EXAMEN EN COMMISSION

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur. - Je vous présente le rapport sur la mission « Pouvoirs publics ». Je limiterai mes observations à la présidence de la République, au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République. Pour les assemblées parlementaires et la chaîne parlementaire, je vous renvoie à l'excellent rapport de la commission des finances, pour éviter tout conflit d'intérêts, puisque, en tant que questeur, il serait malvenu que je m'exprime sur le sujet.

Les crédits de la présidence de la République, qui avaient beaucoup augmenté dans les premières années du quinquennat, se sont stabilisés, ce que je salue. Comme l'année dernière, les crédits s'élèvent à environ 109 millions d'euros. Les dépenses du déplacement du Président de la République sont en diminution, compte tenu de la crise sanitaire, qui a réduit le nombre de voyages présidentiels.

Les dépenses d'investissement sont contenues, elles ont diminué de 4,67 % entre 2021 et 2022 après deux années de hausse. Nous avons toujours soutenu les dépenses d'investissement, dès lors qu'elles étaient affectées à des missions de sécurité de la Présidence, qui est une question majeure. Cette année, les dépenses portent sur les investissements informatiques, sur les télécommunications, sur l'hôtel de Marigny et sur la protection des personnels de la direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), dépenses que je soutiens complétement.

Les dépenses de fonctionnement augmentent de manière modérée, à cause des travaux de purge des réseaux et de la rationalisation de certaines dépenses, comme celles liées au parc automobile.

La hausse des dépenses de personnel est très limitée. La présidence de la République s'est fixé un plafond d'emplois à 825 équivalents temps plein (ETP), avec une compression des heures supplémentaires. La Cour des comptes avait souhaité une exclusivité pour l'attribution de l'indemnité de sujétion particulière, notamment en ce qui concerne la rémunération des heures complémentaires. Ces dispositifs sont exclusifs pour les nouveaux entrants, mais ils restent cumulables pour les personnels en fonction.

Le prélèvement habituel sur la trésorerie, nécessaire à l'équilibre du budget, malgré une réduction de 4,5 % par rapport à 2021, s'élève pour 2022 à 2,4 millions d'euros. Il est toujours très difficile de connaître les réserves exactes de la présidence de la République : selon la Cour des comptes, elles s'élevaient à 20,56 millions d'euros en 2019 et à 20,41 millions d'euros en 2020.

La gestion est donc extrêmement prudente. Voilà qui tranche singulièrement avec les deux ou trois premières années de quinquennat. À l'approche de l'élection présidentielle, la vertu semble s'être installée.

J'en viens au Conseil constitutionnel. Les crédits augmentent de 2,5 millions d'euros, à cause des futures élections présidentielle et législatives. Le Conseil constitutionnel contrôle la validité et le bon déroulement de l'élection présidentielle, il examine les réclamations et proclame le résultat, il recueille les parrainages, arrête la liste des candidats et désigne les délégués qui surveillent sur place les opérations électorales. Il intervient tout au long du processus. Par ailleurs, en vertu de l'article 59 de la Constitution, le Conseil constitutionnel statue en cas de contestation sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs.

Voilà qui entraîne le recours à 2 000 magistrats, délégués du Conseil constitutionnel assurant le contrôle des opérations électorales dans les bureaux de vote et vérificateurs et spécialistes de la législation électorale, ainsi que des coûts informatiques liés au traitement des parrainages. Le Conseil accueillera aussi en ses murs des agents du ministère de l'intérieur et des rapporteurs adjoints issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Le détachement de la Garde républicaine sera lui aussi augmenté. Enfin, compte tenu du contexte sanitaire, le Conseil louera un local supplémentaire de 154 m 2 .

J'en viens aux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), qui se développent. Leur répartition est égale, cette année, entre celles provenant du Conseil d'État et celles de la Cour de cassation. Au premier semestre 2021, 41 des 60 décisions du Conseil relèvent de QPC.

Le président du Conseil constitutionnel souhaiterait un recensement complet, en matière de QPC, des décisions prises en première et seconde instance. Voilà qui constituerait une base de données très importante et utile, et qui explique les crédits supplémentaires de 900 000 euros.

J'ai évoqué avec Laurent Fabius des travaux récents du Sénat, en particulier la proposition de loi constitutionnelle modifiant l'article 38 de la Constitution suite aux décisions du Conseil du 28 mai 2020 et du 3 juillet 2020 Le président du Conseil constitutionnel a déclaré que, les décisions du Conseil s'appliquant à l'ensemble des pouvoirs publics, le débat était clos et n'appelait aucune précision de sa part.

Un nouveau dispositif prospère : désormais, le Conseil constitutionnel se déplace dans nos régions pour tenir des audiences de QPC. Des audiences ont eu lieu à Metz, à Pau, à Lyon et à Bourges, à l'instar de ce qui se passe au Canada. Ces audiences délocalisées font l'objet de travaux préparatoires avec la juridiction d'accueil, puis des échanges s'engagent avec des étudiants en droit des universités de la région. Chaque fois, le coût est d'environ 20 000 euros, en raison de la retransmission audiovisuelle.

