C. DES INITIATIVES COMPLÉMENTAIRES D'ASSOCIATIONS OU D'ORGANISMES PROFESSIONNELS

Il existe, à côté des dispositifs nationaux, nombre d'initiatives destinées à apporter un soutien aux agriculteurs en difficultés qui émanent du terrain ou d'organismes autres que la MSA, comme les chambres d'agriculture.

1. Des initiatives professionnelles intéressantes, notamment de la part des chambres d'agriculture, interlocuteur naturel du monde agricole
a) Les chambres d'agriculture sont en première ligne dans la lutte contre le suicide en agriculture

Le réseau des chambres d'agriculture, dont les dirigeants sont élus par les agriculteurs de la circonscription, représente un acteur clef dans la l'identification et l'accompagnement des exploitants agricoles en difficultés. Leur mobilisation témoigne de leur rôle essentiel dans les territoires.

Les chambres sont à la fois membres de dispositifs comme les cellules départementales (en l'espèce, il est fréquent qu'elles les pilotent), et à l'origine d'initiatives plus circonscrites ou localisées.

En raison de leur proximité avec les agriculteurs, elles sont davantage en mesure de repérer suffisamment en amont ceux affrontant des difficultés importantes, soit qu'elles aient établi un fort lien de confiance, soit qu'elles soient amenées à interagir régulièrement avec eux dans le cadre de leur activité. Plusieurs chambres ont ainsi dédié une part de leurs moyens internes, sous forme de conseillers spécialisés, à ce sujet.

Certaines ont ainsi mis en place, en sus des autres dispositifs précités :

• un numéro vert et/ou une adresse mail dédiés (Aude) ;

• une prise en charge, sur fonds propre de la chambre d'agriculture, de l'accompagnement de certains exploitants, pour limiter les coûts qu'ils sont parfois amenés à régler ;

• des diagnostics et suivis technico-économiques, lorsque l'exploitation rencontre des difficultés financières ;

• des opérations de détection à l'échelle d'une filière ou d'un territoire, lorsque les circonstances (locales, économiques, etc.) les rendent nécessaires (300 exploitations de bovins allaitants du bassin charolais ont ainsi été visitées sous forme de rendez-vous individuels entre octobre 2020 et mars 2021 par la chambre d'agriculture de la Loire) ;

• des formations sur la gestion du stress, le travail en société, ou des actions de sensibilisation des agriculteurs et de leur entourage sous la forme de soirées théâtre/débat, de diffusion de films, de la réalisation de films témoignages, etc. ;

• des groupes d'échanges de pratiques et des groupes projets, qui contribuent à prévenir ce phénomène de détresse par la montée en compétences et la création de lien social, bien que ce ne soit pas l'objectif initial ;

• une prise de contact immédiate dans le cas où la situation d'une personne signalée en risque suicidaire leur aurait été transmise par la MSA ou par d'autres partenaires. Il a ainsi été précisé aux rapporteurs que : « nous n'attendons pas que [ces personnes] nous contactent, nous sommes dans une démarche proactive car notre pratique nous a appris que ces personnes n'avaient plus l'énergie nécessaire pour faire elles-mêmes les démarches » ;

• des visites sur place par les conseillers des chambres, dans les cas où un agriculteur en difficultés aurait été signalé ;

• un accompagnement et des conseils lorsque la réalisation d'un plan de redressement est nécessaire, ou dans le cadre de procédures amiables ou judiciaires ;

• un accompagnement à la reconversion professionnelle ;

• une veille de la situation des éleveurs par le biais notamment de la cellule de maltraitance animale ;

• une cellule « coup dur », comme en Haute-Loire, avec un conseiller de la chambre intervenant rapidement auprès de la famille en cas de décès.

Les liens entre les chambres d'agriculture et les caisses de MSA sont par ailleurs étroits et permettent de réaliser un fin maillage du territoire. Il arrive ainsi fréquemment qu'en cas de difficultés, les déplacements sur l'exploitation impliquent un binôme composé d'un(e) assistant(e) social(s) de la MSA et d'un conseiller entreprise de la chambre d'agriculture.

