LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : afin d'optimiser la gestion de la flotte d'aéronefs, formaliser au sein d'un document unique une stratégie d'investissement pluriannuelle et séquencée pour le renouvellement des moyens aériens de lutte contre les feux (DGSCGC) ;

Recommandation n° 2 : établir un bilan coût-avantage précis sur l'opportunité de prolonger l'utilisation des plus anciens avions Dash de la flotte ou d'engager l'acquisition de nouveaux appareils (DGSCGC) ;

Recommandation n° 3 : engager au niveau national, voire de l'Union européenne, une réflexion sur le développement d'une capacité de production industrielle d'un bombardier d'eau (Gouvernement et Commission européenne) ;

Recommandation n° 4 : afin de diversifier la flotte aérienne de lutte contre les feux, accélérer l'acquisition d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau (DGSCGC et Commission européenne) ;

Recommandation n° 5 : afin de dynamiser le recrutement des pilotes de bombardiers d'eau, renforcer les actions de communication visant à promouvoir le métier de pilote de la sécurité civile auprès de l'Armée de l'Air (DGSCGC) ;

Recommandation n° 6 : afin de clarifier et d'objectiver la doctrine de prépositionnement des aéronefs dans les zones à risque, unifier la méthodologie d'analyse du risque de départ de feux de forêt sur l'ensemble des territoires exposés au risque incendie, en s'appuyant sur le croisement des données de Météo-France et de l'Office national des forêts (DGSCGC) ;

Recommandation n° 7 : afin d'assurer une couverture optimale du territoire par les moyens aériens, sécuriser la base de Nîmes comme base principale des aéronefs bombardiers d'eau, et prévoir chaque été le détachement de plusieurs appareils dans les territoires à risque (DGSCGC) ;

Recommandation n° 8 : afin de faciliter le ravitaillement des bombardiers d'eau en période de forte intensité opérationnelle, garantir une meilleure couverture du territoire par le réseau de pélicandromes, notamment dans le Sud-Ouest de la France (DGSCGC) ;

Recommandation n° 9 : engager une réflexion sur une éventuelle réforme du financement des pélicandromes, afin de renforcer sa lisibilité et sa cohérence au regard de l'extension du risque incendie à l'ensemble du territoire (DGSCGC).

I. LES AÉRONEFS BOMBARDIERS D'EAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UNE FLOTTE DIVERSE DONT LA DOCTRINE D'EMPLOI A FAIT SES PREUVES

A. UNE FLOTTE AÉRIENNE DE LUTTE CONTRE LES FEUX DIVERSIFIÉE

La flotte d'aéronefs de la sécurité civile consacrée à la lutte contre les feux de forêt est actuellement composée de 12 Canadair CL415, 8 avions Dash, et 3 avions Beechcraft King 200.

Composition de la flotte de la sécurité civile consacrée à la lutte contre les feux

Type d'appareils

Quantité

Caractéristiques techniques

Coût d'acquisition

Estimation du coût actuel

Avions
Canadair C415

12

- Avion amphibie

- Capacité d'emport de 6 000 litres

- Largage d'eau et, marginalement, de produit retardant courte durée

- Vitesse de projection : 330 km/h

- 2 pilotes

20 millions
d'euros

Entre 60 et 64 millions d'euros

Avions Dash 8 MRBet

6

- Avion « multi rôle »

- Ravitaillement terrestre

- Capacité d'emport de 10 000 litres

- Largage de produit retardant et d'eau

- Vitesse de projection : 650 km/h

- 2 pilotes

60 millions
d'euros

40 millions d'euros

Avions Dash 8 MR

2

22 millions
d'euros*

S.O

Avions Beechcraft B 200

3

- Avion de reconnaissance et de commandement

- Vitesse de projection : 445 km/h

- 1 pilote

1,5 millions
d'euros*

9 millions d'euros

* achat d'occasion

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

1. Les avions « amphibies » bombardiers d'eau : une arme massive de lutte contre les feux de forêt

La France dispose aujourd'hui d'une flotte de 12 Canadair, acquis il y a plus de 25 ans pour un coût unitaire de 20 millions d'euros. Ces avions disposent d'une capacité de largage d'eau de 6 000 litres, ce qui les rend particulièrement efficaces pour lutter contre les feux. Les Canadair sont des avions dits « amphibies », dans la mesure où ils disposent d'une capacité à écoper sur des plans d'eau et à s'y ravitailler. La présence d'un plan d'eau à proximité d'une zone d'intervention permet de limiter les délais de rotation2(*) des Canadair, et conditionne donc l'efficacité de leurs actions contre les feux.

