LES NEUF RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Stabiliser à périmètre constant les moyens structurels alloués par l'État aux missions locales .

2. Pérenniser le système de versement accéléré des crédits aux missions locales en début d'année.

3. Dresser dès que possible un bilan de l'utilisation par les missions locales des moyens supplémentaires qui leur ont été alloués et prévoir, dans le cadre de la prochaine convention pluriannuelle d'objectifs, une évolution de l'enveloppe annuelle allouée par l'État qui soit progressive et qui tienne compte des contraintes de gestion générées par la crise et la mise en oeuvre du plan de relance.

4. Clarifier la répartition des publics entre les différents acteurs du service public de l'emploi en confiant la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle aux seules missions locales.

5. Engager une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour tirer le bilan des évolutions de la gouvernance du réseau et envisager la réinstauration d'une instance publique nationale d'animation et de pilotage du réseau.

6. Élargir la liste des indicateurs utilisés pour le dispositif de financement à la performance des missions locales mis en place par l'État en intégrant des indicateurs liés à la levée des freins périphériques à l'emploi (santé, logement, mobilité).

7. Généraliser la mise en place de conférences locales des financeurs des missions locales de façon à permettre la tenue d'un dialogue de gestion commun prenant en compte les différents aspects de la mission d'accompagnement global des jeunes assumée par les missions locales.

8. Élargir la définition d'une « sortie positive » d'accompagnement par les missions locales pour inclure la sortie en formation professionnelle qualifiante.

9. Mieux prendre en compte , dans le dialogue de gestion entre l'État et chaque mission locale, les progrès réalisés par la mission locale d'une année sur l'autre sur les indicateurs clés.

PREMIÈRE PARTIE
LES MISSIONS LOCALES, PLUS QUE JAMAIS INDISPENSABLES

La commission des finances du Sénat a déjà eu l'occasion de saluer, dans un rapport fait en son nom par François Patriat et Jean-Claude Requier en 2017, le rôle des missions locales, qui se sont imposées au fil des décennies comme « des acteurs incontournables de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes » avec des résultats jugés globalement « positifs » 1 ( * ) .

Il a semblé aux rapporteurs spéciaux que le contexte de la crise sanitaire, dont les jeunes sont parmi les premières victimes, justifiait de se pencher à nouveau sur la situation et l'action de ses structures. Ce travail donne ainsi l'occasion d'assurer un suivi des principales recommandations qu'avait pu émettre la commission en 2017, mais également d'en formuler de nouvelles visant toutes à s'assurer que, dans l'intérêt des jeunes les plus en difficulté, les missions locales puissent être au rendez-vous de la relance.

I. 40 ANS D'ACTION EN FAVEUR DES JEUNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

A. LES FONDEMENTS : UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT GLOBAL CIBLÉE SUR LES JEUNES NI EN ÉTUDES, NI EN EMPLOI, NI EN FORMATION

1. Une mission d'accompagnement global, dont le sens s'est en partie perdu

Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes sont issues de l'ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale , reprenant ainsi les préconisations du rapport remis par Bertrand Schwartz au Premier ministre Pierre Mauroy en 1981 2 ( * ) .

Pérennisées par la loi n° 89-805 du 19 avril décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle , elles sont aujourd'hui régies par les articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail . Conformément aux orientations posées par le « rapport Schwartz » , ces structures - constituées sous forme associative ou de groupements d'intérêt public (GIP) - s'efforcent d'aider les jeunes à « résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale » 3 ( * ) .

Les 427 missions locales figurent à ce titre parmi les principaux acteurs du service public de l'emploi, aux côtés notamment de Pôle emploi et du réseau des Cap emploi. S'appuyant sur plus de 13 000 agents , leur mission est donc d'orienter et d'accompagner les jeunes dans leurs parcours d'accès à l'emploi ou à la formation initiale ou continue en leur proposant un accompagnement global , qui peut notamment passer par la levée des freins périphériques à leur insertion sociale et professionnelle (problèmes de logement, de santé, de mobilité etc.).

Les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux ont néanmoins mis en évidence une tension grandissante entre l'esprit initial de création des missions locales fondé sur l'accompagnement global des jeunes dans une logique d'accès à l'autonomie et l'application d'une conception de plus en plus stricte de l'insertion professionnelle, au risque de faire évoluer le modèle original de la mission locale vers une forme de « Pôle emploi Jeunes ». Ce constat a des conséquences concrètes sur le dispositif de performance des missions locales (cf. infra ).

2. Une action ciblée sur les jeunes « NEET »

Si les missions locales ont vocation à pouvoir accueillir tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Au 31 décembre 2020, les effectifs des missions locales s'élevaient à 1,3 million de jeunes .

Toutefois, leur action est plus spécifiquement tournée vers les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi ni en formation, dits « NEET » 4 ( * ) , qui constituent leur coeur de cible : parmi les 413 413 jeunes accueillis pour la première fois par les missions locales en 2019, 85,7 % étaient des « NEET » 5 ( * ) .

Les « NEET » en France en 2018

Selon une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des évaluations et des statistiques du ministère du travail (Dares) 6 ( * ) , 963 000 jeunes de 18 à 25 ans ne sont ni en études, ni en emploi ni en formation en 2018, soit 12,9 % de cette classe d'âge et 27,9 % des jeunes qui ont terminé leur formation initiale et un total en repli par rapport à 2015 (1 025 000 jeunes).

Cette étude relève notamment que :

- près d'un NEET sur deux se trouve dans cette situation depuis plus d'un an (48 %) ;

- un peu moins de deux tiers d'entre eux environ sont en contact avec le service public de l'emploi (63 %).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Dares


* 1 « Les missions locales : du rapport Schwartz à la Garantie jeunes, trente années d'accompagnement des jeunes en difficulté », Rapport d'information n° 575 (2016-2017) de MM. François PATRIAT et Jean-Claude REQUIER, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 7 juin 2017.

* 2 Bertrand Schwartz, « L'insertion professionnelle et sociale des jeunes », rapport au Premier ministre, septembre 1981.

* 3 Article L. 5314-2 du code du travail.

* 4 « Not in Education, Employment or Training ».

* 5 Source : questionnaire des rapporteurs spéciaux.

* 6 Dares, « Les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) : quels profils et quels parcours ? », Dares analyses n° 6, février 2020.

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