INTRODUCTION

La liberté des médias est un bien précieux qui constitue un des fondements de notre République .

Au III e acte du Mariage de Figaro , Beaumarchais illustre en 1784 par l'ironie l'état de censure qui avait alors cours en France : « Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs . »

La première des six ordonnances dites de Saint-Cloud, signées par Charles X le 25 juillet 1830 et qui suspend la liberté de la presse en France, est ainsi directement à l'origine de la Révolution de Juillet le jour même de sa publication. Une fois installée, la III e République a adopté la loi fondatrice du 29 juillet 1881, dont l'article premier instaure sans ambiguïtés un régime très libéral : « L'imprimerie et la librairie sont libres ». Cette loi est toujours en vigueur, et constitue un des piliers de la République .

Victor Hugo avait également affirmé dans un célèbre discours le 11 septembre 1848 : « le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre. »

Hormis aux heures les plus sombres de notre histoire, où le gouvernement de Vichy avait précisément choisi de porter atteinte aux principes fondamentaux de la République, le développement des médias durant les XX e et XXI e siècles n'a jamais conduit à une remise en cause de ce principe, désormais protégé par la jurisprudence constitutionnelle. Suite à la révision de 2008 et à l'initiative du Rapporteur de la commission d'enquête David Assouline, l'article 34 de la Constitution dispose même que « la loi fixe les règles relatives à la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias » .

L'application concrète de ce principe n'est cependant pas sans soulever des difficultés. La liberté de la presse s'entend en effet sur un champ large : protection contre le pouvoir politique , protection contre les intérêts économiques des propriétaires , protection contre la paupérisation d'une presse qui présente une nature durable : activité économique d'un côté, pilier de la démocratie de l'autre.

Le principe a donc dû être conforté et adapté en France par plusieurs vecteurs législatifs, qui ont tous cherché à en garantir les conditions pratiques d'exercice.

Dans un premier temps, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des règles ambitieuses concernant la concentration des médias ont été mises en place par l'ensemble des courants républicains issus de la Résistance et l'ont encadrée pendant plus de vingt ans. La libération des ondes par François Mitterrand en 1981 bouleverse le paysage audiovisuel et nécessite de créer un nouveau cadre réglementaire .

Ainsi, la loi du 30 septembre 1986 instaure un régime de contrôle des concentrations qui montre que, dès cette époque - et cette idée se retrouve dans la plupart des pays comme le montrera la suite de ce rapport -, une trop forte mainmise d'un groupe sur un grand nombre de médias constitue une préoccupation dont le législateur devait se saisir. Le Rapporteur de la commission d'enquête a ainsi souligné lors de l'audition de Patrick Eveno le caractère partagé au-delà des clivages politiques de cette préoccupation : « Les libéraux qui ont rédigé la loi de 1986 considéraient d'ailleurs eux-mêmes qu'une régulation démocratique était nécessaire pour éviter la concentration des moyens d'information dans un petit nombre de mains. Tous les républicains, de gauche comme de droite, qui se sont succédé au pouvoir depuis quarante ans partagent cette vision. »

La liberté d'informer bénéficie donc d'un régime spécifique , qui le singularise au sein du droit de la concurrence. La raison profonde de cette distinction est la nature même des médias. D'un côté, le droit de la concurrence va prendre en compte l'impact sur le consommateur d'une opération de concentration, qui peut s'avérer positif en lui-même. De l'autre, les médias constituent un bien commun porteur de ce que les économistes appellent des « externalités positives » que le seul marché ne peut prendre en compte, mais qui intéressent le citoyen au sein d'une démocratie.

Les concentrations dans le secteur des médias présentent donc un double aspect . Leurs promoteurs les justifient par une logique économique qui encouragerait à constituer des acteurs puissants, à même de lutter dans un paysage des médias désormais mondial et très largement dominé par des entreprises étrangères (Gafam). De l'autre, elles peuvent constituer un danger pour la diversité et le pluralisme des médias , qui même plus nombreux qu'avant sont ainsi détenus par un petit nombre de propriétaires, et posent la question : dans quelle mesure la propriété des médias influence-t-elle leur ligne éditoriale ?

Telle est la question, au centre de toutes les attentions, souvent évoquée trop sommairement, qu'a choisi de traiter le Sénat à l'occasion d'une commission d'enquête créée à l'initiative du groupe Socialiste, écologiste et républicain , constituée le 24 novembre 2021 et présidée par Laurent Lafon , avec pour Rapporteur David Assouline . Son exposé des motifs éclaire le sens de ses travaux : « Les concentrations, mutualisations et synergies passées ou futures, (...) touchent inévitablement les programmes, l'information, les contenus des services et titres nouvellement concentrés, mettant en péril le pluralisme de l'offre culturelle, l'indépendance des rédactions et des journalistes et la diversité et la qualité de l'information dont disposent nos concitoyens.

Se trouve dès lors potentiellement entamé un principe garanti constitutionnellement, celui de la liberté de la presse et de la communication, principe qui, selon le Conseil constitutionnel, doit, pour pouvoir s'exercer, disposer de vecteurs d'information diversifiés . »

Usant des larges pouvoirs dévolus à ces structures par l'article 51-2 de la Constitution et l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les Sénatrices et Sénateurs ont abordé ce sujet complexe avec un souci revendiqué d' objectivité et de transparence .

Cette transparence s'est manifestée, selon la volonté exprimée par le Rapporteur avec l'ensemble de ses membres dès sa réunion constitutive, par la décision de la commission de rendre publiques et aisément accessibles les 48 auditions plénières ayant permis d'entendre, pendant plus de 100 heures, 82 personnes représentant toutes les facettes du sujet et menées dans le calendrier très resserré de trois mois (entre fin novembre 2021 et fin février 2022) retenu afin d'interférer le moins possible avec les échéances électorales 2022.

Elles ont donné à la représentation nationale, et à travers elle à l'ensemble de nos concitoyens, la capacité d'interroger des personnalités, en particulier les actionnaires et dirigeants des grands groupes, qui n'ont que rarement l'obligation de venir expliquer leurs décisions ou leurs projets, ainsi que leur vision de la liberté des médias et des équilibres économiques du secteur, d'autant plus que les propos engagent leurs auteurs par la voie du serment . Tel était au demeurant le premier des objectifs de ses travaux, qui ont connu un écho médiatique inédit : permettre à chacun de prendre la mesure des enjeux et porter sur la place publique un débat qui, jusqu'à présent, n'avait eu lieu qu'à « bas bruit » .

L'actualité a de plus influé sur le déroulé de la commission d'enquête, avec en particulier le projet de fusion entre TF1 et M6, l'accélération du rachat du groupe Lagardère par Vivendi et ses conséquences sur l'édition, ou bien encore le dossier de la cession du quotidien La Provence . La commission, dans les délais qui sont les siens, s'est efforcée d'apporter toute la lumière sur les positions exprimées par les uns et les autres et de les analyser, attendu que leurs conclusions sur ces dossiers interviendront à l'issue de ses travaux.

