N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) par la mission de suivi relative à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE),

Par Mmes Martine BERTHET, Florence BLATRIX CONTAT et M. Jacques LE NAY,

Sénatrices et Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Babary, président ; M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Gilbert Bouchet, Emmanuel Capus, Mme Anne Chain-Larché, MM. Gilbert-Luc Devinaz, Thomas Dossus, Fabien Gay, Jacques Le Nay, Dominique Théophile, vice-présidents ; MM. Rémi Cardon, Jean Hingray, Sébastien Meurant, Vincent Segouin, secrétaires ; Mmes Cathy Apourceau-Poly, Annick Billon, Nicole Bonnefoy, MM. Michel Canévet, Daniel Chasseing, Alain Chatillon, Mme Marie-Christine Chauvin, MM. Pierre Cuypers, Alain Duffourg, Mme Pascale Gruny, MM. Christian Klinger, Daniel Laurent, Stéphane Le Rudulier, Martin Lévrier, Didier Mandelli, Jean-Pierre Moga, Albéric de  Montgolfier, Claude Nougein, Mme Guylène Pantel, MM. Georges Patient, Sebastien Pla, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, MM. Christian Redon-Sarrazy, Olivier Rietmann, Daniel Salmon.

L'ESSENTIEL

FAIRE DE LA RSE UNE AMBITION
ET UN ATOUT POUR CHAQUE ENTREPRISE

Depuis le précédent rapport de la Délégation aux entreprises du Sénat « Responsabilité sociétale des entreprises : une exemplarité à mieux encourager » de juin 2020, si les objectifs de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont partagés par tous, certaines de ses modalités sont parfois contestées. La RSE a fait l'objet d'une intense production normative exigeant des entreprises la publication de données de plus en plus diverses, notamment extra-financières. Ce processus cumulatif, non coordonné, inquiète les entreprises , et tout particulièrement les ETI et PME.

Le défi est immense car les attentes de l'ensemble des parties prenantes sont croissantes à l'égard de la responsabilité sociétale des entreprises. Pour relever ce défi, la Délégation aux entreprises présente plusieurs recommandations afin de mettre la RSE à la portée de toutes les entreprises , en adaptant ses exigences selon leur taille et leurs moyens, d'assurer un traitement identique entre entreprises européennes et non européennes , de défendre l'autonomie européenne et les valeurs européennes de l'entreprise, en poursuivant les efforts d'harmonisation des standards sans renoncer au concept de double matérialité, financière et extra-financière, de faire progresser la culture RSE dans les conseils d'administration comme dans la formation et de mieux utiliser le levier de la commande publique pour diffuser plus largement les critères ESG (environnement, social, gouvernance), qui sont au coeur de la mutation du modèle d'affaires des entreprises.

I.  LES CONSTATS

1. LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES INTERPELLÉE

(a) La responsabilité sociétale des entreprises est bousculée.

Une RSE mise entre parenthèses pendant la crise sanitaire. Certaines entreprises sont tentées de prolonger cet intermède, volontairement ou involontairement. En effet, face aux problèmes d'approvisionnement en matières premières, de tensions inflationnistes et salariales, des entreprises pourraient se voir contraintes ou tentées de reléguer leurs efforts en matière de RSE au second rang, afin de maintenir leur compétitivité.

Le P-D.G. de Danone, société ayant adopté le statut d'entreprise à mission dès mai 2020, a « démissionné » en mars 2021 à l'issue de la campagne de deux fonds d'investissement activistes pour lesquels la création de valeur à court terme primait sur les engagements RSE du groupe agroalimentaire.

Elon Musk P-D.G. de Tesla, persifle sur Twitter : « L'ESG est une vaste arnaque, une escroquerie », suite à l'expulsion en mai 2022 du constructeur de voitures électriques de l'indice S & P Dow Jones en raison d'une politique sociale controversée.

The Economist , dans son édition du 23 juillet 2022, considère que les investissements ESG sont devenus « une mode ».

Consacré au bilan de la loi PACTE, le rapport Roché souligne, en octobre 2021, le risque de « purpose washing » avec affichage d'une « raison d'être », d'une « mission » ou d'un engagement social et environnemental, sans que cela soit sincère, effectif et transparent .

Une enquête BVA de juillet 2021 indique que 69 % des salariés considèrent que la raison d'être est d'abord « une opération de communication », et, 46 % des dirigeants que ces changements statutaires sont « surtout de l'affichage et que rien ne garantit que l'entreprise s'engage vraiment » .

Un rapport de l'Inspection générale des finances de décembre 2020, exige une évolution radicale du label public ISR (Investissement socialement responsable) sous peine de s'exposer « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».

Une France qui, depuis les Accords de Paris de 2015, veut des entreprises exemplaires en matière de RSE, mais qui est, selon le rapport du Rapport mondial sur le Développement Durable (du Réseau de Solutions pour le Développement Durable), classée 154 ème sur 163 pays pour le respect des 12 ème ( établir des modes de consommation et de production durables ) et 13 ème ( prendre d'urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ) Objectifs du Développement Durable en raison des externalités négatives notamment dues à son niveau élevé d'importations. Dans son bilan carbone, le carbone émis pour les produits importés (matières premières, production, transport) représente la moitié des émissions nationales !

(b) La responsabilité sociétale des entreprises est pourtant nécessaire.

La RSE est la matrice de la transformation profonde de l'entreprise . Au-delà de la compliance , qui s'assure du respect formel des normes, c'est un vecteur de durabilité de l'entreprise, qui garantit sa résilience. La fourniture d'une information financière et extra-financière qui indique comment l'entreprise conjugue performance économique et performance sociale, sociétale et écologique, conditionne désormais son accès au financement.

