPA ne tient pas compte des autres ressources dont peuvent bénéficier les établissements (...) y compris lorsqu'il s'agit de financements apportés par l'État, ce qui pose dans le dernier cas la question de l'articulation des politiques publiques et de leurs instruments ».

La Cour des comptes, dans le rapport précité, indiquait qu'en l'absence de mécanisme de convergence et malgré les rattrapages opérés chaque année, l'usage du modèle SYMPA comme un « outil d'aide à la décision » et non plus comme un « modèle d'attribution mécanique des dotations », a conduit à « entériner et compenser en partie le sous-financement relatif de certaines universités, tout en maintenant, de manière indue au regard du modèle, le sur-financement relatif des autres » 6 ( * ) .

Votre rapporteur ne peut malheureusement que confirmer, plusieurs années plus tard, ce même constat d'échec du modèle SYMPA , comme du contrat quinquennal de site, comme présenté ci-après.

2. Une évaluation trop peu fréquente et complexe des universités
a) Une contractualisation marquée par un déficit de dialogue et par la faiblesse des moyens attribués

Des auditions menées par votre rapporteur sont ressorties les imperfections du système d'évaluation actuel, et du contrat de site, tels qu'existants avant l'expérimentation et la généralisation du dialogue de gestion.

L'évaluation faite dans le cadre des contrats de site était, en effet, un processus assez lourd, trop peu fréquent, et lacunaire sur le plan de la stratégie d'accompagnement des universités . Jusqu'avant la réforme mise en oeuvre par le Gouvernement (cf. infra ), était constaté un déficit de dialogue stratégique entre l'État et les universités , que ces dernières regrettaient. Il n'y avait pas de dialogue de gestion annuel institutionnalisé entre la DGESIP et les universités. Traditionnellement, une vingtaine d'universités rencontraient dans l'année le ministère pour entamer un dialogue en venant exposer au ministère leurs difficultés ou en sollicitant un soutien financier.

La forme des contrats était également inadaptée , des contrats « trop longs » comme les représentants d'universités ont pu le signaler au rapporteur, avec un nombre d'indicateurs jugé élevé et peu lisible.

Par ailleurs, ces contrats étaient vivement critiqués pour leur absence de portées et de conséquences . Ainsi, les moyens attribués au titre du contrat se sont amenuisés d'année en année . Ainsi, de 2009 à 2012, les contrats pluriannuels d'établissement ont été accompagnés d'une dotation, appelée « bonus contractuel », attribuée en fonction de la qualité globale du projet d'établissement. Le montant total de cette dotation s'est élevé à 20 millions d'euros par an, soit 4 % de la dotation globale destinée aux établissements d'enseignement supérieur, hors masse salariale. L'IGAENR jugeait ainsi, en 2012, cette part « beaucoup trop faible car, dans un contexte d'établissements devenus autonomes, le contrat quinquennal demeure l'instrument le mieux adapté pour encadrer les rapports entre l'État et ses opérateurs » 7 ( * ) .

Ensuite, avec les contrats de site signés en 2013, la dotation contractuelle a consisté en une somme allouée pour la seule année 2013 sur un projet commun et structurant pour le site. Entre 2013 et 2017, une dotation d'emplois a été attribuée , s'élevant sur trois ans à 350 postes pour la première, 206 postes pour la deuxième, 215 postes pour la troisième, 247 postes pour la quatrième et 216 pour la cinquième. Sous réserve des moyens budgétaires disponibles, chaque tranche annuelle a été allouée en fonction de la réalisation des engagements souscrits, inscrits dans le contrat sous forme de jalons destinés à vérifier à intervalles négociés le degré d'avancement des actions stratégiques qui y étaient prévues.

Depuis 2018, les contrats ne comportent plus de moyens spécifiques , dans l'optique de l'instauration d'un dialogue stratégique et de gestion, qui sera présenté en seconde partie du présent rapport.

Ces limites exposées, par votre rapporteur, avaient été pointées tant par la Cour des comptes que par l'IGAENR.

Ainsi, la Cour des comptes , dans son rapport précité de 2015, sur l'autonomie des universités, estimait que « la démarche contractuelle est vertueuse car elle permet de faire un point sur la situation et la stratégie des universités. Cependant, malgré les améliorations apportées dans le processus contractuel avec les universités, les difficultés concernant la faible portée incitative du bonus contractuel et le manque de suivi par le MESR de la réalisation des objectifs du contrat n'ont pas été résolues ».

Quant à elle, l'IGAENR estimait, en 2012 également dans le rapport précité, qu' « en réduisant la part des financements incitatifs sur projet, l'État se prive d'un levier efficace pour faire évoluer les établissements et vide le contrat d'une grande partie de son intérêt , en particulier dans une période marquée par les investissements d'avenir, dont le rôle d'impulsion et d'orientation est autrement plus important. Le MESR a conduit sa politique contractuelle de manière totalement inchangée, sans prendre en compte l'existence des PIA » 8 ( * )

De même, les travaux d'évaluation réalisés par le HCERES constituent une procédure assez lourde et dépourvue de toute conséquence matérielle, hors évaluation conduisant à une labellisation. Par ailleurs, votre rapporteur regrette l'absence de contrôle du suivi fait par l'université du rapport d'évaluation. Les interactions entre le HCERES et les universités semblent ainsi limitées à la période d'évaluation qui revient tous les cinq ans.

b) Une multiplicité d'indicateurs de performance, présentant par ailleurs de nombreuses limites

L'évaluation des universités , réalisée par le ministère, dans le cadre des contrats de site ou du projet de loi de finances, avec le projet annuel de performance, repose sur des indicateurs multiples, présentant parfois certaines limites.

Les indicateurs de performance, auxquels sont soumises les universités, sont multiples : indicateurs présents dans le PAP, ceux inscrits dans les contrats de site (indicateurs spécifiques au site, indicateurs spécifiques aux établissements, et parfois référence aux indicateurs du PAP).

Par ailleurs, certains indicateurs présentent des biais méthodologiques . S'agissant du projet annuel de performance, les 23 indicateurs et 49 sous-indicateurs se rapportant aux 9 objectifs des programmes 150 « Enseignement supérieur » et 231 « Vie étudiante » présentent de nombreuses limites.

D'abord, un nombre important d'indicateurs et de sous-indicateurs reste non renseigné : cela concerne 17 des 35 sous-indicateurs du programme 150 pour 2018, soit plus de la moitié. À titre d'exemple, l'indicateur 2.1 du programme 150, « part des sortants du supérieur sans diplôme post-bac », n'est pas renseigné pour les années 2016 à 2018, en raison du mode de calcul retenu. Ce décalage temporel limite considérablement l'intérêt et la portée des indicateurs, qui ne peuvent être mobilisés pour mesurer la performance de politiques ponctuelles ou expérimentales.

Ensuite, et surtout, le suivi de l'insertion professionnelle à 36 mois est assez tardif. Les indicateurs de diplomation et d'insertion professionnelle reposent sur des enquêtes triennales, ce qui limite la pertinence au titre des restitutions annuelles en loi de finance.


* 4 Cour des comptes, « L'autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre », juin 2015.

* 5 Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche, « Étude des mécanismes internes d'allocation des moyens en crédits et en emplois dans les universités », avril 2012, p76.

* 6 Cour des comptes, « L'autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre », juin 2015.

* 7 Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche, « Étude des mécanismes internes d'allocation des moyens en crédits et en emplois dans les universités », avril 2012, p 66.

* 8 Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche, « Étude des mécanismes internes d'allocation des moyens en crédits et en emplois dans les universités », avril 2012, p 66.

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