C. FACILITER LA RECHERCHE À L'ÉCHELLE DE L'UNION DANS DES CADRES RÉGLEMENTAIRES NATIONAUX

1. Un règlement harmonise les conditions d'autorisation des essais cliniques

Le règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain 11 ( * ) entré en vigueur le 31 janvier 2022 harmonise les processus de soumission, d'évaluation et de surveillance des essais cliniques menés au sein de l'Union et de l'Espace économique européen (EEE) et crée le portail CTIS ( Clinical Trial Information System ), qui est, depuis le 1 er février 2022, l'unique point de contact pour le dépôt des demandes d'autorisation d'essais cliniques. Ce dispositif doit faciliter la réalisation d'essais cliniques dans plusieurs États membres. Une période de 3 ans est prévue avant une mise en oeuvre complète et aboutie au 31 janvier 2025.

L'évaluation des demandes d'autorisation d'essais cliniques comprend désormais deux parties.

La première prévoit l'évaluation médicale des bénéfices et risques de l'essai clinique par l'État membre rapporteur désigné par le promoteur. Ses conclusions s'imposent aux autres États membres dans lesquels l'essai clinique doit également se dérouler conformément à la demande d'autorisation sauf :

- si la participation à l'essai clinique devait entraîner pour le participant un traitement de qualité inférieure à la pratique clinique normale dans l'État membre concerné ;

- si le droit national interdit ou limite l'usage de médicaments contenant des cellules humaines ou animales, ou des stupéfiants au sens des conventions internationales en vigueur ;

- en cas d'observations relatives à la sécurité des participants, ainsi qu'à la fiabilité et à la robustesse des données fournies par le promoteur.

En pareils cas, une procédure d'appel est prévue. En revanche, si l'État membre rapporteur conclut que l'essai n'est pas acceptable, cette conclusion est réputée être celle de tous les États membres concernés.

La seconde partie de l'évaluation est réalisée par chaque État membre concerné par la demande d'autorisation et porte sur les enjeux éthiques de l'essai clinique. Un avis défavorable permet à un État membre de refuser la demande d'autorisation sur son territoire.

2. Des difficultés qui persisteront

Les interlocuteurs que les rapporteurs ont entendus sur ce sujet ont mis en avant les difficultés à mettre en place des programmes de recherche biomédicale dans plusieurs États membres . Ces difficultés ne seront pas résolues en dépit du règlement de 2014, en raison de l'encadrement de la recherche par des dispositions nationales.

a) Des délais de négociation des contrats entre les promoteurs d'essais et les sites hospitaliers particulièrement longs

C'est le cas notamment en Espagne où il est nécessaire de conclure un contrat particulier avec chaque hôpital pour engager un essai clinique alors que dans d'autres États membres, c'est un contrat unique qui est conclu avec l'autorité de tutelle des établissements de santé.

Pour résoudre ces difficultés, l'Inserm plaide pour la mise en place d'un modèle unique de contrat, accepté par tous les sites de recherche sous couvert de leur autorité de tutelle et traduit dans chacune des langues de l'Union.

La Commission devrait réunir les différentes parties prenantes pour tenter de trouver des solutions à cette question.

b) Le traitement des données à caractère personnel

Comme indiqué plus tôt, le règlement (UE) n° 536/2014 laisse le soin aux autorités des États membres d'apprécier les enjeux éthiques des essais cliniques. Au-delà des prescriptions du RGPD, les conditions de traitement des données à caractère personnel dans le cadre de recherches sont établies au niveau national, le pouvoir de réglementation et d'appréciation de l'autorité nationale compétente ne faisant l'objet d'aucune harmonisation européenne en la matière. En France, la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) fixe les règles que doivent respecter les promoteurs de projets de recherche ; celles-ci peuvent être particulièrement restrictives dans le cas notamment des essais cliniques portant sur des cancers rares, dans le but de protéger l'identité des patients.

c) Les recherches non interventionnelles

Le règlement (UE) n° 536/2014 encadre les essais cliniques mais pas les recherches non interventionnelles dans le domaine médical. Il s'agit de celles qui ne modifient pas la prise en charge des participants à l'étude et qui relèvent de la compétence des seuls États membres, ce qui complique leur mise en oeuvre 12 ( * ) dans plusieurs États membres.

Il n'en demeure pas moins que certaines règles concernant les recherches non interventionnelles restent nationales. L'ARTIC a ainsi mentionné aux rapporteurs un projet de recherche de ce type qui devait être mené en France, en Belgique et aux Pays-Bas mais qui n'a pas pu démarrer en France en raison de règles de promotion différentes emportant un surcoût budgétaire. L'ARTIC estime qu'il faudrait réfléchir à la définition de conditions identiques pour la mise en oeuvre de projets de recherche de ce type au sein de l'Union européenne.

La Commission pourrait proposer des lignes directrices en ce sens .

d) Le financement des médicaments utilisés dans le cadre des essais cliniques

La question du financement des médicaments utilisés dans le cadre des essais cliniques illustre les différences réglementaires d'un État membre à l'autre, avec lesquelles les promoteurs d'essais cliniques doivent composer. Ainsi, selon les États, d'une part les médicaments peuvent être remboursés ou non et, d'autre part, dans le cas de médicaments remboursés, les autorités nationales peuvent considérer que ce remboursement ne s'applique pas dans le cadre d'essais cliniques . C'est ainsi qu'en France, les médicaments utilisés dans le cadre d'une étude doivent être payés par le promoteur, même si ceux-ci sont remboursés par l'assurance-maladie alors que dans d'autres États, le promoteur peut ne pas payer les médicaments remboursés par le système d'assurance-maladie.


* 11 https://health.ec.europa.eu/system/files/2016-11/reg_2014_536_fr_0.pdf

* 12 En France, la loi Jardé du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine distingue, d'une part, les recherches interventionnelles impliquant les patients parmi lesquelles celles qui comportent des risques et contraintes minimes (catégorie 2) et celles qui passent par des interventions sur la personne non justifiées par leur prise en charge habituelle et qui nécessitent l'administration d'un médicament expérimental (catégorie 1), et d'autre part, les recherches non interventionnelles (catégorie 3) qui concernent les recherches qui ne comportent aucun risque ni contrainte et qui ne modifient pas la prise en charge des patients.

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