La RSE est de façon croissante un facteur de différenciation et de compétitivité. Elle transforme profondément la stratégie comme l'organisation des entreprises, en rapprochant la direction de la compliance et la direction financière qui auparavant ne se parlaient pas.

La RSE doit être sincère et l'écoblanchiment est désormais encadré pour ce qui concerne les allégations de neutralité carbone dans la publicité.

La RSE occupe une place croissante dans la commande publique , 100 % des marchés publics devant comporter une clause environnementale d'ici 2025. Par ailleurs, les prises de participations de l'État dans le cadre du plan de relance engagent les entreprises concernées à réduire leurs gaz à effet de serre.

2. UNE BATAILLE DES NORMES QUE L'EUROPE DOIT GAGNER

L'Europe avait perdu la bataille des normes financières. Elle ne peut perdre celle des normes extra-financières car elle est le continent le plus avancé en la matière.

L'harmonisation de l'information extra-financière représente une opportunité pour l'Europe de reprendre la maîtrise de sa vision de l'entreprise et de la société , à condition qu'elle garde le contrôle de ses normes voire les impose afin de donner au capitalisme européen un cadre de normes conformes aux valeurs européennes. La prise de conscience des enjeux de l'autonomie européenne concernant les indicateurs de performance extra-financière a progressé. Il ne s'agit pas d'un sujet technique, mais bien de souveraineté économique européenne . L'Europe est en avance, avec le principe de double matérialité, qui englobe l'information financière et extra-financière et permet ainsi d'étudier les impacts de l'environnement sur l'entreprise et de l'entreprise sur l'environnement. L'Europe a une claire détermination d'avancer : elle a tendu et elle continue de tendre la main aux autres initiatives privées et publiques pour essayer de co-construire des normes mondiales partagées.

La souveraineté concerne également la diffusion de la donnée . Les investisseurs financiers ont toutefois du mal à récupérer les données d'émissions indirectes de gaz à effet de serre. Les entreprises sont invitées à diffuser massivement leurs données, mais leur exploitation est actuellement assurée par des acteurs à 80 % anglo-saxons. Une agence publique d'évaluation européenne , point d'accès unique des données financières et extra-financières des sociétés cotées, permettrait d'accroître la standardisation des référentiels des agences de notation, et d'accroître leur robustesse. L'enjeu de souveraineté se conjugue avec les exigences en matière d'intelligence économique et de respect du secret des affaires.

3. DES ENTREPRISES QUI VOIENT LES OBLIGATIONS RSE SE RENFORCER

Un choc de complexité des obligations RSE est attendu dans un contexte économique plus compliqué pour les entreprises. Or, même pour les grandes entreprises, la marche est haute. Ainsi, l'Autorité des marchés financiers encourage « les entreprises de toutes tailles à se préparer aux nouvelles exigences et à veiller à la cohérence d'ensemble de leurs communications en ce qui concerne les enjeux climatiques ».

ð Le règlement SFDR, pour mesurer l'impact ESG des investissements

Le règlement SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ) concerne le secteur financier en premier lieu mais entraine aussi des conséquences pour les entreprises en renforçant les besoins d'informations extra-financières des investisseurs. Mais même pour le secteur financier et les gérants d'actifs, habitués pourtant au reporting financier, ce calendrier accéléré et la complexité du règlement SFRD représentent un défi .

ð La taxinomie verte, pour orienter les investissements

La taxinomie européenne, véritable dictionnaire de la durabilité, constitue un pilier central du Plan d'action pour la finance durable de l'Union européenne de mars 2018. S'y 'adossent de nombreuses législations, comme la directive NFRD ( Non Financial Reporting Directive ), la prochaine directive CSRD ( Corporate Sustainability Reporting ) ou encore le règlement SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ). Ces réglementations obligent les différents acteurs économiques et financiers à publier des informations quant à la part durable sur le plan environnemental de leurs activités, sur la base des critères de la taxinomie.

ð La directive CSRD, pour améliorer l'information extra-financière

Cette directive était indispensable d'afin d'harmoniser et de standardiser le reporting ESG et mettre fin à la multiplication des cadres et référentiels, comme l'avait demandé la Délégation aux entreprises dans son précédent rapport. Elle multiplie par cinq le nombre des grandes entreprises concernées en Europe, mais impactera également indirectement ETI et PME situées dans leur chaîne de valeur. Elle accroît la quantité d'informations à publier, qui devront être certifiées par un tiers indépendant, autour du concept de double matérialité.

ð Le devoir de vigilance : alerte sur le risque de chevauchement des normes nationales et européennes

Après la loi française de 2017, une proposition de directive entend y assujettir les entreprises de plus de 500 salariés, seuil que le Sénat demande de doubler dans sa Résolution européenne du 1 er août 2022. L'imprécision du champ d'application et de la définition de relation commerciale établie inquiète, à juste titre, les PME .

ð La RSE à l'échelle du produit est-elle à la portée des entreprises ?

Avec l'affichage environnemental puis l'affichage social, deux nouvelles obligations font descendre le référentiel RSE de l'entreprise, dans sa globalité, vers ses productions de biens manufacturés et agricoles ou de services. Outre les difficultés méthodologiques , les entreprises sont confrontées à une incertitude du coût de ces nouvelles obligations.

ð Le bilan des émissions de gaz à effet de serre est-il à la portée des PME ?

Pratiqué depuis 2010 par les entreprises de plus de 500 salariés, il a été étendu d'une part aux entreprises de plus de 50 salariés bénéficiant d'une aide dans le cadre du plan de relance (sous forme simplifiée), d'autre part à celles de plus de 250 salariés , lesquelles devront par ailleurs intégrer l'ensemble des émissions indirectes .

