2. Une mobilité toutefois tempérée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne

La jurisprudence européenne reconnaît des limites légitimes à la mobilité des professions de santé. Elle autorise les restrictions à la liberté de circulation et d'établissement si :

- elles ne sont pas fondées sur la nationalité ou l'État d'origine (pratique discriminatoire) ;

- elles respectent les principes de la directive 2005/36/CE ;

- elles sont justifiées par la protection de la santé publique ou le maintien de l'équilibre financier du système de sécurité sociale

- elles sont de nature à atteindre le but poursuivi ;

- elles sont proportionnées.

a) Le respect du principe de non-discrimination et de la reconnaissance automatique pour les professions sectorielles

Certes, toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite, comme l'a rappelé la Cour de justice de la Communauté européenne dans son arrêt du 6 octobre 1981 9 ( * ) .

Dans un arrêt du 6 décembre 2018 10 ( * ) , la Cour a précisé que l'État membre d'accueil n'a pas à vérifier par lui-même le respect de la condition de durée d'une formation prévue pour l'exercice d'une profession dite sectorielle. Il peut toutefois solliciter l'État d'origine, à qui il appartient d'effectuer cette vérification.

b) Le respect des compétences des États membres

La jurisprudence admet toutefois que les États membres posent des limites à la mobilité des professions de santé, notamment pour protéger la santé publique.

Ainsi, dans son arrêt du 4 juillet 2000 11 ( * ) , la Cour a jugé qu'un médecin qui justifie d'un diplôme de médecin spécialiste obtenu dans un autre État membre, mais ne figurant pas sur la liste des formations spécialisées listées à l'annexe V de la directive 2005/36/CE, ne peut porter le titre professionnel de médecin spécialiste correspondant dans l'État d'accueil.

Concernant les pharmaciens, la Cour, dans un arrêt du 19 mai 2009 12 ( * ) , a jugé que le fait d'empêcher des personnes n'ayant pas la qualité de pharmacien de détenir et d'exploiter des pharmacies n'était pas un obstacle à la libre circulation des personnes. De même, s'agissant des laboratoires de biologie médicale, dans un arrêt du 16 décembre 2010 13 ( * ) , la Cour a considéré que la limitation à 25 % des parts sociales et des droits de vote pouvant être détenus par des non-biologistes au sein des Selarl 14 ( * ) est proportionnée à l'objectif poursuivi de protection de la santé publique.

Par ailleurs, dans un arrêt du 11 septembre 2008 15 ( * ) , la Cour a estimé qu'exiger qu'une pharmacie soit implantée dans l'État membre pour pouvoir approvisionner un hôpital de cet État est compatible avec le droit européen puisque cette mesure a pour objectif de garantir un approvisionnement optimal nécessaire pour assurer un niveau élevé de protection de la santé publique.

Concernant les prothésistes dentaires, la Cour, dans un arrêt du 21 septembre 2017 16 ( * ) , a jugé qu'un État membre peut imposer que l'exercice de cette profession se fasse sous la supervision d'un praticien de l'art dentaire.


* 9 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A61980CJ0246

* 10 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=208556&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=7190108

* 11 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=45420&doclang=fr&mode=&part=1

* 12 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=78517&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=7190434

* 13 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=79386

* 14 Société d'exercice libéral à responsabilité limitée

* 15 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62007CJ0141

* 16 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=194784&doclang=FR

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