II. UN NIVEAU DE FINANCEMENT PUBLIC ET DES CAPACITÉS POURTANT AU-DESSUS DE LA MOYENNE EUROPÉENNE

Les tensions qui affectent le système hospitalier s'accentuent alors même que les comparaisons internationales placent plutôt la France parmi les pays qui consacrent le plus de moyens à leurs hôpitaux en proportion de leur PIB, et dont les capacités hospitalières par habitant sont les plus élevées. On a pu qualifier de « paradoxe hospitalier français » 24 ( * ) cette contradiction entre indicateurs statistiques et réalités des situations vécues, qui rend d'autant plus complexe l'analyse des faiblesses du système hospitalier de notre pays, au sens où elles peuvent moins provenir du niveau global de ressources que de difficultés de structure et d'organisation.

A. DES DÉPENSES HOPISTALIÈRES PARMI LES PLUS ÉLEVÉES DES PAYS EUROPÉENS

Selon l'OCDE, les dépenses des hôpitaux financées par des régimes publics ou obligatoires d'assurance représentent en France 4 % du PIB . Ce taux est similaire à des pays européens comme le Danemark ou la Norvège. Il est nettement inférieur pour d'autres pays comme l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, où il s'élève à 3,1/3,2 % du PIB.

Part des dépenses des hôpitaux financées par des régimes publics ou obligatoires d'assurance par rapport au PIB en 2019 dans plusieurs pays européens

(en % du PIB)

Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de l'OCDE

Des biais existent dans ces comparaisons, mais ils ne remettent pas en cause le constat selon lequel la France dépense davantage pour les hôpitaux en proportion de son PIB que la majorité des autres pays européens , et au contraire, certains viennent renforcer cette tendance. L'encadré suivant récapitule les principales limites relatives aux comparaisons internationales des agrégats sur les hôpitaux.

Les limites et difficultés des comparaisons internationales sur les hôpitaux

La première difficulté tient dans la définition même de ce qu'est un « hôpital ». La frontière est parfois en effet flottante entre les hôpitaux et les centres de santé multidisciplinaires qui sont répandus dans certains pays comme le Japon, la Suède, la Finlande ou le Royaume-Uni.

Pour pallier cette difficulté, les organismes internationaux ont cherché à harmoniser le plus possible la définition des hôpitaux. Ceux-ci sont présentés comme des « établissements dont l'activité principale est de fournir des diagnostics et des traitements, des soins médicaux et infirmiers et autres soins à des patients hospitalisés (c'est-à-dire passant au moins une nuit à l'hôpital), ainsi que des services spécialisés liés à l'hébergement de ces patients » 25 ( * ) . Cette définition est notamment adoptée par l'OCDE. Les statistiques de l'OCDE incluent les hôpitaux généraux et les hôpitaux spécialisés, dont les hôpitaux psychiatriques. Elles excluent en revanche les établissements pour personnes âgées dépendantes et les établissements pour personnes handicapées, ainsi que les autres établissements de soins de longue durée.

Des biais subsistent toutefois dans la comptabilisation des hôpitaux : par exemple l'Espagne et les Pays-Bas comptent des entités légales plutôt que physiques. Ces biais concernent cependant un champ et un nombre de pays trop limités pour rendre les comparaisons non pertinentes.

Les biais les plus importants se trouvent donc moins dans les structures qui sont comptées ou non comme des hôpitaux, que dans le champ des soins qui y sont dispensés. La question se pose particulièrement concernant l'exercice des soins spécialisés en ambulatoire.

Dans une partie des pays européens, comme le Royaume-Uni, l'Espagne et les pays nordiques, elle est dispensée par les hôpitaux. Dans d'autres, comme la France, l'Allemagne et les Pays-Bas, elle est pratiquée par des médecins libéraux. Valérie Paris, dans un article de 2020 26 ( * ) , propose ce tableau des pratiques des soins spécialisés en ambulatoires des européens membres de l'OCDE :

Source : Valérie Paris, article cité

Les pays où les soins hospitaliers en ambulatoire sont exercés par les hôpitaux tendent donc à voir leurs dépenses hospitalières augmenter. Ce biais tend ainsi à renforcer le poids des dépenses hospitalières en France relativement aux pays nordiques. Il ne vient donc pas relativiser la part du PIB consacrée en France aux dépenses hospitalières, mais au contraire la renforcer.

