EXAMEN EN COMMISSION

Réunie mercredi 16 juin 2021, sous la présidence de M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission examine le rapport d'information de MM. Christian Cambon et Jean-Marc Todeschini sur l'actualisation de la loi de programmation militaire (2019-2025).

M. Christian Cambon, président . - Chers collègues, avec Jean-Marc Todeschini nous vous présentons le rapport sur l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2019-2025. Avant toute chose, je voudrais remercier nos rapporteurs pour avis du budget de la défense qui ont travaillé dans des conditions tendues et difficiles du fait de délais très courts et du manque d'enthousiasme de nos interlocuteurs pour nous fournir les indications, notamment chiffrées, que nous étions en droit d'attendre. Ils ont malgré tout levé un voile d'ombre que n'avaient pas dissipé nos auditions en réunion plénière tant de la ministre des armées, que du délégué général de l'armement ou du chef d'état-major des armées, sur la réalité des ajustements en cours de la programmation militaire.

J'en viens à mon propos que j'articulerai autour de trois questions. Tout d'abord, pourquoi l'actualisation est légitime, avec un contrôle renforcé du Parlement ? Ensuite, pourquoi les faits justifient d'adapter la trajectoire budgétaire de la LPM à la crise du COVID et à l'évolution du contexte géostratégique. Et enfin, en quoi les constats sur des ajustements se chiffrant en milliards d'euros nécessitent que nous débattions des changements d'équilibres et d'objectifs de la LPM.

Ensuite, Jean-Marc Todeschini nous alertera sur les renoncements en germe dans cette actualisation et les points de vigilance à surveiller pour la suite de la LPM, ce qui inspirera la position de chaque groupe en prévision du débat qui aura lieu le 23 juin prochain.

Sur la première question, je voudrais rappeler que le Sénat avait soutenu ce projet de loi dans ses intentions : celles de préserver un modèle d'armée complet - autonome sur tout le spectre d'intervention, capable « d'entrer en premier » et d'affronter des conflits de haute intensité. Cette LPM constituait une première étape vers l'ambition opérationnelle 2030 définie par la Revue stratégique de 2017. L'objectif - et nous continuons à partager cet objectif - était de porter progressivement l'effort de défense à 2 % du PIB, pour atteindre une enveloppe globale de 295 milliards d'euros sur toute la période de programmation. Ce qui importe, c'est ce chiffre en valeur, plutôt qu'en pourcentage du PIB puisque celui-ci a considérablement baissé suite à la crise de la Covid.

D'emblée, le principe d'une actualisation de la programmation militaire en 2021 était acté puisqu'il figurait dans le texte initial du projet de loi déposé par le Gouvernement. L'engagement de la ministre des armées ne pouvait être plus explicite. Je la cite dans les débats de l'époque : « le Gouvernement ne désire pas se soustraire à l'engagement permettant à la majorité en place d'assumer, devant les représentants de la Nation, l'évaluation de l'exécution des exercices déjà réalisés et, surtout, de tracer la voie permettant de tenir l'engagement du Président de la République : atteindre en 2025 l'objectif des 2 % ». La chose semblait donc entendue.

Devant l'effort budgétaire demandé à la Nation, il apparaissait logique de renforcer le contrôle parlementaire. Je pense que personne ne s'oppose au principe selon lequel plus il y a de dépenses publiques, plus il y a de contrôle parlementaire. Mais malgré nos demandes réitérées, point de loi d'actualisation à l'horizon. Le ministère des armées a travaillé sur des ajustements, mais n'y a pas associé le Parlement. C'est un point de gravité que je souhaite souligner ici, avec responsabilité et avec regret, dans la mesure où c'était pour nous une fierté d'avoir voté cette LPM avec un score qui montrait que nous étions aux côtés du président de la République et du Gouvernement sur ce sujet.

Que le Gouvernement se délie de ses engagements est une chose. Mais il ne lui appartient pas de s'affranchir de la loi et du Parlement.

Remplacer l'actualisation législative par une déclaration, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, c'est faire l'impasse sur le dépôt d'un projet de loi, sur une étude d'impact. C'est faire l'impasse sur le débat démocratique et sur une discussion minutieuse, article par article, avec la possibilité de déposer des amendements, notamment si l'on découvre que des ajustements majeurs d'objectifs et de moyens sont apportés à la LPM. Ce que la loi a fait, seule une loi peut le défaire. Surtout, un débat même assorti d'un vote n'a pas de valeur juridique. Il était donc légitime que notre commission exerce ce « droit de suite » en contrôlant l'exécution de la LPM et rappelle le Gouvernement à ses engagements et à son devoir de transparence.

Sur la deuxième question : pourquoi l'actualisation se justifie aussi dans les faits ? La trajectoire budgétaire de la LPM comportait structurellement des fragilités à surveiller dans le cadre de la revoyure de 2021.

Seules les 5 premières annuités de 2019 à 2023 ont été votées, pour un montant global de 197,8 milliards d'euros, renvoyant les 2 dernières annuités 2024-2025 à un arbitrage ultérieur prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l'actualisation et l'objectif de porter l'effort de défense à 2 % du PIB en 2025.

