D. LA « MISSION D'INTÉRÊT GÉNÉRAL » N'EST PAS LE MEILLEUR OUTIL POUR FAVORISER L'ENGAGEMENT

1. La seconde phase du service national universel, la « mission d'intérêt général », est loin d'être accomplie systématiquement par les participants au séjour de cohésion

La seconde phase qui a vocation à devenir « obligatoire » du service national universel, la mission d'intérêt général, concentre des enjeux financiers moins importants que le séjour de cohésion, mais elle tient une place importante dans la symbolique du service national universel. Elle doit concrétiser le projet que le SNU n'est pas seulement une formation obligatoire pour les élèves de seconde, mais également un instrument au service de la cohésion nationale .

Malgré cet objectif louable, la mission d'intérêt général n'est pas satisfaisante en l'état actuel .

Pour mémoire, la « mission d'intérêt général », phase 2 du SNU, consiste en une mission d'engagement d'un minimum de 12 jours consécutifs ou 84 heures réparties au cours des 12 mois suivant l'accomplissement de la première phase. Le cadre de la mission d'intérêt général est défini par un contrat d'engagement.

L'option de rendre obligatoire une phase d'engagement longue, d'une durée de plusieurs mois sur le modèle du service civique, n'avait en effet pas été retenue. Les contraintes ont été jugées, à raison, trop importantes sur le parcours des jeunes. Il a été donc été préféré de rendre obligatoire un engagement court, et de laisser facultatif l'engagement sur plusieurs mois, tout en le consacrant comme la phase 3 du service national universel .

Un engagement d'une durée aussi courte soulève toutefois plusieurs difficultés. Les structures d'accueil, autant les associations que les institutions publiques, sont réticentes à accueillir des jeunes pour des durées inférieures à plusieurs mois .

Premièrement, les coûts (formations, adaptation de l'espace de travail) ne sont parfois pas négligeables pour ces structures . À cet égard, l'accueil et la mise en oeuvre de mission d'intérêt général ne fait pas l'objet de compensation par la puissance publique : « la phase 2 n'a pas de coût direct, car la structure d'accueil n'est pas indemnisée pour prendre en charge le volontaire. Aucune rémunération ou gratification ne peut également être attribuée au volontaire. » 34 ( * ) .

Ensuite, la présence d'un jeune sur le lieu d'une institution ou d'une association peut également comporter des risques au titre de la sécurité au travail, qui peut expliquer la réticence des structures à l'accueil des missions d'intérêt général.

En retour, le jeune peut difficilement être véritablement « utile » pour l'association, puisque sur une durée aussi courte, il ne peut que commencer à découvrir l'organisation au sein de laquelle il est volontaire . La mission d'intérêt général apparaît ainsi, comme elle a été décrite par plusieurs personnes auditionnées, comme un « stage de troisième amélioré ». Il ne s'agit bien entendu pas de dévaluer l'expérience que peut représenter la mission d'intérêt général pour un jeune, mais de souligner que l'engagement des structures d'accueil dans le dispositif est loin d'être acquise.

Enfin, il peut être difficile pour des jeunes de trouver une mission d'intérêt général proche de chez eux, en particulier pour ceux qui vivent dans des zones rurales . Cet enjeu était déjà relevé par la DJEPVA lors de son audition par la mission d'information « Culture citoyenne » du Sénat : « les principales difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces missions concernent la constitution d'une offre de MIG variée au plus près des lieux de vie des volontaires et le suivi de leur réalisation » 35 ( * ) . Ces difficultés ont été confirmées en audition devant le rapporteur spécial.

Des mécanismes ont été mis en oeuvre par l'administration afin de faciliter l'accomplissement de la mission d'intérêt général. Ainsi, il est désormais possible pour le jeune d'autoriser le transfert de ses données au préfet du département et à la mairie de sa commune pour faciliter la recherche d'une mission d'intérêt général. Ces systèmes ne permettent toutefois pas de remédier au problème structurel du manque de mission d'intérêt général .

À ce titre, les données montrent que l'accomplissement de la phase 2 par les jeunes ayant effectué le séjour de cohésion présente des lacunes. En effet, sur l'ensemble des jeunes ayant effectué le séjour de cohésion entre 2019 et 2021, on compte 11 200 jeunes ayant validé la phase 2 du SNU, ce qui représente 53,7 % des volontaires.

Pour la cohorte de 2022, selon les chiffres disponibles en février 2023 :

- 3 400 jeunes ont validé la phase 2 du SNU, ce qui représente 10,6 % des volontaires qui ont effectué le séjour de cohésion cette année ;

- 14 700 jeunes sont en cours de réalisation de la phase 2, soit 45 % des jeunes, dont 2 300 sont en train de réaliser la mission d'intérêt général, et le reste est en attente de validation de leur candidature ou de démarrage de leur mission ;

- 13 400 jeunes n'ont pas commencé la phase 2, c'est-à-dire n'ont pas déposé leur candidature ;

- 700 volontaires se sont désistés du dispositif.

Accomplissement de la mission d'intérêt général
par les jeunes ayant effectué le séjour de cohésion en 2022

Source : commission des finances, d'après les réponses des services de la secrétaire d'État chargée du service national universel au questionnaire du rapporteur spécial

2. La phase d'engagement courte obligatoire doit être supprimée au profit d'un engagement volontaire sur le temps long

Au regard de ces éléments, la mission d'intérêt général présente trop de contraintes pour qu'elle puisse représenter un véritable bénéfice pour le jeune qui accomplit le service national universel, ainsi que la société dans son ensemble .

Ensuite, d'un point de vue plus philosophique, l'idée d'un engagement « obligatoire » est paradoxale . Il apparaît au rapporteur spécial qu'il est préférable de faire confiance aux jeunes , dont l'engagement n'est pas à prouver, et de ne pas rendre obligatoire la phase d'engagement du service national universel.

Le rapporteur spécial recommande donc la suppression de la phase 2 du SNU au profit de sa phase 3, l'engagement volontaire sur plusieurs mois .

Recommandation n° 2 : supprimer la phase 2 du service national universel, « la mission d'intérêt général », au profit de la phase 3, la phase d'engagement volontaire sur plusieurs mois.

Devenir volontaire dans une association ou accomplir un service civique pendant plusieurs mois représente toutefois un investissement en temps conséquent pour les jeunes, qui ont déjà un emploi du temps chargé dans l'enseignement secondaire, et qui sont soumis à la pression de la sélection dans l'enseignement supérieur.

Or, ne pas rendre obligatoire la phase d'engagement du service national universel ne signifie pas qu'elle ne doit pas être valorisée par la suite. Au contraire, la société devrait montrer sa reconnaissance aux jeunes qui s'engagent .

Mieux valoriser l'engagement associatif et la réalisation d'un service civique, ou d'un autre service volontaire, dans Parcoursup est une option qui a été évoquée à plusieurs reprises dans les auditions. Le rapporteur spécial considère qu'elle est pertinente .

Recommandation n° 3 : davantage valoriser l'accomplissement de la phase d'engagement volontaire sur le temps long via Parcoursup.


* 34 Réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial.

* 35 Mission d'information sur « La redynamisation de la culture citoyenne : Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer », Stéphane Piednoir (Président) et Henri Cabanel (Rapporteur), juin 2022, Compte rendu du 9 février 2022.

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