Le sujet des concentrations est donc au coeur des préoccupations. Il ne se limite pas au seul champ de la presse , mais touche à l'ensemble des productions culturelles (films, livres, émissions audiovisuelles...) qui structurent la vision du monde de nos concitoyens . On considère ainsi justement que la diversité en matière de création constitue un élément nécessaire à l'épanouissement d'une Nation et au bien-être démocratique et culturel d'un pays.

Dans ce contexte, le pluralisme et l'information libre et indépendante doivent être défendus face à tout ce qui affaiblit ou remet en cause ses exigences . En témoigne le lancement en parallèle des travaux de la commission à la demande des ministres de l'économie et de la culture, d'une mission confiée aux Inspections générales des finances et des affaires culturelles le 8 septembre 2021, et qui devrait rendre ses conclusions au printemps. La lettre des ministres transmise au Rapporteur mentionne ainsi une « défiance croissante de segments de l'opinion publique envers les médias d'information traditionnels, dont la concentration risque à terme de porter atteinte au pluralisme des opinions ».

Cette crainte pourrait paraître paradoxale à l'heure des réseaux sociaux, des chaînes de la TNT et des radios libres . Jamais l'information n'a été plus disponible sur une multitude de supports, la création audiovisuelle et cinématographique si foisonnante et riche, les moyens de s'instruire si aisément accessibles.

L'histoire des médias témoigne en effet de périodes où l'influence des grands actionnaires sur le débat politique et social était extrêmement importante .

Ainsi, aux États-Unis , William Randolph Hearst avait constitué dans la première moitié du XX e siècle un empire médiatique rassemblant 28 journaux, 18 magazines, une agence de presse, des stations radio et une compagnie de cinéma. Plus d'un foyer américain sur quatre lisait chaque jour une de ses publications 1 ( * ) . Accusé d'avoir utilisé cette influence pour promouvoir ses intérêts, il a servi de modèle au « Citizen Kane » d'Orson Welles, film qu'il a d'ailleurs cherché par tous les moyens à interdire.

La France a également connu dans son histoire des périodes de concentration des médias et d'influence reconnue des intérêts privés. Avant la Première Guerre mondiale, quatre quotidiens représentaient les trois-quarts des tirages de la presse quotidienne. Entre 1964 et 1975, l'ORTF a constitué un monopole d'État sur la télévision et la radio. Dans les années 70 et 80, Robert Hersant avait constitué un empire médiatique dans la presse écrite qui lui avait même valu en 1984 une loi dite « anti Hersant ».

Il existe par comparaison aujourd'hui une abondance d'offres d'informations et de divertissements jamais atteinte dans l'histoire.

Pour autant la concentration des propriétaires, l'uniformisation des contenus, de leurs expositions, et de leurs financements accompagnent cette explosion de l'offre.

Selon les mots de son Rapporteur, la commission d'enquête sur la concentration des médias avait pour objectif « d'estimer la réalité de la concentration des médias dans notre pays et mesurer à quel point elle est susceptible d'entraver la liberté d'expression et la démocratie et de porter atteinte aux principes constitutionnels de liberté, d'indépendance et de pluralisme des médias ».

La commission s'est attachée à établir dans un premier temps un bilan des législations en matière de concentration applicables en France, mais également chez nos principaux partenaires, faisant ressortir des interrogations largement partagées. La commission a cherché à analyser les moteurs qui accélèrent actuellement ces mouvements de regroupement, avant d'établir un diagnostic précis du secteur en France. Elle a par la suite établi une typologie des risques associés aux concentrations, à la lumière des très nombreux témoignages qu'elle a recueillis, avant de souligner aussi les faiblesses de la législation française qui a insuffisamment permis aux acteurs nationaux de se développer.

Le présent rapport a procédé à une analyse objective et impartiale du phénomène des concentrations dans le secteur des médias, afin de porter à la connaissance des citoyennes et des citoyens, des autorités et du Parlement, des recherches approfondies , une documentation fournie , et un très grand nombre de témoignages , destinés à éclairer le débat public sur cette question essentielle pour notre démocratie. Sur cette base, il a dégagé des pistes de travail et des mesures répondant aux enjeux essentiels qu'il soulève.

*

* *

Au terme de ses travaux, la commission d'enquête considère que :

• la logique économique des concentrations est revendiquée et justifiée par leurs promoteurs par l'accélération de l'irruption de grandes plateformes numériques en mesure de capter l'attention et de proposer des services qui offrent de nouvelles modalités d'accès à l'information et au divertissement, via leur maîtrise technologique. Elle bouleverse l'équilibre actuel des médias en France. Notre pays opère ainsi ces dernières années, sans un réel débat public, une transformation profonde de son écosystème dans le secteur des médias, une révolution technologique, révolution des modes de diffusions et des usages, avec des rapprochements au sein de groupes désormais transmédias mettant en avant la convergence des contenus ;

• que ce mouvement, qui s'accompagne d'une explosion des supports et de l'offre, a sa propre logique, mais présente cependant un certain nombre de dangers. La concentration entre les mains de quelques-uns de l'ensemble des leviers de fabrication et de diffusion de l'information et de la culture leur offre en effet une capacité d'influence inégalée.

Cela peut également atteindre à la diversité culturelle, menacée par l'uniformisation, au pluralisme des idées et à l'indépendance des médias nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie ;

• qu'au-delà de cette crainte, qui fait l'objet d'un consensus partagé de la commission d'enquête, la réalité des faits constatés est appréciée de façon différente par ses membres. Néanmoins, elle affirme la nécessité d'une régulation publique adaptée destinée à fixer un équilibre protecteur de la démocratie.

Cet équilibre est cependant complexe à atteindre. Ainsi, le paysage des médias en France est aujourd'hui en plein bouleversement, avec notamment le projet de fusion entre TF1 et M6 et l'expansion du groupe Vivendi .

Chacun s'accorde pour relever l'obsolescence de règles anciennes qui ne prennent en compte ni le numérique, ni les concentrations verticales, et reposent sur des seuils hétérogènes et inadaptés. Pour autant, les mesures et les nouvelles règles à mettre en oeuvre pour répondre aux nouveaux défis doivent être encore discutées, pour mieux qu'aujourd'hui concilier la liberté d'entreprendre, la préservation de notre souveraineté culturelle et l'impérieuse protection des rédactions, ces trois objectifs entrant parfois en tension .

Cependant, la commission d'enquête juge possible d'avancer encore dans la régulation. Elle propose donc des pistes d'évolution destinées à adapter et moderniser la législation et à constituer un cadre plus en mesure de garantir la liberté d'expression, l'indépendance et le pluralisme des médias, ainsi que de promouvoir la diversité de la création. C'est une nécessité absolue dans un monde menacé par la désinformation et l'uniformisation .