L'enveloppe globale de la LPM de 295 milliards d'euros sur toute la période n'est évoquée que dans le rapport annexé à l'article 2 de la LPM. Il reste donc 97 milliards d'euros à confirmer sur les deux dernières annuités : 47 milliards d'euros en 2024 et 50 milliards d'euros en 2025.

Nous l'avions critiqué en 2018 : ce rythme de progression annuelle des crédits est déséquilibré : plus 1,7 milliard d'euros par an jusqu'en 2022, puis plus 3 milliards d'euros par an à compter de 2023 jusqu'en 2025. L'essentiel de l'effort budgétaire est en réalité renvoyé à une majorité politique postérieure à la présidentielle de 2022. C'est un risque que nous avions pointé.

Par ailleurs, l'impact de la crise de la COVID sur le PIB pourrait rendre caduc l'objectif de 2 % des dépenses de défense en 2025. Nous sommes d'ailleurs peut-être déjà au-dessus de ce seuil. C'est pour cela qu'il faut s'attacher à un niveau de dépenses en valeur (295 milliards d'euros sur 7 ans).

L'actualisation stratégique 2021 faisait état de nouvelles menaces qui nécessitent d'orienter des crédits supplémentaires vers le renseignement, le cyber et l'espace.

Enfin, nous avons identifié un périmètre d'actualisation de l'ordre de 8,6 milliards d'euros. Il s'agit d'une part de surcoûts constatés, évalués à 7,4 milliards d'euros, auxquels peuvent s'ajouter environ 1,2 milliard d'euros de surcoûts à prévoir pour remplir les objectifs 2025 de préparation opérationnelle, d'entretien programmé du matériel (EPM) et de préparation au combat à la haute intensité.

Sur les trois premières années de la LPM, acte a été donné du respect de la trajectoire de programmation. J'ai rendu hommage au Gouvernement sur ce point et le refait aujourd'hui. Mais l'exécution des crédits sur les deux premiers exercices budgétaires (2019 et 2020) n'est conforme qu'en apparence. Nous avons relevé au moins deux ajustements majeurs.

S'agissant des OPEX et des missions intérieures, la LPM a relevé la provision, mais un surcoût net de 400 millions d'euros en 2019 et 200 millions d'euros en 2020 est resté à la charge du seul budget de la défense. Or nous nous étions battus sur l'article 4 de la LPM pour que le surcoût des OPEX soit pris en charge par la solidarité interministérielle. Tel n'a pas été le cas.

Par ailleurs, les deux premières annuités 2019 et 2020 ont donné lieu à des ajustements annuels de la programmation militaire (A2PM) dont l'impact s'établit à 2,1 milliards d'euros jusqu'en 2025. Ce n'est pas anormal en soi. Ces ajustements concernent des programmes à effets majeurs (PEM) prioritaires dans le spatial, le numérique ainsi que la marine (800 millions d'euros de provision) pour les études de la propulsion nucléaire du futur porte-avions de nouvelle génération, l'amélioration de la vie militaire (240 millions d'euros).

Le chef d'état-major des armées (CEMA) avait indiqué lors de son audition de la semaine dernière que l'actualisation, limitée à un milliard d'euros, serait « modeste » au regard de l'enveloppe globale de la LPM : mais c'est le chiffre pour la seule année 2021.

La communication sur une actualisation limitée à un milliard d'euros est donc très largement partielle : si l'on totalise tous les ajustements 2019, 2020 et 2021, le vrai coût s'établit à 3,1 milliards d'euros.

Pour être complet, il faut en outre y ajouter tous les autres surcoûts. Ils seront détaillés dans le rapport :

- Barkhane , dont l'annonce du retrait rebat les cartes budgétaires et stratégiques ;

- les dépenses différées de la crise de la COVID-19 pour 1,1 milliard d'euros de retards de facturation et d'arrêt de chantiers d'infrastructure ;

- l'estimation du reste à charge de la cession des Rafale d'occasion à la Grèce et à la Croatie demeure délicate, mais sans doute de l'ordre du milliard d'euros. Nous nous réjouissons bien sûr de ces contrats, mais il est évident que lorsqu'on vend au prix de l'occasion et que l'on rachète au prix du neuf, il y a un différentiel. J'ajoute qu'il faudrait instituer un retour au budget de la défense de l'intégralité du produit de cession à l'export de matériels d'occasion à l'instar de ce que prévoit la LPM pour les cessions immobilières ;

- la commande supplémentaire d'une 3 ème frégate de défense et d'intervention (FDI), non prévue en LPM (une FDI coûte entre 750 millions d'euros et 1 milliard d'euros) ;

- les autres dépenses de soutien et d'imprévus (450 millions d'euros) dont par exemple la réparation du SNA Perle - qui du reste est magnifiquement remis à l'eau - et le financement du « Ségur de la santé ».

Au total, nous avons délimité un périmètre de 8,6 milliards d'euros d'actualisation. Ce montant suffit à démontrer l'absolue nécessité de procéder à une véritable actualisation législative. Il ne s'agit pas nécessairement de dépenses supplémentaires, mais de priorités qui impliquent par ailleurs des économies ou des reports qui mériteraient d'être arbitrés dans le cadre d'une discussion devant le Parlement.