« Aide 37 » en Indre-et-Loire, un dispositif qui a fait ses preuves

Créé en 1999 sous la forme d'une association loi 1901, implanté dans les locaux de la chambre d'agriculture à Chambray-les-Tours, son objet est de « venir en aide aux agriculteurs dont la situation économique est telle qu'elle exige une profonde remise en cause du mode de fonctionnement, voire une reconversion ou une cessation d'activité ». À l'instar de Solidarité Paysans, le coeur de l'activité d'Aide 37 est donc d'apporter un soutien technique et humain aux exploitants dans le cadre d'étapes professionnelles structurantes (transformation de l'exploitation, procédure collective, reconversion professionnelle, cessation et transmission, etc.).

Aide 37 réunit un grand nombre de parties prenantes : la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire, la MSA, le Crédit agricole, Groupama, la fédération départementale de la Cuma, la coopérative laitière Verneuil, trois centres de gestion et trois organisations syndicales. Peuvent y être associés par ailleurs la coopération des agriculteurs du Chinonais, la coopérative Agrial, le groupe coopératif collecteur de grains Axereal, le Crédit mutuel, la Banque populaire et la fédération des associations viticoles. Compte tenu de son existence, l'instruction ministérielle de 2017 ne s'est pas traduite par la création d'une nouvelle cellule d'identification et d'accompagnement.

Composée de membres agriculteurs (en activité ou l'ayant été), Aide 37 a traité 106 dossiers en 2020 et accompagné 101 exploitations dans leurs démarches technico-financières (contre 61 dossiers en 2010). En 2019, 32 % des 102 dossiers traités ont concerné une négociation avec la banque ou un autre créancier et 22 % une procédure collective. Son atout principal, au-delà du soutien qu'elle apporte aux agriculteurs, réside dans sa capacité à réunir autour de la table un grand nombre de créanciers (même si certains restent réticents) et sa bonne identification par les parties prenantes : le tribunal de commerce n'hésite ainsi pas à contacter Aide 37 dans le cas de dossiers compliqués.

Le budget d'Aide 37 est financé par le conseil régional (à hauteur de 45 % du total), les cotisations des organismes professionnels agricoles (OPA), le Crédit agricole, la MSA et Groupama (39 % pour ces trois derniers). Une part importante de ce budget sert à financer des études de la viabilité économique des exploitations qu'ils suivent : le coût est donc nul pour l'agriculteur.

Les rapporteurs ont pu constater qu'une part importante de la notoriété et du fonctionnement d'Aide 37 reposait sur l'engagement et la personnalité de son animateur principal, « point d'entrée » bien identifié et consacrant au dispositif une part significative de son temps. Il remplit ainsi les critères du référent départemental que les rapporteurs appellent à généraliser dans leur recommandation n° 26 (cf. supra ).

b) La Saône-et-Loire, territoire d'expérimentation de nouvelles mesures de compréhension et d'accompagnement des agriculteurs en difficultés

Les rapporteurs se sont rendus le 4 février 2021 en Saône-et-Loire afin de mieux appréhender les différentes initiatives, souvent inédites, mises en oeuvre sur ce territoire pour identifier et accompagner les agriculteurs en détresse.

(1) Un partenariat de recherche entre la chambre d'agriculture et l'observatoire Amarok pour mesurer les fragilités du monde agricole
(a) Une mesure inédite de l'épuisement professionnel de certains agriculteurs

L'observatoire Amarok est une association spécialisée dans l'étude de la santé physique et mentale des travailleurs non salariés (dirigeants, professions libérales, artisans, etc.). Créée en 2009 par Olivier Torrès, professeur à l'Université de Montpellier, elle vise à étudier les liens entre la santé d'une entreprise et celle de son dirigeant.

L'observatoire a noué en 2018 un partenariat avec la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire afin de mesurer, à intervalles réguliers, les situations de fragilité professionnelle des agriculteurs.