I. DES MOUVEMENTS DE CONCENTRATION DANS LES MÉDIAS QUI DOIVENT S'INTERPRÉTER DANS UN CONTEXTE DE BOULEVERSEMENTS TECHNOLOGIQUES

A. LES DIFFÉRENTS TYPES DE CONCENTRATION DANS LES MÉDIAS SONT SOUMIS À UNE ATTENTION PARTICULIÈRE DES POUVOIRS PUBLICS

1. La plupart des pays, dont la France, ont mis en place de longue date des règles spécifiques pour réguler les concentrations

La concentration dans le secteur des médias suit dans la plupart des grands pays développés des règles propres . Tout en s'insérant dans le cadre économique de droit commun, notamment en matière de concurrence, les médias sont ainsi soumis à un corpus particulier qui les singularise. Ces règles sont essentiellement orientées vers la préservation du pluralisme et de l'expression démocratique de la diversité des opinions , ce qui souligne la crainte unanimement partagée qu'une trop forte emprise de quelques acteurs sur l'information ferait peser sur la vie démocratique des États.

a) La France : des règles issues de la Libération qui placent au centre le pluralisme

Les entreprises de presse jouissent en France d'un statut dual dont la conciliation est une condition nécessaire au respect du pluralisme et de l'équilibre du débat démocratique.

D'une part, elles assurent la diffusion de l'information et servent l'intérêt public par le débat qu'elles rendent possible entre citoyens éclairés. À ce titre, le législateur a mis en place un régime spécifique dans plusieurs domaines, en particulier pour accorder des protections aux journalistes , afin d'éviter un dévoiement de l'information en un simple produit, et des restrictions spécifiques en matière de concentration.

D'autre part, l'entreprise de presse est une entité économique de droit commun , la loi du 29 juillet 1881 n'ayant pas créé un statut spécial. Elle est donc dans la nécessité de s'inscrire dans une logique de rentabilité pour pouvoir continuer à exercer ses missions. Comme le soulignait le Sénateur Michel Laugier, également rapporteur pour avis des crédits de la presse à la commission de la culture lors de l'audition du 14 février : « La presse évolue dans un contexte particulier, avec d'un côté les journalistes et de l'autre un modèle économique spécifique. »

Prise par le Gouvernement provisoire de la République française le 26 août 1944, l'ordonnance sur l'organisation de la presse française visait à purger les errements de médias d'entre-deux-guerres jugés en partie responsables de la défaite et largement discrédités par la période de collaboration. L'ordonnance prévoit notamment en son article premier de rendre public le nom des dirigeants d'une publication. Ses articles 7 et 9 interdisent toute forme de concentration , une même personne ne pouvant être propriétaire de plus d'une entreprise de presse.

Ordonnance du 26 août 1944 sur l'organisation de la presse française

Article 9. Dans le cas d'un hebdomadaire dont le nombre d'exemplaires tirés excède 50 000 ou d'un quotidien dont le nombre d'exemplaires tirés excède 10 000, nul ne peut exercer les fonctions de directeur ou de directeur délégué accessoirement à une autre fonction soit commerciale, soit industrielle, qui constitue la source principale de ses revenus et bénéfices.

La même personne ne peut être directeur ou directeur délégué de plus d'un quotidien.

L'ordonnance de 1944 restera en vigueur jusqu'en 1986, non sans être largement tombée en désuétude faute de volonté politique claire. Le cadre ambitieux alors tracé ne sera jamais pleinement rempli et n'empêchera pas les mouvements de concentration qui ont finalement marqué le paysage de la presse en France, en particulier avec la constitution de grands groupes comme Hachette, surnommé « La pieuvre verte », les groupes Amaury, Prouvost et surtout Hersant dans les années 70.

Déclaration publiée en 1945 par la Fédération nationale de la presse française

Témoigne de l'état d'esprit de cette période, la Déclaration publiée en 1945 par la Fédération nationale de la presse française, héritière des entreprises de presse clandestine parue pendant l'Occupation.

« Art. 1. La presse n'est pas un instrument de profit commercial, mais un instrument de culture ; sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain .

Art. 2. La presse ne peut remplir sa mission que dans la liberté et par la liberté.

Art. 3. La presse est libre quand elle ne dépend ni de la puissance gouvernementale ni des puissances d'argent, mais de la seule conscience des journalistes et des lecteurs . »

La loi du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse entend cependant lutter contre la mainmise jugée excessive de la presse entre les mains de Robert Hersant, qui possède alors France Soir , Le Figaro , L'Aurore et Le Fig Mag ainsi qu'une dizaine de quotidiens régionaux 2 ( * ) , soit près de 40 % de la presse quotidienne nationale.

Cette loi ne sera cependant jamais appliquée et sera remplacée par deux ensembles législatifs :

? la loi du 1 er août 1986 portant réforme du régime des entreprises de presse . Elle prévoit le régime actuel de transparence - interdiction de prête-noms, actions nominatives, transparence financière, transparence de l'évolution du capital, prohibition des publicités présentées comme des informations et transparence des personnes responsables. Son article 7 prohibe l'acquisition, par un étranger, de plus de 20 % du capital social ou des droits de vote d'une entreprise éditant une publication de langue française, tandis que son article 11 interdit de détenir plus de 30 % de la diffusion des quotidiens d'information politique et générale sur le territoire ;

? et la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée depuis près de cent fois, mais qui demeure le cadre de référence pour poser des limites aux concentrations dans les médias.

b) Un cadre législatif spécifique en France

Le contrôle des concentrations est d'abord une compétence exclusive de l'Union européenne, mais prévoit une articulation spécifique entre les autorités européennes et nationales en-deçà d'un certain seuil 3 ( * ) .

Au regard de l'impératif de pluralisme des médias et du respect des autorisations de diffusion accordées pour l'utilisation des fréquences, a été décidé au niveau français un dispositif anti-concentration spécifique au secteur des médias . « Un juste équilibre doit être recherché, entre d'une part les logiques économiques et la nécessité d'accompagner nos opérateurs et nos industries culturelles dans leurs efforts d'adaptation aux transformations de leur environnement face aux effets massifs d'une concurrence mondialisée, et d'autre part un impératif de valeur constitutionnelle de préservation du pluralisme des courants de pensée et d'opinion dont le respect est consubstantiel à notre débat démocratique » déclarait Roch-Olivier Maistre, président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), devant la commission d'enquête le 7 décembre 2021.

(1) La compétence complémentaire de deux autorités de régulation pour la régulation de l'audiovisuel : l'Autorité de la concurrence et l'Arcom

Deux autorités nationales sont en charge du contrôle des concentrations dans le secteur audiovisuel, prévu par le code de commerce et par l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard, qui définit les règles anti-concentration nationales qui s'appliquent essentiellement aux services hertziens terrestres.

L'Autorité de la concurrence et l'Arcom interviennent dans deux champs de compétences distincts et complémentaires, et sous le contrôle du juge administratif .

L'Autorité de la concurrence intervient surtout sur l'approche économique, appliquant les règles de concurrence du code du commerce . Elle intervient donc souvent avant l'Arcom, dont l'examen est fondé sur des critères de pluralisme et d'intérêt du public, et qui tient compte des engagements éventuellement obtenus par l'Autorité de la concurrence pour compléter le cas échéant ses propres prescriptions.

L'Arcom, anciennement Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante en charge des secteurs de l'audiovisuel et du numérique, ne peut pas appliquer les règles de concurrence du code du commerce. La loi de 1986 lui donne cependant certains pouvoirs de contrôle et de sanction sur les concentrations dans le secteur audiovisuel.