J'ai toujours dit qu'une loi d'actualisation n'était pas statique. Si on lance de nouvelles dépenses, pas de problème, mais il faut dire où on en enlève. C'est un choix qui revient à l'Exécutif pour la décision et au Parlement pour le contrôle.

Je passe la parole à mon co-rapporteur Jean-Marc Todeschini pour la suite de nos constats et recommandations.

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur . - Chers collègues, je souhaite également remercier les rapporteurs pour avis pour le travail accompli. Nous avons été placés dans une situation où le Sénat n'est pas respecté. Le Gouvernement fait peu de cas du Parlement alors que nous sommes pratiquement tous en soutien de la ministre des armées. Je ne peux que regretter que cette tentative de ne pas actualiser la LPM par une loi et de passer par un débat se résume à un vote sur un bilan pour les prochaines élections.

Ne pas appliquer l'article 7 de la LPM, qui prévoit explicitement une actualisation en 2021, est une faute car la Nation s'est engagée dans un effort contributif aux armées très important d'ici 2025. Le financement de certains projets, dont par exemple le choix de la propulsion nucléaire pour le futur porte-avions, nous engage sur plusieurs générations.

Le désengagement de Barkhane , annoncé il y a quelques jours par le Président de la République, sans consultation du Parlement, celui-là même qui est appelé à approuver tout engagement extérieur de plus de 4 mois, justifie encore plus la nécessité de débattre des objectifs de cette LPM. Il ne s'agit pas seulement d'une question purement budgétaire, mais de la stratégie et des objectifs que nous assignons à nos forces armées. Certes, je l'avais déjà exprimé publiquement, le retrait de Barkhane était un jour inéluctable mais fallait-il une telle précipitation  sans avoir consulté nos partenaires au préalable ? La reconfiguration de notre intervention au Sahel mérite que le Parlement soit consulté sur ce point.

Pour reprendre le fil du périmètre budgétaire d'actualisation que nous a présenté notre président, je voudrais apporter plusieurs précisions d'abord sur certains surcoûts puis, par voie de conséquences puisque le Gouvernement raisonne à enveloppe budgétaire constante, sur les renoncements par rapport aux objectifs de 2025.

S'agissant en premier lieu des surcoûts, nos travaux mettent en évidence deux risques financiers majeurs sur la trajectoire de la LPM, à savoir les OPEX et l'export d'armements.

Le désengagement de Barkhane est un processus qui ne peut être que progressif aussi bien sur le plan opérationnel que sur le plan budgétaire. On peut escompter une diminution en sifflet jusqu'à la fin de la LPM mais la ministre des armées a rappelé que la fin de Barkhane ne signifiait pas la fin de l'engagement au Sahel.

S'agissant du soutien aux exportations, nous rencontrons deux difficultés : d'une part celle de la cession de matériels d'occasion qui sont prélevés sur le parc existant, qu'il faut rééquiper en pièces détachées pour l'export, et qu'il faut remplacer par des appareils neufs pour atteindre le niveau du parc matériel voulu en 2025 ; la seconde difficulté budgétaire est celle de l'accélération de certaines commandes de matériels neufs - les Caracal et la frégate de défense et d'intervention supplémentaires - pour soutenir le plan de charge des entreprises de notre base industrielle et technologique de défense. Dans les deux cas, cet effort contribue à la pérennité et à l'autonomie stratégique de notre industrie de défense. Mais il faut être conscient des limites d'un tel modèle qui affaiblit les capacités opérationnelles des forces et ponctionne le budget de la défense au détriment d'autres programmes.

L'estimation du coût de cession des Rafale d'occasion à la Grèce (12) et à la Croatie (12) demeure délicate. L'absence de données communiquées par le ministère des armées ne doit pas pour autant conduire à faire l'impasse sur un ajustement budgétaire majeur de la présente LPM. Deux éléments doivent être pris en considération : d'une part le reste à charge entre le prix de cession des appareils d'occasion et le prix d'achat des appareils correspondant neufs ; d'autre part le coût du « recomplètement » en pièces des appareils cédés. Sur le premier coût, nous disposons d'une estimation commune avec la commission des finances de l'ordre de 600 millions d'euros. Le second coût est évalué à 180 millions d'euros. Compte tenu du bouclage de l'ensemble de l'opération d'export à la Grèce dans le courant de la présente LPM, ce coût global est estimé à 780 millions d'euros auquel s'ajoute le coût prévisible de 180 millions d'euros pour l'export Croatie - les 12 Rafale prélevés sur le parc devant être livrés en 2024 et 2025 ; en revanche la commande des Rafale neufs de remplacement devrait s'imputer sur la LPM suivante -, soit un total de 960 millions d'euros d'ajustement sur la LPM.

Pour soutenir le plan de charge de Naval Group sur ses chantiers de Lorient, la commande supplémentaire d'une 3 ème frégate de défense et d'intervention (FDI), non prévue en LPM, a été passée en mars 2021 pour une livraison en 2025. La question de l'actualisation serait réglée si, et nous l'espérons, cette frégate rencontrait un succès à l'export.

