V. LA SOUVERAINETÉ PAR DAVANTAGE DE PROTECTION DE NOS ENTREPRISES FACE AUX INFLUENCES ÉTRANGÈRES

A. RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ DE NOS ENTREPRISES FACE À L'EXTRATERRITORIALITÉ

1. Extraterritorialité des données : une souveraineté logicielle à construire pour protéger nos entreprises
a) 80 % des données générées par les internautes français sont stockées aux États-Unis et exploitées sur des logiciels américains

Aujourd'hui, il est estimé que 80 % des données générées par les internautes français lorsqu'ils naviguent sur Internet sont hébergées dans des serveurs et dans des centres de données localisés aux États-Unis.

Cette concentration territoriale des infrastructures de stockage des données aux États-Unis est à relier à la domination des grandes entreprises américaines du numérique dans le domaine de l'informatique en nuage. En effet, les principaux logiciels de traitement des données sont américains et ont été développés par des sociétés établies et immatriculées aux États-Unis. Il est ainsi estimé que les services d'Amazon, de Microsoft et de Google représentent 70 % des parts mondiales du marché de l'informatique en nuage , un marché fortement oligopolistique et qui demeure peu concurrentiel.

Jusqu'à l'adoption du Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act 243 ( * ) dit Cloud Act par le Congrès américain en 2018, le lieu de stockage des données était déterminant dans la détermination de la législation applicable . Ainsi, en 2013, la société Microsoft avait refusé de transmettre à l'administration fédérale américaine, dans le cadre d'une enquête pénale, le contenu d'une boîte aux lettres électronique au motif que les données correspondantes étaient stockées en Irlande et non aux États-Unis. La cour d'appel de New-York avait alors estimé qu'un mandat de réquisition pris en application du Stored Communications Act 244 ( * ) de 1986 ne pouvait pas avoir pour effet d'obliger un fournisseur de services électroniques de communication, de traitement ou de stockage des données à transmettre de telles données lorsqu'elles sont stockées à l'étranger 245 ( * ) .

Les États-Unis ont toutefois clarifié et renforcé la portée extraterritoriale de leur législation avec l'adoption du Cloud Act . Désormais, tout prestataire de services électroniques immatriculé aux États-Unis doit communiquer à l'administration américaine les données de communication qui lui sont demandées dans le cadre d'un mandat de perquisition, et ce quel que soit le lieu de stockage de ces données dès lors que le prestataire en est propriétaire, les détient ou les contrôle. Par conséquent, la très grande majorité des principaux établissements de traitement de données (en premier lieu, les GAFAM) est désormais soumise aux législations américaines, car le lieu d'immatriculation des sociétés est devenu primordial dans la détermination de la législation applicable .

Ce changement de législation, conjuguée à une situation concurrentielle largement favorable aux grandes entreprises américaines du numérique, est devenu l'une des principales vulnérabilités de l'Union européenne en matière de souveraineté numérique , car la plupart des données des ressortissants de l'UE sont désormais accessibles par les États-Unis, comme l'explique Emmanuelle Mignon, conseillère d'État : « Concrètement, les GAFAM, qui sont des sociétés immatriculées aux États-Unis, doivent communiquer toute donnée de communication stockées aux États-Unis ou à l'étranger qui leur est demandée par les autorités américaines, quand bien même la donnée appartient à une entreprise ou à un ressortissant étranger et a été confié à une filiale de ce GAFAM immatriculé à l'étranger. Comme les GAFAM contrôlent l'essentiel du cloud mondial, les détracteurs du Cloud Act considèrent que les États-Unis se sont en réalité ménagé un accès à l'ensemble des données mondiales 246 ( * ) ».

b) La vulnérabilité de nos entreprises face aux lois extraterritoriales relatives aux données est significativement accentuée par notre manque d'autonomie logicielle

La vulnérabilité des entreprises françaises et européennes face aux lois extraterritoriales américaines relatives aux données a été considérablement accentuée par l'adoption du Cloud Act . Même si les pouvoirs donnés à l'administration fédérale américaine demeurent subordonnés à l'existence d'une enquête pénale, l'administration peut s'intéresser à tout type d'infractions, et non seulement les plus graves, pour accéder aux données correspondantes.

L'adoption du Cloud Act met en réalité en évidence une faiblesse significative de l'Union européenne : sa dépendance logicielle .

Les auditions menées dans le cadre de la mission d'information ont mis en évidence la nécessité pour l'Union européenne de s'assurer une autonomie technique en matière de logiciels d'hébergement et de traitement des données , ce qu'a souligné Pierre Gronlier, directeur des technologies chez Gaïa-X : « Il est ainsi primordial de pouvoir identifier tout le long de la chaine de traitement des données, quels sont les composants logiciels et quels sont les niveaux de dépendances opérationnels du responsable de traitement. Sans cette transparence sur la provenance du logiciel et sur l'identification des organisations européennes ou non européennes en capacité de maintenir en condition opérationnelle les logiciels utilisés, il n'a pas d'autonomie technique ni de souveraineté numérique possible » 247 ( * ) .

Lorsqu'un logiciel informatique américain est utilisé par une entreprise française ou européenne, y compris sous forme de licence, une fois installé, ce produit devient un service. Il faut alors en assurer la maintenance logicielle ou « le service-client ». Or, si le savoir-faire et les compétences nécessaires à cette maintenance logicielle ne sont pas détenus ni maîtrisés à l'échelle de l'Union européenne, il existe alors une dépendance technique à l'égard des États-Unis qui pourrait être préjudiciable pour les entreprises françaises et européennes.

Par conséquent, il est indispensable de renforcer de façon significative les investissements dans les compétences et la formation aux différents métiers du cloud , afin de disposer d'un « vivier national » de talents polyvalents capables de développer des logiciels informatiques et d'en assurer la maintenance logicielle ( voir le B du III du présent rapport ). Il apparaît surtout urgent de constituer une filière européenne de l'informatique en nuage, en soutenant les sociétés européennes immatriculées sur le territoire de l'Union européenne qui développent leurs propres logiciels de cloud .

c) Les premières initiatives françaises et européennes demeurent insuffisantes pour bâtir une véritable filière industrielle du logiciel

Des initiatives ont été prises, à l'échelle nationale, pour développer une filière industrielle du cloud , mais elles n'ont pas prospéré .

Un premier projet de cloud national français avait été initié dès 2010 lors de la mise en oeuvre du premier programme d'investissement d'avenir (PIA). Ce projet, dénommé « Andromède » , se traduisait par un partenariat public-privé entre le Gouvernement, qui apportait des financements publics, et les entreprises Orange, Thalès et Dassault Systèmes. À la suite de désaccords importants, ce projet fut scindé en deux initiatives distinctes, la première menée par Orange et Thalès dite « Cloudwatt » et la seconde menée par Dassault Systèmes et SFR dite « Numergy » . Toutefois, ces deux projets furent progressivement abandonnés en raison des divergences entre les acteurs économiques concernés et du manque de portage politique sur de tels sujets.

En 2013, dans le cadre des plans de la « Nouvelle France Industrielle », un deuxième projet de cloud national français fut initié. Cette démarche était différente en ce qu'elle visait à soutenir directement les efforts de recherche et de développement des entreprises Atos et OVH afin qu'elles consolident leurs compétences dans ce domaine. OVHCloud est désormais le premier acteur français dans ce secteur et l'une des premières licornes françaises cotées chez Euronext avec une première levée de fonds de 350 millions d'euros lors de son introduction en Bourse l'année dernière, mais son développement ne permet pas encore de concurrencer l'hégémonie des GAFAM sur les marchés français, européen et mondial du cloud .

