DEUXIÈME PARTIE
FAIRE ET REDONNER CONFIANCE AUX ACTEURS HOSPITALIERS

Le système hospitalier a joué un rôle majeur dans la diffusion du progrès médical et l'amélioration des prises en charge qui se traduisent en particulier par l'allongement de la durée de vie. Mais celle-ci génère aussi des besoins de santé croissants qui exercent une pression forte sur l'ensemble des acteurs de santé, hospitaliers comme libéraux.

Dans ce contexte, le malaise des personnels hospitaliers, les départs et les difficultés de recrutement qu'il provoque, menacent d'entraîner l'hôpital dans une spirale négative.

Face à ce risque d'affaissement, il est indispensable de faire confiance et de redonner confiance aux acteurs hospitaliers dans leur ensemble, qu'ils soient soignants, gestionnaires ou chargés de fonctions de soutien.

Il s'agit tout d'abord de leur permettre de reprendre prise sur la marche de l'hôpital et l'organisation de leur travail , alors qu'ils ont aujourd'hui trop souvent le sentiment de subir les conséquences de décisions arrêtées et imposées sans considération des réalités quotidiennes. Une gouvernance plus équilibrée, de plus larges responsabilités confiées aux équipes soignantes et un allègement des contraintes administratives extérieures doivent permettre de redonner des marges d'autonomie et de mieux mobiliser la communauté hospitalière autour d'un projet commun.

Le Ségur de la santé s'est traduit par un effort inédit sur les rémunérations qui mériterait cependant d'être ajusté pour mieux compenser certaines contraintes propres à l'exercice hospitalier. Mais au-delà des rémunérations, l'attractivité des carrières hospitalières repose aussi sur une amélioration de la formation et des conditions de travail . Il est surtout nécessaire de permettre aux acteurs du soin à l'hôpital de retrouver du sens dans leur travail, en les libérant de tâches chronophages qui réduisent leur présence auprès des patients et en renforçant significativement les effectifs infirmiers et soignants dans les équipes de soins .

Enfin, la confiance passe également par des modalités de financement plus lisibles, plus stables, plus en accord avec les besoins de soins hospitaliers et les nécessités de modernisation des équipements.

I. REDONNER DE LA LIBERTÉ ET DE L'AUTONOMIE AUX ÉQUIPES SOIGNANTES ET AUX ÉTABLISSEMENTS

Parmi les sources de démotivation ou de découragement mises en avant au sein des communautés médicales et soignantes figure la perception d'une césure entre la logique d'organisation et de fonctionnement de l'hôpital , telle qu'elle conditionne au quotidien le travail des équipes, et le sens même de ce travail tourné vers la prise en charge des patients .

Sans tomber dans une vision schématique, tant les pratiques sont diverses selon les établissements, un réel déséquilibre s'est créé, laissant se développer le sentiment que les responsables des activités de soins perdaient toute prise sur les décisions qui se prennent à l'hôpital.

Cette préoccupation a été prise en compte par un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires intervenues au cours de l'année 2021. Toutefois, toutes les difficultés ne viennent pas des textes, comme en témoigne l'exemple du centre hospitalier de Valenciennes, où s'est rendue une délégation de la commission d'enquête. Dans le cadre de la loi HPST de 2009, souvent critiquée, il a su trouver un mode de fonctionnement reposant largement sur l'implication des équipes médicales et soignantes.

Ce sont donc surtout les pratiques qu'il faut infléchir, non seulement au niveau des diverses instances de gouvernance , dans lesquelles le rôle des représentants des praticiens et des personnels paramédicaux doit être revivifié, mais aussi en renforçant les responsabilités et les capacités d'initiative des équipes de soins .

En parallèle, les établissements doivent être libérés des pesanteurs que provoquent sur l'ensemble de la communauté hospitalière, des directions jusqu'aux services de soins, des relations excessivement bureaucratiques avec les tutelles et des procédures de certification, d'accréditation et d'évaluation qui méritent d'être rationalisées .

