III. LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN oeUVRE DES MOYENS D'ACTIONS À PLUSIEURS NIVEAUX

A. AGIR EN AMONT DE L'AGRESSION POUR LIMITER LA MENACE

1. Mettre en oeuvre des campagnes de sensibilisation

Les violences commises sur les sapeurs-pompiers sont souvent mal connues du grand public et les agresseurs n'ont pas toujours une conscience réelle de l'extrême gravité des actes commis. À cet égard, une campagne de prévention audiovisuelle permettrait de sensibiliser la population afin de lutter contre la banalisation de ces actes rappeler le rôle fondamental des sapeurs-pompiers dans notre société.

Dès 2018, la FNSPF avait d'ailleurs pris l'initiative d'une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux avec le slogan « #TouchePasÀMonPompier ».

Source : site internet de la FNSPF

Le plan d'action contre les violences commises contre les sapeurs-pompiers annoncé par le ministre de l'intérieur au mois de septembre 2019 comporte une campagne de sensibilisation qui devrait être mise en oeuvre d'ici la fin de l'année. Vos rapporteurs accueillent très favorablement cette annonce mais regrettent profondément que cette campagne vienne remplacer celle initialement prévue en faveur du volontariat , repoussée de ce fait à 2020 33 ( * ) .

Ils alertent également le Gouvernement sur les conséquences désastreuses que pourrait avoir une campagne « choc ». Si les images explicites ont montré leur efficacité en matière de prévention routière, elles ne semblent pas adaptées pour lutter contre les violences commises contre les sapeurs-pompiers. Un ton outrancier ou caricatural découragerait les vocations et rendrait l'engagement insupportable pour les proches des futurs pompiers. Le travail de la mission Volontariat mise en place par le ministère de l'intérieur, visant à développer l'engagement, s'en trouverait de facto sapé. Sans que le phénomène soit minimisé, vos rapporteurs appellent donc à ce que le ton juste soit trouvé.

Proposition n° 1 : Mettre en oeuvre une campagne de sensibilisation audiovisuelle contre les violences commises à l'encontre des sapeurs-pompiers afin d'alerter sur le phénomène sans décourager les vocations.

2. Aller à la rencontre des jeunes afin de créer un lien de confiance

La participation des jeunes aux missions de la sécurité civile permet d'éveiller les vocations et de créer des liens étroits ainsi qu'une connaissance réciproque entre les sapeurs-pompiers et la population. Ils sont le meilleur des boucliers contre le développement de la violence chez les générations futures. Vos rapporteurs soutiennent donc le développement de l'ensemble des structures d'échanges entre la jeunesse et les sapeurs-pompiers.

a) Les cadets de la sécurité civile

Les « cadets de la sécurité civile » ont été créés à la suite d'une expérimentation conduite en 2015 à travers une convention-cadre entre les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale 34 ( * ) . Les classes de cadets sont ouvertes aux collégiens de plus de 11 ans qui assistent à une ou deux séances par mois. Leur encadrement est assuré par du personnel sapeur-pompier et par le personnel de l'établissement scolaire, avec l'appui éventuel d'autres intervenants tels que les membres d'une association agréée de sécurité civile. Les enseignements sont articulés autour de trois axes : participer à la prévention et à la sécurité incendie, participer à la mise en oeuvre du plan particulier de mise en sûreté (PPMS) et porter secours avec la formation au secourisme « prévention et secours civiques de niveau 1 » (PSC1) 35 ( * ) .

En déplacement auprès du Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), vos rapporteurs ont pu constater tout l'intérêt de ce dispositif. Sa classe de cadets permet d'intégrer des jeunes de tous les horizons , y compris ceux des quartiers nord de la ville où se concentre une grande partie des violences urbaines. La mise en place de ce programme a permis de créer un véritable lien entre le BMPM et les jeunes, et ainsi résorber la très grande majorité des actes de violence connus dans ces quartiers. Véritable école de la vie, cette classe de cadets permet aux jeunes de développer un goût pour l'effort et une confiance en eux qui en font de véritables ambassadeurs du BMPM au sein de leur quartier et de leur école.