L'étude de l'observatoire présente cette spécificité d'être une des rares (si ce n'est la seule) à tenter de quantifier la détresse agricole, et non uniquement de mesurer le phénomène de surmortalité par suicide, qui ne se concentre par définition que sur l'expression ultime de cette détresse. Son fonctionnement, qui repose sur l'envoi très régulier de questionnaires, permet en outre de mesurer finement l'évolution de la situation.

Les rapporteurs recommandent donc d'expérimenter de tels partenariats dans d'autres départements, afin de disposer d'une vision plus large du degré de mal-être qui peut s'abattre sur certains agriculteurs. Idéalement, ces partenariats dupliqueraient celui de Saône-et-Loire et seraient noués entre l'observatoire Amarok et les chambres d'agriculture.

Recommandation n° 4 : expérimenter, dans les départements les plus touchés par le phénomène de surmortalité par suicide en agriculture, des envois réguliers de questionnaires aux agriculteurs afin de quantifier et qualifier, en amont, les potentielles difficultés.

(b) Une détection facilitée des agriculteurs en détresse, à expérimenter rapidement

Par ailleurs, l'observatoire Amarok a mis en place un « stressomètre » permettant de mesurer l'exposition des travailleurs non-salariés (donc y compris hors secteur agricole) à des facteurs influençant positivement ou négativement leur vie.

Concrètement, la personne répondante reçoit un courriel lui proposant de mesurer les implications que son activité de dirigeant a sur son état de santé (notamment psychique). Le test lui propose de cliquer sur un ensemble de « facteurs pathogènes » et de « facteurs salutogènes » 98 ( * ) qu'il estime rencontrer dans son quotidien. L'importance respective de ces deux types de facteurs dans la réponse du participant débouche in fine sur une « balance numérique », qui lui indique son degré moyen de satisfaction - ou, a contrario , de stress.

Dans le cas où le nombre de facteurs stressants serait élevé, le répondant se voit proposer de continuer le test. Dans l'objectif de détecter un potentiel épuisement professionnel, d'autres questions lui sont alors posées, qui conduisent à une note moyenne de niveau d'épuisement. S'il le souhaite, le répondant peut appeler un numéro qui s'affiche sur la page du test, ou laisser ses coordonnées afin d'être rappelé.

Les rapporteurs soulignent l'utilité d'un tel indicateur, reposant sur le volontariat et permettant potentiellement au participant de réaliser le caractère anormal - et risqué - de sa situation.

Ils recommandent donc de lancer une expérimentation de cet indicateur en partenariat avec les chambres d'agriculture des départements où le nombre d'exploitants en difficultés paraît particulièrement élevé. Ils proposent par ailleurs que soient ajoutées, dans la phase de mesure de l'épuisement professionnel, des questions d'ordre économique et juridique (procédure collective, niveau d'endettement, etc.), afin de prendre en compte un nombre plus important de facteurs de stress. Ils suggèrent enfin que, lorsque l'agriculteur proche de l'épuisement renseigne ses coordonnées pour être rappelé, les résultats du test et lesdites coordonnées soient envoyés à la cellule départementale d'identification et d'accompagnement, dont ils recommandent de faire la clef de voûte des dispositifs de soutien ( cf. supra ).

Recommandation n° 21 : expérimenter l'indicateur d'épuisement professionnel d'Amarok dans plusieurs départements, en partenariat avec les chambres d'agriculture, et prévoir que les coordonnées renseignées volontairement par l'agriculteur soient directement transmises à la cellule départementale d'identification et d'accompagnement.

(2) La mise en oeuvre d'un mentorat entre l'agriculteur et un dirigeant d'entreprise pour élargir leurs perspectives

À nouveau de façon inédite, la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire, en collaboration avec le Réseau mentorat France, promeut le mentorat entrepreneurial, qui permet à un agriculteur de partager ses questionnements avec un chef d'entreprise d'un autre secteur d'activité.