À l'échelle européenne, la principale initiative est aujourd'hui le projet « Gaïa-X », initié par l'Allemagne et la France en 2019 , dont le principal objectif est de déterminer de façon harmonisée des standards techniques et des spécifications communes à destination des acteurs du cloud . Si une telle initiative est nécessaire et souhaitable pour développer la filière cloud , les auditions menées par la mission d'information 248 ( * ) ont révélé un bilan contrasté quant à la capacité de ce projet à répondre aux enjeux de souveraineté numérique auxquels l'Union européenne doit faire face . Association internationale à but non lucratif réunissant plus de 320 membres actifs, dont environ 90 % sont des acteurs européens et 10 % des acteurs non-européens, le projet Gaïa-X a notamment été fortement critiqué par deux entreprises françaises du cloud qui y dénoncent l'influence des grandes entreprises américaines du numérique.

Par conséquent, d'autres initiatives se structurent progressivement afin de mieux répondre à l'impératif de souveraineté numérique, à l'image d' « Euclidia-X », coalition de fournisseurs européens de technologies cloud. Ce projet vise à promouvoir le soutien aux acteurs français et européens, dans un contexte où la stratégie du « Cloud de confiance » poursuivie par le Gouvernement est très critiquée car favorisant l'utilisation de logiciels américains sous forme de licences. Si une telle stratégie permet de mieux assurer l'autonomie légale de l'Union européenne face à l'extra-territorialité du droit américain, elle ne répond pas aux enjeux de dépendance logicielle auxquels les entreprises européennes sont également confrontées.

Au regard de l'échec relatif des tentatives et stratégies mises en oeuvre par le passé pour développer un cloud national, il est primordial de soutenir rapidement le développement de filières industrielles française et européenne de l'informatique en nuage, dont les sociétés doivent être immatriculées sur le territoire de l'Union européenne , dans le double objectif de renforcer notre autonomie légale face aux lois extraterritoriales américaines, et notre autonomie technique face à notre dépendance logicielle vis-à-vis des entreprises américaines .

Recommandation n° 41 :

Accélérer la création d'un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) pour soutenir le développement des filières industrielles française et européenne de l'informatique en nuage.

2. Face aux mesures extraterritoriales, la France et l'Europe doivent s'affirmer davantage pour sécuriser leurs entreprises

Les mesures extraterritoriales comprennent à la fois les poursuites judiciaires lancées dans le cadre de législations anticorruption et celles lancées à l'encontre d'acteurs contrevenant à la mise en oeuvre d'un régime de sanctions économiques. Aux États-Unis, État qui recourt particulièrement aux mesures extraterritoriales, elles relèvent respectivement du Department of Justice et de l'Office of Foreign Assets Control (OFAC), une agence du département du Trésor américain.

Les sanctions économiques peuvent consister en des embargos, restrictions aux exportations ou aux importations, arrêt d'aides ou d'investissements directs et gel d'avoirs financiers, destinés à affaiblir un État tiers, voire à y provoquer un changement de régime.

L'expression « sanctions extraterritoriales » désigne deux réalités distinctes :

- au sens large (sanctions primaires) , il s'agit d' une sanction prise par un État contre ses propres ressortissants ou entreprises, incluant des personnes juridiquement « rattachées » à son territoire , quel que soit le lieu de leur activité. C'est ce type de sanctions, légales , qui a l'impact économique le plus massif, l'ensemble des entreprises effectuant des transactions en dollars ou utilisant pour ses communications un serveur situé aux États-Unis pouvant par exemple être considérées comme « US persons » (« personnes américaines ») ;

- au sens propre (sanctions secondaires) , il s'agit de toute sanction prise par un État, visant un individu ou une entreprise, sans qu'aucun lien de rattachement entre cet État et cet individu ou entreprise n'existe. C'est dans cette catégorie qu'entrent les sanctions, illégales , des États-Unis ayant conduit les entreprises européennes à se désengager du marché iranien en 2018, par crainte de perdre de l'accès au marché américain 249 ( * ) .

Les rapporteurs rappellent, dans le contexte de l'adoption par l'Union européenne d'un sixième train de sanctions visant certains ressortissants et secteurs économiques russes 250 ( * ) , que ces dernières ne sont pas extraterritoriales (elles s'imposent aux seuls États membres et à leurs ressortissants) et sont conformes au droit international public : elles sont en cela doublement différentes des diverses sanctions dont ont pâti les entreprises européennes depuis les années 2000 .

a) L'absence préjudiciable d'analyse consolidée sur les effets économiques à long terme de l'extraterritorialité

Entendus par la mission, les ministères de l'Europe et des affaires étrangères et de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique 251 ( * ) , ont confirmé l'absence d'estimation exhaustive et chiffrée du coût des mesures extraterritoriales pour l'économie européenne .

Au-delà du coût financier immédiat de ces mesures, et notamment des sanctions primaires et secondaires, il existe des coûts économiques au long cours qui, bien que jamais mesurés de façon agrégée et difficilement mesurables, entraînent une indéniable perte de souveraineté (coûts d'opportunité des provisions et des efforts de contournement des sanctions, perte de l'accès à des marchés porteurs, prédation économique par des entreprises concurrentes et sur-conformité 252 ( * ) ) .

Au regard de la place prise par la question des mesures extraterritoriales dans les analyses et dans le débat public, un chiffrage fin de leurs effets macroéconomiques et microéconomiques fait défaut .

(1) Le montant des transactions ou la partie émergée de l'iceberg des coûts pour nos entreprises

Bien que très élevé car ayant pour but la correction de comportements futurs (dans une logique d'efficacité de la sanction) et non la réprobation de comportements passés (dans une logique de punition morale) 253 ( * ) , le montant des pénalités pécuniaires négociées dans le cadre des transactions 254 ( * ) conclues par nos entreprises avec les autorités judiciaires de pays tiers pour mettre fin aux poursuites, ne reflète pas la totalité des coûts financiers pour les entreprises concernées.

Au total, ce sont pourtant près de 8 Md$ qui ont été déboursés par les entreprises européennes au seul titre du FCPA ( Foreign Corrupt Practices Act 255 ( * ) - loi anti-corruption des États-Unis à portée extraterritoriale). En dehors du cadre du FCPA, les montants sont même plus élevés. Le rapport Berger-Lellouche évoquait en 2016 un montant payé par les entreprises européennes supérieur à 20 Mds€, qui a continué d'augmenter depuis, allant de pair avec un durcissement des sanctions.

Source : Rapport de la mission d'information Berger-Lellouche
sur l'extraterritorialité de la législation américaine 256 ( * ) .

Les transactions conclues avec les autorités judiciaires prévoient en effet la mise en place de programmes de conformité compliance » ), dans lesquels les entreprises sanctionnées sont contraintes de s'engager pour prouver leur bonne foi et leur disposition à coopérer. Ces programmes s'échelonnent sur plusieurs années (à titre d'exemple, pendant trois ans pour Airbus dans une récente affaire) et impliquent des frais d'audit monitoring » ) importants , à la charge des entreprises concernées.

Ils peuvent conduire les entreprises, au regard de leur profil de risque, à passer davantage de provisions pour risque , alors que ces ressources financières bloquées auraient pu être investies dans des actions plus utiles au développement de l'entreprise.

Des réorganisations et un changement de culture de l'entreprise sont souvent rendus nécessaires, à travers notamment la création de services dédiés à la conformité, qui mobilisent des ressources humaines et de l'énergie 257 ( * ) , à des fins de réduction du risque.

Enfin, la possibilité pour le juge de requérir certains documents confidentiels , consultables par d'autres entreprises parties à un procès, dans le cadre des procédures « discovery » 258 ( * ) , peut entraîner le transfert d'informations stratégiques et faire perdre un avantage comparatif .

(2) Une instrumentalisation du droit au service d'intérêts commerciaux rivaux ?

