III. RENDRE L'ENVIRONNEMENT ALIMENTAIRE PLUS SAIN

La lutte contre l'obésité en France a privilégié pendant longtemps une approche centrée sur les individus au moyen d'incitations ou de recommandations. Or l'efficacité des messages sanitaires et des guidages des consommateurs varie selon les catégories socioprofessionnelles des personnes ciblées. Les maigres résultats et l'accroissement des inégalités qui résultent de cette approche plaident en faveur d'actions de transformation de l'environnement devenu obésogène . Comme le souligne la sociologue Faustine Régnier, « l'approche centrée sur les comportements individuels ne saurait suffire. Dans un contexte d'inégalités sociales croissantes, [...] le maintien de l'intervention de l'État s'avère ici indispensable, en termes d'information, de régulation et de mise en place de politiques collectives. »

A. RENFORCER LA RÉGLEMENTATION SUR LA COMPOSITION NUTRITIONNELLE DES ALIMENTS

1. Les limites du volontariat des industriels
a) Les efforts des industriels dissuadés par la demande alimentaire

La qualité nutritionnelle moyenne d'un secteur peut provenir :

- d'une évolution de la qualité nutritionnelle des aliments du côté de l'offre grâce à des efforts de reformulation des produits de la part des industriels ou du renouvellement de l'offre avec l'arrivée sur le marché de nouveaux aliments ;

- d'une évolution de la demande des consommateurs qui peuvent opérer des substitutions au sein de la famille d'aliments.

Les analyses de l'Oqali sont éclairantes à ce sujet, en mettant en exergue les tendances portées par la demande sur une famille de produits. Le choix des consommateurs tend à déjouer les efforts d'amélioration de la composition nutritionnelle des produits en se reportant vers des produits moins sains. À titre d'illustration, c'est ainsi que pour le secteur des biscuits et gâteaux industriels, l'Oqali note qu'en 2011 et 2018, « les substitutions réalisées par les consommateurs, au sein des produits existants les deux années, vont à l'encontre des recommandations nutritionnelles pour l'ensemble des nutriments étudiés » 167 ( * ) (matières grasses, acides gras saturés, sucres, sel et fibres). Plus particulièrement mise en cause en ce qui concerne l'obésité, la teneur moyenne en sucre de cette famille d'aliments reste quasiment stable sous l'effet de deux forces opposées que sont la réduction de la teneur des produits mais une évolution contradictoire des préférences des consommateurs.

Évolution des teneurs moyennes pondérées entre 2011 et 2018
et contribution des effets à l'oeuvre

Source : Rapport précité de l'Oqali

Alors que les messages sanitaires de santé publique ont su trouver un écho dans la société (voir supra ) et en dépit de l'essor des préoccupations nutritionnelles d'une partie des consommateurs, comme en témoigne le succès des applications de conseil nutritionnel, la demande alimentaire agrégée n'agit pas nécessairement comme une force motrice de l'amélioration de la qualité nutritionnelle . Par conséquent, les industriels n'ont que peu d'intérêt à réduire individuellement la quantité de sucre ou de matières grasses de leurs produits. Ils risqueraient de perdre des parts de marché au profit de leurs concurrents ne s'engageant pas dans une telle démarche.

C'est pour encourager aux efforts collectifs et éviter les phénomènes de « passagers clandestins » soulignés par la DGAL aux rapporteures que la voie des accords collectifs dans lesquels une part significative des entreprises d'un secteur s'engagent a été retenue dans le PNA 3 et le PNNS 4 (voir infra ).

b) L'autorégulation de l'offre alimentaire par les engagements volontaires : une chimère ?
(1) Le principe d'engagement volontaire : chartes et accords collectifs

Absente du premier PNNS, la responsabilisation des industriels pour transformer l'offre alimentaire est une approche retenue à compter du second volet du PNNS (2006-2010) et du premier PNA en 2010. Plusieurs instruments sont alors conçus. D'une part, les chartes d'engagements volontaires en progrès nutritionnel promues par le PNNS 2 permettent à des entreprises de voir leurs engagements approuvés par un comité de validation. En contrepartie, les industriels peuvent valoriser leurs efforts par une communication appuyée par les pouvoirs publics. Un référentiel de 2007 mis à jour en 2012 fixe la procédure de validation des chartes et les critères minimaux devant être respectés. Cette démarche a connu un certain succès auprès des industriels avec trente-sept chartes signées de 2008 à 2012 168 ( * ) , avant que le volontariat des industriels ne se raréfie.