L'objectif est de créer un espace de discussion dans lequel le mentor et le mentoré peuvent à la fois échanger des bonnes pratiques de gestion et, plus indirectement, élargir leurs perspectives, notamment professionnelles, en découvrant un secteur jusqu'alors inconnu. Surtout, ainsi que les rapporteurs l'ont remarqué en rencontrant des participants du mentorat en Saône-et-Loire, cela leur permet de réaliser que les potentielles difficultés économiques peuvent être le lot d'un grand nombre de dirigeants, et qu'elles ne sont pas automatiquement le signe d'un échec.

Le mentorat, en rapprochant deux chefs d'entreprise, donne en outre plus de relief à l'idée qu'une exploitation agricole, au-delà des considérations familiales et sentimentales qui peuvent s'y mêler, est une entreprise dont la gestion obéit à certaines contraintes.

Recommandation n° 55 : promouvoir le système de mentorat permettant le partage d'expériences entre un exploitant agricole et un dirigeant d'entreprise d'un autre secteur d'activité.

c) Agri'sentinelles, un réseau de lanceurs d'alerte animé par le réseau des coopératives

En sus des sentinelles qui signalent à la cellule pluridisciplinaire de la MSA les difficultés qu'elles peuvent observer sur le terrain, et en sus des membres des cellules départementales qui peuvent en faire de même, il existe un réseau structuré intitulé Agri'sentinelles dont l'objectif est de sensibiliser, former et outiller les volontaires qui souhaitent s'impliquer dans la prévention du suicide en agriculture.

Créé par Allice (organisation fédérant des coopératives de reproduction et de sélection) et Coop de France, animé techniquement par l'Institut de l'élevage, le dispositif « vise à amplifier l'action de prévention et de gestion des situations suicidaires des dispositifs déjà existants sur le terrain (notamment MSA, chambres d'agriculture, DDT(M) et Solidarité paysans) » 99 ( * ) . Une trentaine de parties prenantes sont ainsi mobilisées.

Des chevauchements entre le réseau Agri'sentinelles, les sentinelles de la MSA et le rôle de sentinelle des membres des cellules départementales sont inévitables (un membre d'une coopérative peut ainsi relever des trois), mais ils ne nuisent pas à l'efficacité du mécanisme, qui s'accroît à mesure que le nombre de sentinelles volontaires augmente.

Le réseau Agri'sentinelles s'est par ailleurs doté d'un site internet 100 ( * ) proposant un catalogue de formations, un répertoire des professionnels de l'accompagnement par département, un descriptif des aides existantes, des réponses aux principales questions. À terme, le réseau ambitionne de réunir 10 000 volontaires.

Comme pour les sentinelles de la MSA et celles des cellules départementales, les rapporteurs appellent à renforcer la notoriété de ces dispositifs, dont l'efficacité repose sur leur ampleur, et à renforcer la formation des volontaires, à la fois pour mieux détecter les « signaux faibles » de la détresse, mais également pour apprendre à communiquer sur ces sujets auprès de personnes potentiellement en difficultés.

2. Une mobilisation de la société civile via des actions engagées d'associations

Aux côtés des acteurs traditionnels, une myriade d'initiatives émanant de la société civile visent à mieux identifier et accompagner les agriculteurs faisant face à d'importantes difficultés.

a) Solidarité Paysans, un réseau de bénévoles au plus près des agriculteurs - une action essentielle sur les territoires

Le soutien et l'accompagnement des agriculteurs en difficultés étant avant tout une problématique de « contacts humains », l'association Solidarité Paysans s'est imposée en la matière comme un acteur incontournable du terrain.

Issue en 1992 du regroupement de la Confédération paysanne, des Chrétiens en monde rural (CMR), du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) et du Mouvement d'action rurale (MAR), l'association se présente comme la « seule association de débiteurs agriculteurs organisés » 101 ( * ) et couvre aujourd'hui 64 départements.

Elle comporte aujourd'hui 1 000 bénévoles et 80 salariés et accompagne annuellement environ 3 000 familles d'agriculteurs dans les champs suivants : traitement de l'endettement, aide aux démarches administratives et à l'ouverture de droits sociaux, médiation et gestion des conflits, écoute et soutien moral, gestion et conduite de l'exploitation.

