IV. UNE SITUATION FINANCIÈRE CONTRASTÉE SELON LES TYPES D'ÉTABLISSEMENT, MAIS UN NOMBRE ÉLEVÉ D'HÔPITAUX PUBLICS EN DÉFICIT

La majorité des données les plus récentes portent sur l'année 2019, qui est également la plus significative sur la trajectoire financière des établissements de santé, l'exercice 2020 ayant été marqué par différentes particularités liées à la crise covid dont l'incidence ne peut encore être établie avec précision.

En 2019, plus de la moitié des hôpitaux publics étaient en déficit. Leur dette s'est stabilisée, mais au détriment de l' effort d'investissement , qui s'est réduit de moitié en dix ans , avec pour corollaire, une augmentation continue du taux de vétusté des équipements .

Les établissements privés, à but lucratif ou non lucratif, sont comparativement meilleure, même si les situations sont contrastées et que leur effort d'investissement demeure contraint.

A. MALGRÉ UNE STABILISATION DE LA DETTE, UNE SITUATION FINANCIÈRE DES HÔPITAUX PUBLICS QUI RESTE FRAGILE EN RAISON DE LA CONCENTRATION DES DÉFICITS

1. Une aggravation de la concentration des déficits des hôpitaux publics

Les recettes des hôpitaux publics ont progressé de 2,2 % en 2019 pour atteindre 81,9 milliards d'euros, rythme semblable à celui de 2018. Les dépenses ont été de 82,9 milliards d'euros en 2019, et ont progressé à un rythme identique à celui des recettes, soit 2,2 %. Le déficit du budget global est par conséquent resté relativement stable entre 2018 et 2019.

La légère progression de l'effort d'investissement, qui passe de 4,7 % des recettes en 2019 contre 4,6 % en 2018, n'est pas suffisante pour relativiser le déficit des hôpitaux publics.

Évolution du solde des hôpitaux publics entre 2012 et 2019

(en pourcentage des recettes)

Source : Commission d'enquête, d'après les chiffres de la Drees

Le déficit des hôpitaux publics en 2019 était de 566 millions d'euros . Après une forte augmentation entre 2016 et 2017, il est en diminution depuis. Cependant, cette diminution ne doit pas masquer des différences notables entre les comptes de résultat des hôpitaux.

Le résultat net est en effet composé de trois éléments : le résultat d'exploitation, qui concerne les activités courantes, le résultat financier, qui est issu des placements et des dettes, et le résultat exceptionnel.

Le résultat exceptionnel tire le résultat net des hôpitaux vers le haut : il est excédentaire depuis 2013, et il a atteint 570 millions d'euros en 2019. Le résultat financier est en déficit de 861 millions d'euros en 2019, ce qui représente une légère amélioration par rapport à 2018, où le déficit était de 911 millions d'euros. En revanche, le déficit du résultat d'exploitation s'est nettement aggravé entre 2018 et 2019, passant de 48 millions d'euros à 278 millions d'euros.

La composition du résultat net des hôpitaux en 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Source : Commission d'enquête, d'après les chiffres de la Drees

Note : l'écart avec résultat net retenu, 566 millions d'euros, provient de ce que l'annexe 7 du PLFSS utilise des chiffres plus récents que le panorama d'établissements de santé de la Drees de 2021, d'où sont tirés les comptes de résultat.

Comme le montre le graphique précédent, l'amélioration du déficit des hôpitaux en 2019 est due à une amélioration du résultat exceptionnel. Or le produit exceptionnel connaît une forte variation selon les années, tandis que l'évolution du résultat d'exploitation est plus déterminante dans l'évolution du déficit des hôpitaux à moyen terme.

En outre, les situations sont hétérogènes selon les différentes catégories d'établissement de santé, comme le montre le tableau suivant.