J'en viens maintenant aux renoncements qu'implique cette actualisation. L'absence d'une véritable transparence sur les arbitrages défavorables oblige à procéder par déduction pour identifier les retards ou reports de livraisons au-delà de 2025. Ils sont inévitables si on raisonne à enveloppe constante.

Le report à la LPM suivante est d'ores et déjà acté pour plusieurs programmes : le système de lutte anti-mines futur (SLAM-F), le futur bâtiment hydrographique (CHOF), le système de drones tactiques et le remplacement des poids lourds 4/6 tonnes. Cette liste n'étant à ce stade pas limitative, d'autres programmes pourraient aussi souffrir d'arbitrages défavorables.

D'autres renoncements sur la cible du parc des matériels en 2025 sont à déplorer avec des points de vigilance à signaler :

- une réduction capacitaire dans le parc des Rafale de l'armée de l'air et de l'espace pour l'heure sans solution - le chef d'état-major des armées l'a dit - (117 Rafale en service au lieu de 129), ou au prix d'un surcoût d'entretien et de maintien en conditions opérationnelles du parc de Rafale et de Mirage 2000 ;

- l'ambition d'une LPM « à hauteur d'homme » est remise en cause par les retards de livraison sur les véhicules terrestres (blindés légers et forces spéciales) ;

- un déficit préoccupant de médecins au service de santé des armées. Le déficit est ainsi passé pour les médecins de premier recours de 97 postes en 2020 à 136 en 2021. Cette évolution est extrêmement préoccupante. Ceci conduit à concentrer sur les mêmes personnels la charge de projection du service. Cette sur-sollicitation du personnel a des conséquences néfastes sur la fidélisation des professionnels de santé militaires.

M. Christian Cambon, président . - Le décor est planté. J'attire l'attention de chacun, quelles que soient les sensibilités. Je ne comprends pas qu'on nous ait privé de cette loi car le Parlement pouvait intervenir comme une réassurance pour les engagements de la LPM soient tenus. Nous aurions été tout à fait capables de comprendre des dépenses supplémentaires ou des retards de livraisons et nous pouvions les accepter et les discuter. J'ai toujours été très attaché à la sécurité de nos forces en OPEX et par exemple le rythme de livraison des véhicules blindés légers (VBL) qui concourent à leur sécurité est un sujet sur lequel le Parlement a son mot à dire. Je rappelle que notre vote d'autorisation au-delà de 4 mois, et qui est valable pour l'éternité, pose la question de savoir, s'il n'y a plus d'opération Barkhane , s'il ne faudrait pas consulter à nouveau le Parlement pour autoriser une nouvelle opération.

Nous sortons de la crise de la Covid et l'impact - notamment sanitaire - sur nos forces armées est réel. J'ai vu par exemple tous les aménagements réalisés sur le Charles-de-Gaulle lors de ma visite la semaine dernière.

Nous étions donc dans nos compétences et nous n'avons jamais trahi la confiance de l'Exécutif. Nous pouvions les aider mais là, véritablement, nous constatons une négation du rôle du Parlement. Point par point, nos rapporteurs ont constaté que leurs interlocuteurs n'avaient souvent pas l'autorisation de leur en dire plus. C'est le signe d'une brume que l'on essaye de jeter sur ce débat et je trouve tout cela dommageable pour la relation entre l'Exécutif et le Parlement.

Chaque groupe se déterminera comme il l'entend mais je demande à chacun, en responsabilité, de bien saisir l'enjeu, car les militaires nous écoutent et nous regardent. Pour eux, nous nous devons d'être par exemple vigilants sur le retour au budget de la défense du produit de la cession des Rafale d'occasion.

Mon rôle sera de m'exprimer au nom de la commission et il appartiendra aux orateurs des groupes politiques de donner le sens de leur vote. Le débat est ouvert.

M. Cédric Perrin . - Je voudrais souligner à mon tour la légèreté dont fait preuve le Gouvernement sur un sujet qui concerne plusieurs milliards d'euros. Le Parlement doit évidemment pouvoir en discuter, ce qui ne sera pas le cas et qui est profondément regrettable. J'aurai l'occasion de le dire en séance publique.

Il y aura dans cette LPM des ajustements liés à de nombreux programmes. Si nous devons nous réjouir des succès à l'export de Dassault, il n'en reste pas moins que la réduction capacitaire dans le parc des Rafale de l'armée de l'air et de l'espace à partir de 2024 n'est à ce jour pas résolue, bien au contraire.

La cible 2025 du parc des Rafale de l'armée de l'air et de l'espace ne sera pas atteinte (117 appareils au lieu de 129) en raison du non remplacement avant 2025 des 12 Rafale d'occasion cédés à la Croatie en 2024 et 2025. Se posera l'équation complexe de la disponibilité opérationnelle d'un parc réduit de 9 %. La réduction capacitaire ne trouve pas à ce stade de réponse, selon les termes du chef d'état-major des armées, sauf à améliorer l'activité du parc existant et prolonger le cas échant la durée de vie des Mirage 2000-5 , au prix d'un surcoût en EPM et MCO. Et je ne parle pas de la perte de 4 Rafale marine. Je ne suis pas du tout rassuré sur le remplacement des 12 Rafale croates. Il y a aussi un risque d'usure prématuré du parc existant qui sera soumis à une forte contrainte d'usage.