Le statut uniforme des établissements publics de santé fait-il obstacle aux marges de liberté et d'autonomie qui leur permettraient de mieux s'adapter aux spécificités de leur activité et de leur territoire ? Pas nécessairement, mais des possibilités de différenciation en matière d'organisation et de gestion des ressources humaines pourraient leur être accordées, à l'image de celles dont disposent les établissements de santé privés d'intérêt collectif.

A. UN RÉÉQUILIBRAGE DE LA GOUVERNANCE À CONSOLIDER

Dans l'expression du malaise ressenti par les personnels hospitaliers, de cette « perte de sens » qui rendrait le métier moins attractif et les contraintes qu'il suppose de moins en moins supportables, revient régulièrement la mise en cause d'une logique de fonctionnement qui se serait éloignée de la vocation même de l'hôpital et n'obéirait plus qu'à des considérations économiques et étroitement gestionnaires.

L'évolution de la gouvernance, avec un pouvoir de décision concentré entre les mains du directeur d'établissement , lui-même fortement subordonné aux autorités de tutelle, est souvent présentée comme le facteur majeur d'un effacement des objectifs de soins dans les décisions prises à l'hôpital.

Cette vision a certes été démentie au cours de la crise sanitaire qui a démontré la capacité de l'hôpital à mettre en oeuvre une gouvernance agile, tout comme celle des différentes catégories de personnels - direction, médecins, soignants - à travailler en pleine cohésion autour d'objectifs partagés, au service du soin et des patients. Faut-il cependant n'y voir, comme certains l'expriment, qu'une simple parenthèse, dans un contexte exceptionnel qui justifiait de lever nombre de contraintes administratives, financières et procédurales ?

Au cours des auditions et rencontres de la commission d'enquête, les acteurs hospitaliers, dans leur grande majorité, sont convenus qu'il n'y avait pas lieu d'opposer de manière artificielle et caricaturale les équipes administratives et de direction, dont l'optique serait purement gestionnaire, et les équipes de soins, seules animées du souci des patients. Il a été admis que dans une grande majorité de cas, directeurs et présidents de commission médicale d'établissement (CME) travaillent en bonne intelligence au service de l'institution , même si cela peut tenir en grande partie à la qualité de leur relation et que les équipes de soins et leurs responsables ne se sentent bien souvent pas suffisamment impliqués dans le processus de décision.

La notion de pilotage « médico-administratif » des établissements fait l'objet d'un large accord. Le rôle du directeur, représentant légal de l'établissement avec toutes les responsabilités que cela implique, tout comme celui des équipes administratives, indispensables au fonctionnement de l'établissement, ne sont pas fondamentalement contestés par les représentants de la communauté médicale et soignante. Les représentants des directeurs reconnaissent pour leur part la légitimité des attentes des acteurs médicaux et soignants et la nécessité d'une concertation étroite avec eux pour définir et mener à bien des projets co-construits.

L'an passé, les textes régissant les instances de gouvernance ont été ajustés pour mieux garantir ce nécessaire équilibre. Il importe désormais de donner plein effet à ces dispositions et, de manière plus générale, de rapprocher les cultures administrative et médicale, aujourd'hui trop cloisonnées.

1. Donner leur plein effet aux ajustements apportés en matière de gouvernance afin de mieux mobiliser la communauté hospitalière autour d'un projet commun

Dans l'évolution des dispositions régissant les instances de gouvernance des établissements publics de santé, la loi « hôpital, patients, santé, territoires » du 21 juillet 2009 (HPST) marque une rupture en transférant au directeur d'établissement de nombreuses compétences de gestion relevant précédemment du conseil d'administration (signature du CPOM avec l'ARS, fixation du budget, organisation interne de l'établissement en pôles, politique sociale). Par ailleurs, la nomination des chefs de pôle et des chefs de service, ainsi que la signature du contrat de pôle, relèvent du directeur, et non plus d'une décision conjointe avec le président de CME. Le directeur est assisté d'un directoire à majorité médicale, mais il en désigne les membres et le directoire ne dispose juridiquement d'aucune fonction décisionnelle. La CME est quant à elle principalement orientée sur la qualité des soins et les relations avec les usagers, avec une compétence consultative dans les autres domaines de la vie de l'établissement.