La doctrine d'intervention des Canadair repose sur un engagement massif des moyens sur un même feu. La concentration des forces aériennes permet en effet d'enrayer plus efficacement l'évolution d'un incendie qu'une répartition homogène de la flotte sur l'ensemble des départs de feu. C'est pourquoi les norias de Canadair sont généralement armées de quatre appareils.

Les difficultés posées par le vieillissement de cette flotte ont été plusieurs fois rappelées par le rapporteur spécial3(*). Ce vieillissement est aujourd'hui susceptible d'impacter sensiblement la disponibilité opérationnelle de Canadair. Un renouvellement de ces appareils a été annoncé par le président de la République, mais se heurte à plusieurs obstacles, liés notamment au délai de production du nouveau modèle de Canadair (voir infra).

2. Les avions « multi rôles » jouent un rôle essentiel dans l'attaque des feux naissants

La flotte est également composée de huit avions Dash, dont les six plus récents ont été acquis entre 2019 et 2023. Ils participent activement à la mission de guet aérien armé (GAAr), pilier de la doctrine française d'intervention contre les feux (voir infra), qui consiste à survoler préventivement les zones à risque, dans le but de repérer les feux dès leur déclenchement et de les attaquer au plus vite.

Pour ce faire, les Dash sont armés d'une capacité de largage de 10 000 litres composés généralement d'un mélange d'eau et de produit retardant. Ce produit chimique permet d'augmenter l'efficacité des largages. D'après la DGSCGC, l'emploi de ce produit est particulièrement pertinent aux abords du feu. Le retardant permet en effet de réaliser une ligne d'appui pour la défense de points sensibles, ou pour ralentir la progression des flammes sur des secteurs difficiles d'accès, qui pourront être traités ultérieurement par les sapeurs-pompiers au sol. Le ravitaillement des Dash en retardant est réalisé sur une des 22 stations d'avitaillement, appelées couramment les « pélicandromes ». Ces stations sont aujourd'hui principalement situées dans la moitié sud du pays (voir infra).

Ces appareils sont considérés comme des avions « multi rôles », dans la mesure où leur polyvalence leur permet également de réaliser des missions de transport de passagers ou d'équipement. Ils disposent par ailleurs d'une vitesse de projection deux fois supérieure à celle des Canadair, qui leur permet par exemple de réaliser la distance reliant la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes à Bordeaux en une heure, contre deux heures pour les Canadair.

3. Certains appareils ne disposent pas de capacité de largage mais contribuent activement à la lutte contre les feux

La DGSCG dispose également de trois avions Beechcraft King 200. Contrairement aux appareils mentionnés ci-dessus, ces avions ne disposent d'aucune capacité de largage d'eau. Ils ont pour mission d'assurer la coordination des opérations aériennes, ainsi que des opérations de surveillance et de GAAr. Ils peuvent également, en cas de nécessité opérationnelle, transporter des personnels dans des zones difficiles d'accès. Ces appareils ont été acquis entre 1991 et 2001, pour un coût moyen d'1,5 million d'euros. Leur coût d'acquisition est aujourd'hui estimé à près de 9 millions d'euros.

Il convient également de mentionner les 33 hélicoptères « Dragons » EC-145 de la sécurité civile, qui ne disposent actuellement pas de capacité de largage d'eau mais participent à la lutte contre les feux de forêt par des missions concourantes, telles que des missions de reconnaissance, d'extraction d'équipes au sol, de coordination ou de commandement au profit du centre opérationnel de secours. Les prochains hélicoptères EC-145, dont la commande a été annoncée dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 20234(*), devraient disposer d'une capacité de largage d'eau, ce qui permettra de les mobiliser occasionnellement pour des missions de lutte contre les feux de forêt (voir infra).


* 2 Le délai de rotation désigne la durée entre deux largages réalisés par un avion bombardier d'eau.

* 3 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.