II.  LES PROPOSITIONS

1. Rendre accessible la RSE à toutes les entreprises

Le coût des nouvelles obligations en matière de RSE pour les entreprises est l'angle mort des rapports produits ou des expérimentations conduites. L'État doit fournir une étude d'impact du coût financier et organisationnel, par catégorie d'entreprises, du cumul des obligations nationales et européennes en matière de RSE (recommandation n°1).

Face au choc de complexité annoncé en matière de reporting , il convient de poser un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières demandées, en fonction de la taille et des moyens de l'entreprise, en respectant la confidentialité de sa stratégie (recommandation n°2).

Afin de permettre à toutes les entreprises de répondre aux exigences de la future directive CSRD, il faut :

- accompagner les ETI et PME par une simplification des normes et une approche sectorielle différenciée (recommandation n°3) ;

- appliquer progressivement les nouveaux référentiels RSE dans les ETI et PME après avoir réalisé un test d'opérationnalité par un tiers indépendant (recommandation n°4) ;

- assurer un traitement identique de reporting pour les entreprises non européennes (recommandation n°5).

2. Défendre l'autonomie européenne de la RSE

Pour imposer les valeurs européennes de l'entreprise, il faut :

- afin d'éviter une mainmise des agences de notation sous contrôle étranger, confier à l'Autorité européenne des marchés financiers l'évaluation publique de l'information ESG (recommandation n°6) ;

- poursuivre les efforts d'harmonisation des standards sans renoncer au concept de double matérialité, financière et extra-financière et en le promouvant (recommandation n°7).

3. Changer le climat au sein des conseils d'administration

Pour diffuser le modèle de l'entreprise responsable et engagée, il faut :

- renforcer la formation RSE des membres des conseils d'administration ou du comité de direction et évoquer les questions RSE à chaque réunion du conseil d'administration ou du comité de direction (recommandation n°8) ;

- instaurer , dans les établissements d'enseignement supérieur et plus généralement les formations professionnalisantes, des modules obligatoires de formation des étudiants aux enjeux de la RSE , notamment de la transition climatique, et labelliser les établissements d'enseignement supérieur, en particulier les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs, engagées dans une démarche d'enseignement obligatoire, à tous les étudiants, des enjeux de la RSE, en particulier de la transition environnementale (recommandation n°9).

4. Consolider la RSE dans les entreprises

Équilibrer les trois piliers de l'ESG, qui ne peut se résumer aux actions de lutte contre le réchauffement climatique mais doit englober le social et la gouvernance de l'entreprise (recommandation n°10) ;

Afin de protéger les entreprises qui s'engagent dans une démarche RSE de l'activisme actionnarial, le niveau de déclaration d'intentions et de franchissement de seuil de participation au capital doit être abaissé de 5 à 3 % du capital ou des droits de vote, et de 10 à 5 % pour les déclarations d'intentions (recommandation n°11).

5. Mieux utiliser le levier de la commande publique

Afin de mieux valoriser les démarches RSE des entreprises, il faut introduire dans le Code de la commande publique (recommandation n°12) :

- un principe général faisant référence à la « performance sociale et environnementale des biens, des produits et des services » ;

- la notion d'« offre économiquement, écologiquement et socialement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales ;

- un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d'offre .

LISTE DES DOUZE RECOMMANDATIONS

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

METTRE LA RSE A LA PORTÉE DES ETI ET PME

1.

Établir une étude d'impact sur le coût financier et organisationnel pour les entreprises, selon leur taille, du cumul des obligations, européennes et françaises en matière de RSE.

État

2023

Rapport du Gouvernement au Parlement

FAIRE DE LA DIRECTIVE CSRD UN ATOUT DE COMPETITIVITE POUR NOS ENTREPRISES

2.

Établir un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières demandées, en fonction

de la taille et des moyens de l'entreprise, en respectant la confidentialité de la stratégie de l'entreprise.

État

ETI et PME

À l'occasion du projet de loi transposant la directive CSRD dans le droit national

EFRAG

Projet de loi de transposition de la directive CSRD

Modification des articles L. 225-102-1, R. 225-104 à R. 225-105-2, L. 22-10-36, R. 22-10-29 et A. 225-1 à A. 225-4 du code du commerce

3.

Accompagner les ETI et PME par une simplification des normes de reporting extra-financier et une approche sectorielle différenciée.

Union européenne

EFRAG

2022 - 2023

Actes délégués

(propositions de l'EFRAG devant être adoptées par la Commission européenne)

4.

Appliquer progressivement les nouveaux référentiels RSE dans les ETI et PME après avoir réalisé un test d'opérationnalité par un tiers indépendant.

État

ETI et PME

À l'occasion du projet de loi transposant la directive CSRD dans le droit national

EFRAG

Projet de loi de transposition de la directive CSRD

Modification des articles L. 225-102-1, R. 225-104 à R. 225-105-2, L. 22-10-36, R. 22-10-29 et A. 225-1 à A. 225-4 du code du commerce

5.

Assurer un traitement identique de reporting extra-financier pour les entreprises non européennes.

Union européenne

EFRAG

2022 - 2023

Actes délégués

(propositions de l'EFRAG devant être adoptées par la Commission européenne)

6.

Confier à l'Autorité européenne des marchés financiers l'évaluation publique de l'information ESG.

Union européenne

2023

Règlement européen

7.

Poursuivre les efforts d'harmonisation des standards par catégorie d'entreprises en promouvant le concept de double matérialité, financière et extra-financière.

