B. CONFORTER LE RÔLE DE L'ART EN MATIÈRE D'ATTRIBUTION DES NOUVELLES CONCESSIONS

Le département des partenariats public-privé qui est chargé de l'attribution des nouvelles concessions est dans une position plus forte en raison de la mise en concurrence qu'il organise que lorsque la DGITM négocie des avenants ou des contrats de plan sans mise en concurrence.

Pour autant, le rôle de l'ART, qui formule des avis simples sur les attributions de nouvelles concessions, pourrait utilement être renforcé .

1. Un processus piloté par le département des partenariats public-privé

Lors de l'attribution de nouvelles concessions, l'État se trouve généralement en position favorable compte tenu de la concurrence qui s'exerce entre les entreprises candidates pour remporter l'appel d'offres.

Cette pression concurrentielle lui permet de défendre au mieux ses intérêts et ceux des usagers, en retenant l'offre la plus avantageuse et en fixant un cadre contractuel protecteur. Les nouveaux contrats de concession attestent, en effet, d'une plus forte régulation des sociétés concessionnaires et d'un meilleur partage des fruits de la concession par rapport aux contrats historiques.

Par ailleurs, au cours de la procédure de mise en concurrence de nouvelles concessions, l'État est systématiquement assisté par des conseils extérieurs, juridiques et financiers afin, comme le relève l'Autorité de régulation des transports (ART) dans son récent rapport sur l'économie des concessions autoroutières, de « renforcer la sécurité juridique de la procédure et à fournir un appui au concédant dans la défense de ses intérêts et de ceux des usagers du service public autoroutier » 269 ( * ) .

L'élaboration des nouveaux contrats de concession autoroutière est en effet pilotée par le département des partenariats public-privé du ministère de la transition écologique, qui bénéficie de l'appui de trois cabinets de conseil. Ce département peut également s'appuyer sur l'expertise de Fin Infra, un service à compétence nationale intégré au ministère de l'économie et des finances compétent en matière de financement des projets d'infrastructure.

2. Les moyens de contrôle de l'ART pourraient être renforcés

L'ART formule des avis utiles sur les avenants aux contrats de concessions et l'attribution des nouvelles concessions. La commission d'enquête constate toutefois que certains aménagements pourraient être apportés afin de renforcer l'efficacité de ces contrôles.

a) Allonger le délai d'instruction des avis

Selon les éléments transmis à la commission d'enquête par l'ART, le délai d'instruction de trois mois dont disposent ses services pour expertiser les projets d'avenants ou de nouveaux contrats de concession autoroutière est trop court , et ce d'autant plus que de multiples échanges avec la DGITM s'avèrent généralement nécessaires en raison de dossiers de saisine souvent trop succincts pour permettre à l'Autorité de se prononcer.

Proposition n° 10 : porter de trois à quatre mois le délai d'instruction des avis de l'ART sur les projets d'avenants et les nouveaux contrats de concession pour lui permettre de procéder à une analyse approfondie.

b) Prévoir un accès élargi et anticipé aux informations utiles

L'ART n'a pour l'heure rendu que deux avis sur de nouvelles concessions (le projet abandonné d'A45 entre Saint-Étienne et Lyon et le projet d'A79 dans l'Allier).

Dans les deux cas, elle a émis un avis favorable . Elle estime toutefois qu'elle ne dispose pas en l'état de toutes les informations dont elle a besoin pour mener à bien son instruction , en particulier sur les coûts du projet , les coûts de construction d'une nouvelle infrastructure autoroutière étant particulièrement difficiles à estimer 270 ( * ) .

(1) Un droit d'accès à tout document utile

Pour formuler son avis sur l'attribution des nouvelles concessions, l'ART se fonde sur l'appel d'offres et le dossier de candidature retenu par la DGITM. Elle n'est en effet saisie qu' après la désignation du concessionnaire pressenti , c'est-à-dire seulement une fois que le concédant a effectué son choix.

En outre, ni le rapport d'analyse des offres effectué par la DGITM , ni les offres des autres soumissionnaires non retenus ne lui sont transmis .

Or, comme l'a indiqué son président lors de son audition par la commission d'enquête, ces éléments permettraient à l'ART de mettre en oeuvre un contrôle plus efficace sur les coûts prévisionnels des nouvelles concessions.

Afin qu'elle puisse procéder à une évaluation mieux documentée de la pertinence des coûts prévisionnels affichés, il paraît utile qu'elle puisse avoir accès à l'ensemble des éléments de la procédure de mise en concurrence dont elle a besoin pour mener à bien ses analyses, y compris les offres non retenues.

L'article L. 122-8 du code de la voirie routière pourrait ainsi être complété pour prévoir qu'à des fins d'instruction, l'ART a communication de tout document qu'elle estime utile à ses travaux .

Proposition n° 11 : prévoir que le ministère chargé des transports fournisse à l'ART, en cas d'attribution d'une nouvelle concession autoroutière, tout élément utile à l'instruction de son avis relatif au concessionnaire désigné, en particulier les dossiers présentés par les candidats non retenus, ce qui lui permettrait de mettre en oeuvre un contrôle plus efficace sur les coûts prévisionnels.

(2) Un avis simple sur le dossier de consultation

Afin de pouvoir vérifier en temps utile que les projets de travaux confiés au concessionnaire sont définis avec un niveau de détail et de précision suffisant qui permette de contrôler les coûts prévisionnels retenus par les candidats dans leur offre, il paraît souhaitable que l'ART ait communication du dossier d'appel d'offres avant le lancement de la procédure et soit appelée à rendre un avis simple sur le dossier de consultation .

Bien entendu, cet avis serait sans conséquence sur le choix de l'attributaire qui revient à la DGITM, à partir des critères de sélection retenus.

Proposition n° 12 : prévoir que l'ART rend un avis simple, avant le lancement d'un appel d'offres, sur le dossier de consultation pour l'attribution d'une nouvelle concession afin de vérifier qu'il permettra un contrôle des coûts prévisionnels.

(3) Permettre à l'ART de disposer des informations lui permettant d'assurer un suivi de la rentabilité des concessions depuis 2002

Dans son premier rapport quinquennal sur l'économie des concessions, l'ART a, faute de disposer des informations nécessaires sur les années précédentes, cantonné son analyse aux variations de la rentabilité des sociétés d'autoroutes sur années 2017-2019 271 ( * ) , ce qui limite fortement les enseignements que l'on peut en tirer s'agissant de l'évolution de la rentabilité des concessions autoroutières.

Il serait utile que cet exercice puisse être conduit sur une période plus longue, à partir de 2002 , date de troncature retenue par l'ART, et qu'il puisse en être rendu compte dans le prochain rapport quinquennal.

Il conviendrait par conséquent que l'ART soit en mesure de collecter auprès des SCA les données financières qu'elle estime nécessaires , en particulier les études financières prévisionnelles annuelles, depuis cette date.

Proposition n° 13 : donner à l'ART les moyens de collecter auprès des sociétés d'autoroutes les informations nécessaires à l'analyse des variations de leur rentabilité depuis 2002.


* 269 Autorité de régulation des transports, Rapport sur l'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 270 La construction d'un ouvrage de grande taille s'apparente à une opération complexe et, en pratique, il n'existe jamais d'autre projet suffisamment similaire pour permettre plus qu'une estimation grossière. D'autre part, le répondant à un appel d'offre n'est pas tenu de fournir une décomposition des coûts suffisamment fine pour pourvoir la mettre en regard de prix unitaires.

* 271 Voir Deuxième partie, III. B

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page