Si les accusations d'instrumentalisation de la justice américaine à des fins de prédation sur fond de guerre économique peuvent difficilement être formellement démontrées, plusieurs rapports successifs sur la question ont évoqué des « interrogations sur une éventuelle instrumentalisation des procédures pour corruption » (rapport Berger-Lellouche de 2016), ou, de façon plus affirmative, une « collusion organique, quasi institutionnelle, [qui] renforce les doutes voire les craintes d'une instrumentalisation des procédures judiciaires américaines à des fins économiques ou commerciales » (rapport Gauvain de 2019). Les rapporteurs partagent ces craintes.

L'AFFAIRE ALSTOM OU QUAND UNE ENTREPRISE RIVALE TIRE PARTI DE L'EXTRATERRITORIALITÉ

Les soupçons d'instrumentalisation de la justice ont été particulièrement vifs s'agissant d'Alstom, dont la branche Énergie a été rachetée par l'américain General Electric en 2014 . Ils avaient déjà été émis précédemment, par exemple, lors du rachat d'Alcatel par l'américain Lucent en 2006. Dans le cas d'Alstom, les poursuites judiciaires pour des faits de corruption qui auraient été commis en Indonésie et le rachat de la branche Énergie par General Electric, ont été concomitants : Frédéric Pierucci, ancien cadre de la filiale Alstom Power, basée aux États-Unis, et donc sous la juridiction de ce pays, y a été incarcéré pendant deux ans, et sa première libération est intervenue la même semaine que l'accord entre le gouvernement français et General Electric pour la cession d'Alstom Énergie.

L'État conteste l'existence d'une prédation économique, rappelant au contraire que la branche énergie d'Alstom, plutôt bien vendue, avait été un poids pour General Electric pendant des années , en raison d'un marché saturé et de clauses strictes sur le maintien de l'outil productif et de l'emploi posées par la France dans le cadre du décret dit « Montebourg » de mai 2014. Dans le même temps, Alstom, recentré sur le ferroviaire, s'est consolidé grâce à l'acquisition de Bombardier Transports, s'élevant au 2 e rang mondial dans ce domaine et remportant récemment plusieurs contrats importants à l'étranger.

Les rapporteurs notent toutefois que l'intérêt commercial limité de l'opération pour General Electric accrédite d'autant plus l'idée qu'un intérêt stratégique a motivé l'acquisition d'Alstom Énergie par General Electric.

La maintenance et la mise à niveau d'infrastructures essentielles, telles que les turbines Arabelle , équipant un tiers des centrales nucléaires dans le monde, les sous-marins à propulsion nucléaire français et le porte-avions Charles de Gaulle, ont été confiées pendant plusieurs années à General Electric , ce que n'effacera pas le rachat, à horizon 2023, d'une partie de l'ancienne branche énergie nucléaire d'Alstom par EDF - à un prix deux fois plus élevé que son prix d'achat de 2014.

Indéniablement, les poursuites judiciaires contre Alstom ont affaibli l'entreprise et facilité son acquisition par General Electric, exposant la France à un risque d'espionnage industriel et de perte de compétences entre 2014 et 2022 et dégradant, de ce fait, sa souveraineté économique.

La mobilisation par les États-Unis d'États membres traditionnellement hostiles à la Russie au sein de l'UE et les sanctions contre les entreprises participant à la construction du gazoduc Nord Stream 2, en 2017 ( Countering America's Adversaries through Sanctions Act ) et en 2019 ( Protecting Europe's Energy Security Act ), étaient fondées sur une analyse du risque de dépendance européenne aux importations d'hydrocarbures russes qui s'est avérée particulièrement lucide, à la lumière de la guerre à l'Ukraine initiée en 2022. Il n'en reste pas moins vrai que les exportations américaines de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l'Europe entraient en concurrence directe avec ce projet russo-allemand 259 ( * ) .

Les ministères entendus par les rapporteurs soulignent qu'il n'y a globalement pas eu de situation avérée d'entreprises américaines remportant des marchés perdus par une entreprise européenne sous le coup de sanctions, les États-Unis appliquant les mêmes règles à leurs propres entreprises . Cela a par exemple été le cas des sanctions contre l'Iran. Toutefois, les entreprises européennes et notamment françaises étant historiquement plus présentes sur le marché iranien que les entreprises américaines. Par exemple, dans le domaine de l'automobile, le rétablissement de sanctions secondaires contre l'Iran et ses partenaires en 2018 a davantage pénalisé les entreprises européennes que les entreprises américaines .

(3) Des opportunités de croissance définitivement perdues

Les sanctions extraterritoriales, par leur effet dissuasif, ont la capacité de remodeler les flux commerciaux internationaux, en interdisant de facto à toute entreprise les transactions avec certains marchés . Lorsque des sanctions secondaires s'imposent à des États tiers, c'est une atteinte au principe de la liberté du commerce, d'autant plus dommageable à la souveraineté économique de la France que les sanctions s'appliquent souvent à des marchés en croissance où les besoins de la population et notamment des classes moyennes sont importants ou prometteurs dans les domaines de spécialité de la France - services aux collectivités, infrastructures, énergie, automobile...

Les investissements nécessitant de la prévisibilité, la prise de risques des entreprises est pénalisée. À titre d'exemple, en Iran, en raison d'un embargo américain sur les exportations d'hydrocarbures (deuxième train de sanctions, en novembre 2018), TotalEnergies a dû abandonner sa participation à la phase 11 du gisement gazier South Pars, le plus grand au monde, initiée à partir de juillet 2017, renonçant à près de 5 Md$ d'investissements. De façon générale, la paralysie d'infrastructures financières et technologiques par la dissuasion est un vecteur important de propagation des sanctions au reste du tissu économique . Ainsi, les sanctions américaines ciblant les entreprises de construction du gazoduc Nord Stream 2 à partir de 2017 ont créé de l'incertitude et ralenti les investissements considérables d'entreprises européennes, dont Engie.

Le rétablissement de sanctions américaines contre l'Iran, annoncé entre 3 et 6 mois seulement avant sa mise en oeuvre effective, a précipité l'éviction d'entreprises françaises implantées parfois depuis les années 1960 , comme Peugeot et Citroën. Les discussions qui devaient conduire le groupe PSA à des partenariats avec les entreprises Khodro et Saipa ont été du jour au lendemain stoppées, et l' image de marque de l'entreprise en a été atteinte , alors qu'elle était associée à des modèles symboliques et avait vendu près de 450 000 véhicules en 2017 (30 % du marché iranien).

L'intérêt commercial pour l'utilisation du mécanisme Instex, contournant les sanctions (cf. infra ), donne en négatif un aperçu des pertes de marché subies par les entreprises françaises. Sur le marché automobile, la France a perdu un avantage comparatif , alors qu'elle faisait face à une faible concurrence du Japon, de l'Allemagne et des États-Unis, par ailleurs leaders dans ce secteur. Au-delà des seuls exportateurs, les conséquences induites pour les sous-traitants sont nombreuses.

En perdant pied sur de tels marchés, la France s'affaiblit dans la compétition internationale par la substitution partielle d'États tiers moins exposés aux sanctions ou moins averses au risque . Ainsi le départ de TotalEnergies du projet South Pars a dans un premier temps été purement et simplement compensé par le chinois CNPCI, finalement contraint de se retirer en 2019 . En matière d'importations d'hydrocarbures, il a été démontré que la Chine a discrètement contourné l'embargo américain pendant plusieurs mois 260 ( * ) .

(4) Des coûts de mise en conformité compensés par un gain de souveraineté relatif pour la France et des bénéfices réputationnels pour ses entreprises

Ce n'est que tardivement que les grandes entreprises européennes, et particulièrement françaises, se sont pleinement approprié les standards internationaux en matière de respect des règles de passation des contrats publics et de lutte anti-corruption . Dans le cadre fortement concurrentiel des candidatures pour de « gros contrats », certaines grandes entreprises ont pendant longtemps pu recourir à la pratique contestable des « frais commerciaux exceptionnels », déclarés de façon transparente aux services fiscaux, ce qui témoigne de la complaisance de l'État.