État et

European Financial Reporting Advisory Group, International Sustainability Standards Board, Securities and Exchange Commission

2022-2023

Droit souple

MIEUX IMPLANTER LA CULTURE DE LA RSE DANS LES ENTREPRISES ET L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

8.

Renforcer la formation RSE des membres des conseils d'administration ou des comités de direction.

Évoquer les questions RSE à chaque réunion du conseil d'administration ou du comité de direction

Sociétés dotées de conseils d'administration

A partir de 2023

Droit souple (guides de bonnes pratiques), initié par les parties prenantes des entreprises

9.

Instaurer, dans les établissements d'enseignement supérieur, et plus généralement dans les formations professionnalisantes, des modules obligatoires de formation des étudiants aux enjeux de la RSE, en particulier de la transition environnementale.

Labelliser les établissements d'enseignement supérieur, en particulier les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs, engagés dans une telle démarche d'enseignement obligatoire.

Universités, écoles de commerce, écoles d'ingénieurs,

écoles de formations professionnalisan-tes

Rentrée 2023

Concertation entre : Ministère de l'enseignement supérieur, France Universités, Conseil national des universités

Refonte des programmes

Labellisation

CONSOLIDER LA DÉMARCHE RSE

ET PROTEGER LES ENTREPRISES ENGAGEES DANS CETTE DEMARCHE

10.

Équilibrer les trois dimensions de la RSE (environnementale, sociale et gouvernance).

État

A partir de la transposition de la directive CSRD et du remplacement de la DPEF ( Déclaration de Performance Extra-Financière ) , par le rapport d'entreprise sur la durabilité

Modification des articles L. 225-102-1, R. 225-104 à R. 225-105-2, L. 22-10-36, R. 22-10-29 et A. 225-1 à A. 225-4 du code du commerce

11.

Pour les déclarations d'intentions et de seuils de franchissement en matière de participation au capital : abaisser le niveau de déclaration de 5 à 3 % du capital ou des droits de vote, et 10 à 5 %, pour les entreprises engagées dans une démarche RSE.

État

A partir de 2023

Modification du code de commerce (article L. 233-7)

MIEUX UTILISER LE LEVIER DE LA COMMANDE PUBLIQUE

POUR ENCOURAGER LES ENTREPRISES RESPONSABLES

12.

Introduire dans le Code de la commande publique un principe général faisant référence à la « performance sociale et environnementale des biens, des produits et des services ».

Introduire la notion d' « offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse » afin de mieux appréhender les considérations environnementales

Instaurer un droit de préférence pour les offres des entreprises attestant un impact positif avéré en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d'offre.

État

Collectivités publiques

À partir de 2023

Modifications des articles L. 3-1, L. 2124-2, L. 2152-7 à L. 2152-9 du Code de la commande publique

I. LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES ENTRE DOUTES ET NECESSITÉ

A. UNE RSE CONTESTÉE ?

1. Une mise entre parenthèses de la RSE pendant la crise sanitaire

L'épidémie de COVID a suspendu un temps l'engagement des entreprises dans la RSE et « le contexte sanitaire qui a immédiatement suivi a conduit les sociétés à se focaliser sur le court terme afin de protéger la santé de leurs parties prenantes (salariés, clients, prestataires de services...), mais aussi de sécuriser voire de sauvegarder leur activité » 1 ( * ) .

Face aux problèmes d'approvisionnement en matières premières, de tensions inflationnistes et salariales, les entreprises pourraient être tentées de reléguer leurs efforts en matière de RSE au second rang, afin de maintenir leur compétitivité et de garantir la soutenabilité de leur développement.

2. Une démarche ESG interpellée

Plusieurs éléments d'actualité sèment le trouble sur l'engagement des entreprises dans leur démarche de responsabilité sociétale.

a) « L'affaire Danone »

Le dimanche 14 mars 2021, Emmanuel Faber démissionnait de la présidence de Danone, société ayant adopté le statut d'entreprise à mission dès mai 2020, à l'issue de la campagne de deux fonds d'investissement activistes pour lesquels la création de valeur à court terme primait sur les engagements RSE du groupe agroalimentaire.

Cette décision a eu un retentissement considérable : « l'affaire Danone a ralenti considérablement les processus d'adoption de raisons d'être et de la qualité de société à mission, notamment parmi les grandes sociétés à actionnariat dispersé. Le changement de gouvernance a pu être perçu comme une illustration des fragilités de cette qualité, même si la qualité de société à mission n'a nullement été remise en cause en l'absence de modification statutaire. Plusieurs projets de formalisation de raison d'être ou de réflexion sur l'adoption de la qualité de société à mission ont même été stoppés net par l'écho médiatique de cette affaire. De nombreuses sociétés ont reporté l'adoption de ces dispositifs » , selon le rapport remis par Bris Rocher 2 ( * ) au ministre de l'Economie, des finances et de la relance en octobre 2021 et dressant le bilan de la loi PACTE deux ans après son adoption.

Cet évènement a souligné la persistance d'investisseurs qui « interprètent les engagements en faveur de la responsabilité sociale et du développement durable comme des dépenses inutiles qui se font au détriment d'une maximisation des bénéfices pour les actionnaires » 3 ( * ) . Il a crédité une étude académique 4 ( * ) ayant considéré que si : « des recherches antérieures avaient montré que le fait d'être ciblé par un fonds spéculatif activiste conduit les entreprises à réduire leurs activités de RSE, celle-ci rend également les entreprises plus susceptibles d'être ciblées par un fonds spéculatif activiste ».

