C. ÉCHANGES DE VUES AVEC LES INTERVENANTS

M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci. Je ne voulais pas paraître pessimiste en parlant des difficultés à réaliser les transitions : quand il y a un projet, on trouve les moyens, mais si le projet n'existe pas ou que l'on se décourage, la question des moyens reste ouverte.

Je souscris tout à fait à vos propos sur l'alliance des territoires. C'est indispensable. Les démarches volontaristes de rapprochement entre collectivités sont une voie d'avenir.

M. Marc Daunis . - Il faut trouver les équilibres dans les usages de la nature, lieu d'agrément, lieu de production ; c'est une question d'aménagement du territoire. Comment rester dans l'équilibre, éviter le grignotage urbain ? Pour lancer la vigne communale, nous avons dû abattre des arbres, qui avaient eux-mêmes un impact et une fonction dans le paysage. On ne peut s'arrêter au nombre d'arbres, la réflexion doit être globale.

Quand j'ai créé le Parc naturel, nous nous sommes demandé, avec l'industrie grassoise du parfum, comment retrouver des emplois : il nous a fallu dix ans...

Il faut donc dépasser le périmètre de la commune, nous devons avoir une vision plus vaste du territoire. Comment changer d'échelle dans un département qui, à l'instar des Alpes-Maritimes, compte plus d'1,5 million d'habitants ? Avec quelle production locale ? Comment privilégier les circuits courts, plutôt qu'une labellisation bio qui peut ne pas suffire sur le territoire et conduire à importer plus d'aliments, avec donc plus de transports, de pollution ?

M. Joël Labbé . - Je crois centrale la question de la relocalisation de l'alimentation, et donc celle de la sûreté alimentaire. Tout ce qu'on pourra relocaliser sera autant de gagné pour la rémunération des agriculteurs, mais aussi pour la réconciliation avec le monde agricole. Je suis convaincu que la grande majorité de nos concitoyens aiment les agriculteurs. J'attends qu'autour de la table on en discute, au nom du bien commun et des générations futures. Il faut également prendre en compte les travaux sur la résilience alimentaire et la sécurité civile : si les circuits sont coupés, notre pays ne peut se nourrir au-delà de quelques jours : il faut en être conscient.

Merci et bravo pour le choix des intervenants ; des territoires agissent déjà, on a besoin d'audace politique.

Enfin, si les projets alimentaires territoriaux sont facultatifs dans la loi d'avenir agricole, il nous manque un référentiel qui éviterait la dispersion. Pourquoi ne pas prendre exemple sur l'organisation territoriale avec les SCoT ?

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous pourrions organiser une table ronde plus large, avec des représentants du monde agricole ; nous sommes dans notre rôle en entendant tous les points de vue et en cherchant des solutions d'équilibre.

M. Benoît Bordat . - En matière de production locale, nous sommes tout de même attachés à la certification, comme la Haute valeur environnementale (HVE), par exemple, et nous devons donner des moyens aux agriculteurs, en bio notamment, car le local en soi n'est pas une garantie de qualité. Ensuite, l'alliance des territoires ne concerne pas seulement la production, mais offre aussi des opportunités pour des unités de transformation.

Nous avons une part de responsabilité dans l'« agribashing », parce que nous ne disposons pas d'instances locales dans lesquelles l'urbain et le rural seraient obligés de se croiser et d'échanger. Il est primordial de créer ces espaces de dialogue.

Cela dit, nous sommes disponibles pour qui le souhaite, nous collaborons déjà avec beaucoup d'opérateurs et ces nombreuses initiatives ont donné lieu à des publications.

Enfin, je souhaitais vous soumettre une difficulté juridique : nous peinons à accompagner des projets agricoles par des financements, car notre métropole ne dispose pas de la compétence agricole. Nous avons des leviers au titre du développement économique, mais rien qui touche spécifiquement au secteur agricole.

M. Jean-Marie Bockel, président . - L'association France urbaine, en lien avec le Parlement et l'exécutif, peut réfléchir à cette dimension, mais gardez à l'esprit que ce qui n'est pas interdit est possible.

Comment organisez-vous votre relation avec les territoires qui se situent en dehors de la métropole sur ces sujets ?

M. Benoît Bordat . - Nous avons rencontré treize communautés de communes, que nous avons fédérées dans une alliance territoriale, avec lesquelles nous avons passé des contrats écologiques en fixant ensemble des objectifs. Nous contractualisons donc avec les territoires. L'alimentation est une porte d'entrée, qui nous permet ensuite d'aborder la question des déchets, de l'eau et d'envisager des partenariats. La mise en place d'un PAT, qui coûte très cher, nous permet donc ensuite de les accompagner par l'exemple, car l'alimentation fait consensus au-delà des clivages politiques.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci pour ces précisions que je voulais vous entendre dire.

M. Gilles Pérole . - Je vous enverrai la référence de l'observatoire de « Un Plus Bio » : on apprend beaucoup de choses intéressantes d'un échantillon de 600 000 repas par jour ! Le déclencheur de ces projets, c'est à 65 % la volonté politique.

Il faut également réfléchir à l'aménagement : aujourd'hui, toute la ceinture alimentaire est devenue ceinture économique, avec des commerces et des bureaux, alors que l'on envisage de créer une agriculture urbaine sur les toits, des fermes verticales en ville, etc. C'est marcher à l'envers : il faut sauver les terres agricoles en périphérie.

La meilleure entrée, c'est la souveraineté alimentaire, une expression chère à « Un Plus Bio » : chaque territoire doit décider de ce qu'il accepte de manger, de la provenance et de la qualité de la nourriture, et ce, pour chaque aliment. Je ne suis pas d'accord pour considérer, comme cela a été dit, que le local était préférable au bio. Il faut les deux ; à défaut, cela signifierait que l'on fait passer les pesticides sur nos territoires. On a vu le changement qu'a entraîné, il y a quelques années, le passage du bio au local « raisonné » : attention à la qualité ! Ce point est intimement lié au PAT, car construire la souveraineté alimentaire, c'est mettre en ordre de marche les acteurs locaux de l'alimentation.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie pour tous ces échanges très intéressants.

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