N° 27

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la situation et l' action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire ,

Par M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN,

Sénateur et Sénatr ice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, MM. Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Travail et emploi » , ont présenté le mercredi 6 octobre 2021 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif à la situation et l'action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire.

I. LES MISSIONS LOCALES, PLUS QUE JAMAIS INDISPENSABLES

A. UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT GLOBAL DES JEUNES, PARTICULIÈREMENT DE CEUX QUI NE SONT NI EN ÉTUDES, NI EN EMPLOI, NI EN FORMATION

Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes sont issues de l'ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale. Conformément aux orientations posées par le « rapport Schwartz », ces structures - constituées sous forme associative ou de groupements d'intérêt public (GIP) - s'efforcent d' aider les jeunes à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale, au moyen d'un accompagnement global et multidimensionnel (emploi, santé, logement, mobilité etc.).

Si les missions locales ont vocation à pouvoir accueillir tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (elles en accueillaient 1,3 million fin 2020), leur action est plus spécifiquement tournée vers les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, dits « NEET » : parmi les 413 413 jeunes accueillis pour la première fois par les missions locales en 2019, 85,7 % étaient des « NEET ».

Cette action est principalement articulée autour d'un dispositif, le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), dont la modalité la plus intensive est la Garantie jeunes . Celle-ci a la spécificité d'associer un accompagnement intensif des jeunes et une allocation mensuelle d'un peu moins de 500 euros par mois. Fin 2020, près de 90 000 jeunes bénéficiaient de ce dispositif.

B. UN FINANCEMENT ASSURÉ PRINCIPALEMENT PAR L'ÉTAT, REPOSANT SUR UN DISPOSITIF DE PERFORMANCE CRITIQUÉ

L'État constitue le principal financeur des missions locales (51,9 % de leur budget en 2018) . Ce financement demeure éclaté puisqu'il implique également les différents niveaux de collectivités territoriales, les entreprises ou encore les partenaires sociaux, chaque financeur étant lié à la mission locale par une convention spécifique définissant des actions particulières.

L'État alloue aux missions locales une enveloppe annuelle, qui s'établissait à 339,1 millions d'euros en crédits de paiements en exécution 2020, soit une hausse de 42,6 % par rapport à 2018, tirée essentiellement par la dynamique des entrées en Garantie jeunes et des besoins d'accompagnement supplémentaires que celle-ci implique. En revanche, l'évolution des moyens alloués au fonctionnement structurelle des missions locales est nettement plus contrainte.

Les financements alloués par l'État s'inscrivent dans une démarche de performance qui fait l'objet de certaines critiques, en ce qu'elle témoignerait d'une conception trop restrictive de la vocation des missions locales, en privilégiant les objectifs de retour immédiat à l'emploi sur l'accompagnement plus global des jeunes dans un objectif d'autonomie et d'émancipation

Total des moyens alloués aux missions locales en 2018

Crédits budgétaires de l'État alloués aux missions locales en exécution 2020

Une part variable conditionnée à des objectifs de performance

C. UN RÔLE DÉCISIF À JOUER DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE

Les jeunes, qui sont traditionnellement plus exposés aux fluctuations de la conjoncture économique, font partie des publics les plus durement frappés par la crise sanitaire, au plan économique et social aussi bien qu'aux plans sanitaire, psychique et moral. Aussi, selon la Dares, le choc du premier confinement a été bien plus violent pour les jeunes : le taux d'emploi a chuté de 3,8 points pour les 16-29 ans entre les deuxièmes trimestres 2019 et 2020 (contre 0,2 point pour les 30-49 ans). À plus long terme, l'impact de la crise se fait spécifiquement ressentir sur les jeunes sortis récemment d'études et les jeunes les moins qualifiés. Ce constat témoigne du rôle crucial des missions locales dans la période actuelle.