L'école des Hautes études commerciales (HEC) en tirait la conclusion, dans un communiqué du 24 juin 2020 que : « le ciblage des entreprises les plus responsables par les activistes est d'autant plus fort que l'industrie est peu avancée sur la voie de la RSE et il l'est d'autant moins que la performance financière de l'entreprise responsable est bonne et clairement compréhensible par le marché ». Autrement dit, la communication de la stratégie RSE d'une entreprise et sa lisibilité sont devenues des éléments structurants de la politique d'une entreprise . Inversement, les entreprises qui ont une communication financière explicite et convaincante sur leur modèle d'affaires et la création de valeur à court et moyen terme voient leur probabilité d'être attaquées réduite significativement.

HEC soulignait que « protéger les entreprises des attaques des fonds spéculatifs peut contribuer aux efforts des entreprises en matière de RSE », comme abaisser le seuil de déclaration obligatoire de 5 à 3 % pour les fonds activistes, comme dans la majorité des pays européens 5 ( * ) .

b) Le tweet d'Elon Musk

En mai 2022, le S & P Dow Jones 500 6 ( * ) , l'un des principaux fournisseurs d'indices du marché, excluait le constructeur de voitures électriques Tesla, en raison de l'existence de plaintes pour discrimination raciale contre l'entreprise, de l'opposition de sa direction à la création de syndicats dans ses usines et de sa gestion d'une enquête gouvernementale après des accidents liés à ses véhicules à pilotage automatique. Il estimait que l'entreprise ne respectait pas les critères de gouvernance et de conditions de travail, qui constituent des critères de l'ESG (environnement, social, gouvernance).

Face à cette situation qu'il considèrait injuste, dans la mesure où l'entreprise ExxonMobil, l'un des plus grands pollueurs au monde, figure toujours dans l'indice, le P-D.G. de Tesla, Elon Musk persiflait sur Twitter : « L'ESG est une vaste arnaque, une escroquerie . Cela a été instrumentalisé par de pseudo-guerriers de la justice sociale ».

Cette déclaration a rencontré un écho d'autant plus grand que nombre de gérants de fonds d'investissement se posent des questions sur la part de subjectivité des critères de la RSE mise en avant par les entreprises.

c) La « une » de « The Economist »

Dans un numéro du 23 juillet 2022 7 ( * ) , The Economist considèrait que les investissements ESG étaient devenus « une mode qui influence de plus en plus les comportements des entreprises ».

Or, les actifs ESG au sein des fonds mutuels et des ETF ( Exchange Traded Funds ) 8 ( * ) ou « trackers », pèsent de plus en plus lourd dans la finance mondiale.

En 2021, les 1 620 ETF disponibles sur le marché européen ont collecté quelque 162 milliards d'euros, en hausse de 28 % sur un an 9 ( * ) , et leurs encours atteignaient début 2022 1 333 milliards d'euros, contre 610 milliards en 2018, soit 14 % de l'actif total des fonds distribués en Europe.

Cette dynamique a particulièrement profité aux ETF intégrant des dimensions environnementales, sociales ou de gouvernance qui, pour la première fois, ont réalisé' une collecte nette supérieure à celle de leurs homologues conventionnels. En 2021, les ETF ESG ont ainsi attire' 87 milliards d'euros, contre 75 milliards d'euros pour les ETF non ESG. En un an, leurs encours a progressé de 122 % pour atteindre 219 milliards d'euros, contre seulement comparer aux 8 milliards d'euros de 2018.

Les critères ESG pèsent de façon croissante alors que les agences censées les évaluer révèlent souvent « un système inconsistant ». Après l'étude de six d'entre elles, The Economist constatait qu'elles utilisent 709 critères différents parmi 64 catégories, seules une dizaine de catégories étant communes.

Ce foisonnement et la nécessaire harmonisation des référentiels avaient été soulignés dans le rapport de la Délégation aux entreprises de juin 2020 : « Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : une exemplarité à mieux encourager » 10 ( * ) .

De surcroît, ces catégories n'incluent pas toujours la mesure des émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, certaines agences ESG mesurent le risque que le changement climatique pose à une entreprise, plutôt que la menace que peut présenter cette entreprise pour le climat .

LES INCERTITUDES DE L'ESG SELON THE ECONOMIST

L'ESG souffre de trois problèmes fondamentaux.

Tout d'abord, parce qu'il regroupe une gamme vertigineuse d'objectifs, il ne fournit aucun guide cohérent aux investisseurs et aux entreprises pour faire les compromis inévitables dans toute société . Elon Musk de Tesla est un cauchemar pour la gouvernance d'entreprise, mais en popularisant les voitures électriques, il contribue à lutter contre le changement climatique. La fermeture d'une entreprise houillère est bonne pour le climat mais terrible pour ses fournisseurs et ses travailleurs. Est-il vraiment possible de construire rapidement un grand nombre de parcs éoliens sans nuire à l'écologie locale ? En suggérant que ces conflits n'existent pas ou peuvent être facilement résolus, l'ESG favorise l'illusion.

Le deuxième problème de l'industrie, c'est qu'elle n'est pas franche au sujet des incitations . Il prétend qu'un bon comportement est plus lucratif pour les entreprises et les investisseurs. En fait, si vous pouvez supporter la stigmatisation, il est souvent très rentable pour une entreprise d'externaliser les coûts, tels que la pollution, sur la société plutôt que de les supporter directement. Par conséquent, le lien entre la vertu et la surperformance financière est suspect.