Les cadets du Bataillon de marins-pompiers de Marseille

1. Le dispositif des cadets

Le programme des « Cadets des marins-pompiers de Marseille » est la déclinaison, au niveau du Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM), et de la Ville de Marseille, du dispositif ministériel des « Cadets de la Défense ». Cette action a été mise en place en 2011 pour recréer des liens avec la jeunesse marseillaise, notamment issue de quartiers sensibles, dans un contexte d'augmentation des agressions contre les marins-pompiers en intervention.

2. Le programme des cadets du BMPM

En partenariat avec l'Éducation nationale, 50 jeunes des quartiers sensibles sont sélectionnés parmi les collèges implantés dans tous les arrondissements de Marseille. Le programme vise à leur faire découvrir l'univers des marins-pompiers, au travers d'activités hebdomadaires, tout au long de l'année scolaire. Celle-ci se clôture par leur participation au défilé militaire du 14 juillet. À l'issue, les Cadets sont nommés « ambassadeurs du BMPM » au sein de leurs quartiers et de leurs écoles. Ils contribuent, par leurs actions de prévention, à réduire la délinquance et les violences urbaines commises envers les marins-pompiers.

3. Le bilan des cadets

En 8 ans d'existence, près de 400 jeunes sont devenus cadets puis ambassadeurs du BMPM. Ces jeunes sont désormais des citoyens responsables et fiers, relayant les valeurs de la République.

Le programme des cadets des marins-pompiers de Marseille rencontre un vif succès et dispose d'une notoriété nationale. Le Président de la République a présidé lui-même la cérémonie de signature de la charte de la 6 ème promotion des cadets le 8 décembre 2016. Les cadets du bataillon ont servi de modèle pour la création, en 2016, du programme des « Cadets de la sécurité civile ».

4. Les perspectives

La plupart des cadets reprennent des études, notamment en lien avec les métiers de la prévention et de la sécurité. Le BMPM a passé des conventions avec leurs lycées techniques, pour continuer à les soutenir, les motiver et les aider dans leur orientation ( coaching personnalisé, passage du BAFA, soutien scolaire...).

L'objectif est de proposer un parcours complet et de continuer à accompagner les cadets après leur année d'engagement. Pour cela, le BMPM développe des partenariats afin de favoriser la réinsertion des jeunes et les mener vers le marché du travail.

Source : Bataillon des marins-pompiers de Marseille

b) Les jeunes sapeurs-pompiers

Le dispositif des jeunes sapeurs-pompiers (JSP) prend le relai des cadets de la sécurité civile en s'adressant aux jeunes de 11 à 18 ans. Actuellement autour de 30 000 36 ( * ) dans tout le pays, ces jeunes reçoivent une formation prise en charge par les unions départementales de sapeurs-pompiers ou les associations de jeunes sapeurs-pompiers 37 ( * ) . Certains lycées proposent un cursus spécialisé qui intègre cette formation dans le programme d'enseignement suivi par l'élève. Elle s'appuie le plus souvent sur une séance de travail hebdomadaire et s'étale sur 4 cycles abordant chacun cinq modules : le prompt secours, la lutte contre les incendies, la protection des biens et de l'environnement, l'engagement citoyen et les acteurs de la sécurité civile et, enfin, les activités physiques et sportives.

Source : site internet sapeurs-pompiers de France

Cette formation aboutit, le cas échéant, à l'obtention du brevet national de jeunes sapeurs-pompiers. Si le jeune sapeur-pompier souhaite prolonger son engagement, son brevet est alors reconnu lors « de la procédure de reconnaissance des attestations, titres et diplômes permettant d'accorder les validations et les dispenses de formation, soit lors d'un premier engagement comme sapeur-pompier volontaire ou militaire, soit lors du recrutement en tant que sapeur-pompier professionnel » 38 ( * ) .

c) Le service civique

D'autres dispositifs permettent également aux jeunes de s'investir dans des missions de sécurité civile . C'est notamment le cas du service civique. Créé par la loi du 10 mars 2010 39 ( * ) et réformé en 2017 40 ( * ) , le service civique « a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et offre à toute personne volontaire l'opportunité de servir les valeurs de la République et de s'engager en faveur d'un projet collectif en effectuant une mission d'intérêt général en France ou à l'étranger auprès d'une personne morale agréée » 41 ( * ) .