Ce retard a fragilisé en particulier les grandes entreprises, davantage présentes sur les marchés étrangers et candidates à ces gros contrats, en les exposant à la répression américaine, en application de la loi contre les pratiques de corruption à l'étranger ( Foreign Corrupt Practices Act ) de 1977, complétée en 1998. À titre d'exemple, avant les poursuites américaines, Alstom avait déjà été condamné pour corruption au Mexique (2004), en Italie (2008) et en Suisse (2011) et des enquêtes étaient en cours au Royaume-Uni et en Norvège.

Force est d'admettre que nos partenaires commerciaux ont largement profité de ce vide juridique. Les administrations entendues par les rapporteurs ont en effet rappelé que la législation française est longtemps restée en deçà des exigences des conventions du Conseil de l'Europe 261 ( * ) et de l'OCDE 262 ( * ) , et même de la convention de l'ONU de 2003, pourtant moins exigeante, en matière de corruption .

Une remise à niveau crédible de la législation n'est intervenue qu'avec la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi « Sapin 2 ») , qui prévoit la mise en place de programmes de conformité aux normes anticorruption pour les entités de plus de 500 salariés et dont le chiffre d'affaires est de plus de 100 M€.

Cette mise en conformité nécessaire a emporté des coûts juridiques directs renchérissant les coûts de production (services juridiques dédiés, procédures de contrôle interne, adoptions de nouvelles pratiques et d'une nouvelle culture du risque) et des coûts économiques indirects (certains États non coopératifs, tels que l'Inde, la Turquie et la Russie, n'étant pas parties aux conventions anticorruption, ils disposent d'un avantage comparatif qui a pu se traduire par des pertes de marché de nos entreprises). Selon Transparency International, 83 % des exportations mondiales restent en effet touchées par la corruption, certains pays comme l'Allemagne et l'Italie 263 ( * ) étant désormais en retard sur la France.

Ces coûts sont toutefois compensés par des gains financiers de long terme pour les entreprises, même si la mise en conformité limite fortement la probabilité et l'ampleur de nouvelles condamnations. En évitant des procès médiatiques, elle se traduit par d'importants bénéfices réputationnels , en particulier sur les marchés émergents où se situent les contrats d'infrastructures les plus significatifs et où la classe moyenne urbaine attache une importance croissante à la lutte contre la corruption. L'OCDE souligne régulièrement les effets positifs de la probité économique, dans la durée, sur la performance et la sécurité des entreprises .

LA CONVENTION JUDICIAIRE D'INTÉRÊT PUBLIC (CJIP) : UN LEVIER DE SOUVERAINETÉ

La loi « Sapin 2 » a créé l'Agence française anticorruption (AFA) et la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP). Sur le modèle des transactions conclues avec le Department of Justice américain, la CJIP est une convention par laquelle la justice française et une entité poursuivie pour corruption ou trafic d'influence, ou depuis 2018 pour fraude fiscale, peuvent convenir de l'extinction des poursuites, longues et à l'issue incertaine, en contrepartie du versement immédiat d'une « amende d'intérêt public ». La célérité et l'efficacité de cette procédure par rapport à une procédure judiciaire classique permettent, par la répression plus crédible des infractions économiques et financières 264 ( * ) , de se substituer pour partie aux poursuites d'États tiers .

Cela a d'abord permis un gain financier non négligeable pour la France, les enquêtes miroir ouvertes par le Parquet national financier à l'encontre de la Société générale (juin 2018) et Airbus (février 2020) ayant par exemple permis au Trésor public de percevoir des amendes respectivement de 250 M€ (soit autant qu'aux États-Unis) et de 2,1 Mds€ (le Royaume-Uni et les États-Unis se partageant 1,5 Md€).

Cela a aussi permis un gain de souveraineté relatif, les programmes de conformité mis en oeuvre par les entreprises sous le contrôle de l'Agence française anticorruption limitant le champ des informations transmises au Department of Justice américain, et préservant l'intérêt économique de ces entreprises .

Lors de la rédaction du présent rapport, vingt conventions judiciaires d'intérêt public avaient déjà été conclues. Le bilan positif de cette procédure, établi dans le rapport Gauvain-Marleix évaluant l'impact de la loi Sapin 2 265 ( * ) a nourri le dépôt d'une proposition de loi « visant à renforcer la lutte contre la corruption 266 ( * ) », qui tend notamment à créer une forme de « droit à la CJIP » pour les entreprises incriminées, souhaitable dans la lutte contre les effets de l'extraterritorialité, à condition qu'il ne soit pas automatique, au risque sinon d'affaiblir la répression des infractions économiques 267 ( * ) . Le rapport Gauvain recommandait, à raison, de simplifier et de rendre plus lisible la CJIP 268 ( * ) , afin d'en faciliter le recours par les entreprises. Par ailleurs, à des fins de transparence, la publication des CJIP, aujourd'hui dispersée entre les sites internet du ministère de la Justice 269 ( * ) , du ministère chargé du Budget 270 ( * ) et de l'Agence française anticorruption 271 ( * ) , gagnerait utilement à être centralisée sur une page ad hoc .

Une forme de « droit à la transaction » pourrait être établi au profit des entreprises françaises exposées à des mesures extraterritoriales d'États tiers, afin d'éteindre plus rapidement les poursuites - en contrepartie d'un renforcement du contrôle du juge sur ces transactions, au travers de son homologation.

(5) Les politiques de sur-conformité et de réduction des risques des sociétés, notamment bancaires, amplifient les sanctions étatiques

Au-delà de ces coûts directs et indirects des mesures extraterritoriales elles-mêmes, une perte supplémentaire pour les entreprises européennes résulte de la politique de sur-conformité overcompliance » ) et de réduction des risques (« de-risking » ) de certaines d'entre elles. La communauté bancaire internationale est particulièrement sujette à cette attitude averse au risque , en raison des coûts extrêmement importants qu'entraînerait pour elle la perte de l'accès au marché américain. Or, le secteur bancaire joue un rôle pivot dans le financement des sociétés non financières, et notamment des TPE, PME et ETI, sa paralysie privant par ricochet ces dernières de l'accompagnement financier nécessaire à la reprise des échanges commerciaux exposés au risque de sanctions.

Gérard Araud, ambassadeur de France, résume ainsi cet effet de levier des sanctions, qui joue sur l'autocensure et surtout l'incertitude liée aux revirements politiques fréquents 272 ( * ) , et oblige à se conformer au-delà de ce que ces sanctions prescrivent textuellement : « Même si l'accord de Vienne était restauré , aucune entreprise occidentale n'oserait investir un centime en Iran, aucune banque occidentale ne financerait aucun échange en Iran avec la menace du retour des sanctions américaines en 2025. Les Iraniens le savent 273 ( * ) . » De fait, à la différence des entreprises françaises des secteurs automobile, les principales banques européennes n'ont pas pris le risque de s'impliquer dans des transactions avec l'Iran entre 2015 et 2018, quand bien même la plupart des sanctions avaient été levées par l'accord de Vienne.

Même les entreprises opérant de nouveau sur le marché iranien ont fait preuve d'une grande prudence : TotalEnergies, disposant d'actifs importants aux États-Unis et de liens forts avec le système bancaire américain, a indiqué n'avoir investi que 40 millions d'euros sur le milliard prévu la première année du projet South Pars, par crainte d'un rétablissement de sanctions en 2018.

Une autre source d'incertitude majeure tient à l'adoption régulière de nouvelles législations par les autorités américaines , comme le Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act (CLOUD Act) en 2018. Or, le Department of Justice (DoJ) procède, comme le rappelle le rapport Gauvain, à « une interprétation, au cas par cas, mouvante, instable et surtout imprévisible, de textes flous aux dispositions variables ».