Enfin l'ESG a un problème de mesure : les différents systèmes de notation présentent des incohérences béantes et sont facilement manipulés. Les cotes de crédit ont une corrélation de 99 % entre les agences de notation. En revanche, les notes ESG correspondent un peu plus de la moitié du temps. Les entreprises peuvent améliorer leur score ESG en vendant des actifs à un autre propriétaire qui continue de les gérer comme avant.

Au fur et à mesure que les investisseurs deviennent plus conscients de ces absurdités (« flim-flam »), ils deviennent de plus en plus sceptiques. Ceci, associé aux turbulences sur les marchés financiers, ralentit l'afflux d'argent dans les fonds durables. Il est sûrement temps, alors, de repenser l'ESG. La première étape consiste à dissocier ces trois lettres : E, S et G. Plus il y a de cibles à atteindre, moins il y a de chance de cibler l'une d'entre elles. En ce qui concerne S, dans une économie dynamique et décentralisée, les entreprises individuelles prendront des décisions différentes quant à leur conduite sociale dans la poursuite de profits à long terme dans le respect de la loi. Les entreprises technologiques peuvent faire appel aux valeurs des jeunes employés pour les retenir ; les entreprises des secteurs en déclin peuvent être obligées de licencier. Il n'y a pas de modèle unique. L'art de la gestion, ou G, est trop subtil pour être capturé en cochant des cases. Les entreprises britanniques cotées en bourse ont un code de gouvernance élaboré et des performances lamentables.

Il vaut mieux se concentrer simplement sur le E. Pourtant, même cela n'est pas assez précis. L'environnement est un terme qui englobe tout, y compris la biodiversité, la rareté de l'eau, etc. Le danger de loin le plus important provient des émissions, en particulier celles générées par les industries crachant du carbone. En termes simples, le E ne devrait pas représenter les facteurs environnementaux, mais uniquement les émissions. Les investisseurs et les régulateurs font déjà pression pour rendre la divulgation par les entreprises de leurs émissions plus uniforme et universelle. Plus ils sont standardisés, plus il sera facile d'évaluer quelles entreprises sont les grands coupables de carbone et lesquelles font le plus pour réduire les émissions. Les gestionnaires de fonds et les banques devraient être mieux à même de suivre les empreintes carbone de leurs portefeuilles et de savoir si elles diminuent avec le temps.

Seule une meilleure information aidera à lutter contre le réchauffement climatique. En révélant plus précisément quelles entreprises polluent, cela aidera le public à comprendre ce qui fait vraiment une différence pour le climat. Un nombre croissant de consommateurs et d'investisseurs altruistes peuvent choisir de favoriser les entreprises propres même si cela leur coûte financièrement. Et même s'ils peuvent s'en tirer en polluant aujourd'hui, de nombreuses entreprises et investisseurs s'attendent à ce qu'une réglementation plus stricte des émissions de carbone vienne à terme et souhaitent mesurer leurs risques et adapter leurs modèles commerciaux.

d) Le risque de « purpose washing »

Remis au Gouvernement le 19 octobre 2021 et dressant un bilan de la loi PACTE deux ans après sa mise en oeuvre, le rapport de M. Bris Rocher 11 ( * ) évoquait clairement le « risque de purpose washing (ou d'accusations de purpose washing) des dispositifs de raison d'être inhérents à la société à mission », .

Dans la lignée du « greenwashing » (verdissement d'un discours sans engagement environnemental réel lui correspondant), le « purpose washin g » consiste à afficher une « raison d'être », une « mission » ou un engagement social et environnemental, sans que cela soit sincère, effectif et transparent .

Selon ce rapport, « ce risque est relevé à la fois par les promoteurs de la loi soucieux de préserver la crédibilité de leurs propres démarches, mais aussi de la part des sceptiques. La loi Pacte n'est pas prescriptive du niveau d'ambition que se fixent les sociétés dans leurs propres objectifs. La qualité de société à mission peut en effet prêter le flanc à l'accusation de purpose washing par la définition d'objectifs volontairement limités dans leur portée. Il s'agit donc de trouver le juste équilibre entre une forme d'exigence de ces dispositifs de façon à les légitimer tout en maintenant une grande accessibilité pour les entreprises ». Certes, soupçonnant des actions de pure communication, les associations et les consommateurs sont de plus en plus attentifs à des manipulations d'opinion toujours possibles et les dénoncent désormais, selon le principe du name and shame (« nommer et faire honte »).

Cependant, salariés et dirigeants des entreprises à mission peuvent douter eux-mêmes de la sincérité de l'engagement dans une démarche RSE.

Ainsi, et selon une enquête BVA 12 ( * ) , même si au total 75 % jugent que présenter la « raison d'être » de l'entreprise dans laquelle ils travaillent est important et que 77 % estiment que, « au-delà de son activité économique, leur entreprise joue un rôle au sein de la société », 69 % considèrent que la raison d'être est d'abord « une opération de communication », et seuls 31 % y voient « avant tout le reflet de convictions sincères ». Par ailleurs, 46 % des dirigeants interrogés estiment que ces changements statutaires sont « surtout de l'affichage et que rien ne garantit que l'entreprise s'engage vraiment » .

Pourtant, « la raison d'être est engageante et sa violation peut entraîner la responsabilité civile de la société ou des dirigeants ou leur révocation . Le risque juridique lié à la raison d'être en fait un dispositif engageant et opposable et lui donne ainsi une vraie crédibilité » estimait le rapport.

3. Un label ISR remis en question

Signe de cette défiance, un rapport de l'Inspection générale des finances sur le label ISR, paru en décembre 2020 13 ( * ) , avertissait que ce dernier « à moins qu'il n'évolue radicalement », s'exposait « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».

Il s'agit d'un label de l'État 14 ( * ) , qui engage sa crédibilité.

