B. RENFORCER LA PRISE EN CHARGE DES SOINS NON PROGRAMMÉS PAR LA MÉDECINE DE VILLE POUR PRÉVENIR LA SATURATION DES SERVICES D'URGENCE

Le nombre de passages aux services des urgences des établissements hospitaliers s'est accru de 25 % au cours des dix dernières années.

La crise des urgences n'est pas seulement interne à l'hôpital, mais doit être replacée dans le contexte plus large de la prise en charge des soins non programmés. Comme l'a rappelé le docteur Claude Leicher, président de la Fédération nationale des communautés professionnelles territoriales de santé : « aujourd'hui, l'hôpital sert de vase d'expansion pour toutes les demandes qui soit sont vues comme urgentes, soit n'ont pas obtenu une autre réponse » 230 ( * ) .

Selon la Cour des comptes 231 ( * ) , « en se fondant sur la classification clinique des malades aux urgences (CCMU), renseignée en France par l'urgentiste après la prise en charge du patient, il est permis d'estimer, de manière sommaire, que les 10 à 20 % des patients n'ayant besoin d'aucun acte complémentaire d'imagerie ou biologie médicale (CCMU 1) auraient pu donner lieu à une prise en charge en ville en médecine générale ».

A contrario , une telle prise en charge paraît exclue pour les patients classés en CCMU 3 (instables médicalement), et 4 et 5 (mise en jeu du pronostic vital et réalisation de gestes de réanimation). « La catégorie intermédiaire, la plus nombreuse (60 à 70 % des passages), est constituée par les patients CCMU 2, dont l'état est stable, mais qui ont besoin d'examens complémentaires et ne pourraient être pris en charge en dehors de l'hôpital qu'à condition d'avoir accès à des plages de consultation et d'examens complémentaires non programmés ou à des structures pratiquant la petite traumatologie. »

La Cour des comptes estime ainsi « qu' environ un patient sur cinq qui recourt aux services d'urgence des établissements de santé aurait pu, sinon dû, être pris en charge par un médecin de ville » 232 ( * ) .

Dans un précédent rapport, elle avait estimé que « les insuffisances de l'offre de ville se lisent, directement et indirectement, dans deux catégories de motifs invoqués par les personnes interrogées : pour deux patients sur dix la motivation tient à l'impossibilité de faire appel au recours habituel (absence du médecin traitant ou impossibilité d'un rendez-vous rapide pour des examens complémentaires) ; d'autre part, l'accessibilité qu'offrent les services d'urgence est mise en avant dans six cas sur dix (besoin que le problème de santé soit réglé rapidement, possibilité de réaliser des examens complémentaires ou de consulter un spécialiste) » 233 ( * ) .

Une partie de ce report peut s'expliquer par la fin de l'obligation de la permanence des soins ambulatoires au début des années 2000, mais il est également lié aux difficultés de la médecine générale, en journée et hors des horaires de la permanence des soins, à satisfaire l'ensemble des besoins de soins non programmées, même si elle continue à en prendre en charge une grande majorité.

1. Une prise en charge des soins programmés en journée qui peut être encore renforcée

Les syndicats de médecins libéraux rappellent que la médecine de ville prend en charge la majorité des soins non programmés : la plupart des médecins libéraux réservent dans leur journée des plages pour les soins non programmés. Le docteur Claude Leicher a ainsi témoigné devant la commission d'enquête : « nous faisons en sorte de ne pas remplir entièrement notre carnet de rendez-vous pour nous donner de la souplesse et pouvoir accueillir des patients au dernier moment » 234 ( * ) .

La prise en charge des soins non programmés fait partie des obligations prévues dans les conventions entre l'assurance maladie et les structures d'exercice coordonné .