La mission confiée au professeur Olivier Claris avait relevé des pratiques plus souples que l'application littérale de ces dispositions (fréquence des codécisions de fait entre directeurs et présidents de CME et des décisions par consensus au sein du directoire) et jugé nécessaire de les généraliser tout et revalorisant le rôle de la CME, souvent perçue comme une simple chambre d'enregistrement.

Ces préconisations ont été reprises dans une série de modifications législatives et réglementaires intervenues au cours du premier semestre 2021 visant à la « médicalisation » des décisions à l'hôpital 52 ( * ) .

Elles se traduisent par les évolutions suivantes :

- les compétences de la CME sont étendues (élaboration du projet médical qui est proposé au directoire, consultation sur le budget, les investissements) ;

- le président de la CME retrouve un pouvoir de décision conjointe avec le directeur pour l'organisation interne des activités médicales et médico-techniques, pour la nomination des chefs de pôle, chefs de service ou d'unités fonctionnelle et pour la signature des contrats de pôle ;

- il est chargé de coordonner avec le directeur l'élaboration du projet médical en associant les équipes médicales.

Principales évolutions relatives aux instances de gouvernance
des établissements publics de santé

Loi n° 70--1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière

Le conseil d'administration délibère sur le budget, les comptes, les emprunts, la création ou la suppression des services.

Institution d'une commission médicale consultative, obligatoirement consultée sur le budget, les comptes et sur l'organisation et le fonctionnement des services médicaux.

Le directeur, nommé par le ministre après avis du président du conseil d'administration, ordonne les dépenses et recrute le personnel. Il dispose d'une compétence générale de gestion

Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière

Outre ses compétences antérieures, le conseil d'administration définit la politique générale de l'établissement et délibère sur un projet d'établissement, comportant notamment un projet médical.

Institution d'un schéma régional d'organisation sanitaire (SROS), non opposable, et de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) conclus entre l'établissement, l'État et l'assurance maladie et soumis à la délibération du conseil d'administration.

La commission médicale consultative devient la commission médicale d'établissement (CME), composée des représentants des personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques. Elle élit son président. Elle prépare avec le directeur le projet médical de l'établissement et les mesures d'organisation des activités médicales, odontologiques et pharmaceutiques.

Une commission des services de soins infirmiers est instituée.

Ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme
de l'hospitalisation publique et privée

Institution des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Le SROS devient opposable et les CPOM obligatoires. Le président de la CME est associé à la préparation du CPOM conclu par l'hôpital avec l'ARH.

La CME prépare avec le directeur la politique d'amélioration de la qualité.

Ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique
des établissements de santé

Institution d'un conseil exécutif, présidé par le directeur et composé à parité de représentants des médecins désignés par la CME et de représentants des équipes de direction, le directeur ayant voix prépondérante. Il prépare les mesures nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre du projet d'établissement et du CPOM.

Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 « hôpital, patients, santé, territoires » HPST

Le conseil d'administration devient conseil de surveillance. Il délibère sur le projet d'établissement et le compte financier. Il est simplement informé sur le budget (EPRD).

La signature des CPOM avec l'agence régionale de santé (ARS), qui succède à l'ARH, la fixation du budget (état prévisionnel des recettes et des dépenses - EPRD), la détermination des investissements, l'organisation interne de l'établissement en pôles, la politique sociale, relèvent du directeur. Le directeur nomme les chefs de pôle, de service et d'unité fonctionnelle. Il signe avec les chefs de pôle un contrat de pôle.

