La concurrence ne doit pas justifier des comportements excessifs envers l'opérateur historique

Un équilibre indispensable

Le 1er janvier 1998 -dans 659 jours à la date de présentation du présent rapport- France Télécom perdra le monopole de droit qu'elle détient sur la téléphonie vocale depuis plus d'un siècle. L'entreprise n'en continuera pas moins -et pour longtemps- à conserver un monopole de fait en la matière. Son réseau sera le seul à mailler tout le territoire et tous les autres opérateurs devront s'y connecter pour que leurs clients puissent converser avec l'ensemble des utilisateurs du téléphone en France.

Cette position lui procurera d'indéniables avantages mais lui imposera en contrepartie des obligations que ses concurrents n'auront pas à supporter dans un premier temps, puisqu'aucun ne lui sera comparable. Ainsi, puisque tous devront se connecter à son réseau, il serait logique que France Télécom publie une offre générale d'interconnexion garantissant la transparence de ses tarifs et, ce qui en différera l'application aux autres, qu'une telle obligation ne pèse que sur les exploitants d'infrastructures possédant une part significative du marché.

Cette nécessité de traiter de manière différente des situations dissemblables ne doit pas conduire à appliquer systématiquement des régimes dissymétriques à l'opérateur historique et à ses challengers. Des obligations spécifiques trop lourdes ne pourraient qu'entraver la capacité d'adaptation de France Télécom et il faut qu'elle soit en mesure d'affronter le marché.

A l'inverse, il ne s'agirait pas que le législateur succombe à la tentation d'un " maternage réglementaire ". Celui-ci serait en définitive néfaste pour notre exploitant public. Il est impératif qu'il affronte directement la concurrence avant qu'elle se généralise, afin qu'il en tire immédiatement des enseignements qui lui permettront de devenir rapidement plus fort.

En l'espèce, la règle doit être : pas de spoliation, mais pas non plus de rente de situation !

Pas de spoliation : refuser l'utilisation téléphonique des réseaux du " Plan câble " sans juste rétribution

Dans le cadre du " Plan câble ", mis en oeuvre à partir de 1983, l'établissement des réseaux câblés locaux était confié à l'État et non aux communes. L'État a alors attribué à la Direction générale des Télécommunications -devenue depuis France Télécom- la maîtrise d'ouvrage et la propriété des réseaux, en laissant l'exploitation commerciale à la commune ou à l'exploitant que celle-ci choisissait.

Le régime juridique ainsi institué dissociait donc la propriété technique des infrastructures, détenue par l'opérateur public de télécommunication, et leur exploitation commerciale assurée par des sociétés privées, le plus souvent filiales des compagnies des eaux et communément appelées câblo-opérateurs. Ces derniers ont conclu avec les communes des conventions qui précisent leurs obligations de prestations de services de radiodiffusion sonore et de télévision sur le câble. Ils ont également négocié avec France Télécom des contrats d'exploitation qui fixe les conditions d'utilisation des réseaux du Plan câble.

La loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle a créé, à compter de sa publication, un nouveau régime juridique. Elle a donné aux communes la possibilité d'autoriser l'établissement des réseaux câblés et d'en choisir à la fois le constructeur et l'exploitant. Elle n'a en revanche pas remis en cause le statut des réseaux construits dans le cadre du Plan Câble.

De ce fait, aujourd'hui, France Télécom, avec 4 millions de logements connectés dans le cadre du Plan Câble, contrôle 65,9 % du parc total, avec seulement 44 réseaux sur les 373 qui existent en France. Ces 44 réseaux couvrent pour la plupart les principales villes de France, telles que Paris, Lyon, Marseille ou Toulouse.

Le maintien du régime juridique issu du Plan câble entraîne également que les contrats passés, dans ce cadre, entre les câblo-opérateurs et France-Télécom restent valables. Or, ces contrats limitent la mise à disposition des capacités de transport des réseaux aux seuls services de radio et de télévision et en excluent expressément les services de téléphonie.

En outre, France Télécom continue à assurer la maintenance des réseaux.

Face aux immenses enjeux commerciaux que recouvre le marché de la téléphonie dans les plus grandes villes françaises, les câblos-opérateurs critiquent la pérennisation de cette situation.