Par ailleurs, il faut se féliciter du nouveau succès à l'export du Rafale , en version neuve cette fois, en Indonésie. Cette fois, ce n'est pas un problème de coût qui se posera à l'armée de l'air, mais celle du calendrier de livraison par Dassault Aviation qui ne dispose que d'une seule chaine de montage de Rafale , sachant qu'il faut 3 ans entre la commande et la livraison. Et je rappelle que, la semaine prochaine, nous attendons peut-être une autre bonne nouvelle avec le choix qui pourrait éventuellement être fait par la Suisse du Rafale . D'autres problématiques se poseront.

Nous sommes tous d'accord pour constater que la forme employée par le Gouvernement n'est pas la bonne. Sur le fond, chacun aura à coeur d'exprimer sa position lors du débat.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je confirme qu'en tant que rapporteure pour avis, avec Cédric Perrin, nous avons travaillé dans le même état d'esprit de co-construction qui nous avait animés pendant l'examen de la LPM. Je partage la déception que le Sénat ne puisse pas s'impliquer sur un texte législatif d'actualisation. Ce qui intéresse nos militaires et nos industriels, c'est la suite de la programmation.

Je voudrais moi aussi soulever la question des VBL. C'est un programme qui doit assurer la sécurité de nos soldats et nous avons suffisamment de pertes, notamment au Sahel, pour nous dire que les « petits » programmes ne peuvent pas servir de variable d'ajustement pour assurer le financement des grands programmes. Nous avons pris du retard dans la rénovation des VBL. Nous devons continuer à tirer le signal d'alarme pour qu'une solution tangible soit trouvée avant la fin de la LPM. Pour l'instant rien n'a été présenté par la direction générale de l'armement (DGA) s'agissant d'un successeur, le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE). La même question peut se poser pour le véhicule qui remplacera l'engin blindé du génie.

Il est regrettable que les objectifs du parc de matériels fin 2025 qui ne seront pas atteints concernent principalement des programmes « à hauteur d'homme ». C'était une belle avancée d'inscrire, par voie d'amendement, l'objectif d'une LPM à hauteur d'hommes et de femmes.

M. Pascal Allizard . - Mes propos rejoignent ceux de mes collègues. Sur le programme 144, il n'y a pas de critique globale à faire, le diable se cachant toujours dans les détails. Je constate que des arbitrages sont faits mais que nous n'en avons pas nécessairement les éléments permettant d'en apprécier la rationalité.

Je mesure le désenchantement quant à la méthode de travail et sur la façon dont le Gouvernement aborde l'actualisation de la LPM. On en revient à la réalité de la politique politicienne dont nous nous pensions affranchis autour de cette table. Il faut avoir le courage de le dire et je pense sur ce point qu'un vote négatif et argumenté sur ce faux débat qui nous est proposé me semblerait utile. Cela nous permettrait d'exprimer notre défiance sur la méthode et, ce n'est pas antinomique, notre soutien aux armées car c'est une vérité que tout le monde partage autour de cette table.

M. François Patriat . - Je voudrais aussi saluer le travail méticuleux de nos deux rapporteurs, que j'apprécie, et du groupe de travail dont nous espérons pouvoir lire très rapidement le rapport - vous avez dit fin de semaine et je m'en réjouis. Cela va alimenter évidemment notre réflexion et notre contribution parlementaire à cette première actualisation de la LPM. Je comprends le regret de notre Parlement de n'avoir pas pu procéder à un examen législatif de cette actualisation, il est légitime. Le Sénat défend nos armées et nos militaires, le Gouvernement aussi, que les choses soient bien claires. Si je comprends le choix qui a été acté par le président de la République, un travail aujourd'hui de consolidation de la programmation budgétaire pour 2024-2025 en vue d'atteindre 2% du PIB aurait été délicat. On ne sait pas aujourd'hui quel sera le PIB en 2024 et 2025 puisque, dans les conditions économiques dégradées actuelles et encore mouvantes, les 2% sont déjà atteints. Dans le contexte que vous connaissez cela n'a pas grande signification. Bien sûr nous sommes d'accord sur le montant en valeur de 295 milliards d'euros.

Quoi qu'il en soit, je me réjouis de la tenue du débat de l'article 50-1 la semaine prochaine, qui permettra à chacun de nos groupes de faire part de ses questionnements, de ses doutes, de ses points de satisfaction et de vigilance, mais aussi de ses recommandations. Notre groupe approuve jusqu'à présent la mise en oeuvre de la LPM dans ce quinquennat. Elle fait honneur à nos armées avec un cap clair et ambitieux. Cette exécution a acté la fin des renoncements qui ont émaillé les précédentes LPM. L'armée n'est plus la variable d'ajustement du budget national. La ministre a pu le rappeler devant nous mais, dans le contexte sanitaire et économique actuel, cette loi s'est aussi finalement imposée comme un plan de relance à part entière et je m'en félicite. Je veux bien qu'il y ait des doutes, des questions, des critiques mais, dans le même temps, avant de dire ce qui ne sera pas atteint, on peut aussi rappeler ce qui a déjà été atteint.