Les nombreux textes (RICO, FCPA, wire fraud ...) auxquels le DoJ donne une portée extraterritoriale n'ont dans bien des cas pas exactement le même périmètre d'application , en sus de leur interprétation évolutive par l'administration américaine. À titre d'exemple, l'OFAC ( Office of Foreign Assets Control ) a sanctionné une entreprise suisse des technologies de l'information et de la communication, secteur traditionnellement préservé, au titre du Global Terrorism Sanctions Regulations , après avoir annoncé son souhait d'étendre son action à de nouveaux secteurs 274 ( * ) .

Dans le cadre du conseil qu'elle peut apporter aux entreprises et aux personnes de droit public, l'Agence française anticorruption (AFA) est déjà amenée à réaliser des cartographies des risques de corruption au sein de ces entreprises, dans une « démarche d'identification, d'évaluation, de hiérarchisation et de gestion des risques inhérents aux activités de l'organisation 275 ( * ) » . Tenu au seul prisme de la lutte anticorruption, ce rôle de conseil de l'AFA ne permet pas de compenser le retard de la France en matière de souveraineté économique et de protection de ses entreprises, dans un contexte réglementaire mouvant à l'international.

Recommandation n° 42 :

- Établir un bilan économique complet des mesures extraterritoriales subies par les acteurs économiques européens, afin de mieux chiffrer l'ampleur des coûts induits par le défaut de protection de nos entreprises et ainsi accélérer les actions de l'UE en la matière.

- Confier au Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), en lien avec l'Agence française anticorruption, TRACFIN et le réseau des services économiques régionaux, le soin d'établir une revue périodique nationale de l'exposition aux risques de l'extraterritorialité, croisant en particulier les aires géographiques, secteurs d'activité et législations en cause, rendue publique et diffusée auprès des entreprises françaises, pour les aider à s'orienter et limiter les pratiques de sur-conformité dommageables à notre économie.

b) Inciter les États à dialoguer et à clarifier leurs politiques

Les ministères de l'économie et des finances et des affaires étrangères concordent sur la méthode à privilégier pour protéger les entreprises françaises et européennes des sanctions extraterritoriales : le problème doit être réglé de front, par un dialogue politique, en toute transparence avec les États tiers, et non par le contournement, ou la dissimulation d'informations .

L'utilisation accrue de l'euro dans les transactions, le développement du mécanisme Instex, l'activation du règlement de blocage ou l'instauration d'un instrument anti-coercition font toutefois partie de la palette des outils à mobiliser pour amener les États tiers à la discussion .

(1) Mécanisme dont le potentiel économique a été inhibé par le contexte politique, Instex mériterait d'être développé

Instex ( Instrument in Support of Trade Exchange ) 276 ( * ) a été créé en janvier 2019 à l'initiative de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni (les pays de l'« UE-3 » 277 ( * ) ), en réaction au retrait des États-Unis de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien en mai 2018 et au rétablissement de sanctions en août 2018. Basé à Paris, cette société a pour actionnaires les trois États fondateurs, rejoints par les quatre États scandinaves, ainsi que la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne.

Il s'agit d'une chambre de compensation permettant de protéger le commerce avec l'Iran des sanctions primaires américaines, illégales 278 ( * ) , en créditant les exportateurs européens des créances des importateurs, pour éviter toute transaction financière avec l'Iran. Il s'agit, en clair, de troc financier, le Special Trade and Finance Instrument (STFI) iranien devant procéder en miroir en Iran. La dimension éminemment politique de cet outil et la présence exclusive de trois États alliés des États-Unis à son capital sont censées augmenter politiquement le seuil à partir duquel des sanctions peuvent être prononcées par les États-Unis 279 ( * ) et contourner les effets de la sur-conformité du secteur bancaire.

Entendue par la mission, la direction d'Instex a admis que cet instrument n'avait pas apporté tous les bénéfices escomptés, en particulier sur le plan économique, la seule transaction ayant transité via Instex à ce jour correspondant à l'exportation pour 500 000 € de tests sanguins allemands qui, en tant que biens de première nécessité, ne tombaient pas sous le coup des sanctions américaines . Plusieurs entreprises ont néanmoins témoigné de leur intérêt pour le mécanisme, sans pourtant aucune démarche de prospection client de la part d'Instex, qui estime ainsi à 1 Md€ le commerce potentiel non réalisé chaque année . Plusieurs facteurs expliquent la sous-exploitation du mécanisme :

• l'absence de toute autonomie vis-à-vis d'États peu au clair sur leurs objectifs : les décisions stratégiques ou la modification des statuts d'Instex doivent être avalisées par son conseil de surveillance , où siègent les directeurs politiques des ministères des affaires étrangères de l'« UE-3 », disposant chacun d'un droit de veto . Bien qu'il s'agisse juridiquement d'une société privée, Instex est resté un outil essentiellement politique : très vite, la nécessité de faciliter les négociations avec l'Iran en vue d'un retour dans l'accord de Vienne est apparue prioritaire sur le maintien de flux commerciaux a minima avec cet État sous sanction. Instex n'a pas été soutenu avec l'engagement et la continuité politiques nécessaires.

• des moyens d'action insuffisants : avec un effectif de sept personnes , Instex n'est pas dimensionné humainement pour prendre en charge des transactions significatives. Instex a surtout manqué de la liquidité nécessaire pour préfinancer des transactions - des démarches pour débloquer des fonds du FMI ont pourtant été étudiées -, et d'une licence bancaire pour fournir, dans le respect du droit de l'UE, des crédits de court terme aux entreprises - un dossier de demande a bien été constitué auprès de l'ACPR, mais la procédure a été interrompue, en octobre 2021, à la demande de l'un des membres du conseil de surveillance.

• un périmètre restreint aux biens hors sanctions : les statuts d'Instex comportent une liste limitative, qui était amenée à être élargie, de biens, notamment humanitaires, médicaux ou alimentaires, pouvant transiter via le mécanisme, excluant les biens sous sanctions (pétrole, métaux et engrais), ce afin de prévenir tout risque diplomatique avec les États-Unis et tout risque juridique pour les entreprises. Seulement l'élargissement n'a pas eu lieu, alors que l'inclusion de fertilisants et métaux, qui ont moins d'importance symbolique que le pétrole, aurait pu être envisagée . En raison de cette prudence de l'« UE-3 », il est, selon les réponses d'Instex au questionnaire des rapporteurs, « impossible de dire quelles actions auraient attiré des sanctions américaines contre l'entreprise, et quelles auraient été les marges de manoeuvre juridiques et politiques pour échapper à ces sanctions ».

• devant ces limites, l'Iran s'est détourné du dispositif : la dizaine de transactions proposées par Instex dans les domaines, autorisés par ses statuts, de l'humanitaire ou de l'alimentaire (pistaches, safran) ont été refusées par l'Iran, hormis la transaction témoin d'avril 2020. Partenaire difficile, l'Iran n'a en effet pas souhaité accorder de succès d'estime aux Européens pour un dispositif à ses yeux inutile - pour ces produits, l'Iran peut déjà échanger sur les marchés internationaux - et dont il a vite été clair qu'il était incapable d'esquisser sa réintégration dans le système commercial mondial, a fortiori le retour de ses exportations d'hydrocarbures.

En dépit de cet échec commercial, Instex a servi de test pour la politique étrangère de l'Europe. Il a pu contribuer sur le plan politique à maintenir partiellement l'Iran dans le cadre de l'accord de Vienne . Les États-Unis ont depuis lors repris des négociations, bien avancées en février 2022 280 ( * ) , mais qui semblent finalement en passe d'échouer, lors de la rédaction du rapport.

Le maintien et le développement du mécanisme Instex apparaissent toutefois souhaitables quelle que soit l'issue des négociations : si un accord est conclu avec l'Iran, les entreprises européennes auront toujours besoin de la signature des États pour limiter le risque de sanctions et contourner la sur-conformité du secteur bancaire.