L'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles de 2017 impose ainsi que l'indicateur socle « horaires d'ouverture et soins non programmés » soit respecté par les partenaires. L'article 3.1 définit les prérequis de cet indicateur : la structure doit être ouverte de 8 heures à 20 heures en semaine, et le samedi matin de 8 heures à 12 heures. En outre, cet article prévoit que « Les professionnels de santé de la structure s'organisent pour recevoir chaque jour ouvré les patients ayant besoin de soins non programmés . »

L'amélioration de la prise en charge des soins non programmés en ville fait également partie des missions obligatoires (socles) des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) adhérentes à l'accord conventionnel interprofessionnel de 2019 en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé. L'article 5.1.1 de l'accord dispose que « pour répondre aux besoins de soins non programmés de la population, l'organisation coordonnée pluri-professionnelle mise en place au niveau d'une communauté professionnelle apparait particulièrement adaptée. Elle doit pouvoir proposer une organisation visant à permettre la prise en charge le jour même ou dans les 24 heures de la demande d'un patient du territoire en situation d'urgence non vitale . »

La convention prévoit la possibilité de mettre en place un dispositif de compensation financière en cas de pertes d'activités liées à l'organisation de soins non programmés , ainsi qu'un dispositif de traitement et d'orientation des demandes de soins non programmés. Ce dernier doit comprendre au moins une orientation téléphonique par un « personnel formé pour apprécier si la demande relève bien des soins non programmés ».

Les représentants des médecins libéraux estiment que les mesures qui accompagnent l'ACI CPTS sur les soins non programmés sont difficilement lisibles et peu opérantes. Dans une contribution écrite, la Fédération des Médecins de France qualifie ainsi ces mesures de trop « formelles » et « chronophages ».

2. La revalorisation nécessaire de la visite à domicile

L'importance de la visite à domicile a été soulignée au cours des travaux de la commission d'enquête. Pour le docteur Serge Smadja, secrétaire général de SOS Médecins France et président de SOS Médecins Paris : « la visite à domicile demeure la principale réponse aux demandes de soins ». De même, le docteur Olivier Richard, chef de service du SAMU des Yvelines, a souligné que : « les visites à domicile sont essentielles : il faut absolument réinsuffler aux jeunes médecins l'envie de les faire . »

Les visites à domicile sont d'abord une nécessité pour une partie de soins non programmés, puisque pour un grand nombre de pathologies urgentes ou invalidantes, le patient est dans l'incapacité de se déplacer. Elles permettent d'avoir un aperçu d'ensemble de l'état de santé du patient, en prenant en compte son environnement social et familial, et elles ont un rôle majeur dans la prévention. Elles sont également particulièrement adaptées pour certaines catégories de patients, comme les personnes âgées polypathologiques, dont la prise en charge par les services d'urgence est difficile. Elles favorisent enfin le virage ambulatoire. Les visites à domicile représentent environ 12 % du travail des médecins.

Cependant, le nombre de visite à domicile a été divisé par trois en 20 ans : 71 440 000 visites à domicile recensées en 1997, 24 443 000 seulement en 2016 235 ( * ) .

Deux raisons principales ont été avancées. La première est que la formation des étudiants à ce mode de prise en charge est insuffisante . Le docteur Serge Smadja a ainsi déclaré devant la commission d'enquête que « l'on ne forme pas assez les étudiants pour cette prise en charge spécifique ».

La seconde concerne la tarification . En journée, la tarification des visites à domicile est de 35 euros, contre 25 euros pour une consultation en cabinet. Le soir et en week-end, la différence entre visite à domicile et une consultation dans une maison médicale de garde est de 3,50 euros. Or, le déplacement peut parfois doubler, voire davantage, le temps requis pour la consultation.

La Caisse nationale d'assurance maladie a prévu, dans l'avenant n° 9 à la convention médicale, un doublement du tarif de la visite à domicile auprès des patients de plus de 80 ans en affection de longue durée, mais il est réservé aux médecins traitants, dans la limite de quatre visites par an. Cette revalorisation des tarifs n'a donc pas d'impact significatif sur la prise en charge des soins non programmés.

Il est pertinent dès lors de revaloriser l'ensemble des visites à domicile, pour tenir compte de la contrainte du trajet.

Recommandation : revaloriser le tarif des visites à domicile.