Enfin, des échanges utiles ont eu lieu avec la Cour de Karlsruhe et sont prévus avec l'Association des cours constitutionnelles francophones (ACCF), qui se réunira bientôt à Dakar.

La Cour de justice de la République fait l'objet de nombreuses contestations, mais les saisines sont massives. La Cour s'organise en trois degrés. La commission des requêtes se réunit une ou deux fois par mois et analyse entre 20 et 30 plaintes par séance. La commission d'instruction n'évoque que les sujets transmis par la commission des requêtes. Enfin, au terme de l'instruction, la formation en jugement, peut, le cas échéant, se réunir, ce qu'elle fera une fois en 2022.

En 2020, 246 recours ont été déposés devant la commission des requêtes, dont 164 afférents à la crise sanitaire. En 2021, nos ministres Agnès Buzyn et Olivier Véran ont fait l'objet de 19 078 recours. Ces plaintes émanent du même avocat, et, pour le moment, aucun désistement n'est à prévoir. Au 31 mai 2021, seulement 15 dossiers étaient en cours d'instruction. La commission des requêtes procède donc à un important élagage. L'augmentation des crédits tient au fait que les frais de justice sont importants, notamment dans le contexte de la crise sanitaire.

Bercy a autorisé des reports de crédits, ce qui est une bonne nouvelle. Le coût de loyer de la Cour dans un immeuble proche des Invalides s'élève à 493 000 euros pour l'année. La Cour espère pouvoir s'installer sur l'île de la Cité, à l'issue du procès sur les attentats de 2015, dans deux ou trois ans.

Mes chers collègues, je vous aurais proposé d'approuver ces crédits si le vote en séance publique hier n'avait pas abouti au rejet de la première partie du projet de loi de finances.

M. Patrick Kanner . - Le Conseil constitutionnel voit sa dotation augmenter de 32 %. Est-ce seulement lié au nouveau fichier sur les QPC et à l'organisation des élections ?

Monsieur le rapporteur, votre pudeur questorale s'est judicieusement manifestée, mais les budgets de l'Assemblée nationale et du Sénat augmentent respectivement de 6 % et de 4 %. Que pouvez-vous nous en dire ?

M. Alain Richard . - La création d'un fichier de jurisprudence sur les décisions QPC semble très judicieuse. Pourquoi la Cour de cassation et le Conseil d'État n'ont-ils pas déjà réalisé ce travail, qui semble devoir leur incomber ? Le Conseil constitutionnel constate-t-il une carence de la part de ces juridictions ?

M. Philippe Bas . - En matière de pouvoirs publics constitutionnels, notre tradition républicaine consiste à respecter la séparation des pouvoirs. L'unité du budget de l'État et la séparation des pouvoirs sont parfois difficiles à concilier. Ces crédits constitutionnels sont inscrits dans le budget de l'État, que vote le Parlement. En l'espèce, le vote du Parlement est tout à fait particulier. Par exemple, nous ne pourrions accepter que l'Assemblée nationale vienne remettre en cause la dotation de l'État au Sénat, et réciproquement. De même, le Parlement pourrait difficilement remettre en cause la dotation de l'État à la présidence de la République ou au Conseil constitutionnel.

Le terme « approbation » des crédits, justifié en droit, est peut-être un peu excessif. Il s'agit plus d'un constat que nous faisons. Le Parlement ne souhaite en aucun cas s'immiscer dans les crédits des pouvoirs constitutionnels. Le contrôle que nous pourrions effectuer sur ces crédits ne pourrait être que très restreint, dans l'hypothèse d'une dotation outrageante pour la République. Je suis donc prêt à « constater » les crédits plutôt qu'à les « approuver ».

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur pour avis. - Monsieur Kanner, les 2,5 millions d'euros supplémentaires affectés au Conseil constitutionnel incluent toutes les dépenses afférentes aux missions de contrôle de l'élection présidentielle, des parrainages à la proclamation des résultats, et au contentieux sur les élections législatives. Il faut recruter 2 000 vacataires et la vérification des parrainages est très chronophage. De plus, 900 000 euros sont affectés à la création du nouveau portail de référence des QPC.

En revanche, je ne peux répondre à votre seconde question. Je vous renvoie au rapport de la commission des finances, car il est logique qu'un questeur n'intervienne pas en ces matières, pour prévenir tout conflit d'intérêts.

Monsieur Richard, le Conseil d'État a mené ce travail, sur le site ArianeWeb, qui reprend les décisions relatives à la transmission de QPC. Ce n'est pas le cas pour la Cour de cassation. La volonté du Conseil constitutionnel est bien réelle : le Président a beaucoup insisté, car il est très attaché à disposer d'un site internet, édifice complet, au service des QPC, qu'il considère comme une grande oeuvre citoyenne et une grande novation. Il pourra sans doute s'appuyer sur le fichier existant du Conseil d'État.

Monsieur Bas, j'approuve totalement votre nuance. Si nous sommes tous attachés à la séparation des pouvoirs, nous ne pouvons que souscrire à votre remarque. L'approbation que je sollicite, mes chers collègues, se limite à la publication des observations que je viens de formuler.

La commission donne acte de sa communication au rapporteur pour avis et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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