Ils font valoir que :

L'existence d'une séparation entre le commercial et le technique crée une interface entre l'opérateur et le client qui complique leur travail et retarde la résolution des problèmes, puisque directement alerté par le client, l'opérateur doit passer par le prestataire technique pour apporter une réponse au problème, ce qui est créateur de retards.

Le dispositif en vigueur constitue un frein au développement de nouvelles offres commerciales.

Le frein est d'autant plus regrettable que, construits en fibre optique et avec une structure innovante pour l'époque, les réseaux du Plan câble ont la capacité de transporter trois types de services nouveaux : la télévision en compression numérique, la transmission de données vers des ordinateurs, les services de transmission de la voix.

Ils souhaitent en conséquence que " les exploitants des réseaux du Plan Câble bénéficient de l'usage de ces infrastructures pour offrir les services téléphoniques en concurrence avec l'opérateur national, sans que celui-ci ne puissent entraver ce développement ".

France Télécom estime, en revanche, que l'exploitation commerciale des réseaux du Plan câble par un autre opérateur " doit continuer à ne concerner que les services de télédistribution ".

L'entreprise met en avant l'argumentation suivante : " La dichotomie entre opérateur technique et opérateur commercial est en effet possible, comme l'expérience l'a montré, dès lors que ces deux opérateurs ne sont pas concurrents. En revanche, on a du mal à concevoir un système dans lequel un exploitant offrirait un service téléphonique concurrent de celui de France Télécom sur un réseau exploité techniquement par ce dernier et lui appartenant. Il est en effet nécessaire de préciser que, en l'état actuel de la technique, la fourniture d'un service téléphonique sur un réseau câblé nécessite l'adjonction de câbles supplémentaires dédiés à la téléphonie à côté des câbles de télédistribution proprement dits, ce qui ramène au problème du partage des tranchées et conduites dont les graves inconvénients ont été soulignés précédemment. Enfin, il serait paradoxal que les réseaux du Plan Câble qui, depuis plusieurs années, pèsent lourdement sur les comptes de France Télécom, contribuent en outre à la détérioration du compte d'exploitation de son service téléphonique en étant mis à la disposition de ses concurrents.

Il serait souhaitable que la loi écarte clairement cette éventualité
". (Contribution à la consultation publique ; p. 51).

En l'espèce, le maintien du statu quo constituerait à n'en pas douter une entrave sérieuse au développement de la concurrence ; mais autoriser les câblo-opérateurs à utiliser, sans droits complémentaires , les fibres optiques des réseaux du Plan câble pour des services de téléphonie vocale équivaudrait à une véritable spoliation de France Télécom.

L'application du principe énoncé précédemment amène donc votre rapporteur à se déclarer favorable à une ouverture des réseaux du Plan câble à la téléphonie vocale sous réserve du versement d'une juste rétribution à France Télécom.

Pas de rente de situation : assurer la " portabilité " des numéros de téléphone dès 1998

Si plusieurs opérateurs peuvent proposer leurs services mais que pour passer de l'un à l'autre il faille changer de numéro de téléphone, la fluidité du marché ne sera pas assurée. Imagine-t-on une PME refaire imprimer tout son papier à en-tête parce qu'elle pourrait économiser quelques milliers de francs sur ses factures téléphoniques ? Le coût immédiat du changement serait dissuasif bien qu'il soit nettement avantageux sur plusieurs années. L'obstacle se révélerait tout aussi dirimant pour un particulier mécontent de l'attitude commerciale de son opérateur et qui désirerait en changer : il aurait alors à informer un à un tous ses proches de son nouveau numéro, alors même qu'il n'aurait pas déménagé.

Ceci n'est pas acceptable. Le consommateur doit être en mesure de bénéficier du jeu de la concurrence sans se heurter à des contraintes de nature administrative.

Lorsqu'il reste au même endroit, il faut, s'il le souhaite, qu'il puisse, pour une somme modique correspondant aux frais techniques de mise en oeuvre, conserver son numéro quand il change d'opérateur. La loi aura à lui réserver ce droit.

Techniquement, le plan de numérotation à 10 chiffres qui doit entrer en vigueur le 18 octobre prochain rend possible une telle solution. Celle-ci doit donc être mise en oeuvre dès le 1er janvier 1998.

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