Ma question est la suivante, monsieur le président et messieurs les rapporteurs : dans vos travaux, avez-vous pu évaluer la mise en oeuvre du plan famille et vos travaux ont-ils permis d'en apprendre davantage sur l'extension des volets plus précis du renseignement et de la cybersécurité qui sont des priorités de cette LPM ? Je vous remercie.

Mme Michelle Gréaume . - Concernant le débat et le vote qui suit, je trouve que c'est encore une fois par le mépris que le Gouvernement traite le Parlement en ne proposant pas une réelle loi d'actualisation de la programmation militaire. Celle-ci aurait pu nous permettre d'amender le texte, de réévaluer au plus près les besoins réels des armées tout en prenant en considération la situation de l'État. C'est ma position et celle de mon groupe.

M. Pierre Laurent . - Pour aller dans le sens de ce que vient de dire Michelle Gréaume et m'associer à vos propos, monsieur le président et à ceux de Jean-Marc Todeschini, je pense que l'absence de loi d'actualisation est profondément regrettable. Je crois effectivement qu'il s'agit d'une faute politique parce que, au-delà de l'effort de contrôle précis que nous avons à exercer sur une loi qui brasse des sommes extrêmement importantes, je crois que nous avions besoin à cette occasion d'un débat d'actualisation stratégique. Ce qui vient de se passer avec l'opération Barkhane le montre, pour ne prendre que cet exemple. Nous sommes face à un changement de pied quelques semaines seulement après avoir entendu exactement le contraire de la part du Gouvernement. Je pense qu'il y a un devoir de clarté, d'approfondissement du débat stratégique entre nous pour pouvoir continuer de porter le débat sur les enjeux budgétaires de la bonne manière. En plus, les enjeux budgétaires vont devenir effectivement dans la période d'après Covid absolument cruciaux compte tenu des sommes qui sont en jeu. Donc je pense que nous ne pouvons pas accepter la méthode du Gouvernement et le vote d'un quitus sans débat réel, sans approfondissement de l'actualisation stratégique. Nous aurons l'occasion de développer cette position lors du vote qui aura lieu la semaine prochaine.

M. Guillaume Gontard . - Je voudrais remercier le travail des rapporteurs et m'associer à ce qui a été dit par plusieurs d'entre vous, et notamment vous, monsieur le président, sur le fait que plus que jamais on n'aurait pas dû s'affranchir du travail du Parlement. On avait besoin de ce débat démocratique, il y a une nécessité d'avoir une actualisation législative. On a parlé de près de 9 milliards d'actualisation donc c'est invraisemblable et inacceptable, notamment sur la méthode avec cette impasse qui est faite sur un projet de loi. On voit bien qu'à travers cela, il y a de vraies orientations et de vrais arbitrages à faire. J'en partagerai quelques-uns : sur la question des équipements et de la vie des militaires, qu'il s'agisse de la sécurité, de la santé mais aussi du confort de nos militaires. On a des questionnements sur ces orientations. Une vraie question sur les dépenses particulièrement en hausse qui étaient annoncées entre 2019 et 2025 sur l'arsenal militaire alors qu'on devrait au contraire avoir une trajectoire différente et montrer l'exemple en affirmant plutôt une baisse de cet arsenal, qui coûte particulièrement cher. Je voudrais dire un mot sur la défense européenne puisque la LPM insistait beaucoup sur la promotion de la souveraineté européenne. Cela devait notamment passer par la mobilisation du nouveau fonds européens de défense. L'objectif de la ministre des armées était qu'à terme ce fonds prenne en charge 20% des programmes capacitaires. Aujourd'hui, le budget du fonds n'est que d'à peine 8 milliards et, par rapport à la précédente LPM, le nombre de programmes en coopération avec des partenaires européens devrait être augmenté de 36%. Donc on peut se poser des questions sur cette volonté affichée de développement d'une défense européenne. Autant de questions qui méritent un débat, qui auraient mérité un texte de loi et un travail approfondi du Parlement. Je regrette la méthode et le groupe écologiste solidarités et territoires ne peut l'accepter.