Son action principale réside dans la défense des agriculteurs en difficultés financières et dans le militantisme à l'encontre du système de production agricole actuel (accusé de pousser au gigantisme et à la ruine des petites exploitations). Ainsi que le précise son site internet : « dans la recherche de solutions, Solidarité Paysans prend le parti des agriculteurs face aux différents créanciers et organismes publics ou privés » .

L'association représente un puissant vecteur d'identification du mal-être de certains exploitants et salariés agricoles, en raison de son maillage territorial, de sa bonne connaissance du monde agricole et des relations de confiance qu'elle a su tisser avec les agriculteurs. Les rapporteurs ont notamment pu constater sa participation très fréquente aux différents dispositifs de soutien et la fluidité des échanges entre l'association et les autres acteurs (chambres d'agriculture, cellule départementale, MSA, coopératives, etc.). De nombreux témoignages reçus, lors des déplacements ou à l'occasion de la consultation en ligne, soulignent par ailleurs le soutien moral et technique apporté par Solidarité Paysans.

Au-delà du soutien moral, les bénévoles de l'association apportent un accompagnement physique régulier aux agriculteurs qui doivent se rendre, par exemple, au tribunal de commerce dans le cadre de procédures collectives, ou à la banque pour renégocier un prêt.

b) D'autres initiatives plus locales de soutien technico-économique et de libération de la parole

D'autres initiatives locales plus confidentielles mais efficaces coexistent aux côtés des acteurs institutionnels (MSA, chambres d'agriculture, cellules départementales, etc.), qui apportent un soutien précieux aux acteurs agricoles confrontés à des difficultés, qu'il s'agisse d'exploitants, de salariés ou de leur famille.

Elles mobilisent, pour nombre d'entre elles, tous les moyens de communication pour élargir leur audience et sont, en cela, essentielles pour apporter des compléments aux actions plus institutionnelles.

Ces initiatives, personnelles, associatives, locales sont très nombreuses, témoignant de l'importance du sujet dans de nombreux territoires.

Les rapporteurs estiment que cette mobilisation, notamment associative, joue un rôle essentiel.

Recommandation n° 32 : renforcer les moyens dédiés aux associations agissant pour lutter contre le suicide des agriculteurs

Des actions diverses partout sur le territoire

1) La journée nationale à Sainte-Anne-d'Auray

Chaque année, en octobre, la diaconie organise, avec M. Jeffredo, une journée de prières au sanctuaire de Sainte-Anne-d'Auray en souvenir des agriculteurs partis trop tôt.

Cette manifestation revêt une portée symbolique très forte pour les participants, venus de toute la France pour l'occasion, afin de se recueillir, au-delà du moment religieux, sur les croix blanches érigées devant le sanctuaire, en hommage aux victimes de l'année.

Les participants à cette journée ont tous fait part de l'importance de ce rassemblement à leurs yeux, permettant l'échange entre proches de victimes, agriculteurs, tout en favorisant une réflexion plus générale sur les problématiques agricoles.

Si les organisateurs ont fait beaucoup pour alerter les autorités professionnelles et politiques sur le sujet du suicide en agriculture grâce à cette manifestation, ils sont devenus des référents de nombreuses familles de victimes ou d'agriculteurs en difficultés et les accompagnent, bénévolement, tout au long de l'année. Cette écoute, selon les témoignages des familles entendues par les rapporteurs, apporte un soutien essentiel qu'il importe de saluer.

2) La marche d'un élu de Marmande

À la suite d'un drame connu dans son entourage, Patrick Maurin, élu de Marmande, s'est lancé à trois reprises dans des marches à travers la France pour lutter contre le suicide des agriculteurs. Tout au long de son parcours, il rencontre des professionnels et des agriculteurs qui lui font part de ses doléances, dont il entend faire part aux autorités qu'il rencontre au terme de sa marche.