D'autre part, ces chartes individuelles ont été complétées par des accords collectifs dans le cadre du PNA . La loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche 169 ( * ) a conféré une base légale aux accords collectifs par lesquels les opérateurs concernés pour une famille de produits s'investissent dans une « évolution favorable de la qualité nutritionnelle des denrées, tout en prenant en compte leur qualité gustative ainsi que leurs conditions de production et de commercialisation » . Ces accords doivent « fix [er] des objectifs à atteindre en matière de qualité nutritionnelle, conformément aux orientations définies dans le cadre du programme national relatif à la nutrition et à la santé » 170 ( * ) . Pensés pour engager des parts de marché plus importantes de chaque filière alimentaire, les accords collectifs n'ont pourtant pu concerner qu'une seule entreprise.

Comme pour les chartes, après une première vague de contractualisation, avec par exemple les secteurs des boissons rafraichissantes sans alcool, de la charcuterie, de la boulangerie artisanale, le mouvement s'est essoufflé.

(2) Le bilan peu probant du volontariat

Plusieurs missions, dont la mission de l'IGAS d'évaluation des PNNS 2 et 3 en 2016 et la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle de l'Assemblée nationale en 2018, ont jugé insatisfaisant le recours au volontariat comme levier de transformation de l'offre alimentaire . L'Oqali en 2012 notait ainsi que les « reformulations proposées dans le cadre des chartes d'engagements volontaires de progrès nutritionnel engendrent des variations d'apports moyens statistiquement significatives, mais qui néanmoins demeurent modestes en raison de la part de marché encore faible des produits faisant l'objet de chartes ». En outre, l'ambition d'origine de certains engagements apparaissait trop faible au regard des enjeux.

L'évaluation menée pour chaque engagement mis en place n'a pas été à la hauteur en dépit de la mission confiée à l'Oqali de vérifier si les objectifs assignés aux accords collectifs sont atteints 171 ( * ) . Ce dernier n'a pas été en mesure de publier de telles évaluations. L'accord collectif dans le secteur des boissons rafraîchissantes est à ce titre éclairant. Le syndicat s'engageait à diminuer de 5 % le taux de sucre moyen de l'ensemble des boissons du secteur de 2010 à 2015. L'Oqali n'a toutefois pas publié d'analyse sur ce secteur depuis un rapport de 2015 retraçant les évolutions entre 2010 et 2013 172 ( * ) .

Dans son rapport sur l'obésité, la Cour des comptes qualifie donc de « tentative décevante » le recours au volontariat 173 ( * ) . Si les rapporteures reconnaissent l'importance du tournant effectué en 2007 par le second PNNS, lequel, pour la première fois, s'intéressait à l'offre alimentaire, elles souscrivent aux constats d'un bilan insuffisant des engagements volontaires . Dès lors, il semble que la transformation de l'offre alimentaire ne puisse s'effectuer sans contrainte des pouvoirs publics.

(3) Une relance des accords collectifs certes plus ambitieuse mais pour laquelle le scepticisme reste permis

Le PNNS 4 et le PNAN tirant les leçons des manquements mentionnés affichent une nouvelle méthode plus volontariste. En septembre 2021 a été publié un nouveau référentiel donnant le cadre des accords collectifs. Ces accords porteront sur les filières de produits tels que définies par l'Oqali. Les entreprises auront trois ans pour atteindre les objectifs de teneurs nutritionnelles qui, selon la DGAL, seront « basés sur les travaux d'expertise de l'Anses afin d'obtenir des engagements à la hauteur des enjeux de santé publique ».

À la différence des accords collectifs de première génération, la réduction des teneurs en sel, sucre et acides gras saturés ne pourra être « compensée par une augmentation du nombre ou de la quantité d'additifs dans la recette ». Un accord collectif devra concerner 80 % du secteur pour être représentatif et être validé. Il est à noter également qu'une entreprise engagée sur une famille de produits doit respecter un même seuil pour l'ensemble des produits de cette famille y compris ceux commercialisés en outre-mer.

Cette nouvelle méthode a été inaugurée par la conclusion d'un accord sur la réduction de la teneur en sel dans la filière de la boulangerie (voir encadré ci-dessous). Bien que ne concernant pas directement la lutte contre l'obésité, les rapporteures ne peuvent que saluer la conclusion d'un tel engagement.

