III. UNE MOBILITÉ QUI AFFECTE LES CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET SUSCITE DES INQUIÉTUDES

A. DES INQUIÉTUDES RELATIVES À LA QUALITÉ DES SOINS

1. Le risque que la médecine devienne une activité commerciale

Le droit européen encourage la libre circulation des professionnels de santé et vise à supprimer les obstacles liés à l'accès aux professions réglementées pour développer le marché intérieur.

Dans le cadre du Semestre européen 2020, le rapport pour la France publié par la Commission européenne, le 26 février dernier, précise en effet que les conditions d'accès à certaines professions réglementées, et un certain nombre de réglementations et de tarifs imposés, ne sont pas propices à l'investissement. La Commission ajoute que ces restrictions ont une incidence négative sur le dynamisme des entreprises, la compétitivité et l'offre de services professionnels, au détriment du consommateur final. Ces recommandations vont dans le sens des observations formulées par l'OCDE : ouvrir davantage les professions réglementées et poursuivre la simplification des réglementations qui leur sont applicables pourrait stimuler la croissance de la productivité et accroître le PIB par habitant.

Cette assimilation des professions de santé à n'importe quelle autre activité économique et commerciale inquiète les professionnels de santé qui la jugent incompatible avec l'exercice de missions d'intérêt général par les professionnels de santé au profit des patients.

Le risque est de voir importées en France des réglementations en vigueur dans d'autres États membres qui auraient pour conséquence d'introduire une logique de rentabilité dans l'exercice des professions de santé. Cela pourrait conduire à une remise en cause de l'exercice libéral de ces professions et à l'entrée au capital des cabinets ou des pharmacies d'investisseurs privés.

Entendu par votre rapporteur, l'ordre des chirurgiens-dentistes a fait valoir que la profession ne pouvait pas être pratiquée comme un commerce. De même, l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a estimé que la mobilité ne pouvait poursuivre uniquement des objectifs économiques, au détriment de la santé publique.

Leurs craintes ont été renforcées par un arrêt n° C-339/15 du 4 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne 7 ( * ) qui a considéré que « l'interdiction générale et absolue de toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires est incompatible avec le droit de l'Union européenne », ouvrant la voie à une banalisation commerciale de ces prestations de santé.

Le 24 janvier 2019, la Commission européenne a alors adressé une mise en demeure à la France de se mettre en conformité avec le droit européen. Elle précisait toutefois que les objectifs de protection de la santé publique et de dignité de la profession pouvaient justifier un encadrement des formes et des modalités des outils de communication utilisés.

Le 6 novembre 2019, le Conseil d'État a rendu une décision 8 ( * ) estimant que la ministre des solidarités et de la santé aurait dû abroger des dispositions du code de la santé publique interdisant de manière générale la publicité. Il a en outre précisé qu'il incombait au pouvoir réglementaire de définir les procédés de publicité compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de dignité de la profession médicale.

Des travaux sont en cours au sein de chacun des ordres professionnels pour revoir les dispositions des codes de déontologie relatives à la communication des professionnels de santé. Elles seront in fine prises par voie réglementaire. Selon l'ordre des infirmiers, la publicité doit correspondre à une information objective sur les compétences des professionnels. L'ordre national des pharmaciens a indiqué, quant à lui, avoir accepté un assouplissement des règles pour la parapharmacie mais pas pour les médicaments à prescription obligatoire.


* 7 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=190323&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=7189142

* 8 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000039335844&fastReqId=150254439&fastPos=21

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