II. MIEUX STRUCTURER L'OFFRE EXISTANTE ET COMBLER SES FAILLES

Les dispositifs de détection et de traitement précoce des difficultés des entreprises sont donc particulièrement nombreux et diversifiés en France. Si certaines lacunes peuvent être comblées, le principal enjeu est aujourd'hui de mieux structurer cette offre abondante.

A. AMÉLIORER L'INFORMATION COMPTABLE ET FINANCIÈRE

1. Les lacunes de l'information comptable et financière et l'impact des réformes récentes

L'une des fragilités de nos petites et moyennes entreprises réside dans la faiblesse de l'information comptable et financière à disposition des dirigeants . Une comptabilité exacte et tenue à jour et un minimum d'instruments d'analyse financière rétrospective et prospective sont indispensables, non seulement pour évaluer la robustesse du modèle économique d'une entreprise et anticiper ses difficultés , mais aussi, le moment venu, pour restructurer efficacement son bilan et son organisation productive . À titre d'exemple, aucune banque n'accepte de rééchelonner la dette d'une entreprise sans pouvoir se fonder sur une connaissance solide de ses éléments d'actif et de passif, et sans une visibilité suffisante sur ses résultats et flux de trésorerie à venir.

Certaines réformes récentes, quoique inspirées par des motifs légitimes, n'ont pas contribué à améliorer les choses . On pense notamment :

- à la suppression du stage préalable obligatoire à l'installation des artisans, qui familiarisait les créateurs d'entreprises artisanales avec les règles fondamentales de la gestion d'entreprise 33 ( * ) ;

- à la suppression progressive du principal avantage fiscal bénéficiant aux entrepreneurs adhérents à un centre de gestion agréé (CGA) ou une association de gestion agréée (AGA), à savoir, lorsque les bénéfices qu'ils tirent de leur entreprise sont imposés au titre de l'impôt sur le revenu et qu'ils sont soumis à un régime réel d'imposition, la non-majoration de 25 % de leurs revenus 34 ( * ) ;

- à l'allègement progressif des obligations comptables des petites et moyennes entreprises (présentation simplifiée des comptes annuels, dispense d'annexe pour les micro-entreprises...) 35 ( * ) ;

- au relèvement des seuils d'audit légal obligatoire, qui a eu pour conséquence de dispenser quelque 120 000 sociétés commerciales de l'obligation de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, sur les 208 000 sociétés qui y étaient précédemment assujetties.

Le rapport De Cambourg sur l'avenir de la profession de commissaire aux comptes, favorable au relèvement des seuils d'audit légal, insistait à juste titre sur ses conséquences potentiellement néfastes pour la prévention des difficultés des entreprises, au vu notamment du nombre moyen d'alertes aboutissant chaque année à l'information du président du tribunal (environ 2 000) 36 ( * ) .

Sans revenir sur ces réformes ni renouer avec une logique d'obligations ou de pénalités, les rapporteurs estiment indispensable d'encourager les entrepreneurs à renforcer leurs outils d'analyse comptable et financière afin de prévenir ou de surmonter les crises . Des incitations peuvent être nécessaires, et en cela, les pouvoirs publics conservent un rôle à jouer.

2. Améliorer l'accès des dirigeants à la formation

Il est d'abord souhaitable d' améliorer l'accès des dirigeants à la formation continue à la gestion d'entreprise .

L'offre existe , quoiqu'elle soit dispersée au sein des chambres consulaires, des centres de formation d'apprentis, des écoles de commerce et d'autres organismes de formation privés. Les formations peuvent être prises en charge financièrement , via le compte personnel de formation en ce qui concerne les salariés, ou via les fonds d'assurance formation destinés aux travailleurs indépendants 37 ( * ) .

Il convient avant tout de mieux faire connaître cette offre et de sensibiliser les dirigeants de TPE-PME à l'importance d'une telle formation. Pour cela, le développement et la promotion de la formation continue mériteraient d'être mieux identifiés parmi les missions prioritaires des réseaux consulaires , afin qu'ils fassent l'objet d'engagements spécifiques dans les contrats d'objectifs et de performance conclus entre l'État et les têtes de réseaux ; on ne peut également qu'encourager les chambres consulaires à développer des modules de formation gratuite en ligne , ce que certaines d'entre elles ont commencé à faire.

Recommandation n° 1 :  Ériger en mission prioritaire des réseaux consulaires la promotion et le développement de la formation continue à la gestion d'entreprise.

3. Aider les chefs d'entreprise à s'entourer

Il convient également d' inciter les chefs d'entreprises à avoir recours aux services des professionnels du chiffre .

À cet égard, les rapporteurs souscrivent à la proposition formulée par le récent rapport fait par Georges Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, au nom de la mission demandée par le garde des sceaux sur la justice économique 38 ( * ) , d'offrir un avantage financier aux petites entreprises (selon des seuils à définir) qui recourraient à un expert-comptable pour certaines prestations définies , en particulier le dépôt des comptes annuels et l'établissement d'un plan de financement prévisionnel . Cela pourrait passer, notamment :

- par une modification des missions légales des centres et associations de gestion agréés, étant entendu que leurs adhérents imposés au titre de l'impôt sur le revenu bénéficient toujours d'une réduction d'impôt égale aux deux tiers des dépenses exposées pour la tenue de leur comptabilité et, éventuellement, pour l'adhésion à un centre ou une association. Ces structures, dont la création avait initialement été encouragée par les pouvoirs publics à des fins de lutte contre la fraude fiscale, doivent être réorientées vers le soutien à la gestion ;

- par la création d'un avantage fiscal similaire, au bénéfice des entreprises imposées au titre de l'impôt sur les sociétés ;

- par une prise en charge directe de tout ou partie des frais liés à ces prestations, par exemple par les conseils régionaux au titre de leur compétence en matière de développement économique.

Recommandation n° 2 :  Définir un socle de prestations d'expertise comptable (dépôt des comptes annuels, établissement d'un plan de financement) ouvrant droit à un soutien financier des pouvoirs publics, sous conditions d'éligibilité.

Recommandation n° 3 :  Réorienter les missions des centres et associations de gestion agréés vers le soutien à la gestion financière prévisionnelle.


* 33 Article 4 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises , dite « PACTE ». Le Sénat s'était opposé à cette mesure.

* 34 Cette suppression par étapes résulte de l'article 34 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 .

* 35 Ces allègements résultent notamment de l'ordonnance n° 2014-86 du 30 janvier 2014 allégeant les obligations comptables des micro-entreprises et petites entreprises et de l'article 47 de la loi « PACTE » .

* 36 Rapport sur l'avenir de la profession de commissaire aux comptes établi par un comité d'experts présidé par M. Patrick de Cambourg, juin 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr .

* 37 Article L. 6331-50 du code du travail.

* 38 Rapport de la mission « Justice économique » sous la direction de M. Georges Richelme, février 2021, consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr .

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