B. UNE FORMATION ENCORE INSUFFISANTE DES ÉLUS ET, SURTOUT, DE L'ENCADREMENT ADMINISTRATIF

La provincialisation, "pilier" du statut de 1988, ainsi que la décentralisation communale ont atteint leurs buts : donner à la population mélanésienne les moyens de s'administrer elle-même ; partant, amener une élite politique kanak à "se frotter" aux réalités de la gestion de collectivités publiques.

Votre rapporteur ne peut cependant que se faire l'écho du constat unanime fait par le personnel politique kanak lui-même : une formation insuffisante des élus et de l'encadrement administratif dans les provinces Nord et des îles Loyauté entache gravement la réussite de la dynamique insufflée au tournant des années 1990.

Une première génération d'élus provinciaux et municipaux a ainsi "essuyé les plâtres" de la décentralisation au début de la décennie. Les élections de l'été 1995 cependant ont vu un fort taux 13( * ) de renouvellement des instances dirigeantes aux deux niveaux d'administration, dans les provinces à majorité mélanésienne.

Cette situation a retardé l'apparition d'un personnel politique disposant d'une expérience suffisante pour assurer son autonomie.

Parallèlement, les moyens financiers dégagés sur la quote-part de la dotation "élu local" affectée à la Nouvelle-Calédonie (12.000 francs français environ par commune de moins de 5.000 habitants en 1996) apparaissent dérisoires au regard des besoins de formation.

Dans ce contexte, le rôle de conseil joué par les représentants de l'Etat et la trésorerie-paierie générale est d'ailleurs tout à fait remarquable et semble très apprécié des élus.

Des faiblesses préoccupantes sont également manifestes en matière d'encadrement administratif . A titre de révélateurs :

- La fonction publique territoriale, très largement affectée aujourd'hui à des tâches de compétence provinciale, dispose bien d'un cadre A, mais celui-ci n'est pas pourvu d'un grade d'administrateur, comme en métropole. Seuls existent les grades d'attachés et de rédacteurs.

- La fonction publique communale est de création très récente, puisqu'elle a été instituée par une délibération du Congrès du Territoire datant de 1994. Dans la pratique, elle commence tout juste à se mettre en place. Jusqu'aux élections municipales de juin 1995 incluses, les mairies calédoniennes auront donc vécu sur un système intégral de "partage des dépouilles" ("spoil system").

Par ailleurs, la nouvelle fonction publique communale ne concerne que les filières administratives à l'exclusion des filières techniques.

La tendance naturelle à aligner les salaires de la fonction publique locale sur ceux de la fonction publique d'Etat induit, en outre, des coûts prohibitifs 14( * ) et justifie, autant que le penchant "clientéliste" de certains élus, le maintien d'un important volant de personnels contractuels dont le niveau de formation est clairement inadapté aux tâches incombant aux provinces et aux communes dans le cadre des institutions.

L'infrastructure d'accueil du futur encadrement administratif des collectivités publiques de Nouvelle-Calédonie semble ensuite être restée à l'état embryonnaire -ou commence tout juste à se développer.

L'institut de formation du personnel administratif (IFPA), établissement public de l'Etat dont le conseil d'administration est présidé par le Haut-commissaire de la République, n'assume qu'une mission de formation continue, en application des articles 82 et 83 du statut de 1988.

L'Association des maires de Nouvelle-Calédonie offre également des séances de formation continue. Lors de la présence de votre rapporteur sur le territoire, elle venait en outre de créer une commission interne chargée de mettre en oeuvre un plan de formation des personnels communaux. L'Association a depuis été agréée, sur décision du Haut-commissaire, pour prendre en charge cette formation.

Enfin, il n'est pas niable que la mise en place d'une fonction publique locale de qualité et bien rémunérée butera encore longtemps sur la difficulté de l'éloignement et de l'isolement des collectivités de la province Nord et de la province des Iles Loyauté. Ce type de phénomènes commence d'ailleurs déjà à se manifester.

La qualité de gestion des collectivités locales, hors Grand Nouméa, s'est fortement ressentie ces dernières années de cette situation :

- Fortes lacunes en matière organisationnelle et comptable (retard dans la mobilisation des recettes et le paiement des fournisseurs ; défaut presque systématique de tenue d'une comptabilité d'engagements) .

Certaines communes, notamment en province Nord, ont beaucoup souffert de l'opacité induite par ces lacunes et apparaissent aujourd'hui en situation de cessation de paiement.

- Facturation insuffisante des services offerts aux administrés, notamment la distribution d'eau dans les communes de brousse.

- Irrégularité du rythme des investissements due à des problèmes organisationnels, techniques et politiques plus qu'à des problèmes financiers.

- Insuffisance de la programmation à moyen terme en matière d'investissement (les schémas directeurs sont trop peu nombreux et trop peu exploités).

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