3. Le service d'accès aux soins : un outil prometteur, mais qui doit faire l'objet d'évaluations précises avant d'envisager sa généralisation

Le service d'accès aux soins (SAS), proposé en 2019 dans le cadre du Pacte de refondation des urgences, a été codifié par l'article 28 de la loi Rist du 26 avril 2021. Depuis le 1 er janvier 2021, il fait l'objet d'une expérimentation à déploiement progressif dans 22 sites pilotes ayant vocation à couvrir plus de 40 % de la population. En mars 2022, la majorité des expérimentations étaient lancée d'après la DGOS.

L'objectif du SAS est de favoriser la coopération entre la médecine de ville et les services d'urgences pour le traitement des soins non programmés. L'article L. 6311-3 du code de la santé publique définit ainsi la mission du SAS : « Le service d'accès aux soins a pour objet d'évaluer le besoin en santé de toute personne qui le sollicite, de délivrer à celle-ci les conseils adaptés et de faire assurer les soins appropriés à son état. » L'article précise que le SAS « assure une régulation médicale commune pour l'accès aux soins, qui associe le service d'aide médicale urgente mentionné à l'article à l'article L. 6311-2, et une régulation de médecine ambulatoire ».

Le dispositif se présente comme une plateforme permettant aux personnes d'accéder à toute heure de la journée à un professionnel de santé, qui peut notamment l'orienter vers une consultation sans rendez-vous en médecine de ville ou vers un service d'urgence. Les places sont dans un premier temps réservées pour les consultations de médecine générale, et il est prévu que le SAS s'ouvre dans un second temps vers les spécialités. L'un des intérêts du SAS est qu'il facilite la recherche de plages de rendez-vous.

Le SAS a été identifié par plusieurs personnes auditionnées comme un progrès dans l'articulation de la médecine de ville et de l'hôpital . Le docteur Olivier Richard a ainsi déclaré devant la commission d'enquête que « le SAS est d'abord, pour nous, une amélioration de la réponse pour les soins non programmés. Jusqu'à présent, les patients dont l'état n'était pas grave avaient simplement une consultation par téléphone avec un médecin de ville : en journée, les cabinets n'étaient pas accessibles. » 236 ( * ) De même, le professeur Louis Soulat a affirmé : « Je suis intimement convaincu que l'expérimentation du service d'accès aux soins (SAS) est la priorité. » 237 ( * )

Enfin, le syndicat MG France a estimé, dans une contribution écrite, que « ce service est indispensable dans un système de santé moderne et organisé ».

La commission d'enquête est favorable au SAS dans son principe , mais elle insiste sur la nécessité de rester vigilant au sujet des conditions de son déploiement , et à celui de la participation de la médecine de ville. Le dispositif connaît en effet plusieurs limites à l'heure actuelle.

Le premier risque est que le SAS se substitue aux autres modalités de prise en charge, dont le suivi par le médecin généraliste . Le SAS ne doit pas conduire à des phénomènes de « surconsommation des soins ».

Deuxièmement, le dispositif n'apparaît pas à l'heure actuelle assez incitatif pour la médecine de ville . La participation à la régulation, à environ 90 euros de l'heure à partir d'avril 2022, peut paraître insuffisamment rémunérée pour renoncer à l'exercice en cabinet. En outre, les modalités de rémunération des médecins qui y participent sont complexes.

Le nombre de régulateurs est encore trop faible, d'après le syndicat MG France. La délocalisation de la régulation des appels hors des centres 15 pourrait pallier cette difficulté, mais elle ne paraît pas à l'heure actuelle être mise en oeuvre.

Enfin, le coût du SAS est pour l'instant difficile à appréhender . L'annexe 7 de la LFSS pour 2022 évoque un montant total de 350 millions d'euros consacrés à la compensation de « l'amélioration de l'accès aux soins non programmés », mais il recouvre un champ plus large que le seul SAS. Il importera donc de précisément évaluer le coût réel du dispositif au regard des bénéfices constatés, notamment au niveau des passages aux services des urgences.

Recommandation : avant sa généralisation, évaluer les effets du SAS sur l'allègement des services d'urgence et les conditions d'implication des professionnel libéraux dans la régulation.