Le conseil exécutif devient le directoire. Il est composé en majorité de membres du personnel médical nommés par le directeur. Le directeur préside le directoire, le président de la CME est vice-président. Le directoire appuie et conseille le directeur dans la gestion et la conduite de l'établissement ; il est concerté en amont des prises de décision relevant du directeur. Le président de la CME élabore le projet médical avec le directeur et le directoire approuve le projet médical.

Ordonnance n° 2021-291 du 17 mars 2021 relative aux GHT et à la médicalisation des décisions à l'hôpital - loi n° 2021-502 - du 26 avril 2021 « confiance et simplification »

Le président de la CME, conjointement avec le directeur, arrête l'organisation interne de l'établissement pour les activités cliniques et médico-techniques, nomme les chefs de pôle, de service et d'unité fonctionnelle signe les contrats de pôle.

Sur proposition conjointe de leur président, le directeur peut regrouper la CME et la commission des soins infirmiers en une commission médico-soignante.

Un projet de gouvernance et de management est intégré au projet d'établissement.

Il s'agit finalement d'une évolution mesurée de la gouvernance hospitalière , dans le sens d'un rééquilibrage nécessaire, mais sans bouleversement.

Le renforcement des pouvoirs du président de CME n'est pas allé jusqu'à en faire un directeur médical, responsable de l'ensemble des questions médicales, comme il en existe dans beaucoup d'autres pays. Élu par ses pairs, il demeure le représentant de la communauté médicale tout en voyant ses responsabilités dans la conduite de l'hôpital clairement affirmées.

Par ailleurs, cette réforme est restée centrée sur les rapports entre composantes directoriale et administrative et n'a pas touché au rôle du conseil de surveillance, où siègent notamment les représentants des collectivités territoriales et des usagers.

Toutefois beaucoup d'interlocuteurs de la commission d'enquête ont considéré que dans le contexte difficile que traverse l'hôpital public, la priorité n'était pas de s'engager dans de vastes réformes institutionnelles.

Sur la base des ajustements entrés en vigueur en janvier 2022, plusieurs axes d'effort paraissent devoir être privilégiés.

Tout d'abord, s'il était nécessaire de renforcer les compétences de la CME et de son président sur toutes les questions d'ordre médical, il faut également que cette « médicalisation » des décisions se ressente jusqu'au niveau des services de soins et de leurs équipes. Or, comme l'avait souligné le rapport Claris, praticiens et soignants se considèrent à la fois insuffisamment informés et insuffisamment pris en compte dans la chaîne décisionnelle, qu'il s'agisse d'ailleurs des travaux de la CME ou du rôle, plus opérationnel, du directoire.

Il est donc indispensable d' assurer une articulation effective et une plus forte interaction entre les instances décisionnelles dans lesquelles siègent des acteurs médicaux - directoire et CME - et les services de soins . Les échanges préalables avec les services, la possibilité pour ceux-ci de faire remonter leurs préoccupations au directoire, voire, ponctuellement, d'y être représentés lorsqu'une réunion porte sur un sujet qui les concerne particulièrement, peut y contribuer.

Recommandation : assurer une meilleure articulation et une plus forte interaction entre la CME et le directoire d'une part et les services de soins d'autre part en développant les échanges préalables et la possibilité pour les services d'être ponctuellement associés aux travaux du directoire.

Ensuite, le renforcement du rôle du président de CME , non seulement dans le binôme qu'il constitue avec le directeur mais également dans les responsabilités qui lui incombent vis-à-vis de l'ensemble de la communauté médicale et soignante, doit s'accompagner de réels moyens pour exercer ses missions . Des dispositions réglementaires avaient été prises en ce sens (intégration aux obligations de service du temps consacré à ces fonctions, mise à disposition de moyens matériel, financiers et humains, formation à la prise de fonction) dès les décrets d'application de la loi HPST 53 ( * ) , il y a plus de dix ans, mais de l'avis de la plupart des présidents de CME entendus par la commission d'enquête, elles n'étaient le plus souvent pas appliquées.

