B. AU NIVEAU LOCAL, RENFORCER LA COORDINATION DES ACTEURS ET LE PILOTAGE DÉPARTEMENTAL POUR UNE RÉPONSE COHÉRENTE SUR TOUT LE TERRITOIRE

Au niveau local, la refonte de l'architecture institutionnelle doit passer par un renforcement de la coordination des acteurs et du pilotage départemental pour une réponse cohérente sur tout le territoire pour les femmes victimes de violence.

Il convient de renforcer la coordination des actions sur les territoires, non seulement pour faciliter les démarches des femmes victimes de violences mais aussi pour rendre visible et pérenne cette politique .

1. Renforcer le réseau d'acteurs locaux, une nécessité pour la survie de cette politique et une réponse homogène sur le territoire
a) Une meilleure coordination des actions sur les territoires est indispensable à cette politique publique

Une meilleure coordination des actions est indispensable . En dehors du travail des associations spécialisées, les actions contre les violences à l'encontre des femmes mobilisent différents ministères, des services déconcentrés de l'État et des collectivités territoriales.

La nomination de personnes référentes sur les violences à l'encontre des femmes au sein de chacune de ces structures permettrait de mieux coordonner les actions , mieux communiquer, prendre des décisions plus rapidement et aussi mieux lutter contre les résistances qui peuvent exister au sein de chacune des institutions sur cette problématique.

Conserver ce réseau d'acteurs est essentiel pour faciliter les démarches des femmes victimes de violences et rendre visible cette politique.

Il convient ainsi de renforcer la coopération plutôt que la concurrence des associations, qui permettrait une mise en oeuvre plus efficace de la politique publique sur le terrain . Il est nécessaire d'éviter, par exemple, la mise en oeuvre d'appels à projets avec des délais trop resserrés, empêchant, comme pour le « fonds Catherine », les associations de se regrouper pour y répondre.

b) Éviter les « zones blanches »

Il faut faire en sorte que les bonnes pratiques d'un territoire dues aux initiatives d'un réseau d'acteurs deviennent pérennes et puissent se retrouver sur tout le territoire.

Le guide des bonnes pratiques géré par la MIPROF doit être enrichi. Il est nécessaire que les femmes puissent avoir une réponse cohérente sur tout le territoire, au niveau départemental ou infra-départemental, et ne pas laisser subsister de « zones blanches ».

Il faut aussi que les réseaux d'acteurs s'institutionnalisent et s'ancrent le plus possible dans des institutions. L'enjeu est donc d'« ancrer dans le dur » cette jeune politique publique. Il faut que les formes d'organisation soient structurelles et tendent vers une homogénéité de pratiques selon les territoires.

2. ...en l'institutionnalisant, autour d'un pilotage départemental qu'il faut renforcer et homogénéiser

Il s'agit de renforcer et d'homogénéiser le pilotage départemental, en veillant à la mise en oeuvre de la déclinaison locale de cette politique publique et notamment du Grenelle sur tout le territoire.

Cette exécution locale peut passer par :

- le renforcement d'outils déjà existants, sur la question de la lutte contre les violences faites aux femmes , comme les contrats locaux contre les violences au sein des conseils locaux de prévention de la délinquance, les sous-commissions ou formations au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes, les conseils locaux d'aide aux victimes ou des comités et dispositifs ad hoc ;

- ou par des outils nouveaux, comme la réinstauration d'une commission départementale de lutte contre les violences et la prostitution, supprimée en 2006 23 ( * ) .

a) Renforcer et homogénéiser le pilotage départemental...
(1) Veiller à la mise en oeuvre de la déclinaison locale de cette politique publique et notamment du Grenelle sur tout le territoire...

L'enjeu est l'application au niveau local de cette politique et notamment des mesures du Grenelle contre les violences conjugales. Les rapporteurs spéciaux attendent la publication de la circulaire du ministère devant organiser la déclinaison locale du Grenelle. Elle doit passer par le renforcement des outils de pilotage et de gouvernance sur cette question.

Le rôle du réseau déconcentré dans le suivi de cette mise en oeuvre locale est également essentiel . Cette dernière peut se faire, en lien par exemple avec les associations d'élus, comme l'ADF ou l'AMF.

En tout état de cause, l'application de cette politique doit être harmonisée selon les territoires . Les critères d'attribution et de répartition des différents dispositifs de lutte contre les violences, comme le téléphone grave danger par exemple, doivent être le plus homogènes possibles sur le territoire.

En revanche, les rapporteurs spéciaux tiennent à rappeler que les collectivités ne peuvent pas porter seules la déclinaison locale de cette politique, notamment sur le plan financier . L'État devra veiller à accompagner les territoires, pour cette mise en oeuvre, et à soutenir budgétairement les dispositifs nécessaires.

(2) ...par le renforcement d'outils existants ou la réinstauration d'une commission départementale de lutte contre les violences et la prostitution

Cette déclinaison locale et cette systématisation du travail partenarial entre forces de sécurité, de justice, de santé pourrait se faire via l'installation d'une commission départementale sur les violences faites aux femmes dans tous les départements . Cet organe pourrait fusionner avec la commission départementale de lutte contre la prostitution existante.

Elle pourrait également, selon les territoires, reposer sur les comités existants précités ou sur des structures comme les observatoires territoriaux qu'il conviendrait de renforcer.

(3) Affirmer le rôle des directrices régionales et des déléguées départementales

Les rapporteurs spéciaux considèrent comme essentiel de doter ces agents des moyens nécessaires pour remplir leurs missions . Cela peut passer, a minima , par une adaptation des formes d'organisation à trouver au niveau de chaque territoire, avec par exemple des décharges de temps de fonctionnaires exerçant au sein des administrations déconcentrées de rattachement des délégués.

Par ailleurs, nommer des hommes à ces postes serait également une façon de renforcer la mise en oeuvre de la politique sur le territoire.

b) ...mais laisser des marges de manoeuvre aux collectivités

Le but est d'avoir, sur chaque territoire, une structure dédiée aux violences faites aux femmes et identifiée par les acteurs , qui institutionnalise ce travail partenarial entre forces de sécurité, de justice, de santé, associations... Cette structure doit réunir toutes les parties prenantes, et ce, de façon régulière, pour ancrer, enfin, cette politique publique dans le dur.

Il convient ainsi de laisser de la latitude aux collectivités sur les outils de pilotage, tout comme sur la mise en oeuvre d'expérimentations. Les initiatives locales permettent parfois de mettre en oeuvre plus vite et de façon plus efficace des dispositifs novateurs. Les collectivités locales sont des laboratoires d'expérimentation qu'il faut préserver et sur lesquels il faut s'appuyer.

L'important est de « laisser faire ce qu'il se fait sur les territoires, des choses formidables s'y passent », comme a pu le dire la secrétaire générale de la MIPROF aux rapporteurs spéciaux, qui ajouteraient, tout en veillant à ce que l'État ne se désengage pas de cette politique publique essentielle.


* 23 Les commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes, mises en place en 1989, n'existent plus depuis le décret n°2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives.

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