Une autre difficulté tient dans la part des dépenses de médicaments incluses dans les dépenses hospitalières. Le Danemark, le Portugal, la République tchèque et la Grèce en incluent une grande part dans les dépenses hospitalières (supérieure à 25 %), ce qui gonfle les dépenses hospitalières. Toutefois, dans les autres pays européens, dont la France et l'Allemagne, ces dépenses sont bien incluses dans la catégorie « détaillants ». Ce biais n'explique donc pas non plus la part élevée du PIB en France consacrée aux dépenses hospitalières.

L'examen de l'évolution des dépenses hospitalières depuis 2012 dans les mêmes pays montre que même si les dynamiques sont variables (la part des dépenses hospitalières est par exemple croissante en Norvège, tandis qu'elle est stable en Allemagne et en diminution pour le Danemark), la part de financement dans le PIB est restée relativement stable dans la majorité des pays européens de taille comparable à la France. Il est de ce fait possible de distinguer trois « clubs » de pays : ceux dont le niveau de dépenses hospitalières se situent aux alentours de 4 % du PIB, ceux dont ce niveau est aux alentours de 3,1 % du PIB, et enfin ceux qui se trouvent entre les deux, vers 3,6 % du PIB.

Évolution des dépenses hospitalières, exprimées en pourcentage du PIB entre 2012 et 2019 dans plusieurs pays européens

(en % du PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Évolution 2012-2019

France

4,0

4,0

4,1

4,1

4,2

4,1

4,0

4,0

0

Allemagne

3,0

3,1

3,1

3,1

3,1

3,1

3,1

3,1

+ 0,1

Royaume-Uni

-

3,7

3,8

3,8

3,8

3,8

3,8

3,8

+ 0,1

Norvège

3,3

3,4

3,6

4,0

4,1

3,9

3,8

4,0

+ 0,7

Pays-Bas

3,2

3,2

3,1

3,2

3,2

3,1

3,1

3,1

- 0,1

Finlande

3,1

3,2

3,1

3,2

3,1

3,2

3,2

3,2

+ 0,1

Espagne

3,6

3,5

3,5

3,7

3,6

3,5

3,5

3,6

0

Italie

3,8

3,8

3,8

3,8

3,7

3,7

3,6

3,6

- 0,2

Danemark

4,3

4,3

4,3

4,3

4,2

4,2

4,2

4,1

- 0,2

République tchèque

2,9

3,0

3,1

2,9

2,8

2,8

3,1

3,2

+ 0,3

Portugal

3,2

3,2

3,1

3,1

3,1

3,1

3,2

3,2

0

Suède

4,0

4,1

4,2

4,1

4,1

4,1

4,2

4,2

+ 0,2

Belgique

3,0

3,0

3,0

3,1

3,0

3,1

3,0

3,2

+ 0,2

Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de l'OCDE

Dans le cas de la France, après une remontée jusqu'en 2016, la part des dépenses hospitalières dans le PIB a diminué jusqu'en 2019, si bien qu'elle est revenue au niveau qu'elle avait en 2012. La part des dépenses hospitalières au sein de l'ensemble des dépenses de santé est également restée relativement stable : elle est passée de 35,1 % en 2012 à 36,1 % en 2019. Il s'agit donc d'une caractéristique structurelle de notre système de santé

La part élevée des dépenses hospitalières dans le PIB se traduit bien pour la France par des capacités hospitalières importantes en comparaison des autres pays européens . La France fait en effet partie des pays de l'OCDE qui possède par habitant le plus grand nombre d'hôpitaux, de lits, ainsi que de personnes travaillant dans les hôpitaux.


* 24 Robert Holcman, « Le paradoxe hospitalier français », Le Débat , Gallimard, 2020/2 n° 209, p. 37-44.

* 25 OCDE, Eurostat et l'Organisation mondiale de la santé. Cité par Valérie Paris, dans « Les comparaisons internationales des hôpitaux : apports et limites des statistiques disponibles », Revue française d'administration publique , n° 174, 2020, p. 363-384.

* 26 Valérie Paris, « Les comparaisons internationales des hôpitaux : apports et limites des statistiques disponibles », Revue française d'administration publique , n° 174, 2020/2, p. 363-384.

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