L'accord sur la réduction du sel dans les pains

Le 3 mars 2022 a été signé l'accord sur la réduction du sel dans la filière de la boulangerie conformément aux mesures explicitées par le PNNS 4. Cet accord dont l'ensemble des acteurs de la filière de la boulangerie, y compris les représentants des artisans boulangers, des meuniers et des distributeurs 174 ( * ) , est partie contractante a donc été négocié pendant plus de trois ans.

Compte tenu de la diminution des risques de tension artérielle, d'accident vasculaire cérébral ou encore d'infarctus du myocarde qu'une baisse de la consommation de sel permet, les entreprises de la boulangerie se sont engagées à réduire progressivement les seuils maximaux de sel dans les différents types de pain (voir ci-dessous pour les pains de mie). En moyenne, l es teneurs devraient baisser de 10 % d'ici 2025 .

Exemple des seuils maximaux négociés dans les pains de mie

Source : Communiqué de presse du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Les engagements nutritionnels feront désormais l'objet d'un suivi renforcé au moyen d'audits dont les résultats seront communiqués à l'Oqali chargé de suivre les résultats de ces « accords collectifs renouvelés ». La DGAL a confirmé aux rapporteures qu'« en cas de non atteinte des engagements des filières, la voie réglementaire pourra être envisagée ». Cette menace d'un recours à l'outil réglementaire facilite sans doute l'adhésion des industriels.

Le nouveau cadre dans lequel s'inscrit la contractualisation d'engagements du secteur agroalimentaire corrige des insuffisances et semble plus contraignant pour les industriels.

Toutefois, les rapporteures ne partagent pas l'optimisme affiché après un bilan si mitigé de la démarche d'engagement volontaire . Ainsi que l'Oqali le souligne au sujet de l'accord sur la réduction du sel : « il s'agit d'un exemple à suivre mais qui illustre aussi la difficulté de mettre en place de telles chartes d'engagement, avec des discussions très longues ». Eu égard à l'urgence, il convient au contraire d'envisager dès à présent des teneurs limites fixées réglementairement .

2. La réglementation : une piste à ne plus écarter

Les engagements volontaires par les PNNS successifs découlaient d'une volonté très claire de ne pas fixer unilatéralement des teneurs nutritionnelles maximales. Le référentiel du 28 novembre 2013 donnant le cadre des accords collectifs du PNA soulignait l'esprit de cette démarche : « [il a] été jugé plus pertinent de laisser les secteurs professionnels faire des propositions sur les objectifs qu'ils souhaitent atteindre, de façon à ne pas bloquer des dynamiques même naissantes, tout en garantissant un impact qui puisse être jugé suffisant » 175 ( * ) . Cette approche, qui certes a été infléchie depuis le quatrième PNNS, a participé selon les rapporteures à une forme d'inertie constatée dans la transformation de l'offre alimentaire.

a) La composition des denrées alimentaires

Le dernier PNNS prévoit, donc, que des seuils maximaux soient fixés au besoin par la loi ou le règlement si les industriels échouaient à s'engager dans une recomposition de leurs gammes de produits alimentaires.

Les rapporteures estiment que la fixation de ces teneurs ne doit pas seulement être une menace lointaine et peu crédible dans le jeu de négociation avec l'industrie agroalimentaire. La réglementation trouve toute sa place parmi les politiques publiques collectives de transformation de l'offre alimentaire. La fixation de seuils maximaux de teneurs nutritionnelles scientifiquement mises en cause dans le déclenchement de l'obésité ne doit plus être exclue des moyens à la disposition des pouvoirs publics. « Considérant l'efficacité limitée des chartes de diminution volontaire », le rapport d'expertise sur le sucre de l'Anses recommandait aux pouvoirs publics en 2016 « d'envisager la mise en place de mesures réglementaires ciblées sur les principaux vecteurs de sucres ajoutés afin d'agir dans un calendrier maîtrisé, sur le nombre de produits concernés et le niveau de réduction des teneurs en sucres ajoutés » 176 ( * ) . Il conviendrait également d'établir que la diminution des teneurs en sucres et matières grasses ne pourra être compensée par des additifs, notamment les édulcorants.