II. LES MISSIONS LOCALES À L'ÉPREUVE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

Dans l'ensemble, les liens individuels entre les missions locales et les jeunes accompagnés se sont maintenus durant le premier confinement. Une enquête de la Dares conduite en mai 2020 a montré que près d'une mission locale sur deux assurait être parvenue à maintenir le contact avec au moins 80 % des jeunes qu'elle accompagnait, tandis que seulement une mission locale sur dix déclarait n'avoir pu maintenir le contact qu'avec 10 à 50 % des jeunes.

La qualité du lien d'accompagnement s'est cependant nettement dégradée, du fait du recours imposé à des modalités d'accompagnement à distance . Ont ainsi été constatées certaines difficultés liées à des carences d'équipements, des problèmes de connexion, un manque de connaissance de ces outils ou à des conditions de confinement mal adaptées (impossibilité de s'isoler etc.). Ces difficultés étaient le plus souvent liées à la situation du jeune mais également dans certains cas - plus préoccupants - des conseillers des missions locales.

Enfin, en dépit des confinements, les entrées en PACEA et en Garantie jeunes se sont maintenues à un rythme soutenu en 2020 .

III. LES MISSIONS LOCALES AU DÉFI DE LA RELANCE

A. UNE RALLONGE BUDGÉTAIRE DE PRÈS DE 50 % DANS LE CADRE DU PLAN DE RELANCE, AU SERVICE D'OBJECTIFS AMBITIEUX MAIS INCERTAINS

En loi de finances initiale pour 2021, la mission « Plan de relance » a prévu une rallonge exceptionnelle aux missions locales de 179 millions d'euros, soit une hausse de + 48 % par rapport à l'enveloppe socle . Cet abondement est associé à des objectifs très ambitieux fixés en termes d'entrées en PACEA (+ 80 000) et surtout en Garantie jeunes avec un doublement du nombre d'entrées annuelles (+ 100 000, pour atteindre 200 000 au total). L'atteinte des cibles paraît difficile mais reste possible à supposer que le rythme des entrées s'accélère fortement à l'automne.

Évolution des entrées en PACEA et en Garantie jeunes
au cours de l'année 2021

(en nombre d'entrées)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Dares

B. UN ENVIRONNEMENT COMPLEXIFIÉ PAR LA MULTIPLICITÉ DES DISPOSITIFS ET DES ACTEURS

Le plan « 1 jeune, 1 solution » implique le déploiement simultané et massif d'un grand nombre de dispositifs pour lesquels sont fixés des objectifs quantitatifs ambitieux. Or, ceux-ci peuvent être gérés à titre principal par différents acteurs du service public de l'emploi.

Cette situation engendre un risque avéré de concurrence entre les dispositifs, source de pertes d'efficacité. Il convient à ce titre de clarifier la répartition des publics entre les différents acteurs du service public de l'emploi, en confiant la prise en charge des jeunes ayant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail aux seules missions locales .

C. DES ENJEUX STRUCTURELS DE GOUVERNANCE ET DE FINANCEMENT

Enfin, la réponse aux défis de long terme posés par la crise invite à une réflexion plus structurante sur la gouvernance et sur le financement des missions locales.

S'agissant de la gouvernance, il semblerait prioritaire d'engager une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour tirer le bilan des évolutions de la gouvernance du réseau et envisager la réinstauration d'une instance publique nationale d'animation et de pilotage du réseau . Les acteurs auditionnés ont en effet été nombreux à déplorer la suppression, sans évaluation préalable, de l'ancien délégué ministériel aux missions locales (DMML).

En matière de financement, il importe que les modalités d'évaluation de la performance des missions locales soient davantage en adéquation avec la vocation réelle de ces structures, qui est d'offrir un accompagnement global aux jeunes, en vue de leur accès à l'emploi mais également à l'autonomie et l'émancipation . Cela passe par une vision globale des résultats de l'action des missions locales, qui laisse plus de place aux actions visant à lever les freins périphériques à l'emploi, ainsi qu'une approche élargie de ce qu'est une sortie « positive » des parcours d'insertion. Cela passe également par un approfondissement du dialogue de gestion, en partenariat avec les autres financeurs des missions locales.

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