III. LE RISQUE DE NE PAS ATTEINDRE CERTAINS OBJECTIFS 2025

A. L'IMPACT NÉGATIF DE L'ACTUALISATION SUR LE PARC MATÉRIEL FIN 2025

1. Les retards assumés au titre de l'actualisation 2021

Les reports de livraisons et de paiements au-delà de la LPM, assumés par le ministère des armées au titre de l'actualisation 2021, concernent les principaux programmes suivants :

- le système de lutte anti-mines futur (SLAM-F) ;

- les futurs bâtiments hydrographiques (CHOF) ;

- le système de drones tactiques ;

- le remplacement des poids lourds 4/6 tonnes.

Cette liste n'étant à ce stade pas limitative, d'autres programmes pourraient souffrir d'arbitrages défavorables.

2. Les renoncements identifiés

En outre, d'autres livraisons de matériels sont revues à la baisse d'ici 2025. Le tableau ci-dessous rend compte de l'écart (en + et en -) de l'actualisation du parc fin 2025 par rapport à la cible initiale de la LPM. Les trois armées sont impactées, qu'il s'agisse de l'armée de l'air et de l'espace (drones MALE 12 ( * ) , -12 Rafale 13 ( * ) ), de la marine (système de guerre des mines et bâtiments hydrographiques CHOF) mais, peut-on dire, surtout l'armée de terre avec une réduction sensible du nombre prévu de véhicules blindés légers régénérés (-123) et de véhicules des forces spéciales . Si le retard de livraison de Griffon dans le cadre du programme Scorpion sera en partie résorbé (-27), un effort de doublement du parc devra être poursuivi sur la LPM suivante pour atteindre l'ambition 2030 (1872 Griffon).

Les écarts entre l'actualisation 2021 et la cible du parc fixée par la LPM à la fin 2025

Source : commission des affaires étrangères et de la défense d'après les réponses du ministère des armées

Lors de son audition par la commission, le Délégué général pour l'armement a indiqué que les retards relatifs au programme Scorpion et aux VBL étaient imputables à des problèmes de production chez les industriels fournisseurs. La commission considère que les 4 années qui restent avant la fin de la LPM doivent absolument être mises à profit pour résorber ces retards .

Il convient ici de rappeler que le niveau du parc des matériels fixé pour 2025 figure dans le rapport annexé en application de l'article 2 de la LPM . Toute modification significative de cette cible matérielle doit donc être approuvée par une loi d'actualisation .

B. DES POINTS DE VIGILANCE À SURVEILLER

1. Une réduction capacitaire dans le parc des Rafale de l'armée de l'air et de l'espace pour l'heure sans solution

Outre le fait que la cible 2025 du parc des Rafale de l'armée de l'air et de l'espace ne sera pas atteinte (117 appareils au lieu de 129) en raison du non-remplacement avant 2025 des 12 Rafale d'occasion cédés à la Croatie en 2024 et 2025, se posera l'équation complexe de la disponibilité opérationnelle d'un parc réduit de 9 % . La réduction capacitaire ne trouve à ce stade pas de réponse, selon les termes du chef d'état-major des armées, sauf à améliorer l'activité du parc existant et prolonger la durée de vie des Mirage 2000C, au prix d'un surcoût en EPM et MCO.

2. L'ambition d'une LPM « à hauteur d'homme » remise en cause par les retards de livraison sur les véhicules terrestres (blindés légers et forces spéciales)

Des programmes, non moins sensibles, car déterminants pour la sécurité et la protection des soldats en OPEX sont touchés. L'exemple des véhicules blindés légers (VBL) qui, du fait de leur mission de reconnaissance et de liaison, sont particulièrement exposés aux risques balistiques, aux mines et autres engins explosifs improvisés (EEI), est particulièrement préoccupant . Or le retard pris dans la rénovation des VBL régénérés est acté dans l'actualisation 2021 . Notre commission n'a cessé d'alerter sur cette question sans qu'aucune solution tangible avant la fin de la LPM ne soit présentée par la direction générale de l'armement s'agissant d'un successeur : le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE). La même question peut se poser pour le véhicule qui remplacera l'engin blindé du génie en ce qui concerne le risque mines et EEI.