L'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 fait de l'Arcom la garante des libertés et des principes fondamentaux du droit de la communication audiovisuelle et numérique . L'Autorité « veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique » et « veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales, y compris dans leur dimension ultramarine, ainsi qu'à la promotion de la diversité musicale ; elle veille à la défense et à l'illustration de la culture et du patrimoine linguistique national, constitué de la langue française et des langues régionales ».

Au titre du pluralisme, tout changement de contrôle direct ou indirect d'un titulaire d'une autorisation de diffusion doit être soumis à l'autorisation de l'Arcom , selon l'article 42-3 de la loi de 1986 précitée.

La procédure d'agrément permet à l'Arcom d'autoriser une opération de concentration en contrepartie d'engagements pris par les acteurs concernés et transcrits dans leur convention . Ces engagements conventionnels peuvent avoir trait au contenu des programmes diffusés et compenser une réduction du nombre d'acteurs susceptibles de porter atteinte au pluralisme et à l'intérêt public. 4 ( * )

L'Arcom peut vérifier le contrôle des dispositions des articles 35 à 38 de la loi de 1986 : interdiction de prête-nom (article 35), actions nominatives, information obligatoire de l'Arcom en cas de dépassement du seuil de 10 % du capital d'une société titulaire d'une autorisation (article 38).

L'Arcom bénéficie d'un pouvoir de sanction , prévu aux articles 42 et suivants de la loi n° 86-1067, qui vise les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires ne respectant pas les obligations prévues par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1 er et 3-1 de la loi.

Le non-respect des règles de concurrence de droit commun, relevé par les autorités compétentes, pourrait entraîner des sanctions administratives de l'Arcom , allant jusqu'à un retrait d'autorisation, en sus des sanctions imposées par l'Autorité de la concurrence.

Selon l'article 41-4, lorsqu'une opération de concentration concernant directement ou indirectement un éditeur ou un distributeur de services de radio ou de télévision fait l'objet d'un examen approfondi par l'Autorité de la concurrence, celle-ci est tenue de saisir l'Arcom pour avis . Cet avis est obligatoire, sans formalisme, mais préalable à l'instruction. Le 23 août 2019, elle a ainsi été saisie pour formuler des observations sur la demande de mesures conservatoires introduites par Molotov sur des pratiques mises en oeuvre par les groupes TF1 et M6. Elle a aussi été plus récemment saisie de la fusion entre TF1 et M6.

Toujours selon l'article 41-4, l'Arcom doit saisir l'Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles dont elle a connaissance dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande. Cette saisine peut être assortie d'une demande de mesures conservatoires, dans les conditions prévues à l'article 464-1 du code du commerce.

Elle peut aussi la saisir (article 17) ou lui adresser une demande d'avis (article 41-4) sur des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques dans le secteur (article 41-4). Les informations dont disposent les deux autorités sont librement communicables entre elles dans ce cadre.

Selon l'article 17, l'Arcom peut adresser des recommandations au Gouvernement pour le développement de la concurrence dans les activités de radio et de télévision.

Une concentration concernant un service hertzien de télévision ou de radio et impliquant des entreprises dépassant un certain chiffre d'affaires doit donc recevoir l'aval à la fois de l'Arcom et de l'Autorité de la concurrence. En pratique, cela concerne un nombre réduit de cas.

Synthèse des différents cas d'opérations de concentration dans le secteur audiovisuel

Situation

Intervention des autorités de régulation 5 ( * )

Exemples

(liste non exhaustive)

Opération de concentration faisant intervenir des acteurs audiovisuels non hertziens (chaînes non hertziennes, sociétés de production, services audiovisuels à la demande) avec des chiffres d'affaires sous les seuils de contrôle de l'Autorité de la concurrence

Aucune

• Rachat d'Antalis et Itas par TDF en 2006 et 2016

• Nombreux mouvements capitalistiques dans le secteur de la production

• Rachat en cours de Molotov par la plateforme américaine Fubo TV

Opération de concentration sans changement de contrôle d'un opérateur hertzien et avec des chiffres d'affaires au-dessus des seuils de contrôle

Autorité de la concurrence
(ou Commission européenne) seulement

• Rachat de TPS par Canal Plus et Vivendi en 2006 (renotification de l'opération en 2015)

• Rachat de SFR par Numericable/Altice en 2014

• Rachats d'Eurosport par Discovery en 2012

• Fusion Endemol-Shine en 2017

• Rachat de Newen par TF1 en 2016 et 2018

• Création de Salto en 2019

• Fusion Banijay-Endemol en 2020

• Rachat de Lagardère Studios par Mediawan en 2020

Opération de concentration faisant intervenir des acteurs audiovisuels hertziens avec des chiffres d'affaires sous les seuils de contrôle de l'Autorité de la concurrence

CSA seulement

• Plusieurs cas par an de changement de contrôle de sociétés éditrices de radios ou de télévisions locales (Antenne Réunion, constitution du réseau Vià, constitution du réseau BFM, Sud Radio, Radio Nova, etc.)

• Rachat de Numéro 23 par NextRadioTV en 2017

• Rachat de Gulli par M6 en 2019

Opération de concentration faisant intervenir des acteurs audiovisuels hertziens et avec des chiffres d'affaires au-dessus des seuils de contrôle de l'Autorité de la concurrence

Autorité de concurrence (ou Commission européenne)

+

CSA

• Rachat de TMC et NT1 par TF1 en 2010

• Rachat de Direct 8 et Direct Star par Canal Plus en 2012

• Rachat de NextRadioTV par Altice en 2017

Source : CSA, réponse au questionnaire de la commission d'enquête, décembre 2021

(2) La loi de 1986 sur l'audiovisuel et ses objectifs de pluralisme et d'équilibre économique
(a) Le cadre constitutionnel

La législation en matière de concentration se traduit par la recherche d'un équilibre entre le pluralisme des médias et leur intérêt économique .

L'article premier de la loi du 30 septembre 1986 (dite loi « Léotard ») pose le principe de la liberté de communication , qui est au fondement de la législation française en matière de communication et de médias.

Le deuxième alinéa de cet article précise cependant plusieurs limites à ce principe, dont le « caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ».

L'expression pluraliste des opinions, en particulier via les médias, fait partie des objectifs à valeur constitutionnelle tels que définis par le Conseil constitutionnel comme condition d'exercice de la démocratie.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a précisé que constituent de tels objectifs le pluralisme des quotidiens d'information politique et générale (décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984), la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels (décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986), le pluralisme des courants de pensées et d'opinions (décision n° 2004-497 DC du 1 er juillet 2004) et le pluralisme des médias (décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009).

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conforté ces interprétations, en insérant un dernier alinéa à l'article 4 de la Constitution, consacré aux partis politiques. Il dispose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions ». Le Conseil a été appelé à préciser cette notion lors de sa décision QPC (question prioritaire de constitutionnalité) du 31 mai 2017. Il indique que le pluralisme des courants d'idées et d'opinions « est un fondement de la démocratie ». Cette révision constitutionnelle a également prévu à l'article 34 et à l'initiative du Rapporteur de la commission d'enquête que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».