M. Joël Guerriau . - Dans le cadre de votre rapport, vous nous avez éclairés sur ce que seraient les nouvelles dépenses compte tenu des adaptations nécessaires par rapport à ce qui s'est passé sur les trois dernières années. On a beaucoup insisté dans les interventions sur les questions touchant le matériel en particulier. Il faut rappeler - et cela l'a été systématiquement - que nous sommes sur une LPM à hauteur d'homme. Donc je crois qu'il faut que nous ayons un regard tout particulier sur les conséquences que cela peut avoir en termes d'effectifs. Je rappelle que la LPM, à l'origine, prévoyait un recrutement de 6 000 hommes. En cohérence avec l'actualisation 2020 et pour absorber ces augmentations de crédits sur les programmes prioritaires, il faut aussi être très vigilant sur une adaptation de la LPM qui semblerait logique, notamment pour prendre en compte le développement du renseignement - cela a été rappelé -, la généralisation du double équipage dans la marine mais aussi tout particulièrement pour satisfaire les besoins de recrutement en cybercombattants. La création du nouveau commandement de l'espace a nécessité le redéploiement de près de 250 personnes pour atteindre le nombre de 450 en 2025 et, en outre, l'engagement de la France au titre de l'OTAN conduira à créer un centre d'excellence qui sera doté de 50 personnes. Avec l'accélération programmée des crédits budgétaires sur les dernières années de la LPM, on pourrait être amené à considérer que la politique de redéploiement interne a atteint ses limites, au risque d'affaiblir les affectations aux unités opérationnelles et la masse critique nécessaire à la haute intensité. Voilà les réflexions que nous avons au titre de l'avis sur le programme 212 : de la vigilance et un regard particulier sur ces questions qui touchent les personnels.

Sur la question qui a été posée par notre collègue sur le plan famille, je dois dire qu'un certain nombre de choses ont été faites, mais nous n'avons pas eu suffisamment le temps en amont pour traiter - comme nous le souhaitions - ces questions dans le détail, lesquelles vont être débattues, à mon avis, de manière insuffisamment préparée.

M. Édouard Courtial . -D'abord à mon tour de féliciter nos rapporteurs pour le travail très approfondi qu'ils mènent. Ceci étant posé, ma question touche à un sujet que l'on évoque peu : le service national universel (SNU), sur lequel le Parlement ne s'est d'ailleurs pas prononcé. Le SNU est toujours au stade de l'expérimentation depuis plusieurs années maintenant. Monsieur le président, vous aviez obtenu que le coût du SNU ne soit pas imputable au budget des armées. L'actualisation de la LPM aurait pu être un véhicule législatif pour entériner le SNU et préparer ses crédits avant le projet de loi de finances. Ma question est donc simple : est-ce que le ministère a pu vous transmettre des éléments concrets sur l'avenir du SNU ?

M. Philippe Folliot . - C'est la quatrième loi de programmation militaire que je suis et, dans ce cadre, tant sur la forme que sur le fond, on peut voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. Je précise que je m'exprime à titre personnel, je n'engage pas mon groupe par rapport à cela. En tout état de cause, il me paraît important d'insister sur la différence qu'il y a entre cette loi de programmation militaire et les précédentes. Dans ce cadre-là, - alors on peut toujours regretter un certain nombre de choses et vous l'avez dit sur la forme et sur le fond - mais il y a quand même des résultats et une évolution particulièrement positive avec cette loi de programmation militaire par rapport aux précédentes. Il y a eu une réactualisation de celle de 2014 qui était assez catastrophique et qui a été corrigée. On en débattra entre nous mais je vois aussi le verre à moitié plein à bien des égards.

M. Christian Cambon, président . - Voici quelques éléments de réponse. D'abord, en réponse à François Patriat, l'exemple cité est tout à fait significatif parce qu'effectivement, voilà comment les choses se passent : on interroge la ministre sur le plan famille, elle envoie le chiffre de 530 millions.

Je n'ai à ce jour aucun élément de contrôle pour voir la véracité de ce chiffre. Donc déjà, on voudrait savoir ce qu'il y a dans ces 530 millions, cela se contrôle, c'est le rôle du Parlement, il y a une commission des finances, il y a une commission de la défense. À supposer donc - ce qui n'est pas exclu - qu'un effort complémentaire ait été fait sur le plan famille, ce dont nous nous réjouissons puisque c'était franchement un axe important, ce que nous demandons nous, par voie de conséquence, c'est de savoir sur le compte de qui l'effort a été fait. C'est cela qui nous intéresse. Tout ce qui peut être fait en pleine application du plan famille - ou de la loi d'une manière générale - va dans le bon sens. Nous avons tous rendu hommage, soutenu et dit combien nous étions satisfaits de voir que la parole du président de la République était respectée. Mais, maintenant que nous entrons dans la phase d'actualisation, comme son nom l'indique, il faut voir ce qui bouge dans un sens et ce qui bouge dans l'autre. Donc s'il y a une progression, il y a nécessairement une diminution quelque part, sinon l'exercice relèverait de la pierre philosophale. Donc ce qui nous intéresse, c'est de dire par exemple - quitte à l'accepter du reste - qu'il y a un retard des industriels sur tel matériel. On comprendrait tout à fait que cet argent soit dépensé à d'autres usages, par exemple pour faire en sorte qu'il y ait plus de médecins et que l'on augmente leurs primes en OPEX. Mais que l'on nous donne les moyens de contrôle et pas simplement de nous dire « nous avons fait un effort ». Je sais très bien que ce qui va être mis en avant, ce sont les efforts réalisés. Ce que nous voulons savoir, c'est où les efforts vont été réduits ou, en tout cas, les points sur lesquels des économies ont été réalisées.