Instex est un outil sans équivalent en Europe 281 ( * ) et a le mérite d'exister. Aussi, si des sanctions non reconnues par l'UE venaient à être prises contre un autre État que l'Iran, il pourrait être envisagé, si le cas se présente, d'étendre le champ des États avec lesquels Instex a mandat pour échanger à d'autres partenaires commerciaux sous sanctions , toujours afin d'assurer la souveraineté de l'Union en matière de politique commerciale.

Dans l'intervalle, il serait intéressant de maintenir et de développer Instex, en lui donnant de véritables moyens d'action, notamment une licence bancaire, et en étudiant au cas par cas l'opportunité d'un élargissement du champ des biens échangeables avec l'Iran, si cet État se montre coopératif.

(2) La nécessité d'une mise à jour du règlement de blocage

À la différence de la loi de blocage française de 1968, texte technique visant à bloquer les transferts d'information à la justice d'États tiers à l'occasion d'un procès, le règlement européen du 22 novembre 1996, dit « de blocage 282 ( * ) », est un texte éminemment politique, destiné à bloquer la survenue même d'un procès.

LA LOI DE BLOCAGE FRANÇAISE, UN OUTIL DE RÉTENTION DE L'INFORMATION
AU STADE DE L'ENQUÊTE

À ne pas confondre avec le règlement européen de blocage, qui vise à éviter un procès, la loi dite « de blocage 283 ( * ) » de 1968 enjoint aux entreprises françaises de ne pas communiquer aux autorités judiciaires d'États tiers les informations et données sensibles pour les intérêts économiques de la nation, au cours d'un procès . Dans le droit américain, les procédures « discovery » peuvent sinon permettre à des entreprises américains parties au procès de consulter certaines informations stratégiques d'un concurrent français.

Cet outil est complémentaire des différents secrets professionnels prévus par la loi et de la non-transmission d'informations dans le cadre d'une demande d'entraide en cas d' « atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation » (article 694-4 du code de procédure pénale).

La jurisprudence Aérospatiale de la Cour suprême américaine (1987) rend néanmoins la loi de blocage, à l'instar du règlement européen de blocage, totalement inopérante : (« Il est clair que les tribunaux américains ne sont pas tenus d'adhérer aveuglément aux directives de la loi de blocage]. En effet, le libellé de la loi, s'il est pris au pied de la lettre, semblerait constituer un exercice extraordinaire de la compétence législative de la République française sur un tribunal américain 284 ( * ) . »)

Sans qu'il faille donc trop attendre de cette loi, un décret 285 ( * ) de février 2022 et un arrêté 286 ( * ) de mars 2022, accompagnés par un guide du MEDEF et de l'AFEP 287 ( * ) , devraient en renforcer l'effectivité , en faisant du Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) un guichet unique pour identifier avec les entreprises les informations pouvant être « bloquées », en obligeant les autorités étrangères à emprunter les canaux établis d'entraide judiciaire ou administrative internationale et en durcissant les sanctions en cas de non-respect de la loi de blocage .

Le règlement de blocage a été adopté dans un but géopolitique, le contexte de l'adoption par le Congrès américain des lois Helms-Burton en mars 1996 et d'Amato-Kennedy en août 1996, la première renforçant l'embargo contre Cuba et la seconde celui contre l'Iran et la Libye. Votées par le Congrès contre l'avis de l'administration Clinton, ces deux lois instituaient des sanctions extraterritoriales primaires illégales, en prévoyant la compétence universelle des États-Unis pour « toute personne », sans même chercher à démontrer de lien avec le territoire américain. Outil de pression politique de l'UE, le règlement de blocage a bien fonctionné pendant vingt ans, en convainquant le Congrès américain de renouveler des mesures de suspension de l'application de ces lois .

Le règlement a retrouvé une actualité en 2018, puisqu'il a été modifié dès le lendemain du rétablissement de sanctions secondaires contre l'Iran, pour intégrer ces dernières dans la liste des mesures que l'Union européenne juge illégales au sens du règlement de blocage.

En pratique, ce règlement organise une « guerre des sanctions » ou un conflit de normes , visant notamment à empêcher les entreprises européennes tentées de le faire de se conformer à des sanctions secondaires, pour minimiser leur exposition . Il octroie en outre un droit à réparation des entreprises pour les coûts résultant de l'application de sanctions extraterritoriales.

Seulement, comme l'a bien démontré le rapport Bonnecarrère 288 ( * ) , « l'efficacité du règlement de blocage apparaît limitée », les juges américains refusant de le prendre en considération, compte tenu du trop faible montant des sanctions prévues sur son fondement dans chaque État, qui ne mettent pas les entreprises dans la situation d'un vrai conflit de normes no true conflict in the law »). Les entreprises européennes sont demandeuses d'arguments plus convaincants face à la justice américaine pour justifier leur refus de se plier à leurs injonctions. C'est pourquoi une rénovation du règlement de blocage devrait être proposée à l'été 2022 , qui devra s'articuler avec le nouvel instrument anti-coercition (voir (3) ci-dessous). À cette fin, l'AFEP 289 ( * ) recommande de positionner le règlement de blocage comme un bouclier prenant, dans la chronologie des réponses aux sanctions, le relais du règlement anticoercition, par des mesures cette fois potentiellement non économiques, comme des refus de visas ou des gels d'avoirs.

Recommandation n° 43 :

Renforcer le caractère dissuasif du règlement de blocage à l'occasion de sa révision pour mieux protéger les entreprises françaises, en :

- étendant son application aux filiales des sociétés européennes ;

- établissant des seuils minimaux de sanctions pour les entreprises se conformant à des mesures extraterritoriales d'États tiers ;

- envisageant de permettre à une entreprise de se retourner contre un partenaire commercial qui n'aurait pas respecté le règlement de blocage en transigeant avec les autorités d'un État tiers.

(3) Inclure les sanctions extraterritoriales dans le champ du nouvel instrument anti-coercition (ACI)

Pour étendre son répertoire d'actions face à des pratiques discriminatoires contre les États membres ou les entreprises européennes, comme les mesures prises par la Chine contre la Lituanie en réaction au rapprochement de ce pays avec Taïwan, la Commission a présenté en décembre 2021 une proposition de règlement 290 ( * ) sur la protection contre la coercition économique des États tiers (instrument anti-coercition) .

UNE FORME NOUVELLE D'« EXTRATERRITORIALITÉ » À LA CHINOISE ?

« À compter du mois d'août 2021, la Chine a mis en place plusieurs pratiques discriminatoires à l'encontre des entreprises lituaniennes. Selon la Commission européenne, ces mesures prennent diverses formes.

- en particulier, les autorités douanières de la Chine ont bloqué plusieurs cargaisons de marchandises en Chine, en refusant de procéder à leur dédouanement ;

- il apparaît également que certaines entreprises d'État chinoises ont adopté un comportement discriminatoire dans leurs achats et ventes de marchandises et services ;

- les autorités chinoises ont aussi appliqué de façon arbitraire ou injustifiée des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur les biens agricoles et les produits alimentaires ;

- enfin, la Chine a mis en place des restrictions au commerce de services, par exemple en n'accordant pas de traitement équitable aux entreprises visées.

Sur le fond, ces pratiques concernent l'ensemble du marché unique, car elles affectent à la fois : (i) des entreprises établies en Lituanie, qui exportent vers la Chine ou importent depuis la Chine ; (ii) des entreprises établies au sein d'autres États membres, qui exportent vers la Chine des produits contenant des intrants fabriqués en Lituanie. Sur le plan juridique, ces pratiques chinoises ne peuvent pas être qualifiées d'« extraterritoriales », notamment car elles s'appliquent à des activités se déroulant sur le territoire chinois , telles que l'exportation ou la commercialisation de biens et services en Chine. »

Source : Réponses au questionnaire par la Direction général du Trésor.

