B. DES ACTIONS PRIORITAIRES A CONFIRMER

1. Les réseaux transeuropéens

Les réseaux transeuropéens font partie depuis plusieurs années des priorités de l'Union européenne. Inscrits dans le traité sur l'Union européenne, ils doivent contribuer à l'unification de l'espace européen par la réalisation d'infrastructures de transport, de télécommunications et d'énergie. En outre, dans le cadre du Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi, ces réseaux devront contribuer à soutenir l'activité et l'emploi dans les Etats membres de l'Union européenne.

Lors du Conseil européen d'Essen en décembre 1994, les chefs d'Etat et de gouvernement ont identifié quatorze projets prioritaires dans le domaine des transports, dont plus de la moitié concernent le transport ferroviaire. Ces projets ont été confirmés lors du Conseil européen de Madrid en décembre 1995.

Les 14 projets prioritaires

Nature des projets

Coût prévisible (en millions d'Ecus)

TGV Nord-Sud Berlin-Verone

21.925

TGV Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres

15.754

TGV Sud Madrid-Montpellier

12.870

TGV Est Paris-Strasbourg

5.100

Ferroutage Rotterdam-frontière allemande

4.117

TGV combiné France-Italie (Lyon-Turin)

13.230

Autoroute Patras-Thessalonique (Grèce)

6.360

Autoroute Lisbonne-Valladolid

970

Rail-route Dublin-Belfast-Stanraer (Irlande)

238

Aéroport de Malpensa-Milan (Italie)

1.047

Pont-tunnel d'Orsund (Danemark-Suède)

3.647

Rail-Route Gola-Stockholm-Malmoë

8.780

Route Irlande - Grande-Bretagne - Benelux

3.340

Rail côte ouest de la Grande-Bretagne

TOTAL

2.160

______

99.538

Aujourd'hui, le sort de ces grands projets paraît incertain, compte tenu de la priorité accordée par les Etats membres de l'Union européenne à la réduction des déficits budgétaires. En janvier dernier, devant le Conseil des ministres de l'économie et des finances, M. Jacques Santer, président de la Commission européenne a fait part de son inquiétude à propos de la réalisation de ces réseaux : « Pour les réseaux des transports, où les besoins sont les plus pressants, les perspectives financières actuelles prévoient, en dehors des Fonds structurels et de cohésion, une enveloppe de 1,8 milliards d'Ecus environ pour la période 1995-1999 pour les 14 projets prioritaires. Les coûts de ceux-ci sont évalués à 40 milliards d'Ecus pour la même période.

Le rapport de la Commission pour le Conseil européen signalait déjà que nos concertations avec les Etats membres démontraient que pour la réalisation sans retard de deux projets prioritaires (PBKAL : Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres et le TGV-Est), un montant supplémentaire de 760 millions d'Ecus était nécessaire. Si l'on ajoute les 12 autres projets prioritaires, ainsi que les projets liés à la gestion des trafics sur la base des technologies modernes, on arrive à une fourchette de 1.600 à 1.900 millions d'Ecus (...).

Par ailleurs, je m'interroge sur les instruments financiers actuellement disponibles, y compris le guichet spécial de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui fonctionne à la satisfaction générale.Même sous des conditions spéciales comme des prêts de très longue durée, il reste des projets dont la rentabilité interne est insuffisante pour pouvoir être financés par les instruments actuellement sur le marché. Dans de tels cas, les partenariats public-privé, par exemple, sont souvent difficiles à mettre en oeuvre.

Pourtant, les bénéfices socio-économiques de tels projets, notamment en tenant compte des effets transfrontaliers, méritent un financement. Dans ces conditions, n'est-il pas normal que les Etats membres concernés, voire la Communauté, interviennent pour assumer le risque qui ne peut être couvert par les instruments disponibles ? (...) » (6 ( * )).

Très récemment, la question du financement de ces grands travaux a donné lieu à un vif débat entre la Commission européenne et le Conseil des ministres de l'économie et des finances. La Commission a en effet exprimé son intention d'affecter une partie des crédits communautaires non utilisés dans le cadre de la politique agricole commune à la réalisation des réseaux transeuropéens de transport. Le Conseil s'est opposé à ce projet, en estimant que ces sommes devaient être reversées aux Etats, lesquels mènent une lutte difficile contre les déficits.

Il convient de souligner que la somme que la Commission souhaite affecter aux réseaux transeuropéens pour compléter les financements déjà attribués à ce secteur ne suffisent pas, en tout état de cause, à assurer la réalisation de ces projets. C'est pourquoi M. Jacques Santer, comme son prédécesseur, M. Jacques Delors, a proposé la formule d'un emprunt communautaire.

Dans son récent avis sur la nouvelle proposition de directive de la Commission européenne, la Communauté des chemins de fer européens (CFFE) a observé que le recours aux capitaux privés pour le financement des grands travaux était potentiellement compromis en raison des incertitudes créées par un régime de libre accès. La CCFE en a conclu qu'il était nécessaire d'examiner l'impact de la libéralisation sur le financement des infrastructures.

Par ailleurs, il faut également noter que le texte relatif aux réseaux transeuropéens de transport fait l'objet d'une procédure de co-décision au niveau communautaire, ce qui signifie que ce texte ne peut être adopté contre l'avis du Parlement européen. Or, celui-ci souhaite apporter des modifications à la liste des quatorze projets prioritaires établie par le Conseil européen ; il désire également qu'une référence plus explicite à l'environnement soit inscrite dans le texte et plaide enfin pour l'introduction de critères de sélection des projets afin de favoriser le rail et le transport combiné au détriment de la route. Une procédure de conciliation doit maintenant s'ouvrir entre le Conseil et le Parlement européen afin que ces institutions trouvent un compromis.