C'est dans ce cadre que la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) permet, par exemple, à tous les franciliens de 18 à 25 ans, qu'ils soient salariés, étudiants ou bien encore demandeurs d'emploi, de participer aux missions de secours au profit de la population parisienne 42 ( * ) . L'engagement débute par une formation de 12 jours au secourisme, à l'issue de laquelle les volontaires sont « affectés à un centre d'incendie et de secours et intégrés à une équipe opérationnelle dans un véhicule de secours à personnes, à raison de 24 heures par semaine » 43 ( * ) .

d) Le service national universel

Enfin, vos rapporteurs soulignent avec intérêt le développement du service national universel (SNU), créé à la suite de l'engagement pris par le Président de la République tendant à impliquer davantage la jeunesse française dans la vie de la Nation , à promouvoir la notion d'engagement et à favoriser un sentiment d'unité nationale autour de valeurs communes.

S'adressant, après la classe de troisième, aux jeunes filles et garçons âgés de 15 à 16 ans, le SNU est structuré autour de deux phases : une phase de cohésion, en hébergement collectif et hors de son département de résidence, de deux semaines, puis une mission d'intérêt général auprès d'une association, d'une collectivité, d'une structure publique ou d'un corps en uniforme, de deux semaines également. Chaque jeune peut ensuite poursuivre une période d'engagement de trois mois minimum 44 ( * ) . Pour l'heure, une phase de préfiguration s'est déroulée du 16 au 28 juin 2019 pour laquelle 2 000 volontaires âgés de 15 à 16 ans ont été retenus parmi 4 000 candidats. Cette préfiguration s'est limitée à la phase de cohésion dans 13 départements expérimentateurs 45 ( * ) : les Ardennes, le Cher, la Creuse, l'Eure, la Guyane, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Saône, la Loire-Atlantique, le Morbihan, le Nord, le Puy-de-Dôme, le Val-d'Oise et le Vaucluse.

Comme le soulignait déjà Catherine Troendlé dans son avis budgétaire relatif au programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2020, les SDIS sont invités à participer à la mise en oeuvre du SNU dans le but de constituer un important vivier de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, conformément aux engagements pris en 2018 devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) par Gérard Collomb, alors ministre de l'intérieur.

Vos rapporteurs soutiennent cette initiative même s'ils partagent les craintes de transferts de charge évoquées par l'avis budgétaire précité 46 ( * ) .

Proposition n° 2 : Développer la sensibilisation et l'engagement des jeunes auprès des acteurs de la sécurité civile afin de créer des liens étroits et une connaissance réciproque entre les sapeurs-pompiers et la population.


* 33 DGSCGC, Point d'avancement du plan d'action Volontariat à fin 2019, issu du comité de pilotage de la mission Action Volontariat du 28 novembre 2019.

* 34 Convention-cadre de partenariat entre le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et le ministère de l'intérieur du 18 juin 2015.

* 35 Source : circulaire n° 2016-017 du 8 décembre 2015 relative à la mise en oeuvre du programme des cadet-te-s de la sécurité civile au sein des établissements scolaires.

* 36 Source : site internet des Sapeurs-pompiers de France ? www.pompiers.fr

* 37 Article 4 de l'arrêté du 8 octobre 2015 relatif aux jeunes sapeurs-pompiers.

* 38 Ibidem , article 11.

* 39 Loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

* 40 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 41 Article L. 120-1 du code du service national.

* 42 D'autres missions sont proposées au sein de SDIS. Leur liste est disponible sur le site internet dédié au service civique.

* 43 Site internet de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, https://www.pompiersparis.fr/fr/

* 44 Source : site www.jeunes.gouv.fr

* 45 Il n'existe pas encore de base constitutionnelle et législative pour rendre ce service obligatoire auprès de toute une classe d'âge.

* 46 Avis n° 146 (2019-2020) de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2019, page 22.

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