Les rapporteures sont toutefois conscientes qu'une telle démarche doit être précédée de consultations avec les parties prenantes afin que ces teneurs puissent être adaptées à chaque famille de produits. Il est en particulier évident que les produits devant satisfaire à des normes comprises dans des cahiers de charges pour obtenir des labels comme les appellations d'origine protégée (AOP), contrôlée (AOC) ou une spécialité traditionnelle garantie (STG) ne seront pas soumis à des seuils contradictoires avec ces exigences. De même, certaines denrées alimentaires sont soumises à une composition règlementée pour prétendre à une dénomination. C'est ainsi le cas des confitures, marmelades ou des crèmes de marrons dont la teneur minimale en sucres est fixée par un décret du 14 août 1985 177 ( * ) .

La DGAL a indiqué aux rapporteures que « les accords collectifs n'ont pas pour objectif de cibler l'ensemble des familles de produits existants, mais de cibler de façon privilégiée à la fois les plus gros contributeurs aux apports en sel, sucre et gras, et les familles de produits pour lesquelles une marge de manoeuvre existe ». Cette même analyse peut être reprise pour la fixation de teneurs maximales par voie réglementaire plutôt que par contractualisation avec les industriels.

Sur la saisine de la DGS et de la DGAL, l'Anses a déterminé en 2021, par nutriment et famille d'aliments transformés suivie par l'Oqali, les conséquences de plusieurs scénarios retenant des seuils de reformulation plus ou moins contraignants pour les entreprises 178 ( * ) . Pour mener à bien ce chantier de définition de seuils maximaux, les pouvoirs publics pourront s'appuyer sur cet avis de l'Anses.

Proposition n° 12 : réglementer les teneurs en nutriments (sucres ajoutés, acides gras saturés et sel) de produits ciblés en raison de leur rôle dans le dépassement des apports recommandés et selon la marge de manoeuvre possible. (Parlement, Gouvernement)

b) Les stratégies de vente des produits

Même sensibilisés à la nutrition, les consommateurs font face à un environnement qui biaise leur rationalité par des stratégies commerciales dorénavant bien mises au jour. Les effets obésogènes de ces techniques de marketing ont été documentés ; une étude montre par exemple que les aliments transformés achetés à bas prix, et notamment par promotion, sont consommés plus rapidement que les autres 179 ( * ) . Pierre Chandon et Quentin André, spécialistes de marketing , indiquent dans une revue de littérature que « le prix réduit génère un effet d'aubaine (le produit n'ayant pas couté cher, il n'est donc pas nécessaire d'attendre une occasion particulière pour le consommer) qui augmente la fréquence de consommation, et donc l'apport calorique journalier » 180 ( * ) . De même, le placement des produits en grande surface n'est pas anodin. Les produits sucrés mis en avant aux abords des caisses de paiement ou des files d'attente incitent aux achats impulsifs. Les travaux sur une expérience naturelle montre que les achats de paquets réduits de chips, chocolats et confiseries ont été de 76 % moindre chez les magasins de grande distribution ayant cessé de les présenter à proximité des caisses en comparaison avec les autres supermarchés 181 ( * ) .

La possibilité de restreindre certaines de ces pratiques de marketing avait été évoquée par la Cour des comptes dans son rapport de 2019. Le Royaume-Uni peut, à ce sujet, faire figure de précurseur, certes en raison d'une problématique plus aiguë encore qu'en France . Dans un rapport au gouvernement britannique datant de 2015, l'agence Public Health England notait que le Royaume-Uni est le pays d'Europe le plus concerné par les promotions commerciales : elles seraient à l'origine d'une hausse de 6 % de la quantité de sucres achetée 182 ( * ) . Aussi était-il recommandé de réduire dans les commerces le nombre possible de promotions commerciales sur les produits trop sucrés et de réorienter ces offres vers les produits plus sains.

Après la mise en lumière des enjeux du surpoids et de l'obésité par la première vague épidémique de covid-19, cette option a été retenue par le gouvernement de Boris Johnson. Un plan ambitieux de lutte contre l'obésité a été annoncé et voté au Parlement avant que ne soit toutefois retardée l'entrée en vigueur de certaines dispositions (voir encadré ci-dessous).