Il existe donc un lien établi au niveau constitutionnel entre pluralisme des médias et expression démocratique .

(b) Les règles applicables dans la loi de 1986
(i) Les seuils de détention capitalistique (articles 38 et 39 de la loi de 1986)

L'article 38 prévoit une information obligatoire de l'Arcom en cas de dépassement du seuil de 10 % du capital d'une société titulaire d'une autorisation. Cette exigence a été retranscrite dans les conventions des télévisions nationales ou locales diffusées par voie hertzienne terrestre de façon à prévoir l'information de l'Arcom en cas de franchissement de seuil aussi bien pour le capital des sociétés titulaires que pour le capital de la ou des sociétés qui contrôlent.

Pour une société titulaire , l'information de l'Arcom doit intervenir pour toute modification intervenant dès 1 % du capital social ou des droits de vote . Pour une société qui contrôle une société titulaire, l'éditeur doit informer l'Arcom, dès qu'il en a connaissance, de tout changement à partir de 5 % du capital ou des droits de vote. La modification s'apprécie par rapport à la dernière répartition communiquée à l'Arcom.

Lorsqu'il s'agit de sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, l'éditeur informe le Conseil de tout franchissement de seuils de participation à leur capital social, dès qu'il en a connaissance, dans les conditions prévues à l'article L. 233-7 du code de commerce et, le cas échéant, par leurs statuts.

L'article 39 rassemble les règles relatives au dispositif anti-concentration pour les chaînes titulaires d'autorisation d'émettre au niveau national et local par voie hertzienne et satellitaire .

Pour les chaînes hertziennes nationales

Le I de l'article 39 de la loi précitée de 1986 précise les règles applicables à la propriété d'une ou plusieurs sociétés de télévision nationale, c'est-à-dire qui disposent d'une autorisation d'émettre sur une fréquence hertzienne :

? pas plus de 49 % des droits de vote dans une société qui dépasse 8 % d'audience au niveau national. L'appréciation du critère d'audience tient compte des diffusions par voie hertzienne comme numérique ;

? pas plus de 15 % simultanément dans deux sociétés titulaires de deux autorisations , sans considération d'audience ;

? pas de plus de 5 % dans plus de deux sociétés titulaires d'autorisations , sans considération d'audience.

Pour les chaînes diffusées par satellite

Le II du même article 39 établit les règles symétriques relatives à la détention capitalistique pour les services de radio et de télévision diffusés par satellite :

? pas plus de la moitié du capital d'une société titulaire d'une autorisation de diffusion ;

? pas plus du tiers simultanément dans deux sociétés titulaires d'autorisations ;

? pas plus de 5 % dans plus de deux sociétés titulaires d'autorisation.

Cumul d'autorisation d'émettre au niveau national et local

Le III précise que le détenteur d'une autorisation d'émettre au niveau national et dont l'audience dépasse les 8 % ne peut ne peut détenir plus du tiers (33 %) d'une société propriétaire d'une autorisation d'émettre au niveau local.

Le respect de ces seuils est contrôlé par l'Arcom. Les articles 35 à 38 imposent aux services audiovisuels autorisés des règles de transparence sur le modèle de celles applicables à la presse (interdiction de prête-nom, caractère nominatif des actions, information du CSA sur les modifications du capital).

(ii) Le seuil de détention par une société étrangère (article 40)

Une société détenue à plus de 20 % par des personnes de nationalité non européenne ne peut détenir une entreprise bénéficiant d'une autorisation d'émettre par voie hertzienne. Par symétrie, aucune société détenue à plus de 20 % par des acteurs étrangers ne peut acquérir une entreprise disposant d'une telle autorisation.

Cet article 40 a été précisé par la loi du 14 novembre 2016 pour que la limitation s'applique non seulement lors d'une prise de participation au capital d'une société déjà autorisée, mais également lors de l'autorisation délivrée par l'Arcom . Elle protège les médias audiovisuels français d'une prise de contrôle par une personne extra-communautaire. Mais elle ne s'applique pas aux services distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par l'Arcom, comme les services par câble, satellite, ADSL...

Dans le calcul du capital, aucune distinction n'est faite entre le capital stable et le capital flottant.

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et du Conseil d'État, au regard du droit européen, les personnes physiques ou morales ressortissantes de l'Union ou de l'Espace économique européen doivent être traitées comme les personnes de nationalité française. Sont pris en compte les critères du siège social et du contrôle.

(iii) Les cumuls d'autorisation « monomédias » (article 41 de la loi de 1986)

L'article 41 fixe le cadre applicable pour les cumuls d'autorisation pour les services de radio et de télévision. Il a été modifié dix fois depuis 1986.

Le premier alinéa prévoit qu'une même personne physique ou morale ne peut posséder plusieurs réseaux de services de radio que dans la mesure où la somme des populations couvertes par ces différents réseaux n'excède pas un certain seuil. Lors de l'examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique, le Sénat a adopté un article 19 qui augmente ce seuil de 150 millions d'habitants à 160 millions , niveau réévalué tous les cinq ans par décret en Conseil d'État prenant en compte l'évolution de la population.

Le troisième alinéa interdit à une société titulaire d'une autorisation d'émettre par voie hertzienne et représentant plus de 8 % de l'audience nationale d'être également titulaire d'une autorisation d'émettre au niveau local , exception faite des outre-mer.

Le quatrième alinéa précise qu'une même personne ne peut détenir plus de sept autorisations d'émettre par la voie hertzienne en mode numérique. En cas de fusion TF1-M6, il implique que le nouveau groupe devrait donc se séparer d'au moins trois fréquences.

Le sixième alinéa prévoit que les chaînes TNT locales appartenant à un même groupe ne peuvent pas couvrir plus d'un certain seuil de population, porté de 12 à 19 millions d'habitants à l'initiative du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique (article 20).

Le neuvième alinéa fixe l'impossibilité de détenir plus d'une fréquence locale desservant un même territoire.

Le dixième alinéa précise qu'il n'est pas possible d'être titulaire d'une ou plusieurs autorisations relatives chacune à un service de radio dont l'audience potentielle cumulée terrestre dépasse 20 % des audiences potentielles cumulées de l'ensemble des services de radio, publics ou autorisés, diffusés par voie hertzienne terrestre.

(iv) La concentration multimédia : la règle des « deux sur trois »

Les articles 41-1 et suivants établissent les règles relatives aux concentrations qui mettent en jeu plusieurs médias de différents types , à la fois au niveau national et local.

Les articles 41-1 (radio ou télévision analogiques) et 41-1-1 (télévision numérique) visent à « prévenir les atteintes au pluralisme sur le plan national », alors que les articles symétriques 41-2 et 41-2-1 s'intéressent au « plan régional et local ».

Dans le cas des articles consacrés au cadre national, l'obtention d'une autorisation d'émettre ne doit pas avoir pour effet de placer le titulaire dans plus de deux des trois des situations suivantes :

? être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint quatre millions d'habitants ;

? être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de radio permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint trente millions d'habitants ;

? éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d'information politique et générale (IPG) représentant plus de 20 % de la diffusion totale , sur le territoire national, des publications quotidiennes imprimées de même nature, appréciée sur les douze derniers mois connus précédant la date à laquelle la demande d'autorisation a été présentée.