Il est regrettable que les objectifs du parc de matériels fin 2025 qui ne seront pas atteints concernent principalement des programmes « à hauteur d'homme » (les VBL régénérés, les véhicules des forces spéciales, les Griffon) qui figuraient parmi les priorités de la LPM.

3. Un déficit très préoccupant de médecins au service de santé des armées

Durant la précédente LPM, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs , soit 1 600 personnels. La remontée de la FOT et le niveau élevé de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs, supérieur aux objectifs de construction de la LPM et du modèle SSA 2020, ont mécaniquement induit un besoin supplémentaire de soutien par le SSA. La LPM 2019-2025 s'est concrétisée par l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2019 et prévoit leur stabilisation jusqu'en 2023, puis leur remontée modérée au-delà.

La difficulté centrale du SSA tient à la trop lente remontée en puissance de la médecine des forces . Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manquait une centaine et la situation s'est aggravée . L'écart s'est creusé entre le référentiel en effectifs et organisation (REO) et l'effectif réalisé. Le déficit est ainsi passé pour les médecins de premier recours de 97 postes en 2020 à 136 en 2021 . Cette évolution est extrêmement préoccupante . Ceci conduit à concentrer sur les mêmes personnels la charge de projection du service. Le taux de projection des équipes médicales de 125 %, malgré l'apport des réservistes, a encore augmenté en 2020. Celui des équipes chirurgicales atteignait 200 % en 2020 et ne diminue que trop lentement.

Cette sur-sollicitation du personnel a des conséquences néfastes sur la fidélisation des professionnels de santé militaires . Elle a également un impact notable sur le parcours professionnel du personnel de santé, notamment à travers la difficulté de satisfaire à l'obligation de développement professionnel continu. Elle pèse ainsi sur les perspectives d'évolution des effectifs du SSA. Le SSA rencontre des difficultés pour attirer des élèves, mais aussi des professionnels de santé sous contrat . Le contexte concurrentiel important vis-à-vis de la santé publique et un déficit chronique dans la santé publique des spécialités d'intérêt pour le SSA, en particulier de médecins généralistes, freinent le recrutement.

Les conclusions du Ségur de la santé ont conduit en 2020 et 2021 à des évolutions statutaires et financières, qui n'étaient pas prévues par la LPM . Ces mesures seront-elles suffisantes pour produire un effet suffisant sur l'attractivité et la fidélisation du personnel ? La résolution des difficultés du SSA en termes de ressources humaines est impérative pour maintenir le niveau d'excellence et d'engagement dont les forces armées ont besoin, au quotidien, mais aussi pour maintenir leur capacité à « entrer en premier » sur les théâtres d'opération.

4. Les limites de la politique de redéploiement interne des effectifs

La LPM prévoyait la création de 6 000 emplois avec trois priorités concentrant les 2/3 des recrutements : le renseignement, les unités opérationnelles et la cyberdéfense. À l'époque la commission considérait déjà que le rythme de 450 recrutements les premières années serait trop lent et qu'il en faudrait 2 500 par an . Une adaptation de la LPM semblerait logique, notamment pour prendre en compte le développement du renseignement, de la cyberdéfense, la généralisation du double équipage dans la marine et la nouvelle stratégie spatiale.

A cet égard, on peut noter que la création du nouveau commandement de l'espace (CDE) a nécessité le redéploiement de près de 250 personnels, pour atteindre le nombre de 450 en 2025. En outre, l'engagement de la France au titre de l'OTAN conduira à créer un centre d'excellence qui sera doté de 50 personnels. Avec l'accélération programmée des crédits budgétaires sur les dernières années de la LPM, il est à craindre que la politique de redéploiements interne atteigne ses limites, au risque d'affaiblir les affectations aux unités opérationnelles et la masse critique nécessaire à la haute intensité.


* 12 L'écart du parc à la fin 2025 actualisé par rapport à la cible de la LPM sur les drones MALE et les systèmes de drones tactiques sont causés par des retards de développement et d'industrialisation. Il en est ainsi du programme européen Eurodrone dont la livraison pour la France est prévue en 2028, et du programme de drone tactique Patroller.

* 13 En partant du principe que le ministère des armées n'a pas pour l'heure indiqué que la commande de 12 Rafale neufs - au titre de la compensation des Rafale cédés en 2024 et 2025 à la Croatie - seraient effectuées en vue d'une livraison avant la fin 2025.

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