Évolution du résultat net des budgets
des établissements publics de santé entre 2015 et 2019

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

CHU

- 249

- 99

- 23

51

112

AP-HP

40

55

- 175

- 122

- 162

Très grands CH

- 44

- 33

- 59

- 14

- 49

Grands CH

- 53

- 62

- 181

- 210

- 224

CH moyens

- 101

- 137

- 260

- 224

- 172

Petits CH

16

16

- 41

- 61

- 71

Total

- 392

- 260

- 740

- 580

- 566

Source : Annexe 7 du PLFSS pour 2022

Excédent ou déficit des hôpitaux publics entre 2012 et 2019

(en pourcentage des recettes)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

AP-HP

- 0,3

- 0,1

- 0,1

0,6

0,7

- 2,4

- 1,7

- 2,2

Autres CHR

0,2

- 0,3

- 0,6

- 1,1

- 0,5

- 0,1

0,2

0,5

Très grands et grands CH

0,2

- 0,1

- 0,2

- 0,6

- 0,5

- 1,4

- 1,1

- 1,1

CH moyens

- 0,2

- 0,5

- 0,8

- 0,7

- 1,2

- 2,2

- 2,4

- 2,2

Petits CH

0,5

0,6

0,1

- 0,2

0,3

- 0,6

- 0,4

- 1,1

Total

0,1

- 0,1

- 0,3

- 0,5

- 0,3

- 0,9

- 0,7

- 0,7

Source : Commission d'enquête, d'après les chiffres de la Drees

L'augmentation des déficits en 2017 s'explique par la combinaison de la stagnation des recettes issues des séjours ainsi que des mesures statutaires de 2016 et 2017, qui ont conduit à une augmentation des charges de personnel. Il faut relever que, à contre-courant des autres catégories d'établissements de santé, le résultat net des CHU s'est amélioré entre 2016 et 2017.

Les centres hospitaliers ont pour leur majorité connu une dégradation de leur résultat entre 2017 et 2019 . Les très grands centres hospitaliers ont connu une légère amélioration, même si leur résultat net reste négatif (- 49 millions d'euros). Pour les CHU, l'amélioration est notable : ils passent d'un résultat net négatif en 2017 (- 23 millions d'euros) à un résultat positif (112 millions d'euros).

Il est utile de mettre en relation ces données avec le nombre et la proportion d'établissements de santé en déficit, pour évaluer notamment la concentration des déficits sur certains établissements en difficulté.

Nombre d'établissements publics de santé en déficit (budget principal)

2016

2017

2018

2019

2020

CHU

18

16

14

17

10

Très grands CH

17

23

18

21

19

Grands CH

63

81

79

80

56

CH moyens

145

161

149

134

114

Petits CH

161

202

200

204

145

Total général

404

483

460

456

344

Source : Commission d'enquête, d'après les chiffres du ministère des solidarités et de la santé

Proportion des établissements de santé en déficit

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

CHU

73 %

68 %

68 %

56 %

50 %

44 %

53 %

31 %

Très grands CH

52 %

45 %

59 %

53 %

70 %

53 %

62 %

54 %

Grands CH

61 %

64 %

58 %

55 %

70 %

69 %

68 %

48 %

CH moyens

60 %

65 %

59 %

65 %

72 %

66 %

59 %

50 %

Petits CH

38 %

41 %

49 %

39 %

49 %

48 %

49 %

36 %

Total général

47 %

50 %

52 %

49 %

58 %

55 %

55 %

42 %

Source : Commission d'enquête, d'après les chiffres du ministère des solidarités et de la santé

Les chiffres de 2020 doivent être considérés avec précaution. Ils comptabilisent en effet les biens remis à titre gratuit lors de la crise sanitaire à leur valeur vénale dans les stocks des établissements, conformément à la norme comptable M21, ce qui génère un produit supplémentaire, et conduit à une amélioration du résultat comptable des établissements. D'après les indications fournies à la commission d'enquête par le ministère de la santé et des solidarités, l'amélioration des résultats en 2020 s'explique principalement par la comptabilisation de ces biens.

Hors effet stock, le nombre d'établissements publics de santé déficitaires en 2020 est en réalité de 425, et la moyenne totale des établissements en déficit n'est pas de 42 % mais de 52 %, ce qui constitue une légère diminution par rapport à 2020. Des chiffres plus précis concernant les différentes catégories d'établissements pour l'exercice 2020 n'ont pas pu être fournis à la commission d'enquête, sauf pour les CHU, où il est indiqué que le nombre d'établissements en déficit est similaire à 2019.

Il faut souligner toutefois qu'entre 2017 et 2019, seul le nombre de centres hospitaliers de taille moyenne en déficit a diminué. Pour les autres catégories d'établissements de santé, ce nombre est resté globalement stable.

