N° 217

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur l' environnement et la prospective de la politique de défense ,

Par MM. Pascal ALLIZARD et Yannick VAUGRENARD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

L'ESSENTIEL

Principaux constats et préconisations

D'un montant de 1,77 milliard d'€, en hausse de 5,6 % par rapport à 2021, le budget pour 2022 du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » dépasse l'objectif de croissance fixé par la LPM 2019-2025 dont la hausse pour l'ensemble de la mission « Défense » est de 3,9 %.

Cette évolution confirme le maintien au rang des priorités du ministère des armées des missions stratégiques que représentent la recherche et l'exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France, la préparation des capacités militaires futures par la recherche et l'innovation. Toutefois, la trajectoire budgétaire 2022 est inégalement répartie .

En matière de renseignement , la priorité est donnée à la modernisation de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) dont les crédits passeront de 18,4 M€ à 35,4 M€, soit + 92,4 %. En revanche, après une hausse de 11 % des crédits dédiés en 2021, on observe une contraction de 3,6 % des crédits de fonctionnement, d'équipement et d'intervention de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). La progression des crédits de personnel au titre du programme 212 doit être soulignée mais elle ne fait qu'accroitre l'attention portée par les rapporteurs à la probable sous-dotation de la DGSE et de la DRSD en crédits de fonctionnement .

En matière de recherche et innovation , l'engagement de porter à 1 milliard d'€ les crédits d'études amont est respecté . Toutefois, trois points de vigilance majeurs sont soulevés :

• la mobilisation effective des crédits d'études amont supplémentaires ;

• la dotation de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) ;

l'accès au financement bancaire des PME et PMI de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

***

Réunie le mercredi 24 novembre 2021, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné acte de leur communication aux rapporteurs et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information, la forme initiale de l'avis budgétaire étant devenue sans objet à la suite du rejet par le Sénat, le 23 novembre 2021, du projet de loi de finances pour 2022.

I. LES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES DE LA LPM 2019-2025 SONT TENUS MAIS INÉGALEMENT RÉPARTIS

Hausse globale du budget du programme 151 est inégalement répartie...

... entre 0,8 % pour le renseignement (DGSE et DRSD)...

... et 11 % pour le financement de la prospective de défense relative aux études amont.

Entre les crédits votés en LFI 2021 et la prévision du PLF 2022, le programme 144 progresse de 93 M€ essentiellement fléchés vers la prospective de défense (+ 90 M€). Compte tenu de l'actualisation de la revue stratégique 2021, actant l'apparition de menaces nouvelles et la montée en puissance de compétiteurs régionaux, en méditerranée orientale et au Moyen-Orient, cet effort accru en matière de recherche et d'innovation s'inscrit dans l'analyse que fait la direction générale des relations internationales et de la stratégie, en charge du pilotage du programme 144, sur « les stratégies hybrides [qui] nous imposent une agilité inédite » 1 ( * ) . Cette priorité est bien prise en compte au profit de la prospective de défense (cf. tableau ci-dessous).

Évolution des crédits de paiement du programme 144

(en millions d'euros)

LFI 2021

PLF pour 2022

Évolution 2021-2022

Action 3 : Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

406.3

409.5

0,8%

Sous-action 3-1 Renseignement extérieur

387.9

374.1

-3,6%

Sous-action 3-2 Renseignement de sécurité de défense

18.4

35.4

92,4%

Action 7 : Prospective de défense

1 237.7

1 327.7

7,3%

Sous-action 7-1 Analyse stratégique

9.3

8.7

-6,5%

Sous-action 7-2 Prospective des systèmes de forces

22.3

22.6

1,3%

Sous-action 7-3 Etudes amont

901.0

1 001.8

11,2%

Sous-action 7-4 Gestion des moyens et

subventions

305.1

294.6

-3,4%

Action 8 : Relations internationales et diplomatie de défense

40.7

41.3

1,5%

TOTAL

1 684.7

1 778.4

5,6%

Source : DGRIS

Mais les rapporteurs pour avis remarquent que le budget du renseignement extérieur marque le pas - peut-être au plus mauvais moment - alors que s'accumulent les adversités provenant de nos compétiteurs (comportements agressifs dans l'espace de la part de la Russie, expérimentation de planeurs hypersoniques transcontinentaux par la Chine, menaces cyber tous azimuts, etc.) mais aussi de nos propres alliés, qu'il s'agisse du retrait américain précipité d'Afghanistan, de l'annulation du contrat australien des sous-marins Naval Groupe de classe Attack au profit de l'alliance AUKUS, ou encore de la survenue de coups d'état au Mali et dans d'autres pays partenaires d'accord de défense avec la France.

Plus que jamais, le contexte stratégique nous impose de décrypter les signaux faibles pour prévenir les attaques les plus immédiates et les menaces de demain. La fonction de recherche et d'anticipation du renseignement doit être renforcée, sans attendre la prochaine marche budgétaire de 2023, pour légitimement éprouver la fiabilité de nos partenaires, pour rester influents et écoutés.

Si notre ambition en matière de souveraineté nationale doit rester élevée, la question se pose de réorienter nos moyens pas seulement pour se maintenir à niveau dans la compétition internationale (expérimentation de capacités spatiales, poursuite de l'effort sur les technologies de rupture et de dissuasion, etc.) mais surtout pour rattraper nos compétiteurs directs et nos partenaires (développement de solutions souveraines d'outils cyber, capacités d'observation sur tout le spectre des moyens de renseignement, etc.). Il s'agit de conforter nos domaines d'excellence sans accumuler les retards sur d'autres priorités (drones, effectifs cyber combattants, etc.).


* 1 Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie (entretien du 6 mai 2021 paru dans AIR&COSMOS n° 2757 du 12 novembre 2021).

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