IV. LA NÉCESSITÉ DE PRENDRE EN COMPTE TOUS LES TEMPS DE L'ENFANT POUR PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE

A. LE DÉPLOIEMENT D'ACTIONS COMPLÉMENTAIRES AU MILIEU SCOLAIRE ET LE RÔLE DES ACTIVITÉS CULTURELLES ET DE LOISIRS DANS LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

La stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 préconise, pour réinvestir dans la prévention primaire, des « actions d'accompagnement complétant des actions déployées en milieu scolaire » , ainsi que « des activités culturelles et de loisirs ».

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont pu mesurer à l'aune d'expériences réussies, l'importance d'une prise en compte de tous les temps du jeune, afin de prévenir la délinquance et d'agir sur ses racines . En effet, l'institution scolaire ne peut pas agir seule. Elle ne prend d'ailleurs en charge l'enfant que pendant un temps limité . Plusieurs personnes auditionnées l'ont souligné : pour Daniel Auverlot, recteur de l'académie de Créteil, « l'institution scolaire est consciente de son rôle, mais il faut aussi rester très modeste. Le temps scolaire ne représente pas la majorité de la vie de l'enfant. Au collège, il est accueilli 4,5 jours pendant 36 semaines - 4 jours en primaire » . Ces propos rejoignent ceux de Frédéric Paquet, secrétaire général de l'école des XV : « [notre association] apporte un regard différent : nous travaillons en moyenne 12 heures par semaine avec les enfants. Au collège, un enseignant est au maximum quatre heures avec lui. Certains professeurs nous demandent de travailler telle notion avec l'élève, mais aussi de prendre contact avec la famille pour un rendez-vous avec un orthophoniste ».

Cette action est d'autant plus efficace qu'elle s'appuie sur un travail partenarial entre l'ensemble des acteurs de terrain, incluant la participation de l'éducation nationale. Les rapporteurs saluent ces collaborations , à l'image de celles existant localement entre les antennes de l'école des XV et les établissements scolaires qui permettent une complémentarité d'action entre temps scolaire et temps périscolaire .

L'école des XV

Cette école de rugby de la deuxième chance a été lancée il y a 8 ans. Elle dispose actuellement de 3 antennes (Aix-en-Provence, Marseille, et Givors), une quatrième antenne doit ouvrir à la rentrée 2022 à Saint-Étienne. Les élèves accueillis sont en classe allant du CM2 à la 3 ème . Ces élèves, en situation de fragilité scolaire, sont pré-sélectionnés par les établissements scolaires. Le but est de permettre à ces enfants de devenir plus autonomes, de comprendre pourquoi il est important d'apprendre et d'accepter les règles de l'institution scolaire. Le programme s'appuie sur trois outils :

- un temps scolaire : aide aux devoirs et soutiens scolaires, réalisés par des enseignants ;

- un temps social : repas, échanges ;

- un temps sportif, à travers la pratique du rugby. Ces activités permettent de travailler certaines compétences dans un autre contexte : compréhension des consignes, concentration, effort, travail collectif.

Les responsables d'antennes travaillent en relations étroites avec les établissements d'origine des élèves et participent aux conseils de classes des jeunes qu'ils suivent. Ceux-ci sont regroupés dans des classes spécifiques dont les emplois du temps scolaires sont aménagés pour permettre une prise en charge en fin de journée par l'école des XV. Les enfants sont accueillis par l'association tout au long de l'année, trois jours par semaine. Ils y sont suivis en moyenne trois ans.

L'action de l'association permet une évolution des comportements des jeunes en classe : plus sereins, moins perturbateurs. Les relations avec leurs enseignants et vis-à-vis des apprentissages s'améliorent. Comme l'a indiqué le secrétaire général de l'école des XV, « nous ne courrons pas après les notes. Notre objectif est que ces jeunes restent dans le système scolaire, et qu'à la fin de la troisième ils suivent une orientation qui leur convient ».

L'éducation populaire joue également un rôle essentiel. Régulièrement, le Sénat rappelle qu'elle constitue, aux côtés de l'éducation scolaire et de l'éducation familiale, la troisième branche de la construction de l'enfant en devenir 55 ( * ) . Tout accueil collectif de mineurs doit d'ailleurs présenter en préfecture un projet éducatif 56 ( * ) au moment de la déclaration de l'accueil précisant la nature des activités proposées, la répartition des temps respectifs d'activité et de repos, les modalités de participation des mineurs. Les accueils collectifs de mineurs sont des outils importants de découverte et de promotion du vivre ensemble . En 2018-2019, ce sont ainsi près de 2,2 millions d'enfants qui en bénéficient tout au long de l'année pendant le temps périscolaire, auxquels s'ajoutent les 5 millions de places ouvertes pendant les vacances scolaires 57 ( * ) pour des accueils sans hébergement.

Le rattachement des services de la jeunesse et des sports aux services académiques au niveau déconcentré depuis le 1 er janvier 2022 est à saluer et doit désormais être pleinement utilisé afin de faire émerger un regard commun sur les temps de l'enfant , qu'il soit à l'école, dans son club sportif, une association ou dans le cadre de l'aide aux devoirs. Une culture administrative partagée est à développer, qui fait - de l'avis de plusieurs personnes auditionnées - encore trop souvent défaut à l'éducation nationale. La conférence nationale des procureurs de la République a ainsi regretté les difficultés à mobiliser l'éducation nationale pour participer aux commissions de prévention de la délinquance, notamment les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Il s'agit pourtant de la mesure 9 de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui préconise d'encourager les relations entre les élus locaux et l'éducation nationale pour prévenir le risque de basculement dans la délinquance des décrocheurs scolaires.

Un accueil collectif de mineurs particulier :
les centres de loisirs des jeunes (CLJ) de la police nationale

À l'occasion de leurs auditions, les rapporteurs ont pris connaissance de l'existence de centres de loisirs gérés par la police nationale dans lesquels les actions de prévention (délinquance, conduites addictives, danger d'Internet) et de citoyenneté occupent une place renforcée.

Créés à l'initiative des directions départementales de la sécurité publique, avec le soutien des collectivités territoriales, les centres de loisirs des jeunes (CLJ) accueillent des jeunes âgés de 8 à 18 ans. Souvent situés dans des quartiers prioritaires de la ville, ils sensibilisent à la citoyenneté et au vivre-ensemble, en plus d'activités de loisirs plus « classiques ». Ils ont également vocation à favoriser le rapprochement entre la police et les habitants de ces quartiers. Certains CLJ prennent en charge des élèves exclus temporairement de leurs établissements. Par ailleurs, dans le cadre d'un partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse, des éducateurs et des jeunes participent aux activités proposées par les CLJ.

On recense 22 CLJ permanents et 5 CLJ saisonniers. Trois sont actuellement en attente de création (Lyon, Toulon et Roubaix-Tourcoing). En 2021, 82 496 enfants y ont été accueillis.


* 55 Voir notamment le rapport pour avis n° 168 de Jacques-Bernard Magner sur le projet de loi de finances pour 2022 : Jeunesse et vie associative, 2021-2022.

* 56 Article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 57 À ces chiffres d'accueil sans hébergement, s'ajoutent 1,45 million d'enfants partis en colonies de vacances et un peu plus de 132 000 dans le cadre du scoutisme.

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