Les déficits des hôpitaux publics sont de plus en plus concentrés : selon la Drees, la moitié du déficit cumulé des hôpitaux publics en 2019 se concentre sur 43 établissements, contre 50 en 2018. En outre, les déficits cumulés sont estimés à 1 048 millions d'euros en 2019, en aggravation par rapport à 2018, où ils étaient de 963 millions d'euros.

Lorsque l'on met en relation les données sur la proportion des établissements endettés, et celles sur le déficit global, on se rend compte que le déficit des centres hospitaliers de moyenne taille est resté identique
(- 2,2 %) entre 2017 et 2019, tandis que le nombre d'établissements en déficit a diminué sur la même période, ce qui signifie les déficits des établissements concernés se sont en moyenne aggravés.

De la même façon, le résultat net des CHU s'est nettement amélioré entre 2017 et 2019, tandis que le nombre d'établissements en déficit est resté globalement stable, ce qui révèle une aggravation du déficit des établissements qui étaient déjà en situation de déficit.

La concentration des établissements excédentaires s'accentue également. La moitié des excédents sont imputables à 16 établissements en 2019, contre 22 en 2018, et l'excédent cumulé est de 480 millions d'euros en 2019, alors qu'il était de 394 millions en 2018.

La concentration tant des déficits que des excédents est un sujet important, au sens où elle peut conduire à un hôpital public à « deux vitesses », c'est-à-dire une césure entre des établissements qui connaissent une stabilité financière, et d'autres pour lesquels les difficultés financières créent un cercle vicieux.

2. Une dette stabilisée, mais une chute de l'effort d'investissement et un taux de vétusté des établissements qui s'aggrave

L' encours de la dette des hôpitaux publics s'établit à 29,3 milliards d'euros en 2019 , ce qui représente 35,7 % de ses recettes cette année . Il est en diminution de 0,68 % par rapport à 2018 (29,5 milliards d'euros), et pour la première fois depuis 2015, la dette des hôpitaux publics est en baisse. De même, le taux d'endettement (défini comme la part des dettes au sein des ressources constituées des capitaux propres et des dettes financières) diminue légèrement en 2019, pour atteindre 51,4 % . Pour autant, les hôpitaux publics restent dans une situation financière fragile.

L'endettement des hôpitaux publics a diminué de 1,3 % entre 2013 et 2019, alors qu'il avait augmenté de 80 % entre 2008 et 2013. Le taux d'endettement est également en légère diminution depuis 2016, alors qu'il était en croissance quasiment continue entre 2009 et 2016. Enfin, le rapport de l'encours sur les recettes des hôpitaux publics a connu un maximum en 2013 à 39,9 % , pour diminuer jusqu'en 2019.

Évolution de l'endettement des hôpitaux publics de 2008 à 2019

Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de la Drees

Cette stabilisation a toutefois été accomplie au détriment de l'effort d'investissement. À l'exception de la légère hausse de 0,1 % entre 2018 et 2019, l'effort d'investissement est en baisse depuis 2009 . Il a été réduit de plus de moitié, passant de 10 % des recettes en 2009 à moins de 5 % en 2019.

La diminution de l'effort d'investissement a été rapide entre 2009 et 2016, avec une baisse d'en moyenne 0,7 % par an. Depuis 2016, cette diminution est plus lente (- 0,17 % en moyenne par an), mais la tendance à la baisse de l'investissement n'est pas encore inversée.

Évolution du taux d'endettement et de l'effort d'investissement des hôpitaux publics entre 2009 et 2019

Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de la Drees

La diminution de l'effort d'investissement se traduit dans l' augmentation du taux de vétusté des équipements et des constructions des hôpitaux publics , indicateurs révélateurs du besoin en investissement des hôpitaux 51 ( * ) . Le taux de vétusté des équipements est ainsi passé de 75 % à 80 % entre 2010 et 2018 , et celui des constructions est passé de 46 % à 50,5 % sur la même période.

Évolution du taux de vétusté des équipements des hôpitaux publics entre 2010 et 2018

(en pourcentage)

Source : Rapport de l'IGAS, Évaluation de la dette des établissements publics de santé et des modalités de sa reprise , avril 2020


* 51 Le taux de vétusté rapporte l'amortissement des équipements à la valeur brute des équipements, et l'amortissement des constructions à la valeur brute des constructions.

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