Le plan de lutte contre l'obésité en Angleterre

Le Food (Promotion and Placement) (England) Regulations 2021 adopté par le Parlement britannique le 2 décembre 2021 a comme objectif de restreindre les promotions commerciales et les stratégies marketing sur les denrées alimentaires trop grasses, salées ou sucrées dans les entreprises de plus de 50 employés en Angleterre. Son entrée en vigueur prévue initialement en octobre 2022 a été en partie retardée d'un an ; le Premier ministre Boris Johnson ayant annoncé que les conditions n'étaient pas réunies dans un contexte inflationniste.

Ce premier volet de la loi interdit les promotions sur les quantités vendues c'est-à-dire toutes les promotions laissant suggérer qu'un produit est tout ou en partie gratuit. Il s'agit par exemple des offres commerciales accompagnées de slogans du type « deux pour le prix d'un » ou « + 30 % gratuit ». Sont aussi visées par cette interdiction les incitations financières sous la forme de points de fidélité gagnés par l'achat d'une de ces denrées. Avant son ajournement, l'entrée en vigueur au 1 er octobre 2022 devait être prolongée d'une période de transition jusqu'en 2023 pour permettre aux commerces d'écouler leurs stocks de produits.

La loi régule également l'emplacement des denrées alimentaires trop grasses, sucrées ou salées dans les magasins en interdisant de les positionner à des endroits stratégiques comme ceux :

- à moins de deux mètres des caisses de paiement ;

- à moins de deux mètres d'un emplacement de file d'attente ;

- aux angles des allées ;

- à l'entrée du magasin.

Toutefois, ni les commerces spécialisés dans les denrées alimentaires concernées par la restriction (pâtisserie, chocolatier, confiserie...) ni ceux ayant une superficie de moins de 2 000 pieds carrés (185,8 m²) ne sont soumis à cette réglementation. Les magasins ciblés sont donc les supermarchés et hypermarchés généralistes .

Exemple d'application donné par le Gouvernement
pour l'encadrement des emplacements des produits trop gras, sucrés ou salés

Source : Guide d'application du gouvernement britannique 183 ( * )

En rouge apparaissent les zones prohibées aux produits ciblés en raison de leur proximité aux caisses de paiement ou de l'allée dédiée à la file d'attente.

La même interdiction s'applique aux sites internet d'achat de denrées alimentaires à l'instar de ceux permettant de faire ses courses en ligne. Sont ainsi prohibées les offres sur la nourriture de faible qualité nutritionnelle sur les pages d'accueil, sur les pages de type « pop-up », lorsque l'aliment recherché n'appartient pas à la même famille de produit, sur les pages « vos produits favoris » ou « recommandé pour vous ».

Exemple d'application de l'interdiction frappant les incitations en ligne
à l'achat de produits trop gras, sucrés ou salés

Source : Guide d'application du gouvernement britannique

En cas de manquement, les agents contrôleurs ont été appelés à faire preuve de pédagogie auprès des commerçants avant de leur notifier formellement la non-conformité à la réglementation. Enfin, en dernier recours des sanctions judiciaires ou administratives, au moyen d'une pénalité financière de 2 500 livres, sont possibles.

Source : Commission des affaires sociales d'après le guide du gouvernement britannique

Les rapporteures estiment que la France pourrait s'inspirer de l'exemple britannique dans la lutte menée contre l'obésité. Elles recommandent ainsi d' encadrer les promotions alimentaires et les stratégies marketing mises en oeuvre par la grande distribution pour inciter les consommateurs à acheter des produits trop gras ou trop sucrés. Ces stratégies devraient au contraire être réservées aux produits ayant un intérêt nutritionnel marqué.

Proposition n° 13 : interdire, sur l'exemple anglais, les promotions commerciales en grande distribution sur une liste de produits trop sucrés, salés ou gras ainsi que les stratégies marketing incitant à leur achat (emplacements délibérés dans les magasins). (Parlement, Gouvernement)

c) Les normes imposables à la restauration collective

Des normes légales et réglementaires régissent la qualité nutritionnelle et la composition des repas servis en restauration collective. L'article L. 230-5 du code de la pêche rurale et maritime dispose ainsi que les gestionnaires publics et privés des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que de nombreux services publics 184 ( * ) « sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison ». Les conditions permettant d'atteindre l'objectif de qualité nutritionnelle dans les différents lieux de restauration collective ont été décidées par décret, eux-mêmes précisés par des arrêtés se fondant sur les recommandations relatives à la nutrition du groupe d'étude des marchés de restauration collective et de nutrition (GEMRCN) 185 ( * ) .