3) Des actions artistiques

L'art peut aussi permettre de mieux comprendre et d'alerter sur le phénomène. Outre l'augmentation du nombre de films sur le sujet, à l'instar de celui d'Edouard Bergeon (Au nom de la terre), de documentaires plus locaux sur l'action de certaines associations ou de documentaires plus généraux sur la place des paysans dans la société (Nous paysans, avec la voix de Guillaume Canet), d'autres actions artistiques sont très connues des personnes rencontrées par les rapporteurs. Ainsi, une photographe, Karoll Petit, s'est lancée dans une série de clichés sur le suicide des paysans, où des photographies sont prises sur les exploitations des agriculteurs s'étant donné la mort, figurés par la présence d'une chaise vide sur le cliché. Ces photographies sont accompagnées de témoignages des proches de victimes.

4) L'association « Deux mains pour demain »

Cette association permet aux agricultrices et agriculteurs d'échanger sur leurs difficultés, et grâce au collectif de faire front face aux situations de détresse.

5) Deux ouvrages de C. Beaurain

Cette jeune agricultrice a vécu le drame du suicide de son mari à 24 ans. Mme Beaurain a publié, avec Antoine Jeandey, deux livres pour raconter son histoire : « Tu m'as laissée en vie » et « Agricultrice, une vie à part », afin de sensibiliser le grand public sur ce phénomène.

Les Elles de la Terre

Composée d'agricultrices, de conjointes d'agriculteurs, d'aides familiales, de veuves d'agriculteurs ou encore de « futures installées », l'association se veut avant tout comme un espace d'échanges et de soutien moral face aux difficultés que peuvent rencontrer les femmes du monde agricole.

Le constat est initialement fait en 2016, à l'occasion d'échanges sur Facebook : « si dans le monde agricole, les hommes ne parlent pas, s'ils se perdent dans le travail pour ne plus penser à leurs difficultés, ce n'est pas le cas des femmes, qui acceptent au contraire de parler » 102 ( * ) . L'association, outre l'espace de discussion qu'elle incarne, organise des ateliers (théâtre, yoga, sophrologie, psychologie, etc.), constitue des groupes de parole et transmet un certain nombre d'informations (coordonnées de juristes, de mandataires, de vétérinaires, d'ostéopathes, etc.).

A l'occasion de leur entretien avec les rapporteurs, les représentantes de l'association ont mis l'accent sur la déshumanisation des procédures, le sentiment d'humiliation résultant des difficultés économiques et de leurs conséquences (comme le fait que personne n'accepte de venir moissonner le blé, de peur de ne pas être payé lorsque l'agriculteur est en redressement judiciaire) et la nécessaire formation aux spécificités du monde agricole des travailleurs sociaux de la MSA.

L'ensemble de cette démarche, dont les rapporteurs regrettent la faible médiatisation malgré son utilité indiscutable, vise à pallier un angle mort des (maigres) politiques publiques tournées vers le soutien aux agriculteurs en situation de détresse : très peu est aujourd'hui fait pour accompagner la famille du chef d'exploitation (conjoint(e), enfants, parents), que ce dernier ait mis fin à ses jours ou non.

La famille reste la grande oubliée de ces mesures, alors qu'une situation de détresse vécue par un agriculteur a naturellement un impact fort, souvent dramatique, sur celle-ci, créant un cercle vicieux aggravant les deux aspects du problème (fin du couple, sentiment d'échec vis-à-vis des parents, du conjoint(e) et des enfants, isolement social, etc.).

Le Samu social agricole

Le Samu social agricole est une association, née dans le Sud-Ouest, et ayant désormais des antennes en plusieurs endroits en France.

L'association a traité plus 1200 dossiers en 2020 afin d'apporter aux exploitants ayant appelé à l'aide, un soutien humain, matériel, psychologique et financier.


* 98 Terme employé par l'Observatoire.

* 99 Contribution écrite transmise par Coop de France au rapporteur dans le cadre de l'examen en commission de la proposition de loi n° 746 de M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues déposée au Sénat le 26 septembre 2019.

* 100 http://www.reseau-agri-sentinelles.fr

* 101 Contribution écrite transmise par Solidarité Paysans au groupe de travail.

* 102 Audition des représentantes de l'association Les Elles de la Terre, le 15 décembre 2020.

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