En outre, le SAS ne doit pas conduire à nuire aux initiatives prises par les médecins libéraux et même par certains services hospitaliers sur le terrain. Le SAS doit être un facilitateur de l'accès aux soins, et non pas une solution unique qui s'appliquerait de manière uniforme sur le territoire, quels que soient leurs besoins et leurs propres solutions d'organisation des soins non programmés.

On peut citer l'ouverture de centres de soins non programmés en Vendée, encore récemment le 1 er mars 2022 aux Sables-d'Olonne, à l'initiative des CPTS de Vendée, en concertation avec les élus locaux du département.

L'Union régionale des médecins libéraux de Normandie, dans le cadre de la coordination des soins non programmés avec les acteurs de santé du territoire, a mis en place le « Médicobus », cabinet médical mobile qui se déplace dans plusieurs communes de l'Orne-Est tout au long de la semaine. Ce territoire a été choisi car 20 % des assurés sociaux n'y disposent pas de médecin traitant.

La délégation de la commission d'enquête qui s'est rendue au centre hospitalier de Valenciennes a également pris connaissance du projet de « pôle ville-hôpital » mené par la CPTS du Grand Valenciennes. Ce pôle sera installé dans un bâtiment procuré par l'hôpital, l'ancien hospice « Les Chartiers », et il sera cogéré par l'hôpital et la CPTS.

Projet de pôle « ville-hôpital » de la CPTS du Grand Valenciennes

Le pôle aura vocation à accueillir des cabinets de généralistes, de spécialistes, des infirmiers de pratiques avancés et des masseurs-kinésithérapeutes. Les médecins y exerceront en libéral, en salariat (praticien hospitalier) ou en statut mixte libéral/ praticien hospitalier.

Le but du pôle de pouvoir répondre aux « petites urgences », comme la traumatologie courante. Le pôle reposera sur une logique de couverture territoriale, et non plus de patientèle, afin de répondre au mieux aux besoins de soins programmés, et d'assurer la prise en charge des patients au sein de parcours de soins mixtes. Il aura également vocation à organiser des visites à domicile par des infirmiers en s'appuyant sur la télé-expertise.

Recommandation : s'assurer que le SAS ne se substitue pas aux initiatives locales, mais en revanche permettre que celles-ci puissent bénéficier des apports et des outils du SAS.

4. Une couverture territoriale de la permanence des soins ambulatoires qui peut être renforcée

La permanence des soins ambulatoires (PDSA) reste un dispositif clé de la prise en charge des soins non programmés. Son renforcement est indispensable pour permettre un désengorgement des services d'urgence.

Fonctionnement de la permanence des soins ambulatoire

La PDSA vise à répondre aux besoins de soins non programmés des patients durant les heures de fermeture des cabinets médicaux, c'est-à-dire de 20 heures à 8 heures durant la semaine, et du samedi midi au lundi 8 heures.

Depuis le décret du 15 septembre 2003, la permanence des soins ambulatoires n'est plus une obligation pour les médecins libéraux, mais elle est affirmée comme une exigence déontologique. L'article R. 4127-77 du code de la santé publique dispose ainsi qu' « il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l'organisent ».

L'accès à une consultation de médecine générale aux horaires de PDSA est soumis à une régulation médicale téléphonique préalable. Celle-ci est assurée par des médecins régulateurs libéraux installés dans les centres de réception et de régulation des appels des SAMU.

Depuis 2010, l'organisation de la PDSA relève des agences régionales de santé. Elles accomplissent cette mission en lien avec les représentants des médecins, l'ordre des médecins, et elle sollicite l'avis du Préfet de département. Un cahier des charges formalise l'organisation de la PDSA.

En cas de manque de médecins volontaires, le directeur général de l'agence régionale de santé a la possibilité de proposer au préfet de réquisitionner des médecins.

En 2020, 2 570 médecins libéraux installés participaient à la régulation médicale , ce qui représente une hausse de 6 % par rapport à 2019. Parmi l'ensemble des médecins généralistes libéraux, 5,3 % ont participé à la PDSA, contre 4,9 % en 2019. 568 médecins retraités, salariés et remplaçants, y participent également. Cette hausse des effectifs s'explique en partie par la crise sanitaire, qui a conduit certains départements à un élargissement des plages horaires de régulation, et il sera nécessaire d'observer les chiffres des prochaines années pour voir si elle se confirme.