Les attentes de la part de la restauration collective ont été rehaussées depuis les états généraux de l'alimentation et la loi dite « Egalim 1 » du 30 octobre 2018 186 ( * ) . Outre l'opportunité de transformer l'offre alimentaire de nombreux usagers, il s'agit, comme le syndicat national de la restauration collective (SNRC) l'a précisé aux rapporteures lors de son audition, d'une question d'exemplarité pour ainsi changer les comportements individuels par un effet d'entraînement.

La loi Egalim renforce les critères de qualité, d'origine ou de durabilité s'imposant à l'offre de repas de la restauration collective dont est responsable une collectivité publique. Ces normes ont ensuite été étendues à la restauration collective privée par la loi dite « Climat » 187 ( * ) .

Les conditions s'appliquant à la restauration collective

L'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit entre autre que les repas devront être composés pour au moins 50 % de leur valeur de produits respectant une des conditions suivantes :

- produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ;

- produits issus de l'agriculture biologique ou bénéficiant d'autres labels subordonnés au respect de la qualité des produits ou la préservation de l'environnement ;

- produits bénéficiant de l'écolabel « Pêche durable » ;

- produits bénéficiant du symbole graphique européen octroyé aux produits des régions ultra-périphériques de l'Union européenne ;

Depuis le 1 er janvier 2022, les repas doivent également intégrer une part de 20 % en valeur de produits issus du commerce équitable ou d'un projet alimentaire territorial (PAT).

Enfin, l'article L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime issu de la loi Egalim oblige les gestionnaires à présenter un « plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu'ils proposent » . La loi Egalim a introduit une expérimentation d'un menu végétarien proposé au moins une fois par semaine dans la restauration scolaire 188 ( * ) que la loi Climat a pérennisée. Cette dernière a également ouvert une nouvelle expérimentation d'un menu végétarien proposé tous les jours aux élèves pour les collectivités territoriales volontaires uniquement.

Ces réformes ont été rappelées aux rapporteures par les différentes parties prenantes comme des éléments importants à prendre en compte dans le cadre d'une mission d'information relative à la lutte contre l'obésité. Or l'ensemble des réglementations imposées à la restauration collective résultant des lois Egalim et Climat, pour positives et ambitieuses qu'elles soient afin de répondre, notamment, à des enjeux de durabilité, ne gagnent rien à s'avancer sous la bannière de la lutte contre l'obésité . Les rapporteures rappellent par exemple qu'il serait spécieux d'assigner directement un objectif de réduction de l'obésité aux menus végétariens ou aux produits issus de l'agriculture biologique.

Comme l'a souligné Gilles Pérole, co-président du groupe de travail alimentation de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'obligation de servir un menu végétarien une fois par semaine dans les restaurants scolaires a pris de court les gestionnaires qui ont dû mettre en place des solutions peu satisfaisantes. Sous couleur de progrès en faveur d'une alimentation saine, les collectivités ou leurs prestataires ont été parfois contraints de se tourner vers des produits industriels ultra-transformés dont la qualité nutritionnelle reste douteuse. Ce risque est pointé par le rapport d'évaluation de l'expérimentation des menus végétariens du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) qui recommandait un effort d'approvisionnement en produits bruts afin de « favoriser une cuisine de cuisinier plutôt que d'assemblage et [de] privilégier le ``fait-maison'' ». Il notait que « la difficulté à se procurer les denrées nécessaires [aux menus végétariens] , quel qu'en soit le motif, ouvre la voie à la solution de facilité qu'est l'achat de produits ultra-transformés, faciles à trouver, mais dont les qualités nutritionnelles ne font pas encore l'unanimité, voire sont considérés comme perturbateurs endocriniens » 189 ( * ) . Dans un premier avis de 2020 sur les menus végétariens, l'Anses jugeait pertinent de mettre en place un indicateur évaluant, pour l'ensemble du menu végétarien, les teneurs en acides gras saturés ou insaturés, en sucres, sel, en calcium et fer 190 ( * ) .