Dans le cas local, les règles sont très proches. Aucune autorisation d'émettre en télévision ou radio analogique, ou télévision numérique ne peut être accordée si le titulaire se trouve dans plus de deux des situations suivantes :

? être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de télévision en numérique, à caractère national ou non, diffusés par voie hertzienne terrestre dans la zone considérée ;

? être titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de radio, à caractère national ou non, dont l'audience potentielle cumulée, dans la zone considérée, dépasse 10 % des audiences potentielles cumulées, dans la même zone de l'ensemble des services, publics ou autorisés, de même nature ;

? éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées, d'information politique et générale, à caractère national ou non, diffusées dans cette zone.

Il convient de relever que ces règles dites du « deux sur trois » sont d'une application malaisée et finalement peu contraignantes, en particulier dans le domaine de la presse. Ainsi, au niveau national, le seuil de 20 % de la diffusion de la presse quotidienne d'IPG semble difficilement atteignable, le groupe le plus présent sur ce segment, EBRA, représentant 17,7 % de la diffusion avec 18 titres. La seule application de cette disposition portée à la connaissance du Rapporteur est la décision du CSA du 20 avril 2018 portant agrément de la modification du contrôle de la société groupe News Participations 6 ( * ) qui avait contraint Altice à cesser la distribution de Libération sur les communes de Val d'Isère et de l'Alpe d'Huez compte tenu de sa présence en radios et télévisions locales.

*

* *

La législation française, en vigueur depuis 1986, présente donc un cadre complet visant à exercer un contrôle public sur les mouvements de concentration, sous-tendu par l'idée qu'un niveau excessif présente des risques , en particulier pour l'information.

Il s'avère que cette préoccupation est commune à la plupart des pays .

2. Des règles partagées, mais sous des formats différents d'un pays à l'autre

À la demande de la commission d'enquête, qui souhaitait disposer d'éléments de comparaison, la division de la législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat a établi un état des lieux des concentrations et des règles applicables en la matière 7 ( * ) aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie.

Il ressort de ces travaux et de ceux de la commission d'enquête trois éléments :

? l'ensemble des pays étudiés est confronté à la même problématique que la France en matière de concentration , plus spécifiquement sur la pluralité de l'information. Cela témoigne de l'acuité des préoccupations exprimées au niveau mondial sur la préservation d'un pilier essentiel de la démocratie ;

? les législations présentent toutes des points communs , avec des seuils de détention qui évoquent la loi de 1986 et des controverses qui opposent « efficacité économique » et « préservation du pluralisme » ;

? chaque pays présente cependant des spécificités qui lui sont propres et qui relèvent de son histoire . Des solutions originales ont cependant été élaborées, en particulier en Allemagne et en Grande-Bretagne.

a) L'Allemagne : la préservation de l'opinion publique
(1) Des règles souples qui font l'objet d'un accord entre Länder et État fédéral

En Allemagne, les règles générales applicables en matière de contrôle des médias sont directement issues du premier paragraphe de l'article 5 de la Loi fondamentale du 23 mai 1949 :

« Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l'écrit et par l'image, et de s'informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous. La liberté de la presse et la liberté d'informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties. Il n'y a pas de censure ».

Il découle de cet article un ensemble de règles qui ont avant tout pour objet de protéger l'indépendance et le caractère pluraliste des médias, avec une grande attention apportée à la liberté d'expression. Les règles anti-concentration sont donc justifiées par ce seul critère de l'impact prédominant sur l'opinion publique de tel ou tel média.

Le contrôle des concentrations est partagé entre les Länder , qui disposent d'une compétence exclusive en matière de radio et de télévision, et le gouvernement fédéral pour la presse. À l'échelle nationale, la Kommission zur Ermittlung der Konzentration im Medienbereich (KEK) s'assure du respect de la diversité pour les télévisions sur l'ensemble du territoire, sans s'interdire de s'exprimer sur l'ensemble du champ médiatique.

Afin de garantir la diversité des opinions au niveau national, les Länder ont passé en 2020 un accord sur la diversité dans les médias, qui précise notamment les règles de propriété. Il se fixe pour objectif, en son article 3, de faire « respecter et protéger la dignité des personnes dans le cadre de leurs offres ; les croyances éthiques et religieuses de la population doivent être respectées. Les offres doivent viser à renforcer le respect de la vie, de la liberté et de l'intégrité physique, des croyances et opinions d'autrui. »

En application de cet accord, aucune entreprise ne peut contrôler plus de 30 % des parts d'audience au niveau national , seuil abaissé à 25 % si les autres possessions de la société font suspecter une influence équivalente sur l'opinion publique . Si une entreprise vient à dépasser ce seuil, la KEK lui propose des mesures correctrices, comme la vente de canaux de diffusion ou des mesures visant à assurer une meilleure diversité.

Au-delà d'un certain seuil , en particulier pour les chaînes d'information, l'article 65 de l'accord de 2020 impose le principe original dit du « tiers indépendant ». Présenté comme un « programme de décrochage » il permet, selon les termes de l'accord, d' « apporter une contribution supplémentaire à la diversité de son programme, notamment dans les domaines de la culture, de l'éducation et de l'information. Le programme de décrochage doit être conçu indépendamment du programme principal ».

(2) Le cas des fusions entre médias : les projets du groupe Springer

Il n'existe pas en Allemagne de règles prohibant la détention de médias de différents types .

Le groupe Bertelsmann , dont la commission d'enquête a entendu le président Thomas Rabe le 27 janvier 2022, possède ainsi des télévisions, des radios et de la presse écrite. Cependant, les autorités disposent d'un droit de regard, qui s'est en particulier exprimé lors du projet de rachat d'une entreprise audiovisuelle par le groupe Axel Springer.

En 2006, Springer, le plus important groupe de presse allemand, éditeur notamment du quotidien Bild , premier en termes de diffusion en Allemagne, a cherché à acquérir l'entreprise audiovisuelle Pro7 Sat1 Media AG. Il a essuyé un refus de la part de la KEK, au motif que la fusion donnerait au groupe Springer, détenteur du journal Bild , une influence déterminante et un pouvoir d'opinion dominant .

Dans le cas d'espèce, si les seuils de part d'audience n'étaient pas atteints par le groupe Pro7 Sat.1 Media AG (elle avait été évaluée à 22,06 %), la KEK a pris en compte dans son évaluation l'impact sur la formation de l'opinion publique des autres marchés liés aux médias, notamment la presse possédée par Springer . La KEK a converti la part du journal Bild en équivalent de part d'audience , a procédé ainsi avec les autres titres de presse du groupe, puis a calculé la part d'audience globale que représenterait le groupe en cas de fusion, obtenant un total de 42 % , supérieur aux seuils définis dans l'accord entre les Länder . L'Autorité allemande de la concurrence avait également émis un veto à cette fusion, au motif qu'elle aurait également entraîné une position dominante en matière de publicité . Suite à un long épisode judiciaire, la Cour fédérale de Karlsruhe a finalement confirmé le raisonnement de la KEK en 2010, mettant un terme à l'opération. Cette solution a été inscrite à l'article 60 de l'accord précité de 2020 entre Länder .

b) Les États-Unis : des règles assouplies depuis le début des années 2000

Les médias aux États-Unis possèdent une dimension locale très affirmée, avec des spécificités propres à chaque État.