La rémunération de la participation à la régulation médicale en horaires de PDSA se fait par des forfaits d'astreinte. Leur montants sont déterminés par les ARS, sachant qu'ils ne peuvent pas être inférieurs à 70 euros par heure de régulation.

On comptait 25 020 médecins effecteurs participant à la PDSA sur 63 686 médecins pouvant y participer, ce qui représente un taux de volontariat de 39,3 % . Le taux de participation a augmenté légèrement (+ 0,5 %) depuis 2019 et peut être considéré comme relativement élevé, sachant que la PDSA n'est plus une obligation depuis 2003.

Néanmoins, comme le relève l'enquête conduite par le Conseil national de l'ordre des médecins sur « L'état des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale au 31 décembre 2020 », le taux de participation ne renseigne pas à lui seul sur le bon fonctionnement de la PDSA . Les territoires où l'organisation de la PDSA est fortement structurée peuvent assurer une permanence efficace malgré un taux de participation plus faible, et inversement. Ainsi, dans les départements de Charente et de Dordogne, des réquisitions préfectorales ont eu lieu de manière récurrente en 2020, malgré une participation de plus de 70 %. Il est donc nécessaire d'examiner la couverture territoriale de la PDSA.

Les « zones blanches » désignent les territoires où, faute de ligne de garde prévue par le cahier des charges, l'effection est assurée par les services de l'aide médicale urgente (AMU). En 2020, seuls 3 % des territoires sont considérés comme des zones blanches pour les week-ends et les jours fériés . En revanche, en nuit profonde la proportion de territoires en zone blanche s'élève à 73 % .

Organisation de l'effection selon le créneau horaire en 2020

Territoires où l'effection est assurée par des médecins de la PDSA et taux de couverture

Territoires où l'effection est assurée par les services de l'AMU (« zones blanches »)

Département où il existe des « zones blanches »

Week-ends et jours fériés

1444

97 %

40

3 %

18

18 %

Soirées (20 h-24 h)

1316

89 %

158

11 %

39

39 %

Nuits profondes (24 h-8 h)

391

27 %

1083

73 %

88

88 %

Source : Enquête du Conseil national de l'ordre des médecins sur « L'état des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale au 31 décembre 2020 »

Une légère amélioration du taux de couverture de la PDSA est observable depuis 2019 . Le taux de département où il existe des zones blanches en soirées est passé de 42 % à 39 % en 2020, et le nombre de territoires en zone blanche en soirées est passé de 181 à 158.

Cependant, l'enquête du Conseil national de l'ordre des médecins avance qu'une majorité de médecins généraliste redoute une diminution de l'effection assurée par la PDSA dans les années à venir : « 67 % d'entre eux déclarent craindre un désengagement à venir des médecins volontaires en soirées sur un ou plusieurs territoires de PDSA (c'est 1 % de plus qu'en 2019). Pour certains départements c'est déjà une réalité, comme dans l'Orne où plus aucun territoire de PDSA n'est couvert sur ce créneau, ou encore dans les départements d'Eure-et-Loir, du Calvados et de l'Oise où c'est le cas pour moins de 15 % des territoires . »

Parmi les explications retenues par l'enquête se trouvent facteurs qui ont été déjà identifiés en amont du rapport : la désertification médicale, les départs à la retraite non remplacés, et plus généralement la surcharge de travail des médecins généralistes. L'enquête cite également : « le manque de moyens et une reconnaissance financière jugée insuffisante par les médecins de garde comme c'est notamment le cas pour les départements des Deux-Sèvres, de la Seine-Maritime ou de la Côte-d'Or ».

Pour faciliter l'exercice de la PDSA , ont été mis en place au cours des dernières années des « lieux d'effection fixe » où les patients peuvent se rendre pendant les horaires de PDSA. Ces lieux sont de nature variés : ils peuvent être des centres gérés par des associations, des centres d'accueil et de permanence des soins, ou des maisons médicales de garde (MMG) . Ces dernières sont des structures de garde pour les médecins libéraux.