Il est prévu que ce point soit traité dans la charte de gouvernance instituée entre le directeur et le président de CME, qui doit notamment assurer à celui-ci la mise à disposition d'au moins un collaborateur 54 ( * ) . Il importe que ces dispositions réglementaires soient désormais réellement et pleinement appliquées.

Recommandation : veiller à la mise en oeuvre effective des dispositions réglementaires prévoyant la mise à disposition des présidents de CME de moyens matériels, financiers et humains, jusqu'ici peu appliquées.

Enfin, la prise en compte des personnels paramédicaux dans le rééquilibrage de la gouvernance constitue un troisième enjeu que les dernières évolutions législatives ont peu abordé.

La loi du 26 avril 2021 a prévu la nomination d'un membre du personnel non médical au sein du directoire 55 ( * ) , au sein duquel le directeur des soins siège déjà comme membre de droit. Par ailleurs, elle ouvre l'option d'une fusion de la CME et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) sur proposition des présidents des deux instances et avis conforme de celles-ci, pour former une commission médico-soignante élisant son président parmi le personnel médical et dont le directeur des soins infirmiers serait le vice-président 56 ( * ) .

Si une telle solution peut présenter des avantages, en décloisonnant les approches médicales et soignantes, elle peut aussi comporter le risque de diluer les questions proprement paramédicales. La restauration des deux commissions consultatives est néanmoins possible à la demande d'une majorité de la composante médicale ou de la composante soignante et médico-technique.

En tout état de cause, lorsque les deux commissions sont maintenues, il serait très utile de prévoir des échanges ou même des réunions conjointes entre la CME et la CSIRMT autour de sujets d'intérêt commun.

Recommandation : lorsqu'elles n'ont pas fusionné, organiser des échanges et des réunions conjointes entre la CME et la commission des soins infirmiers autour de sujets d'intérêt commun.

Le rôle de la commission des soins infirmiers doit être réétudié et valorisé , au même titre que l'a été celui de la CME, afin de permettre aux personnels paramédicaux de se sentir beaucoup plus associés à la gouvernance. Cette instance constitue en outre un lieu privilégié d'échange sur les initiatives soignantes et les pratiques innovantes.

Recommandation : revaloriser le rôle de la commission des soins infirmiers afin de mieux associer les personnels paramédicaux à la gouvernance.

2. Développer la communauté d'approche entre corps médical et équipes de direction

Si l'organisation juridique de la gouvernance doit permettre l'exercice d'un pilotage médico-administratif équilibré , celui-ci repose aussi sur la capacité des acteurs à travailler au service d'un objectif commun . Pour le docteur Jean-Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d'agences régionales de santé, il faut une « compréhension mutuelle et réciproque des difficultés des uns et des autres, pour avoir une résultante qui est l'intérêt de l'établissement et de la population qu'il dessert. Ceci suppose que l'ensemble des médecins puissent être acculturés à ce qu'est l'autre partie de l'hôpital - dont la gestion -, et à l'inverse, que les équipes de direction puissent de temps en temps avoir une idée précise de ce qu'est le travail des médecins et notamment des conséquences liées à la pratique. Le dialogue doit être régulier et encouragé. » 57 ( * )

De nombreux intervenants l'ont souligné devant la commission d'enquête : la réalité est loin de refléter une opposition par trop schématique entre corps médical et équipes de direction . Pour autant ni leur formation ni leur pratique professionnelle ne prédisposent à une articulation facile entre leurs fonctions dans un environnement professionnel dont l'organisation demeure compartimentée.