Ces différents éléments ne peuvent que susciter une grande inquiétude quant à la réalisation effective des réseaux transeuropéens. Rien ne serait pire pour la construction européenne que l'annonce de projets ambitieux -trop ambitieux ?- qui ne verraient finalement pas le jour, faute de moyens suffisants. Il est clair que le contexte budgétaire actuel n'est pas le plus favorable pour la réalisation de ce type d'opérations. Il est également certain que ces projets ne seront pas rentables, au moins dans un premier temps, ce qui ne facilite guère la participation du secteur privé à leur réalisation.

Quoi qu'il en soit, il est absolument indispensable qu'intervienne rapidement une clarification sur ce sujet afin que cesse ce contraste entre l'affirmation forte d'une volonté politique et le constat de l'insuffisance criante des moyens mis en oeuvre.

2. L'harmonisation technique

La libre circulation sur le réseau ferroviaire européen est encore handicapée pour une multitude de différences techniques qui concernent notamment la nature du courant de traction, le gabarit des trains, la signalisation et le système de distribution des billets. En France même, deux types de courants coexistent encore et, sur la ligne Rennes-Paris, par exemple, un changement de courant intervient à l'entrée de la gare Montparnasse. Le courant de traction utilisé en France (50 Hz, 25.000 volts) est très différent de celui choisi par l'Allemagne (16 2 / 3 Hz, 15.000 volts). Naturellement, l'exemple le plus souvent cité est celui de l'écartement des rails différent en Espagne de celui du reste de l'Europe.

Ces différences techniques -largement évoquées dans la contribution remise à votre rapporteur par la CFTC (qui figure en annexe du présent rapport)- ne sont jamais insurmontables. Mais elles impliquent des coûts supplémentaires très importants qui ne favorisent pas la compétitivité du transport ferroviaire. Ainsi, Eurostar doit être capable de capter trois courants différents ; le TGV Thalys, qui circulera en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, devra capter quatre courants différents.

Il ne saurait être question de résorber l'ensemble de ces incompatibilités dues à l'histoire, dans la mesure où le coût serait disproportionné par rapport aux bénéfices attendus. Cependant, des progrès sont possibles dans de nombreux domaines. La Commission européenne est parfaitement consciente de cela et a proposé au Conseil l'adoption d'une directive sur l'interopérabilité du réseau de trains à grande vitesse (7 ( * )) . Cette proposition vise à créer un cadre pour l'établissement d'exigences essentielles, de spécifications techniques et de normes afin de favoriser la circulation sur le réseau européen.

Par ailleurs, certains opérateurs européens, parmi lesquels la SNCF et la Deutsche Bahn ont entrepris des recherches sur la mise en oeuvre d'un système européen de contrôle-commande des trains. Cette initiative est soutenue par la Commission européenne dans le cadre du quatrième programme-cadre de recherche.

Comme l'affirme la Commission européenne dans le texte présentant sa nouvelle proposition de directive, « il importe désormais d'élaborer une stratégie pour promouvoir l'interopérabilité des chemins de fer classiques sur le réseau transeuropéen, les aptitudes à permettre des mouvements internationaux offrent, en toute sécurité et avec une continuité améliorée, les niveaux de qualité spécifiés ».

Il est maintenant important que ces réflexions soient pleinement mises en oeuvre. On reproche souvent à la Commission européenne de vouloir tout harmoniser en Europe ; dans le domaine du transport ferroviaire un champ d'action encore important demeure ouvert.

3. Le transport combiné

Le transport combiné est défendu depuis longtemps par les institutions européennes compte tenu des avantages qu'il peut présenter en termes de protection de l'environnement, de sécurité... Cependant, ce mode de transport des marchandises ne détient encore que des parts de marché extrêmement limitées. Compte tenu de la pertinence des distances transeuropéennes pour ce mode de transport, une action communautaire peut permettre de substantiels progrès dans le développement de cette activité.

Dans ce domaine, la seule ouverture à la concurrence ne peut suffire à favoriser le développement de ce mode de transport, dans la mesure où la rentabilité ne peut venir qu'après une période assez longue. La Commission européenne fait observer dans son document présentant la nouvelle proposition de directive que « au cours de la période initiale, la quantité de trafic attirée est souvent insuffisante pour remplir un train complet, ce qui se traduit par des coûts de transport unitaires élevés ».

En 1992, la Commission a lancé un programme appelé PACT (Pilot Actions for Combined Transport), qui a permis la mise en place de nouveaux services, notamment entre l'Allemagne et la Grèce via l'Italie, et vers la péninsule ibérique.

Par ailleurs, il semble clair que cette activité nécessitera pendant longtemps des subventions publiques. La Commission européenne en est consciente. Elle a ainsi autorisé la mise en place, par le Royaume-Uni, d'une aide aux exploitants des chemins de fer et à leurs clients, pour lesquels les transports par chemins de fer sont plus coûteux que les transports routiers.

Cette démarche pragmatique doit être poursuivie. Peut-être même conviendrait-il d'accentuer les incitations en faveur de ce mode de transport, afin de lui permettre de prendre un véritable essor. Ce sujet est très lié à celui des réseaux transeuropéens, dans la mesure où plusieurs des grands projets concernent le transport combiné ; il est clair que la réalisation de ces infrastructures pourrait lui donner une impulsion significative.

* (6) Agence Europe, Samedi 3 février 1996, n° 6659.

* (1) Proposition de directive COM (94) 107 final du 15 avril 1994.

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