La réglementation américaine en matière de concentration existe depuis 1934, avec la loi sur les télécommunications qui a institué la Federal communications commission , ou FCC. Cette agence, indépendante du pouvoir exécutif, est directement responsable devant le Congrès 8 ( * ) . Elle est compétente dans le domaine de l'audiovisuel et dispose également de prérogatives en matière d'Internet et de presse.

À l'origine, des règles strictes furent édictées pour éviter la création d'un acteur dominant dans le secteur des médias susceptible de déstabiliser la concurrence. Ainsi, en 1941 fut édictée la règle du double réseau , qui empêche une entité de détenir plusieurs stations de radio ou chaînes de télévision . En 1970, la règle prohibant la détention croisée de stations de radio et de chaînes de télévision et, en 1975, celle prohibant la détention croisée d'un journal et d'un média de diffusion radiophonique ou télévisuelle , furent instaurées par la FCC.

Tous les quatre ans, la FCC a l'obligation de réexaminer les règles qu'elle est chargée d'imposer. La Commission a cependant oeuvré depuis le début des années 2000 pour un assouplissement des règles, arguant du développement d'Internet et des réseaux de diffusion par câble. Elle a de plus accordé de nombreuses dérogations au fil du temps . En 2007, elle a ainsi officiellement autorisé la détention d'un média de diffusion et d'un organe de presse dans les vingt principales villes du pays , officiellement afin d'aider la presse en difficulté.

Les dérogations accordées par la FCC précisées par le Rapporteur

À l'occasion de l'audition de Patrick Drahi le 2 février, le Rapporteur a été amené à préciser la politique de dérogations de la FCC :

« (...) la loi américaine interdisait jusqu'en 2017 la détention croisée d'une chaîne de télévision et d'un organe de presse. Mais la FCC avait la possibilité d'accorder des dérogations. Elle l'a fait à plusieurs reprises, en particulier quand il s'agissait de rachats de titres et de secteurs locaux, ce que vous avez fait vous-même. Vous étiez dans cette niche de dérogation. Cette réglementation assez drastique n'a pas empêché les États-Unis d'avoir une certaine puissance médiatique et une presse qui a été considérée comme de qualité. En France, ces limitations n'existent pas : on peut posséder deux supports sur trois, selon la loi de 1986 . »

En 2017, la FCC a levé des contraintes jusque-là bien établies sur la détention des médias . La nouvelle réglementation a donné lieu à une intense bataille juridique, mais a finalement été confirmée à l'unanimité par la Cour Suprême le 1 er avril 2021. Trois règles ont ainsi été supprimées ou modifiées, dont la plus emblématique sur la détention croisée d'un média de presse et de diffusion .

? La suppression de la règle prohibant la détention croisée de journaux et médias de diffusion

Auparavant, une entité ne pouvait détenir un titre de presse écrite et un média de diffusion , qu'il soit radiophonique ou télévisé, si le périmètre d'émission englobait la zone de parution du journal. La FCC a estimé qu'avec la multiplicité des sources d'information, le maintien de cette règle ne se justifiait plus au nom de la promotion de la diversité des points de vue.

? La suppression de la règle prohibant la détention croisée de stations de radio et de chaînes de télévision

La FCC a également supprimé la règle prohibant la détention croisée de stations de radio et de chaînes de télévision . En vertu de ce principe, une entité ne pouvait pas posséder plus de deux chaînes de télévision et une station de radio dans la même zone.

? La modification de la règle sur la détention de chaînes de télévision locales

Enfin, la règle relative à la détention de chaînes de télévision locales a été modifiée en 2017 afin de refléter au mieux les conditions concurrentielles sur les marchés locaux. La FCC a ainsi supprimé le test dit « des huit voix », qui exigeait qu'au moins huit chaînes de télévision indépendantes restent sur un marché avant qu'une entité puisse posséder deux chaînes de télévision sur ce même marché .

Les principales règles entourant la propriété de médias aux États-Unis sont dorénavant :

? la règle du double réseau , qui interdit de procéder à des fusions parmi les quatre plus importantes chaînes de télévision , soit ABC, CBS, Fox et NBC. Initialement conçue pour la radio, cette règle ne concerne plus désormais que la télévision ;

? la règle de la propriété multiple des chaînes de télévision locales , qui limite le nombre de chaînes de télévision qu'une entité peut détenir dans une zone géographique définie . Ainsi, une entité peut posséder deux chaînes sur un marché défini dans la mesure où les périmètres de rayonnement des chaînes ne se chevauchent pas et, au moment du dépôt de la demande d'acquisition, au moins l'une des chaînes ne figure pas parmi les quatre plus importantes en termes d'audience de la zone de marché définie ;

? la règle de la propriété multiple des stations de radio locales , qui permet à une entité de détenir un nombre limité de stations de radio dans une zone géographique définie ;

? la règle de la propriété multiple des chaînes de télévision nationales , qui interdit d'accorder une licence à une chaîne si cela a pour conséquence que cette entité détienne un intérêt global dans les chaînes de télévision d'audience nationale supérieur à 39 % .

c) La Grande-Bretagne : un relâchement des critères qui n'exclut pas un contrôle poussé des concentrations
(1) Le test de « l'intérêt public » en première ligne pour les concentrations

Le Royaume-Uni dispose de règles propres aux concentrations dans les médias depuis 1965 pour la presse écrite et 1990 pour l'audiovisuel.

En 2003 , le pays a cependant décidé de largement libéraliser le système avec la loi sur la communication, qui crée l'Office des communications (Ofcom). L'article 3 de la première partie de la loi de 2003 assigne comme mission à l'Office de concilier :

- l'intérêt des citoyens en lien avec la communication (« the interests of citizens in relation to communications matters » ) ;

- l'intérêt des consommateurs sur les marchés pertinents, le cas échéant en favorisant la concurrence (« the interests of consumers in relevant markets, where appropriate by promoting competition ») .

L'Ofcom doit remettre tous les trois ans un rapport sur la propriété des médias, comme la FCC aux États-Unis sur une périodicité différente.

La loi de 2003 a apporté des modifications fondamentales à la loi de 2002 sur les entreprises. Y figurent désormais des considérations tenant à la nécessité d'une présentation précise des informations , de la libre expression des opinions ainsi que la nécessité d'une pluralité suffisante des points de vue dans les journaux . Pour ce faire, la loi souligne le besoin de pluralité des personnes contrôlant les entreprises de médias et d'un large éventail de programmes .