S'agissant des équipes de direction , le recrutement repose quasi-exclusivement sur l'École des hautes études en santé publique (EHESP), même si la loi HPST a prévu la possibilité de nommer des non-fonctionnaires comme chefs d'établissement, dans la limite d'un plafond de 10 %. La formation, d'une durée de deux ans, s'effectue pour moitié sous forme de stage en milieu professionnel. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, le profil des directeurs n'est pas absolument homogène . La promotion 2021-2022 compte 50 élèves issus du concours externe, dont environ la moitié venant des instituts d'études politiques, et 35 élèves issus du concours interne, principalement des attachés d'administration hospitalière, mais également 6 soignants. Toutefois, compte tenu de la variété des tâches auxquelles sont appelés les personnels de direction, il y aurait tout intérêt à favoriser une plus grande variété de profils , en s'ouvrant davantage aux soignants, aux ingénieurs, aux formations en sciences humaines et sociales et aux médecins. Il faut noter que ce n'est pas l'école elle-même qui organise le concours de recrutement, mais le centre national de gestion (CNG) qui gère la carrière des personnels de direction comme celle des praticiens hospitaliers. Confier à l'école la responsabilité du concours pourrait assurer une meilleure adéquation avec l'évolution du contenu de la formation.

Recommandation : accentuer la diversification des profils des futurs directeurs formés à l'EHESP et confier à celle-ci l'organisation du concours de recrutement.

S'agissant des médecins , leur formation initiale les immerge dans l'exercice hospitalier, mais ne comporte aucune formation de base sur les enjeux d'organisation et de gestion d'une structure aussi complexe que l'hôpital, alors même qu'ils peuvent assez rapidement se trouver en situation d'être sollicités en la matière. Un module adapté, consacré à la gestion et au management hospitalier, devrait être intégré à la formation de ceux qui se destinent aux carrières hospitalières.

Dans cette optique, des formations communes aux élèves directeurs et aux futurs praticiens , au sein des facultés de médecine et de l'EHESP, pourraient également être développées.

Recommandation : prévoir un module consacré à la gestion et au management hospitalier dans la formation des médecins qui se destinent aux carrières hospitalières et développer des formations communes aux élèves directeurs et aux futurs praticiens.

Enfin, si les textes permettent aujourd'hui à un praticien hospitalier d'être nommé à un poste de directeur d'établissement, après une formation d'adaptation à l'emploi organisée par l'EHESP, cette possibilité reste inappliquée. Les centres de lutte contre le cancer, établissements privés à but non lucratif, sont souvent cités pour illustrer la capacité de médecins à gérer des établissements importants, comme cela peut être le cas dans d'autres pays, même si ces établissements n'ont pas la même gamme d'activité qu'un CHU ou même qu'un gros centre hospitalier. Il s'agit alors d'un véritable changement de métier, par rapport à l'exercice clinique. L' intégration de praticiens dans les équipes de direction , comme à l'AP-HP où la fonction de directrice générale-adjointe a été confiée à une directrice de département hospitalo-universitaire constitue une solution intermédiaire intéressante qui, dans certains établissements, pourrait utilement contribuer à un enrichissement mutuel des visions et des approches au sein des équipes de direction. Devant la commission d'enquête, le directeur général de l'AP-HM, François Crémieux, s'est prononcé en ce sens afin d'éviter chez les directeurs d'hôpitaux un « entre-soi professionnel ». Il a estimé que « les équipes de direction, notamment des gros établissements, ... pourraient associer des profils plus variés que ce n'est le cas aujourd'hui » et nécessaire qu'elles « s'ouvrent à d'autres compétences » 58 ( * ) .

Recommandation : développer l'intégration de praticiens au sein des équipes de direction dans les établissements les plus importants.


* 52 Ordonnance n° 2021-291 du 17 mars 2021 et décrets n° 2021-675 du 27 mai 2021 relatifs aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l'hôpital et n° 2021-676 du 27 mai 2021 relatif aux attributions des présidents de commission médicale de groupement et des présidents de commission médicale d'établissement ; loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.

* 53 Art. D. 6143-37-3, D. 6143-37-4 et D. 6143-37-5 du code de la santé publique.

* 54 Art. D. 6143-37-4 dans sa rédaction issue du décret n° 2021-676 du 27 mai 2021.

* 55 Art. L. 6143-7-5 du code de la santé publique.

* 56 Nouvel article L. 6146-12 du code de la santé publique.

* 57 Audition du 3 février 2022.

* 58 Audition du 18 janvier 2022.

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