Le Pacte de refondation des urgences prévoyait la création de MMG à proximité des principaux services d'urgence : « les ARS devront s'assurer de la présence d'une MMG à proximité directe de tous les services d'urgence les plus importants - c'est-à-dire ceux totalisant plus de 50 000 passages par an - ce qui permettra d'accueillir à toute heure les patients réorientés vers le libéral . » L'objectif était de 50 maisons médicales de garde supplémentaires financées pour la fin 2019 et créées en 2020, pour un coût de 10 millions d'euros. Au 31 décembre 2020, la moitié des MMG prévues étaient effectivement créées.

Il est essentiel que les MMG soient à proximité d'un établissement hospitalier . Cette proximité permet un transfert vers les services d'urgence hospitalier lorsque celui-ci est nécessaire, et elle permet aux MMG de disposer des moyens techniques pour répondre aux besoins de soins non programmés . En effet, peu de MMG disposent aujourd'hui d'un accès à un plateau technique minimum, qui comprendrait notamment un laboratoire de biologie ainsi que des équipements d'imagerie médicale.

Recommandation : poursuivre le développement des maisons médicales de garde à proximité des services d'urgence.

Le développement des MMG ne sera pas toutefois suffisant pour renforcer la couverture territoriale de la PDSA . Elles restent en effet dépendante du degré de participation des médecins du territoire. Le docteur Jean-Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d'agences régionales de santé, l'a expliqué ainsi devant la commission d'enquête : « Les maisons médicales de garde constituent indiscutablement un modèle qui fonctionne, mais il repose toujours sur la disponibilité de médecins volontaires aux heures d'ouverture, ce volontariat étant hétérogène sur le territoire. Je n'ai donc pas de solution particulière à vous indiquer, si ce n'est qu'il reste à disposer d'effecteurs, une fois les possibilités d'intervention structurées . »

La commission d'enquête considère pour autant que le rétablissement de l'obligation de participer à la PDSA pour renforcer l'offre de soins non programmés n'est ni possible ni souhaitable. Dans le contexte démographique actuel, ajouter des contraintes supplémentaires accentuerait la surcharge de travail des médecins généralistes, et aurait un effet désincitatif pour les étudiants en santé réfléchissant à s'engager dans la médecine générale. Une telle mesure aggraverait la baisse du nombre de médecins généralistes, et par extension, l'offre de soins non programmés.

Il faut donc privilégier l'incitation. L'arrêté du 4 janvier 2020 a ainsi revalorisé les forfaits de la permanence des soins ambulatoires d'environ 20 %. Il sera nécessaire d'évaluer l'impact de cette revalorisation sur la participation à la PDSA, et envisager de la poursuivre si elle ne s'avérait pas suffisante pour renforcer la participation.

Recommandation : évaluer l'effet incitatif de la revalorisation de la PDSA, et poursuivre la revalorisation de manière ciblée sur les zones en tension.

Devant la commission d'enquête, le directeur général de la CNAM a suggéré que les infirmiers puissent concourir à la PDSA : « il s'agirait que les médecins libéraux ne soient pas les seuls à se déclarer disponibles pour être acteurs de cette permanence des soins, mais aussi les équipes de soins et les infirmiers » 238 ( * ) . Elle implique notamment des réflexions complexes sur le champ de la prise en charge par les infirmiers, sur la rémunération ainsi que sur les délégations et les responsables. Pour cette raison, il est préférable qu'une telle inclusion des infirmiers dans la PDSA soit d'abord expérimentée sur un nombre restreint de territoires.

D'après l'article R. 6315 du code de la santé publique, les horaires ne PDSA ne couvrent pas le samedi matin. Revendication forte des conseils départementaux et des organisations syndicales de médecins libéraux, l'intégration de ce créneau dans la PDSA progresse, mais davantage pour la régulation que l'effection. La régulation des soins le samedi matin est ainsi intégrée à la PDSA dans 47 départements, contre 37 en 2019. En revanche, sur les 47 départements où elle est présente, l'effection n'est pratiquée dans le cadre de la PDSA que pour 7.