Créé en 2016, il a fait l'objet d'une large appropriation par les acteurs de la place puisque l'encours total des fonds labellisés atteint désormais 212 Md€, soit 5,8 % de l'épargne financière des ménages français. Diffusé en Europe, il labellisait, au 8 mars 2021, 690 fonds pour un total de près de 470 milliards d'euros d'encours.

Or, le rapport souligne que : « le fondement des exigences de sélectivité sur la notation ESG ne saurait garantir la responsabilité ou la durabilité des investissements. En l'absence d'exclusions sectorielles définies dans le label, la sélectivité repose uniquement sur la notation ESG des émetteurs, qui s'avère pourtant encore très malléable . En effet, les notations ESG d'un même émetteur peuvent être extrêmement hétérogènes 15 ( * ) ».

Le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance a lancé sa réforme, le 25 mars 2021, en désignant Michèle Pappalardo, ancienne commissaire générale au développement durable, pour présider le groupe de travail chargé de la réforme du référentiel que « d'aucuns ont utilisé pour flirter avec l'écoblanchiment » selon ses propos. Son actualisation est d'autant plus nécessaire qu'il doit être harmonisé avec les réglementations européennes en matière de finance durable dans le cadre du Green deal 16 ( * ) , dont la clé de voûte est constituée par le règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, désigné sous les termes de « loi européenne sur le climat ».

Ces orientations envisagent d'introduire, dans la définition de l'investissement responsable que retient le label, une dimension plus explicite de durabilité, de prendre en considération la double matérialité, financière et extra-financière, d'équilibrer les critères ESG 17 ( * ) , de prendre véritablement en compte l'objectif climatique, d'envisager un système de gradation 18 ( * ) , d'adapter le référentiel aux différents types de produits financiers et de l'actualiser.

La tâche est donc ardue et un consensus n'était toujours pas réalisé à la date de rédaction de ce rapport. De grandes orientations ont été soumises à consultation le 29 juillet 2022 et les arbitrages de l'État devraient être rendus début 2023. La Délégation aux entreprises du Sénat suivra ce dossier avec attention.

4. Un mauvais classement de la France au regard des Objectifs de Développement Durable en matière climatique

La prise en compte des externalités négatives dégrade la position de la France. Dramatiquement importatrice, la France voit sa balance commerciale plomber son classement vertueux au regard des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations-Unies.

Le 2 juin 2022, le Réseau de Solution pour le Développement Durable (SDSN) 19 ( * ) a publié le Rapport mondial sur le Développement Durable 20 ( * ) , qui présente l'indice et les visualisations interactives documentant les progrès réalisés vers les ODD.

Le rapport considère que les crises internationales, multiples et simultanées, « ont stoppé les progrès vers les objectifs globaux adoptés par tous les pays membres de l'ONU (Organisation des Nations Unies) lors du sommet historique de 2015 ».

Le rapport estime que les multiples crises simultanées dans les champs sanitaire, climatique, de la biodiversité, géopolitique et militaire « représentent des contretemps majeurs pour le développement durable à l'échelle mondiale ». L'indice ODD moyen au niveau mondial a légèrement diminué en 2021 pour la deuxième année consécutive, en raison de l'impact de la pandémie. En plus de leurs coûts humanitaires très lourds, les conflits militaires provoquent des retombées considérables à l'international pour la sécurité alimentaire et les prix de l'énergie, qui amplifient la crise climatique et la crise de la biodiversité. Ces conflits « empêchent de surcroît de penser et d'investir à long-terme ».

La France, qui se targue de se classer 7 ème sur 163 pays, performe relativement bien sur les objectifs socio-économiques, incluant l'ODD 1 ( Pas de pauvreté ), l'ODD 5 ( Équilibre entre les sexes ) et en matière d'accès aux services publics ( Santé, numérique, énergie ) malgré des inégalités persistantes notamment dans le domaine de l'éducation.

En revanche, elle « obtient ses pires résultats sur les ODD 12 (Consommation et production responsable) et l'ODD 13 (Lutte contre le changement climatique) », qui sont pourtant au coeur de la problématique du réchauffement climatique.

Le rapport indique que « ces résultats sont tirés vers le bas, notamment en raison d'externalités négatives générées par la consommation en France sur le reste du monde » en raison des fortes importations de notre pays qui génèrent un déficit commercial chronique et croissant.

En prenant en considération les externalités négatives, la France se classe en définitive 154 ème sur 163 pays, rejoignant les autres pays industriels en bas de ce classement relatif aux ODD 12 et 13 (Grande-Bretagne : 152 ème , Allemagne 149 ème , États-Unis : 142 ème , Espagne : 136 ème , Italie : 125 ème ). Seuls la Suisse, les Pays-Bas et la Belgique sont moins bien classés.

En matière d'efforts pour intégrer les ODD dans ses stratégies et les pratiques du secteur public , « la France est dans la catégorie « Engagement faible », bien en dessous des pays nordiques et d'autres pays du G20 (Allemagne, Argentine, Autriche, Japon et Mexique) mais au-dessus du Brésil, des États-Unis et de la Russie », selon le SDSN.

Comme l'a confirmé M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises au sein du ministère de l'Économie, des finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, lors de la 6 ème Journée des entreprises organisée le 13 octobre 2022 : « dans les dernières décennies, une partie de la décarbonation des entreprises s'est faite par le biais de délocalisations ».


* 1 « Repenser la place des entreprises dans la société : bilan et perspectives deux ans après la loi Pacte », rapport de Bris Rocher au ministre de l'Economie et des finances, octobre 2021.

