C. UNE RÈGLEMENTATION QUI NE PERMET PAS UN CONTRÔLE EFFICACE DES QUALIFICATIONS

1. Des délais d'examen très encadrés

L'article 51 paragraphe 2 de la directive 2005/36/CE prévoit que dans le cadre de la reconnaissance mutuelle automatique des qualifications professionnelles, l'autorité compétente de l'État membre d'accueil délivre une autorisation d'exercice dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet de l'intéressé. Or, le droit français autorisait la prorogation d'un mois de ce délai, comme dans le cas du régime général de reconnaissance mutuelle des qualifications.

Le 24 janvier 2019, la France a alors été destinataire d'une mise en demeure de la Commission européenne relative à la transposition de la directive 2005/36/CE. Un projet de décret en Conseil d'État a donc été préparé pour supprimer la prorogation du délai d'expertise dans le cadre de la reconnaissance mutuelle des qualifications des professionnels de santé relevant du régime de la reconnaissance automatique.

2. La difficile mise en oeuvre de mesures de compensation

La difficulté à mettre en oeuvre les mesures de compensation est particulièrement aigüe en France.

L'ordre des masseurs-kinésithérapeutes considère que la commission d'autorisation d'exercice donnant un avis sur les mesures compensatoires à mettre en oeuvre pour permettre la reconnaissance des qualifications professionnelles est parfois soumise à des pressions locales. Ces pressions proviennent notamment de certains établissements de santé (notamment thermaux) afin d'accueillir plus facilement des professionnels.

Par ailleurs, la plupart des mesures compensatoires prescrites prennent la forme de stages alors qu'il existe un manque criant de professionnels en établissements de santé, donc peu d'encadrants suffisamment disponibles pour que le stage soit réalisé dans de bonnes conditions. En outre, dans le cadre de stage en cabinet libéral, l'ordre a pu constater des validations de complaisance. Or, ces validations sont difficiles à contester, l'ordre n'ayant pas de pouvoir d'enquête.

3. La carte professionnelle européenne

La carte professionnelle européenne (CPE) est un certificat électronique établi sur la base des déclarations du demandeur par l'État membre d'origine. Elle vise à simplifier les procédures de reconnaissance des qualifications. Les informations sont communiquées à l'État membre d'accueil via le système IMI (système d'information du marché intérieur). Aujourd'hui, cette carte est opérationnelle pour trois professions médicales : les pharmaciens, les infirmiers de soins généraux et les masseurs-kinésithérapeutes.

L'ordre des pharmaciens a indiqué que le règlement d'exécution 2015/983 précise que les tiers intéressés peuvent vérifier la validité de la CPE en ligne et qu'un message d'avertissement indiquant que la CPE ne constitue pas une autorisation d'exercer la profession dans l'État membre d'accueil est également affiché. Or, l'ordre a constaté que ce message n'apparaît pas sur l'outil en ligne proposé par la Commission européenne. Par conséquent, un employeur peut, de bonne foi, croire qu'un pharmacien titulaire d'une CPE est en droit d'exercer la profession, c'est-à-dire inscrit à l'ordre, alors que ce n'est pas le cas.

En outre, l'article 4 quinquies de la directive 2005/36/CE prévoit des délais plus courts d'examen des demandes de reconnaissance des qualifications professionnelles présentées par le biais de la carte professionnelle européenne : un mois dans le cadre de la reconnaissance automatique et deux mois dans le cas du régime général. Ces délais peuvent être prolongés de quatre semaines au plus en cas de documents manquants. Si les documents manquants ne sont pas fournis par l'État membre d'origine dans un délai de trois mois, la demande est caduque.

Si tous les documents sont réunis et que l'État membre d'accueil ne statue pas dans les délais impartis, la reconnaissance des qualifications est alors tacite. Pour l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, ce délai est trop court. Couplé à un système de reconnaissance tacite des qualifications, il ne permet pas de garantir la sécurité des patients.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page