Selon l'enquête de l'Ordre, 65 % des conseils départementaux sont favorables à l'extension au samedi matin, 5 % seulement lui étant défavorables. Cette revendication provient notamment du constat, relevé dans l'enquête, que de moins en moins de cabinets médicaux sont ouverts le samedi matin. L'intégration du samedi matin permettrait aussi d'éviter une surcharge des créneaux du samedi après-midi, voire du samedi soir.

L'enquête relève que les conseils départementaux qui se sont déclarés défavorables à l'extension au samedi matin l'ont justifié en raison de « la difficulté à trouver des médecins volontaires pour assurer la PDSA ». Il sera nécessaire d'évaluer si cette difficulté est confirmée, et le cas échant, de réfléchir sur des mécanismes d'incitation pour assurer le créneau du samedi matin.

Recommandation : expérimenter l'inclusion des infirmiers et intégrer le samedi matin dans les horaires de PDSA.

Enfin, la PDSA souffre de « non-recours », au sens où même dans les territoires où elle fonctionne, les patients ne connaissent pas toujours son existence. Il arrive fréquemment que la fin de l'obligation de participation à la PDSA au début des années 2000 soit prise pour la « fin » de la PDSA dans son ensemble, ce qui n'est pas le cas. Pour cette raison, il est utile de renforcer la communication sur la PDSA.

Recommandation : accentuer l'information de la population sur l'existence et les modalités de la PDSA.

5. Une articulation du SAS et de la PDSA qui doit être différenciée selon les territoires

La création du SAS peut comporter un risque de doublonnage avec la PDSA qui conduirait à ce que les deux dispositifs se retrouvent affaiblis. Pour éviter ce risque, la PDSA doit pouvoir accéder aux nouveaux services et outils développés dans le cadre du SAS.

Le SAS permet ainsi au régulateur de la PDSA d'accéder à des plages horaires en journée, et de proposer immédiatement un rendez-vous. Le fait d'avoir un rendez-vous en journée pour le lendemain peut être rassurant pour le patient, qui sera alors dissuadé de se rendre aux urgences. Le dispositif est particulièrement utile en zone blanche, où les effecteurs n'assurent pas la régulation. Le SAS est utile également dans le cadre de la PDSA pour le suivi des données. Le SAS doit en effet être accompagné de nouveaux outils pour la transmission des données médicales, qui peuvent être utilement à profit par la PDSA. Enfin, le SAS peut permettre d'étendre la régulation de la PDSA.

L'articulation entre le SAS et la PDSA doit également s'adapter à la façon dont est structurée la PDSA sur les territoires . De fait, les relations entre le SAS et la PDSA sont diverses selon les différents projets pilotes du SAS.

Dans certains cas, la régulation du SAS est indépendante de la PDSA et de l'AMU. Un numéro dédié est donc créé pour le SAS. Cette organisation présente le défaut d'être complexe pour le patient, qui ne saura pas nécessairement quel numéro appeler. Dans la majorité des projets, les numéros préexistants sont conservés, et des interconnexions sont mises en oeuvre.

Dans d'autres projets, la régulation du SAS est considérée comme une partie diurne, qui vient s'ajouter à la régulation préexistante de la PDSA. Cette forme d'organisation a le mérite d'utiliser le SAS pour couvrir des champs qui ne sont pas concernés par la PDSA, ce qui évite les doublons, mais elle peut conduire à ne pas pleinement utiliser les apports et les outils du SAS pour la PDSA.

Il est difficile de déterminer a priori le mode d'articulation entre le SAS et la PDSA qui serait le plus efficace. Il dépend en effet de nombreux facteurs, dont la structuration des CPTS et les habitudes de coopérations entre les services. Pour cette raison, il est important de garder une certaine souplesse d'organisation selon les territoires . Pour autant, l'évaluation du SAS apportera des informations utiles sur l'articulation entre le SAS et la PDSA.

