C. L'ACTION DES MOYENS TERRESTRES ET AÉRIENS DE LUTTE CONTRE LES FEUX DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS : UN COMPLÉMENT ESSENTIEL À L'ACTIVITÉ DE LA FLOTTE NATIONALE DE BOMBARDIERS D'EAU

1. L'importance de la coopération entre les moyens aériens nationaux et les moyens terrestres des services d'incendie et de secours

L'action des moyens aériens de lutte contre les feux serait inopérante sans la coopération des sapeurs-pompiers mobilisés au sol pour contenir et éteindre les incendies. Comme l'a souligné Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), « les avions ne peuvent pas éteindre les feux à eux seuls ».

À cet égard, la coopération entre les moyens mobilisés au sol par les SDIS et les moyens nationaux de lutte aérienne contre les feux est essentielle. Or, la FNSPF a souligné des difficultés de communication entre les SDIS et les pilotes de la flotte aérienne, liées à l'absence d'interopérabilité entre le système de communication radiophonique des pilotes et le système de radio Antares utilisé par les SDIS, et déjà identifiées par le rapporteur spécial dans son rapport de 2016 sur ce système de radiocommunication17(*). Ces difficultés ont été confirmées par Benoit Quennepoix, pilote de Dash, qui a souligné qu'il était parfois impossible pour les pilotes de joindre les centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours (CODIS). Certains SDIS ont fait le choix, pour remédier à ces difficultés, d'investir dans des postes radiologiques, ce qui implique des coûts non négligeables

Il ressort toutefois des auditions du rapporteur spécial que le Réseau Radio du Futur (RRF), qui a vocation à remplacer Antares à l'horizon 2024, pourrait constituer une solution pour garantir l'interopérabilité entre les systèmes radiophoniques des moyens aériens nationaux, et les systèmes de communication des SDIS. Le rapporteur spécial suivra plus particulièrement avec intérêt les possibilités d'interopérabilité entre ce système et le projet de système d'information mutualisé des SDIS, NexSIS 18-112, dont il avait souligné l'intérêt dans ses travaux dans un rapport publié en 2021 sur ce sujet18(*).

2. Les services d'incendie et de secours disposent également de moyens aériens propres, qui n'ont toutefois pas vocation à se substituer à la flotte nationale

Certains services d'incendie et de secours, essentiellement répartis dans la zone Sud, louent des moyens aériens de petite capacité pour intervenir sur les feux naissants, et ainsi, les contenir avant l'intervention, si nécessaire, des moyens aériens lourds de la flotte de la DGSCGC.

Les SDIS ont ainsi mobilisé sur l'année 2022 un total de 17 appareils, faisant tous l'objet d'un contrat de location.

Aéronefs bombardiers d'eau mobilisés par les SDIS en 2022

 

SDIS 06

SDIS 83

SDIS 13

BMPM19(*)

SDIS 30

SDIS 26

SDIS 84

SDIS 66

SDIS 2A

SDIS 2B

SDIS 34

Hélicoptères légers

2

4

2
(+1*)

1
(+1*)

2

1

1

1

1

1

S.O.

Avions bombardiers d'eau

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

3

* un appareil fait l'objet d'un cofinancement entre le SDIS 13 et le BMPM

Source : commission des finances d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

S'il n'existe pas de données précises et consolidées sur le coût impliqué par l'ensemble de ces contrats de location pour les SDIS, la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) a toutefois indiqué que le coût de location de ces appareils pour le SDIS du département du Var représenterait un montant annuel de 2,5 millions d'euros.

Par ailleurs, des mécanismes de mutualisation de ces moyens entre SDIS sont prévus depuis 2021, et financés par l'État. Des protocoles ont ainsi été mis en place avec certains SDIS pour que ces moyens départementaux soient engagés par la DGSCGC pour intervenir sur d'autres départements soumis à des incendies ou à des dangers importants.

Le rapporteur spécial a relevé, dans le cadre de ses auditions, la bonne intégration des moyens aériens des SDIS dans le dispositif de lutte contre les feux. D'après Benoit Quennepoix, pilote de Dash, « il n'y a aucune ambiguïté, à partir du moment où leur présence gène les moyens nationaux, les moyens aériens des SDIS quittent le feu ». Toutefois, selon la nature du sinistre et le délai de rotation des différents appareils, les moyens peuvent intervenir de manière combinée et coordonnée. La décision de les maintenir ou non sur zone est prise par le chef de noria. En cas de propagation rapide de l'incendie, les moyens aériens des SDIS peuvent s'intercaler entre chaque noria d'avions, afin d'assurer une continuité dans la lutte contre les feux.

La DGSCGC a souligné que cette articulation entre les moyens nationaux et ceux des SDIS est particulièrement satisfaisante, et permettrait d'éteindre plus de 80 % des feux naissants.

Le rapporteur spécial reconnait l'utilité et la complémentarité du recours à des moyens aériens par les SDIS, en complément de la flotte de bombardiers d'eau de la DGSCGC. Toutefois, il est important que le développement de ces pratiques ne conduise pas in fine à un désengagement de l'État dans ses propres moyens aériens. D'après Olivier Richefou, président du CNSIS, les moyens aériens devraient être « mutualisés au niveau national, dans la mesure où le risque s'étend sur tout le territoire. » Cette analyse est partagée par Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde, qui craint qu'un « glissement de tache » ne s'opère entre l'État et les départements, sur lesquels la prise en charge des moyens aériens pourrait se reporter. Cette pratique peut également faire peser un risque d'inégalités entre les SDIS ayant les moyens de recourir à ces appareils, et les autres, moins bien dotés.


* 17 Rapport d'information n° 365 (2015-2016), déposé le 3 février 2016.

* 18 Rapport d'information n° 658 (2020-2021), déposé le 2 juin 2021.

* 19 Bataillon des marins-pompiers de Marseille.