III. SECONDE SÉQUENCE : LES BONNES PRATIQUES ET MOYENS MIS EN oeUVRE POUR UNE ALIMENTATION SAINE ET DURABLE

A. M. GILLES PÉROLE, MAIRE-ADJOINT DE MOUANS-SARTOUX, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION « UN PLUS BIO »

M. Gilles Pérole, maire-adjoint de Mouans-Sartoux, président de l'association « Un Plus Bio ». - À l'origine du projet de cantine 100 % bio à Mont-Sartoux, on trouve le principe de précaution. L'idée est née en 1998, au moment de la crise de la vache folle. Comme il était interdit de servir du boeuf dans les cantines, nous sommes passés au boeuf bio. On a pris conscience des effets possibles des techniques agricoles sur la santé et l'environnement. M. André Aschieri, à l'époque député-maire de la commune, présidait un groupe de travail sur la santé et l'environnement d'où est sortie l'idée de créer l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, qui a depuis été intégrée à l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Il essayait de mettre en oeuvre localement le principe de précaution. Les scientifiques nous alertent sur les risques sanitaires liés à l'utilisation de produits chimiques dans l'agriculture. La question pour les décideurs publics est de trouver les moyens pour en tenir compte dans leurs décisions. Les citoyens sont aussi très informés. Il existe une attente sociétale forte.

À Mouans-Sartoux, nous organisons un festival du livre depuis trente ans, au cours duquel nous accueillons 60 000 personnes en trois jours. Ce festival, lieu de débats et de discussions, a alimenté nos réflexions et nous avons construit notre projet à la lumière de ces sources d'information. C'est un élément important à noter, ce festival a servi de base à la construction d'une culture commune avec la population.

J'en reviens à l'alimentation. Le Grenelle de l'environnement avait fixé un objectif de 20 % de bio dans les cantines en 2012. Nous n'en sommes encore, au niveau national, qu'à 4 %... Si le bio est important, pourquoi ne pas basculer totalement ? On a donc décidé, en 2008, de passer le plus vite possible au 100 % bio. On voulait le faire à coût constant. En fait, en passant de 20 % d'aliments bio en 2008 à 100 % en 2012, on a économisé 6 centimes par repas sur le coût des achats - le coût d'achat des repas est passé de 1,92 euro à 1,86 euro. L'économie réalisée tient au changement des pratiques et à la réduction du gaspillage alimentaire, qui représente un tiers des volumes en restauration collective !

Outre la question du coût, il fallait résoudre la problématique de l'approvisionnement. Le département des Alpes-Maritimes n'est plus une terre agricole, à l'exception des fleurs pour les parfums. L'élevage et le maraîchage dans l'arrière-pays ont disparu au profit d'une urbanisation galopante.

Il est possible d'acheter local par le biais de marchés publics -- on a essayé --, mais personne n'a répondu puisqu'il n'y avait plus de producteurs. On a donc créé une régie municipale agricole. Depuis 2011, nous produisons les légumes de notre cantine. Sur un terrain de 6 hectares, nous avons salarié trois agriculteurs qui produisent 27 tonnes de légumes et couvrent 95 % de nos besoins pour fournir les 1 300 repas servis chaque jour dans la commune. La conclusion est donc que les solutions viennent souvent des territoires et que les élus locaux sont capables de les construire.

Dans le plan local d'urbanisme de 2012, nous avons classé 112 hectares en zone agricole, contre 40 précédemment, la commune ayant une superficie de 1 350 hectares. Cela ne suffit pas à nourrir la population, mais cette décision a constitué un marqueur politique à quelques mois des municipales.

Nous partageons notre expérience avec d'autres villes européennes, dans le cadre du programme de coopération territoriale européen « Urbact » au sein du réseau « Biocanteens », ainsi qu'avec neuf villes françaises dans le réseau « Cantines durables - Territoires engagés ». Nous accompagnons ces collectivités pendant deux ans pour les aider à impulser une dynamique adaptée aux problématiques locales. On a aussi créé, avec l'université Côte-d'Azur, une formation universitaire pour former des chefs de projet en alimentation durable dans les collectivités. Ainsi, en trois ans, une cinquantaine de personnes ont été formées.

Le réseau des territoires « Un Plus bio » regroupe 280 communes, sept départements et une région, avec l'objectif de travailler ensemble pour développer la restauration collective bio locale et durable. Il s'agit d'un échange de bonnes pratiques entre territoires. Nous organisons chaque année les « Victoires des cantines rebelles », à l'Hôtel de ville de Paris, qui récompensent et mettent en lumière les expériences réussies afin de donner des idées à d'autres territoires. Nous souhaitons aussi faire évoluer les lignes au niveau national. Lorsque le Sénat hésitait sur l'objectif de 20 % de bio dans les cantines, lors de l'examen de la loi Egalim, nous avions publié avec Joël Labbé une tribune dans Libération pour défendre cet objectif et réaffirmer qu'il était accessible. Finalement, le seuil de 20 % de produits bio a été adopté. Ce seuil, qui figurait déjà dans le Grenelle de l'environnement, représente une étape, mais nous considérons qu'il faut aller au-delà. Il ne doit pas constituer un plafond de verre pour l'alimentation bio. Je vous invite à engager la réflexion pour aller vers une loi Egalim 2 et poursuivre la dynamique après 2022.

Nous travaillons aussi sur les enjeux de production. Dominique Granier, président de la Safer Occitanie, ancien président de la chambre d'agriculture du Gard et ancien président départemental de la FNSEA, a identifié 58 000 hectares de friches en Occitanie qui pourraient être dédiés à la production d'alimentation bio. Le potentiel existe, il faut l'exploiter.

Un mot sur les marchés publics. En jouant sur les critères d'attribution, il est possible de favoriser l'approvisionnement local, mais les petits agriculteurs ne peuvent pas répondre aux marchés publics, car il faut s'inscrire sur une plateforme avec une procédure administrative lourde. Surtout, comment s'engager à l'avance à fournir une production que l'on n'est pas sûr de pouvoir produire ? Les aléas climatiques, comme les inondations ou les canicules, peuvent détruire les récoltes. En juin prochain, à l'invitation de Marc Tarabella, député européen belge, nous plaiderons au Parlement européen pour la création d'une exception alimentaire dans les marchés publics, en nous inspirant des travaux de François Collart-Dutilleul, chercheur en droit de l'alimentation. L'alimentation n'est pas une marchandise comme les autres. Elle devrait être traitée différemment dans les marchés publics. Nous souhaitons qu'il soit autorisé de procéder à l'octroi en gré à gré d'une partie de chaque lot d'un marché public, sous réserve d'un approvisionnement auprès de petits producteurs locaux qui travaillent en bio.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci pour ces éléments. Les marchés publics ont permis de rendre plus transparentes les procédures, mais ils ne doivent pas être rigides en effet. Je cède la parole à M. Benoît Bordat, conseiller métropolitain de Dijon Métropole délégué à l'agriculture périurbaine, en charge du projet « Alimentation durable 2030 ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page