Après une première phase visant à la résolution du différend à l'amiable, la Commission serait fondée, en dernier ressort, à prendre des contre-mesures ciblées - instauration de droits de douane, restrictions aux importations, aux marchés publics - dans les cas où le commerce serait utilisé comme une arme par un État tiers pour susciter un changement d'orientation dans l'UE. L'intérêt de cette procédure est de produire un effet dissuasif rapide , sans passer devant un panel de l'OMC.

Dans sa contribution à la consultation publique lancée par la Commission européenne, l'AFEP 291 ( * ) recommande d' élargir le champ des mesures pouvant être considérées comme coercitives au sens du règlement - au-delà des seules actions « visant à modifier les politiques de l'Union » - et d'étendre dans le même temps l'éventail des contre-mesures pouvant être activées. L'AFEP préconise enfin de financer de préférence la compensation aux entreprises victimes de mesures coercitives, aujourd'hui prévue par le règlement de blocage, par le biais du règlement anticoercition, ce pour deux raisons : la première est que ce règlement peut consister en l'établissement de droits de douanes, ce qui aura l'avantage de fournir directement des recettes ; la seconde est qu'un éventail plus large d'entreprises pourrait bénéficier d'une compensation si elle était prévue par ce règlement, les sanctions extraterritoriales n'étant qu'une partie du spectre, plus large, des mesures coercitives.

Les rapporteurs sont très favorables à la mise en oeuvre du règlement anticoercition et souscrivent à une volonté d'élargissement de son champ, tant il apparaît urgent de mieux protéger nos entreprises de pratiques illégales sur les marchés internationales. Ils appellent toutefois à définir finement ses modalités d'application, dans l'optique de minimiser le risque de rétorsions par des États tiers, qui nuiraient tout autant à nos entreprises.

Recommandation n° 44 :

Inclure l'ensemble des sanctions extraterritoriales dans le champ du nouvel instrument anti-coercition, et étendre son application aux mesures coercitives illégales visant à modifier le comportement des entreprises européennes.

(4) Négocier une convention avec les États tiers pour définir précisément le lien de rattachement à leur territoire au fondement des sanctions secondaires

Comme le soulignent les rapports Berger-Lellouche et Gauvain, presque aucune entreprise européenne poursuivie par le Department of Justice américain n'a jamais accepté le risque d'aller au bout d'une procédure judiciaire , par crainte d'un procès long, coûteux et à l'issue incertaine, dans l'espoir d'obtenir la clémence du DoJ . D'après l'OCDE, 96 % des poursuites pour corruption sur les marchés internationaux se terminent aux États-Unis par une transaction 292 ( * ) .

La transaction intervient avant que le juge n'ait l'occasion de se prononcer, d'abord sur le fond des accusations mais, plus fondamentalement, sur sa compétence même à poursuivre et réprimer les faits reprochés. Or, plusieurs analyses, dont celle d'Emmanuel Breen, avocat et maître de conférences spécialisé dans le droit de la conformité 293 ( * ) , nuancent fortement la validité juridique de « la compétence américaine fondée sur le dollar », de même que la « compétence-serveur » fondée sur l'envoi par une entreprise de courriels dont les serveurs se trouveraient aux États-Unis .

Le principe de « présomption contre l'extraterritorialité » a, selon Emmanuel Breen, été rappelé clairement par le juge américain dans l'affaire Hoskins (2018) : « Notre système juridique pose en principe fondamental que, de manière générale, le droit des États-Unis s'applique nationalement mais ne régit pas le monde entier. Les tribunaux ne doivent donc appliquer le droit des États-Unis de manière extraterritoriale que si c'est là l'intention expresse et non ambigüe du Congrès [unless the affirmative intention of the Congress [is] clearly expressed]. Ce principe tient au risque de conflits non souhaités entre notre droit et celui d'autres nations, qui pourraient causer une discorde internationale ».

En transigeant, les entreprises incriminées admettraient trop facilement ce lien de rattachement (« nexus ») avec le territoire américain, qui est au fondement des sanctions extraterritoriales primaires, mais n'a pourtant jamais été contesté devant le juge .

L'Union européenne devrait donc « se remettre à faire du droit » selon le diplomate entendu par les rapporteurs et obtenir une forme de « rescrit » de la part des États-Unis, qui a minima permettrait d'obtenir une clarification sur le périmètre de validité des sanctions, au regard du droit américain lui-même, et, dans le meilleur des cas, reconnaîtrait l'incompétence du juge américain pour sanctionner un grand nombre d'infractions d'entreprises françaises et européennes . Dans les deux cas, ce serait une source de sécurité juridique accrue pour nos entreprises.

Les rapporteurs appellent donc le Gouvernement à négocier avec les États-Unis une convention sur les sanctions secondaires , tirant parti de l'amélioration des relations bilatérales. L'administration du Président Biden semble en effet plus ouverte à la négociation avec l'UE que la précédente, en particulier dans le contexte de la belligérance de la Russie et de la montée en puissance de la Chine. Le Conseil du commerce et des technologies (CCT) institué en 2021 pourrait être l'enceinte d'une telle négociation. Cela offrirait ensuite un référentiel transatlantique commun pour mieux appréhender les outils de coercition chinois, dont le déploiement semble être le principal risque des années à venir.

Dans le cadre de cette convention, pourraient être clarifiés la nature et l'étendue du lien de rattachement de nos entreprises avec les États-Unis, en garantissant plus de transparence et un droit au recours (« judicial review » ) dans le cadre des transactions conclues par les entreprises avec la justice américaine.

Recommandation n° 45 :

Négocier une convention sur les sanctions secondaires, en tirant parti de l'amélioration de nos relations avec les États-Unis.

Clarifier dans ce cadre la nature et l'étendue du lien de rattachement de nos entreprises avec les États-Unis, en garantissant plus de transparence et un droit au recours ( judicial review ) dans le cadre des transactions conclues par nos entreprises avec la justice américaine.

À défaut de progrès rapides dans cette voie diplomatique, il faudrait toutefois envisager d'accompagner les entreprises européennes poursuivies jusqu'à l'épuisement des voies de recours , par une police d'assurance visant à protéger leurs cadres et dirigeants inquiétés face au risque pénal, et à prévoir une indemnisation, afin de tester la réalité de la compétence des États-Unis devant le juge américain.


* 243 Loi clarifiant les usages légaux des données à l'étranger.

* 244 Loi relative aux communications stockées.

* 245 Microsoft v. United States, 14 juillet 2016.

* 246 Emmanuelle Mignon, « Le Cloud Act ou l'impuissance européenne démasquée », La revue des juristes de Sciences Po, 2019.

* 247 Audition du

* 248 Auditions de Scaleway et d'Hosteur du 9 mars 2022 ainsi que de Gaïa-X, du CISPE et du Cigref du 23 mars 2022.

* 249 Donald Trump (@realDonaldTrump), Twitter, 7 août 2018 : « Anyone doing business with Iran will NOT be doing business with the United States. »

* 250 En particulier, plus de 1 200 mesures restrictives individuelles (gels des avoirs, restrictions à l'entrée sur le territoire de l'UE) contre des individus et entités liés à l'invasion russe en Ukraine, interdiction d'importer en Europe du pétrole brut ou des produits pétroliers originaires de Russie, exclusion de la messagerie financière SWIFT (société dont le siège est en Belgique) des principales banques russes. Conseil de l'Europe, « Sanctions de l'UE contre la Russie liées à la situation en Ukraine (depuis 2014) ». En ligne (consulté le 8 juin 2022) : https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-russia-over-ukraine/ .

* 251 Respectivement en charge de la régulation et de la concurrence équitable, et de la lutte contre la criminalité financière et les sanctions internationales.