En réponse à Philippe Folliot - j'ai également vécu l'ancienne LPM -, ce qui compte dans une loi de programmation militaire, c'est son exécution dans sa totalité. Je m'en réfère à la parole du président de la République. À tous ses voeux aux forces militaires, il a toujours dit que la loi serait exécutée à l'euro près. C'est une expression financière typiquement identifiable. Rien ne serait pire que d'enlever des morceaux et de renvoyer à plus tard. C'est exactement ce qui s'est déroulé par le passé - souvenez-vous pour les plus anciens - il a fallu déjà absorber ce qui n'avait pas été réalisé dans la loi précédente. La faiblesse d'une LPM - puisqu'elle prend des engagements mais qu'elle n'ouvre pas de crédits - c'est que les dérapages budgétaires successifs conduisent vos successeurs à devoir d'abord reprendre ce qui n'avait pas été accompli. C'est ce pourquoi, à mon sens, l'exécution budgétaire d'une LPM doit être assurée dans sa plénitude, quitte encore une fois - sous le contrôle du Parlement - à ce qu'on puisse redéployer des crédits. Évidemment, l'incendie du sous-marin n'était pas prévu dans la LPM. Quand on voit l'irruption des armes hypersoniques et que l'on apprend que les Chinois commencent à désintégrer des satellites en direct, ce sont des sujets que l'on ne peut ignorer.

En réponse à Edouard Courtial, le SNU, par chance, n'était pas prévu dans la loi de programmation militaire parce que là, cela aurait été le coup de grâce dont on ne se serait pas relevé. Je rappelle que pour une classe d'âge, c'est de l'ordre du milliard et demi ou de deux milliards d'euros par an dont il s'agit.

Ce que je partage avec vous, c'est un sentiment de déception. Dans cette LPM, nous nous sommes vraiment engagés pour que cet éreintement, dont 20 ans de gouvernements de droite et de gauche sont responsables, s'arrête. Je continue à y croire et je n'exclus pas que le président de la République, fort du message que l'on peut faire passer, réoriente les choses. Mais je dis que rien ne serait pire qu'une LPM qui se termine sans avoir été complètement exécutée. Je préfère un Parlement qui assume les choix. Évidemment, sortant de la crise de la Covid, on se doute bien que les choses ne se déroulent pas comme prévu. On sait très bien, par exemple, que pour la BITD, des retards de livraison ont pu arriver, notamment à cause du matériel ou des équipements qu'elles n'ont pas pu se procurer.

M. Jean-Marc Todeschini . - Nous avons soutenu la loi de programmation militaire et voté les différents budgets successifs. La position de mon groupe n'est pas arrêtée à ce stade. Aujourd'hui, le point d'achoppement, c'est le refus du Gouvernement de respecter la parole donnée. Je vais vous dire - vous le retrouverez dans le rapport - l'engagement de la ministre des Armées en séance publique sans ambiguïtés en 2018 : « Le Gouvernement ne souhaite pas se soustraire à une évaluation qui interviendra au moment où la majorité, le chef de l'État, le chef des armées seront toujours aux responsabilités. Il ne désire pas ses soustraire à l'engagement permettant à la majorité en place d'assumer devant les représentants de la nation l'évaluation de l'exécution des exercices déjà réalisés et surtout tracer la voie permettant de tenir l'engagement du président de la République à atteindre en 2025 l'objectif des 2% ». Mais cela - tout le monde l'a dit - cet objectif est aléatoire aujourd'hui. Ce que je regrette, c'est que le Parlement ne soit pas associé. Dans la LPM précédente - qui me concernait directement en qualité de ministre -, le président de la République avait très rapidement relevé les effectifs pour tenir compte des évènements imprévus.

François Patriat l'a très bien dit, on a déjà pratiquement voté le bilan en votant les différents budgets. Donc je pense que le Gouvernement va nous demander d'approuver son bilan pour les élections de 2022 et cela est regrettable. Je ne doute pas que que s'il y avait eu une véritable loi, compte tenu de la pandémie et des nécessaires ajustements, nous aurions voté et soutenu le Gouvernement. Donc, en ne faisant pas confiance au Parlement, l'Exécutif fait une erreur. Le Parlement, en tout cas la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, a toujours soutenu les armées - on veut entretenir la confusion entre soutenir la ministre et soutenir les armées. Je pense que notre rapport va mettre du baume au coeur à nos armées quel que soit le vote qui interviendra sur la déclaration du Premier ministre. Je crois que tous ceux qui avaient approuvé la LPM pourront peut-être rechercher une position commune parce qu'honnêtement, il y va là du respect du Parlement. Une chose est sûre : il faut soutenir nos armées, je n'y dérogerai pas.

En termes d'effectifs, c'est très compliqué de faire un bilan précis puisqu'on savait que les emplois seraient insuffisants dans les trois à quatre premières années, donc on se sait pas exactement quels redéploiements sont possibles. Je rappelle que la cyberdéfense et l'espace ont pris une grande ampleur aujourd'hui et qu'un débat au Parlement aurait permis de nous éclairer sur ces priorités nouvelles.

La publication du rapport d'information sur l'actualisation de la loi de programmation militaire pour la période 2019 à 2025 est approuvée à la majorité, André Gattolin, Pierre Laurent, François Patriat et Richard Yung votant contre, Michelle Gréaume s'abstenant.

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