L'application des lois Egalim et Climat requiert des mesures que la DGAL, en charge de leur pilotage, a rappelées aux rapporteures. Parmi elles se trouve l'actualisation des règles nutritionnelles et la diversification des sources de protéines en restauration scolaire, à travers la mise à jour de l'arrêté du 30 septembre 2011 qui encadre la fréquence de service des plats et les grammages des produits prêts à consommer en restauration scolaire 191 ( * ) . Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation s'appuie pour cela sur les recommandations du nouveau conseil national de la restauration collective. Sont également prévus un guide de recommandations actualisant le guide du GEM-RCN paru en 2015, un livret de recettes végétariennes adaptées à la restauration collective ou un guide pédagogique pour la formation initiale des cuisiniers.

Les rapporteures ne peuvent qu'attirer l'attention du pouvoir réglementaire sur l'importance d'actualiser les grammages et teneurs des différents nutriments et de réduire la place prise par les produits ultra-transformés dans la restauration collective afin de tenir compte des enjeux de santé publique. De toute évidence, les avancées des lois Egalim et Climat ne sont pas incompatibles avec la lutte contre l'obésité, pour peu que les exigences de qualité nutritionnelle ne soient pas sacrifiées .


* 167 Oqali, Bilan de l'étude d'évolution du secteur des biscuits et gâteaux industriels : données 2008 , 2011 et 2018 , Édition 2021, p. 30.

* 168 Source : IGAS, Évaluation du programme national nutrition santé 2011-2015 et 2016 (PNNS 3) et du plan obésité 2010-2013 , juillet 2016, p. 42.

* 169 Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

* 170 Article L. 230-4 du code rural et de la pêche maritime.

* 171 Aux termes de l'article R. 230-38 du code rural et de la pêche maritime.

* 172 https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/alimentation//141009_Accord_co_BRSA_signe_cle02519a.pdf

* 173 Cour des comptes, rapport précité de 2019, p. 58.

* 174 Sont signataires la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, la Fédération des entreprises de boulangerie, le Syndicat des biscuits, gâteaux et panifications de France et le Syndicat français de la nutrition spécialisée, la Fédération du commerce et de la distribution, E. Leclerc et Intermarché, l'Association nationale de la meunerie française et le Syndicat national des fabricants de produits intermédiaires pour boulangerie, pâtisserie et viennoiserie.

* 175 Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, Direction générale de l'alimentation, Reconnaissance des accords collectifs : référentiel et procédure , 28 novembre 2013, SA-SDPAL-BPPAL, p. 3.

* 176 Anses, rapport d'expertise collective Actualisation des repères du PNNS : établissement de recommandations d'apport de sucres, décembre 2016.

* 177 Décret n° 85-872 du 14 août 1985 portant application de la loi du 1 er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les confitures, gelées et marmelades de fruits et autres produits similaires.

* 178 Anses, rapport d'appui scientifique et technique, Simulation de seuils de reformulation par famille d'aliments transformés et impact sur les apports en sucres, acides gras saturés, sel et fibres de la population française , janvier 2021.

* 179 Chandon P, Wansink B., « When Are Stockpiled Products Consumed Faster? A Convenience-Salience Framework of Postpurchase Consumption Incidence and Quantity », J Marketing Res , 2002.

* 180 Chandon P. et André Q., « Les effets du marketing sur les comportements alimentaires », Cahiers de nutrition et diététique , 2015.

* 181 Ejlerskov KT, Sharp SJ, Stead M, Adamson AJ, White M, Adams J., « Supermarket policies on less-healthy food at checkouts: Natural experimental evaluation using interrupted time series analyses of purchases », PLoS Med , 2018.

* 182 Public Health England, Sugar Reduction : the evidence for action , octobre 2015.

* 183 https://www.gov.uk/government/publications/restricting-promotions-of-products-high-in-fat-sugar-or-salt-by-location-and-by-volume-price/restricting-promotions-of-products-high-in-fat-sugar-or-salt-by-location-and-by-volume-price-implementation-guidance

* 184 Des services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires.

* 185 Décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, décret n° 2012-143 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre des services de restauration des établissements de santé, décret n° 2012-142 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre des services de restauration des établissements pénitentiaires, etc .

* 186 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

* 187 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 188 Article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime.

* 189 CGAAER, Évaluation de l'expérimentation du menu végétarien hebdomadaire en restauration collective scolaire , mars 2021.

* 190 Anses, Note d'appui scientifique et technique relatif aux recommandations nutritionnelles pour la mise en place d'une expérimentation en milieu scolaire de menus végétariens , 17 janvier 2020.

* 191 Arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire.

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