* 252 Attitude excessivement prudente d'acteurs économiques, allant au-delà des prescriptions contenues dans les sanctions en intériorisant ces contraintes, afin de se prémunir de tout risque juridique.

* 253 Antoine Garapon, Astrid Mignon Colombet, « D'un droit défensif à un droit coopératif : la nécessaire réforme de notre justice pénale des affaires », 2016, Revue internationale de droit économique.

En ligne : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2016-2-page-197.htm

* 254 Une transaction est une sorte d'accord à l'amiable, très répandue dans la justice américaine

* 255 Loi relative aux pratiques de corruption à l'étranger.

* 256 Rapport d'information déposé par la commission des affaires étrangères et la commission des finances en conclusion des travaux d'une mission d'information constituée le 3 février 2016 sur l'extraterritorialité de la législation américaine. En ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp

* 257 Emmanuel Breen, Antoinette Gutierrez-Crespin, « Programmes de compliance : dix bonnes pratiques observées en France », in A. Gaudemet (dir.), La Compliance : un monde nouveau ? , novembre 2016. En ligne : https://laurentcohentanugiavocats.com/wp-content/uploads/2019/04/article-10-pratiques.pdf .

* 258 Recueil de preuves.

* 259 Grégoire de Warren, « Le cas de guerre économique Nord Stream 2 », École de guerre économique, avril 2022. En ligne : https://www.ege.fr/infoguerre/le-cas-de-guerre-economique-nord-stream-2 .

* 260 Fabrice Nodé-Langlois, « Pétrole : la Chine contourne l'embargo sur l'Iran », Le Figaro , août 2019. En ligne : https://www.lefigaro.fr/international/petrole-pekin-contourne-l-embargo-sur-l-iran-20 190 807 .

* 261 Convention pénale sur la corruption de 1999.

* 262 Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de 1999. Dans son rapport de phase 3 sur la mise en oeuvre de cette convention par la France, paru en octobre 2012, l'OCDE déplorait « le caractère limitatif de la responsabilité des personnes morales en France dans la mesure où cette dernière ne semble pas permettre la mise en oeuvre de la responsabilité pénale des sociétés mères pour les actes de corruption de leurs filiales, malgré l'affirmation du principe des autorités françaises sur ce point. »

* 263 Delphine Iweins, « La lutte contre la corruption internationale en net recul », Les Echos, décembre 2020. En ligne : https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/la-lutte-contre-la-corruption-internationale-en-net-recul-1271 167

* 264 Dans son rapport de phase 4 sur la mise en oeuvre de la convention de l'OCDE, cette dernière constatait que « les faiblesses du cadre législatif sur la responsabilité des entreprises restent un obstacle majeur à la mise en oeuvre [de la convention] en dehors de la CJIP. » En ligne : https://www.oecd.org/daf/anti-bribery/France-Phase-4-Report-EN.pdf

* 265 En ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4325_rapport-information# L'OCDE s'est en revanche dit « sérieusement préoccupée » s'agissant de la proposition, dans cette proposition de loi, de confier certaines compétences de l'AFA à la Haute Autorité pour la transparence dans la vie publique.

En ligne : https://www.oecd.org/daf/anti-bribery/France-Phase-4-Report-EN.pdf .

* 266 En ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4586_proposition-loi# .

* 267 Communiqué de Transparency International, décembre 2021. En ligne : https://transparency-france.org/actu/note-de-position-proposition-de-loi-n4586-visant-a-renforcer-la-lutte-contre-la-corruption-par-le-depute-raphael-gauvain/ .

* 268 Rapport Gauvain, Rétablir la souveraineté de la France et de l'Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale , juin 2019.

En ligne : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194 000 532.pdf

* 269 En ligne : http://www.justice.gouv.fr/publications-10 047/cjip-13 002/ .

* 270 En ligne : https://www.economie.gouv.fr/cedef/convention-judiciaire-interet-public-cjip .

* 271 En ligne : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/convention-judiciaire-dinteret-public .

* 272 Aux États-Unis, les Républicains souhaitent ainsi rétablir la politique de pression maximale en cas de victoire aux élections de mi-mandat ou aux prochaines élections présidentielles.

* 273 En ligne : https://twitter.com/gerardaraud/status/1466824623 539 068 934 .

* 274 Eric Sandberg-Zakian, “INSIGHT : OFAC $7.8M Settlement With Swiss Company Expands Tech Enforcement”, Bloomberg Law, avril 2020. En ligne : https://news.bloomberglaw.com/white-collar-and-criminal-law/insight-ofac-7-8m-settlement-with-swiss-company-expands-tech-enforcement .

* 275 https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/2018-10/2018-09_-_Cartographie_-D2AE.pdf .

* 276 Instrument de soutien aux échanges commerciaux.

* 277 Regroupement informel de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, qui étaient les trois pays les plus riches et les plus influents de l'Union européenne. Le groupe est surtout connu pour son implication dans les négociations sur le programme nucléaire iranien.

* 278 Les échanges sous sanctions légales ne sont pas concernés

* 279 Tytti Erästö, “European non-proliferation diplomacy in the shadow of secondary sanctions”, SIPRI Policy Brief, août 2020. En ligne : https://www.sipri.org/sites/default/files/2020-08/pb_2008_instex.pdf .

* 280 “Exclusive : Iran nuclear deal draft puts prisoners, enrichment, cash first, oil comes later - diplomats”, février 2022, Reuters. En ligne : https://www.reuters.com/world/exclusive-iran-nuclear-deal-draft-puts-prisoners-enrichment-cash-first-oil-comes-2022-02-17/

* 281 Un mécanisme suisse, ne couvrant que les entreprises de ce pays et collaborant étroitement avec l'OFAC via notamment des échanges d'informations, n'a pas la même portée qu'Instex au regard de la souveraineté économique.

* 282 Règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant. En ligne : https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do ?uri=CELEX :31996R2271 :FR :HTML .

* 283 À ne pas confondre avec le règlement européen de blocage, de 1996.

* 284 “It is clear that American courts are not required to adhere blindly to the directives of such a [foreign blocking] statute. Indeed, the language of the statute, if taken literally, would appear to represent an extraordinary exercise of legislative jurisdiction by the Republic of France over a United States district judge.”

* 285 Décret n° 2022-207 du 18 février 2022 relatif à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

* 286 Arrêté du 7 mars 2022 relatif à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

* 287 Guide à usage des entreprises d'identification des données sensibles. En ligne : https://sisse.entreprises.gouv.fr/files_sisse/files/outils/guide/guide-identification-donnees-sensibles.pdf ?v=1647 428 454

* 288 Rapport d'information n° 17 (2018-2019) de M. Philippe Bonnecarrère fait au nom de la commission des affaires européennes, sur l'extraterritorialité des sanctions américaines, déposé le 4 octobre 2018. En ligne : http://www.senat.fr/rap/r18-017/r18-0176.html

* 289 Voir en ligne (en anglais) : https://afep.com/wp-content/uploads/2021/11/Afep-Comments-Blocking-Statute-Review-November-2021.pdf

* 290 En ligne : https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2021/december/tradoc_159 958.pdf .

* 291 Voir en ligne (en anglais) : https://afep.com/wp-content/uploads/2021/06/AFEP-contribution-to-the-public-consultation-on-an-EU-anti-coercion-instrument.pdf

* 292 OCDE, « La résolution des affaires de corruption transnationale au moyen d'accords hors procès », 2020. En ligne : https://www.oecd.org/fr/corruption/anti-corruption/La-resolution-des-affaires-de-corruption-transnationale-au-moyen-d-accords-hors-proces.pdf

* 293 Emmanuel Breen, « La compétence américaine fondée sur le dollar : réalité juridique ou construction politique ? », Le Grand Continent, septembre 2020. En ligne : https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/02/dollar-breen-red/

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