C. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE UNE POLITIQUE EXIGEANTE DE QUALITÉ DE L'EAU

1. Le changement climatique aggrave le risque de dégradation de la qualité de l'eau

Le réchauffement climatique n'entraîne pas seulement une hausse de la température de l'air, mais aussi une hausse de la température des eaux de surface. Des études ont montré ainsi que la Loire moyenne s'est réchauffée de 1,2°C en 32 ans ou encore que le lac du Bourget a vu la température des eaux augmenter de 1,1°C entre 1984 et 2011 88 ( * ) .

Or, plus la température augmente, moins les eaux sont oxygénées (la teneur en dioxygène de l'eau se réduit), pouvant alors entraîner une dégradation rapide du milieu, notamment une surmortalité des poissons. On considère que les truites ne survivent pas au-delà de 27°C, les brochets au-delà de 28°C. Seules les carpes peuvent supporter une eau particulièrement chaude puisqu'elles survivent jusqu'à 38°C. Or, il n'est pas rare que la température des fleuves atteigne voire dépasse les 25°C en été, avec des pics encore plus élevés lors des fortes chaleurs. L'hiver, une température de l'eau insuffisamment froide peut perturber les cycles de reproduction. D'une manière générale, le réchauffement de l'eau modifie l'équilibre chimique et biologique du milieu.

La flore est également affectée avec la prolifération d'algues et de mousses qui modifient les équilibres écologiques des cours d'eau et peuvent renforcer encore la perte de teneur en oxygène de l'eau. On peut assister également au développement de bactéries qui apprécient particulièrement les eaux plus chaudes.

D'autres désagréments peuvent intervenir lorsque les cours d'eau et les plans d'eau se réchauffent, comme les dépôts nauséabonds.

Les problèmes posés par la hausse de température des rivières se combinent avec ceux posés par la baisse des étiages . Moins d'eau circulant dans les cours d'eau se traduit par une moindre dilution des polluants et donc, mécaniquement, par une plus forte concentration de ceux-ci. À rejets égaux, les taux de non-conformité augmentent lorsque les débits baissent.

La baisse des débits a aussi un impact négatif sur la biodiversité, en fragmentant les milieux et en empêchant la mobilité des poissons ou des amphibiens, notamment jusqu'à leurs lieux de frayères.

Les deux phénomènes s'alimentent mutuellement : moins d'eau cela signifie aussi une eau globalement plus chaude et qui monte plus vite en température lors des épisodes caniculaires.

La problématique qualitative et la problématique quantitative de l'eau se rejoignent ainsi. Nous allons en conséquence devoir faire face à une obligation de compenser la tendance à la dégradation de la qualité de l'eau du fait de l'élévation des températures.

2. Un enjeu de santé environnementale

Il y a là un enjeu sanitaire qu'il ne faut pas négliger et qui ne se limite pas à l'eau potable.

Il est évident que fournir une eau potable de qualité est la première garantie à apporter à nos concitoyens. Mais les exigences que nous devons avoir vis-à-vis de la qualité de l'eau ne doivent pas se réduire à cette seule dimension.

L'eau constitue en effet un maillon essentiel dans la chaîne de sécurité sanitaire et de santé publique dans l'approche « One Health ». Selon l'ANSES, le concept « One Health » (en français : une seule santé), est mis en avant depuis le début des années 2000, avec la prise de conscience des liens étroits entre la santé humaine, celle des animaux et l'état écologique global. Il existe une interdépendance forte entre ces trois domaines, et les nouvelles maladies trouvent souvent leur source dans une dégradation initiale des écosystèmes. Les interactions entre domaines sont complexes mais nombreuses. Ainsi, l'antibiorésistance est considérée comme résultant d'une surconsommation d'antibiotiques, notamment dans les élevages, dont les traces se retrouvent dans l'eau et dans les aliments, et qui contribuent à faire évoluer les bactéries, conformément à la théorie de l'évolution, vers des formes plus résistantes et donc plus difficiles à traiter lors des infections touchant les humains.

Le 4 ème plan national santé environnement (PNSE) présenté en 2021 met ainsi en avant ce concept. Il encourage une stratégie de réduction des pollutions à la source , à la fois moins coûteuse que des stratégies de traitement des pollutions et plus efficace, dans la mesure où, une fois disséminés, les polluants sont moins facilement traitables.

L'eau est un vecteur de circulation de très nombreux micro-organismes qu'il faut contrôler. L'enjeu sanitaire premier lié à la qualité de l'eau se rapporte d'abord à la fourniture d'eau potable. Mais l'eau est aussi vecteur d'un certain équilibre des écosystèmes. Elle structure la présence des oiseaux migrateurs ou encore d'une faune et flore aquatique qui rend des services écosystémiques importants, par exemple en régulant les populations d'insectes.

La dégradation de la qualité de l'eau dégrade donc par ricochet les écosystèmes et affecte potentiellement la santé animale et la santé humaine de manière incontrôlée. C'est pourquoi la fixation d'un haut niveau d'exigence en matière de qualité de l'eau et de maîtrise des impacts des non-conformités sur l'environnement reste absolument nécessaire.

Conclusion :

Il ne faut pas céder à un éco-pessimisme largement infondé lorsque l'on se penche sur la qualité de l'eau. La France a considérablement renforcé ces dernières années son arsenal de contrôle des pollutions des milieux aquatiques, notamment en améliorant le fonctionnement des stations d'épuration. Nous avons aussi édicté des normes drastiques de concentration des polluants dans les eaux destinées aux consommateurs, conformément à notre politique de sécurité de l'alimentation.

La qualité de l'eau fournie aux consommateurs est ainsi de niveau élevé, même si des valeurs-limites, par exemple sur les nitrates, peuvent avoir été ponctuellement dépassées. Les dispositifs de contrôle des eaux distribuées par les services d'eau potable organisent au demeurant un maillage serré destiné à garantir au consommateur dans les meilleures conditions le droit d'accès à celle-ci prévu par la loi.

La France s'est inscrite dans un plus vaste mouvement associant l'ensemble des États membres de l'Union européenne dans la recherche d'une politique de l'eau assurant un haut niveau de protection de la qualité de la ressource sur le long terme et au-delà des seules considérations de fourniture d'eau potable.

Cette exigence est d'autant plus forte que le réchauffement climatique pourrait aggraver les effets de la pollution des eaux et que la dégradation des milieux aquatiques est susceptible de rétroagir sur la santé humaine à travers des pollutions environnementales difficiles à identifier et à traiter. Préserver la qualité de l'eau à la source est également une stratégie intelligente du point de vue économique, puisqu'elle évite des traitements de potabilisation coûteux ou de devoir aller puiser l'eau plus loin des lieux de consommation, augmentant la taille du réseau de distribution et donc son coût.

La persistance de pollutions diffuses est aujourd'hui le plus grand défi qui est posé à la qualité de l'eau. Une part significative de cette pollution diffuse provient de produits phytopharmaceutiques ou de fertilisants qui, en se disséminant, se diluent voire se transforment et, en tout état de cause, ne disparaissent pas entièrement de notre environnement. Le secteur agricole, principal émetteur de ces substances, est donc mis fortement à contribution pour faire baisser la pression sur les milieux, ce qui n'est pas chose aisée, comme en témoigne le relatif échec du plan Ecophyto.

Il convient de ne pas baisser la garde et de maintenir un haut degré d'exigence en matière de qualité des eaux de surface comme des eaux souterraines , car il en va de notre environnement, et donc de notre santé.


* 88 https://www.eaufrance.fr/les-impacts-du-changement-climatique-sur-leau

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