* 2 « Repenser la place des entreprises dans la société : bilan et perspectives deux ans après la loi Pacte », », rapport de Bris Rocher au ministre de l'Economie et des finances, octobre 2021.

* 3 « Danone, une illustration des fragilités du statut d'entreprise à mission », par Bertrand Valiorgue Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne (UCA), The Conversation, 8 mars 2021.

* 4 « Why activist hedge funds target socially responsible firms : The reaction costs of signaling corporate social responsibility », Mark R. DesJardine, Emilio Marti, & Rodolphe Durand. 2020. Academy of Management Journal : forthcoming. Access via : https://tinyurl.com/yd2v6tey

* 5 « La France est le seul grand pays à s'être limité au seuil de 5 % prévu par la directive européenne ; des seuils à 1, 2 ou 3 % ont en effet été introduits dans de nombreux pays européens, notamment l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l'Italie » selon la communication de l'Autorité des marchés financiers sur l'activisme actionnarial d'avril 2020.

* 6 L'indice S&P 500 (SPX), créé par Standard & Poor's en 1962, est le plus représentatif de l'économie américaine parmi les trois principaux indices, puisqu'il couvre environ 80 % du marché boursier américain par sa capitalisation boursière. Sa valeur est calculée en pondérant chaque entreprise en fonction de cette dernière, puis en appliquant un diviseur, déterminé par l'agence S&P. Le calcul, de manière simple, est le suivant : somme de la capitalisation de l'ensemble des composantes divisée par le diviseur, soit le total des capitalisations/diviseur.

* 7 « ESG should be boiled down to one simple measure: emissions. Investment and sustainability: Three letters that won't save the planet ».

* 8 Instrument financier hybride qui regroupe les caractéristiques de deux instruments : (i) un fonds : comme une SICAV ou un FCP, un ETF collecte l'épargne des investisseurs et émet des parts. À la différence des OPCVM (SICAV ou FCP), où chaque souscription (rachat) donne lieu à l'émission (destruction) d'une ou plusieurs parts, les parts d'un ETF sont créées avant tout achat par les investisseurs finaux et (ii) une action : un ETF est un titre négociable en bourse, dont le prix de négociation dépend de l'offre et de la demande. L'investissement dans un fonds constitue une souscription et implique des frais plus importants car l'opération est plus lourde sur le plan administratif.

La valorisation d'un ETF est particulière. En effet, comme l'ETF a pour fonction de répliquer un indice de référence du marché, son actif est constitué des valeurs qui composent l'indice, dans les mêmes proportions. L'ETF a donc une valeur liquidative égale à la valorisation pondérée des valeurs qui composent son actif, divisée par le nombre de parts, comme n'importe quel fonds. Cependant, comme l'ETF est également un actif coté sur le marché, il a aussi un prix qui varie en fonction de l'offre et de la demande sur le marché.

* 9 « Observatoire Quantalys de la Gestion ETF 2021-2022», en partenariat avec BNP Paribas Asset Management, 7 avril 2022.

* 10 Pages 146 et suivantes.

* 11 « Repenser la place des entreprises dans la société : bilan et perspectives deux ans après la loi Pacte ».

* 12 Réalisée du 14 juin au 2 juillet 2021 pour le compte du comité Impacte auprès de 1 500 salariés.

* 13 bit.ly/IGF-label-ISR

* 14 « Propriétaire du label ISR, l'État définit son contenu, organise et anime la consultation des parties prenantes. Le ministre chargé des finances a compétence pour établir par arrêté le référentiel et le plan de contrôle et de surveillance du label. Il nomme également les membres de la comitologie, la DG Trésor étant chargée du secrétariat et de l'animation de leurs travaux », rapport précité.

* 15 « Le défaut d'harmonisation des notations ESG s'observe à plusieurs niveaux : sur la finalité de la notation (matérialité financière ou extra-financière, risques ou opportunités) ; sur la méthodologie d'agrégation des données (notation absolue en fonction de critères ou relative au sein d'un secteur, pondération des trois piliers E, S et G) ; sur les données elles-mêmes (indicateurs quantitatifs et informations qualitatives, publication par l'émetteur ou estimation à partir de sources externes) », idem.

* 16 Mercredi 5 janvier 2022, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a organisé une table ronde sur les enjeux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en matière environnementale sur le thème : « Comment la France peut-elle influencer le Pacte vert ? ».

* 17 « La méthode « best in class » actuelle permet de s'assurer d'un résultat « moyen » sur les trois piliers E, S et G, mais ce résultat peut être atteint de manière très déséquilibrée, avec un très bon résultat dans un ou deux des trois domaines ESG et de bien moins bons résultats dans les autres. Or, la recherche de l'équilibre et de la cohérence est au coeur des démarches de développement durable. Il faut donc pouvoir s'assurer, par des notes ou des niveaux planchers, que les résultats sur les trois piliers sont équilibrés et que les fonds ne font pas l'impasse sur l'une ou l'autre de ces trois dimensions ».

* 18 « La possibilité d'un système de gradation, permettant de proposer, au-delà de ce socle à l'exigence renforcée, des niveaux d'exigences supplémentaires du label ISR, aurait un effet probablement stimulant pour les gestionnaires de fonds mais au risque peut-être de nuire à la lisibilité de l'ensemble ».

* 19 Le réseau SDSN France a été lancé le 13 novembre 2018 à Paris par l'université PSL, KEDGE Business School et CY Cergy Paris Université (ex-université de Cergy-Pontoise). Ces établissements d'enseignement supérieur s'engagent à trouver et diffuser des solutions pour atteindre les objectifs de développement durable.

* 20 https://www.sdgindex.org

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