Cela se matérialise avec la composante la plus essentielle du contrôle des concentrations en Grande-Bretagne, le test dit « de l'intérêt public » , défini au chapitre 2 de la troisième partie consacrée aux fusions de la loi de 2002. L'article 44A est spécifiquement dédié au rôle de l'Office, qui est chargé d'établir l'existence ou non d'un « intérêt public » sur le projet de fusion. De son côté, l'article 58 est encore plus explicite sur les enjeux, en reconnaissant le besoin, d'une part, d'une pluralité de vues dans la presse , au niveau national comme local, et, d'autre part, d'un nombre suffisant de propriétaires de médias au niveau local comme national.

L'Ofcom émet alors, à la demande du ministre qui reste seul décisionnaire, un rapport complet et public analysant le marché et l'impact d'une éventuelle fusion sur le pluralisme ou l'accès à l'information 9 ( * ) . Le ministre a la faculté de saisir la Competition and Market Autority - CMA, l'équivalent de notre Autorité de la concurrence.

(2) Un exemple de décision : le projet de fusion entre 21th Century Fox et Sky en 2018

En décembre 2016, le groupe 21 th Century Fox de Rupert Murdoch lance une offre de rachat de l'opérateur britannique Sky pour 13 milliards d'euros. Très symbolique, ce projet de fusion aurait donné naissance à un géant des médias en troisième position en matière de télévision derrière la BBC et ITN, et en première position dans la presse écrite.

Dans le cadre de la procédure d'examen, l'Ofcom émet un rapport, qui pousse le ministre à solliciter l'avis de la CMA.

L'analyse menée par l'Ofcom, et reprise par la CMA, conclut au danger de cette fusion , pourtant approuvée par la Commission européenne. Le considérant 1.9 du rapport de l'Ofcom 10 ( * ) indique ainsi :

« L'accord pourrait accroître la faculté des membres de la famille Murdoch à influer sur l'agenda médiatique d'ensemble. Il y a un risque que les membres de la famille Murdoch cherchent à coordonner les lignes éditoriales des organes d'information sous leur influence en omettant certaines informations, en soulignant d'autres ou en recourant aux mêmes commentateurs dans leur presse et dans les journaux télévisés. Ce type de coordination pourrait affaiblir l'indépendance éditoriale de Sky News et donc donner aux membres de la famille Murdoch une plus grande influence sur l'opinion publique ».

L'Ofcom et le CMA ont conclu conjointement aux risques associés à ce projet de fusion , pour des raisons qui tiennent à la nécessaire pluralité des médias. Le travail mené a permis de consolider une approche plus large du secteur des médias, puisque les régulateurs ont considéré à la fois la télévision, la radio et la presse, mais également Internet. Elle est reprise en 2019 par le groupe de travail du Stigler Center de l'université de Chicago « Protecting journalism in the age of digital platforms » 11 ( * ) , qui y voit les prémisses d'une analyse des concentrations fondée sur une appréciation quantitative reposant sur la « part d'attention » que le citoyen accorde à tel ou tel média, sans considération de son origine (télévision, radio, presse écrite, Internet).

Le rapport 2021 de l'Ofcom :
étendre aux nouveaux créateurs le test de l'intérêt public

Dans son rapport au secrétaire d'État publié en novembre 2021, l'Ofcom recommande de modifier le champ du test de l'intérêt public en remplaçant les références aux journaux ou entreprises de médias dans les textes en vigueur par le terme « nouveaux créateurs » (new creators) afin de refléter la façon dont les consommateurs accèdent aux informations.

(3) La règle de détention croisée

Tout n'est cependant pas soumis au test de l'intérêt public, certaines règles demeurant fixées de manière précise par la loi.

Ainsi, la règle de détention croisée des médias concerne la détention de journaux nationaux et de licence de chaînes de télévision locales. En vertu de ce principe, les grands groupes de presse nationale ne peuvent pas détenir largement une licence de chaîne de télévision privée diffusant régionalement. Plus précisément, cette règle interdit à un opérateur de presse détenant 20 % ou plus de parts de marché de presse écrite de détenir une licence de télévision locale ou une participation dans un détenteur de licence supérieure à 20 %. Inversement, il est interdit à un titulaire d'une licence de télévision locale de détenir une participation de 20 % ou plus dans un grand groupe de presse nationale. Dans son rapport au secrétaire d'État publié en novembre 2021, l'Ofcom propose de conserver cette règle pour le moment, car « bien que la portée des services d'information télévisée et des journaux imprimés ait diminué au fil du temps, ils restent toujours des sources importantes en termes de capacité à atteindre et à influencer un large public à travers le Royaume-Uni ».

*

* *

L'approche française d'un contrôle des concentrations dans les médias au nom de l'intérêt général est donc relativement partagée dans les principaux pays développés. Si les règles ont eu tendance à s'assouplir ces dernières années, elles n'en restent pas moins appliquées avec attention par les autorités publiques.


* 1 Un documentaire (en anglais) de la chaîne PBS a été diffusé sur « Citizen Hearst » le 28 septembre 2021 : https://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/films/citizen-hearst/

* 2 On lui prête la phrase suivante à propos du nombre de ses journaux : « si vous croyez que j'ai le temps de les compter le matin ! ».

* 3 Voir l'annexe 1 sur l'articulation du contrôle des concentrations entre le cadre réglementaire européen et le cadre national.

* 4 La jurisprudence Métropole Télévision fait expressément référence à d'éventuels engagements susceptibles de compenser les atteintes au pluralisme. Conseil d'État, société Métropole Télévision, 30 décembre 2010, n° 338273 : « qu'il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisi d'une telle demande, de déterminer, en prenant en compte les circonstances de fait et de droit à la date où il se prononce, notamment en ce qui concerne la diversité des opérateurs, si les modifications envisagées sont, eu égard, le cas échéant, aux engagements pris par les opérateurs intéressés pour en atténuer ou en compenser les effets, de nature à compromettre l'impératif fondamental de pluralisme et l'intérêt du public et justifient, par suite, une abrogation de l'autorisation initialement accordée ».

* 5 Hors avis à l'Autorité de la concurrence pour le CSA.

* 6 https://www.csa.fr/Reguler/Espace-juridique/Les-textes-adoptes-par-l-Arcom/Les-decisions-du-CSA/Decision-n-2018-222-du-20-avril-2018-portant-agrement-de-la-modification-du-controle-de-la-societe-groupe-News-Participations

* 7 La note figure en annexe 2 du présent rapport.

* 8 Elle fait cependant l'objet de critiques récurrentes sur ses liens avec l'industrie, soulignées dans un rapport de 2014 de l'université Harvard qui la qualifie de « Captured Agency » : https://ethics.harvard.edu/files/center-for-ethics/files/capturedagency_alster.pdf

* 9 Pour un exemple récent, l'analyse de l'Ofcom sur la fusion entre deux entreprises comportant des publications de presse en version papier et Internet : https://assets.publishing.service.gov.uk/government/

uploads/system/uploads/attachment_data/file/959571/20200324_Ofcom_advice_FINAL_to_SoS_Redacted_V2.pdf

* 10 https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0012/103620/public-interest-test-report.pdf

* 11 https://www.chicagobooth.edu/research/stigler/news-and-media/committee-on-digital-platforms-final-report

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