6. Une activité multi-sites des urgentistes qui doit être favorisée pour une meilleure prise en charge des soins urgents

Parmi les soins non programmés, les soins urgents gardent une forte spécificité , en raison des moyens techniques qu'ils réclament, ainsi que des fortes contraintes qui pèsent sur les services d'urgence.

La question du maintien des petits services d'urgence en nuit profonde a été évoquée à plusieurs reprises dans les auditions. Le professeur Soulat a ainsi déclaré devant la commission d'enquête que : « il faut s'interroger sur le nombre de services d'urgence qui seront ouverts en permanence. C'est l'objet de la réforme du régime des autorisations. Peut-être faudrait-il organiser les soins d'urgence de proximité en maintenant en priorité les SMUR . Deux lignes de garde ne se justifient pas pour une activité limitée. » 239 ( * ) Cette fermeture partielle serait accompagnée d'une rotation des praticiens sur les sites : « Il faut que les urgentistes tournent sur les sites, en priorisant les choses . » La raison sous-jacente est que ces fermetures partielles doivent permettre de garder un bon niveau technicité dans les services restants. Les urgences « critiques » demeureraient prises en charge par les SMUR, qui pourraient même être renforcés.

Cette idée est toutefois difficile à mettre en oeuvre. Elle pourrait en effet accentuer la « désertification médicale » de certains secteurs . En outre, il est important de maintenir des services d'urgence de proximité, même s'ils ne disposent pas nécessairement de toutes les compétences techniques, notamment pour les patients dont l'état médical est instable, sans que leur pronostic vital ne soit engagé. France Assos Santé a ainsi relevé devant la commission d'enquête que sont mal connues « les pertes de chances dues à l'éloignement des centres de soins urgence/hôpital dans certaines zones géographiques, car nous sommes confrontés à leur absence d'évaluation » 240 ( * ) .

Il est intéressant cependant de favoriser l'activité des urgentistes sur plusieurs sites. Le développement de ce mode d'organisation permettrait de mieux répartir les présences et les compétences techniques sur les différents sites en fonction de l'activité.

Les urgences de Gap, d'après les éléments fournis par la directrice du centre hospitalier Alpes du Sud Gap-Sisteron, ont mis en place une organisation de ce type. Elles sont fédérées avec celles d'Embrun et de Sisteron, et l'exercice des praticiens est partagé sur l'ensemble des sites, ce qui a permis de pourvoir l'ensemble des postes.

Les urgences de Gap ont également identifié des médecins correspondants du SAMU sur les zones les plus éloignés des urgences, ce qui a donné de bons résultats : les praticiens qui sont en cabinet, et qui peuvent être mobilisés par le SAMU, se rendent sur place jusqu'à l'arrivée du SAMU. Ils ne sont sollicités que lorsque le SAMU le juge nécessaire, et ils sont équipés par le SAMU d'un sac de première urgence.

Le territoire d'Alpes du Sud Gap-Sisteron a également expérimenté à l'été 2021 un « SMUR saisonnier », qui comprend un véhicule de pompier, un infirmier sapeur-pompier (SDIS) et un praticien hospitalier.

Recommandation : favoriser l'activité multi-sites des urgentistes et développer, dans les zones les plus éloignées des services d'urgence, l'expérimentation de médecins correspondants du SAMU.


* 230 Audition de 27 janvier 2022.

* 231 Les urgences hospitalières : des services toujours trop sollicités, rapport public annuel 2019.

* 232 « Santé : garantir l'accès à des soins de qualité et résorber le déficit de l'assurance maladie », Les enjeux structurel pour la France , décembre 2021.

* 233 Les urgences hospitalières : une fréquentation croissante, une articulation avec la médecine de ville à repenser , rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2014.

* 234 Audition du 27 janvier 2022.

* 235 Antonice Colin, État des lieux de la visite à domicile par les médecins généralistes en France en 2016 , Médecine humaine et pathologie, 2019.

* 236 Audition du 14 février 2022.

* 237 Audition du 16 décembre 2021.

* 238 Audition du 16 février 2022.

* 239 Audition du 16 décembre 2022.

* 240 Contribution adressée à la commission d'enquête.

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