II. DES ÉCONOMIES ASSAINIES PAR UNE LONGUE PÉRIODE DE LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE

A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE AUSTRALIENNE

1. La libéralisation de l'économie australienne

a) Des réformes de structures courageuses

L'évolution récente de l'économie australienne se caractérise d'abord par la révolution libérale conduite, dès les années 1980, par les gouvernements travaillistes , avec l'appui du puissant syndicalisme australien, dans un pays jusqu'alors doté d'une économie fortement administrée.

La prospérité australienne reposait en effet jusqu'aux années 1970 sur l'exportation de matières premières et de produits alimentaires. L'industrie -dont les travailleurs bénéficiaient d'un système développé de protection sociale et de salaires élevés - était abritée par de forts tarifs douaniers, essentiellement pour le marché intérieur.

Mais l' entrée dans la Communauté européenne de la Grande-Bretagne -avec laquelle l'Australie faisait 40 % de son commerce il y a trente ans, pour moins de 3 % aujourd'hui- a favorisé la prise de conscience par l'Australie de la nécessité de diversifier son économie pour la mettre en mesure d'affronter la concurrence internationale et de mieux intégrer une économie asiatique en pleine expansion.

C'est ainsi que d' importantes réformes ont été entreprises par les gouvernements dirigés par MM. Bob Hawke et Paul Keating : ils ont mis un terme à l'indexation des revenus sur les prix ; ils ont entrepris des privatisations d'entreprises publiques et des réformes de structures de plusieurs secteurs économiques, notamment le secteur bancaire ; enfin, un programme vigoureux de baisse des droits de douane a été mis en oeuvre, particulièrement dans le secteur agricole.

Ces modifications structurelles, coïncidant avec la récession de l'économie mondiale, ont au début de la décennie 1990 provoqué une sévère récession : la croissance a été négative en 1990-1991 et le chômage a atteint alors 11 % de la population active, frappant tout particulièrement les jeunes.

L'Australie a ensuite tiré bénéfice, à partir de 1992, des réformes accomplies, l'économie ayant été assainie par la purge ainsi subie. L'Australie a connu une forte croissance de 1992 à 1995 avec près de 4 % de progression annuelle du PIB. La vigueur de l'activité économique n'a pas entraîné de fortes tensions sur les prix et l' inflation -qui était assez forte jusqu'à la fin des années 1980- a été maîtrisée et n'a dépassé 2 % qu'en 1995, ce qui constitue un résultat spectaculaire obtenu grâce à la modération de la croissance des salaires depuis 1995. Enfin, le chômage -traditionnellement assez élevé dans une économie longtemps très réglementée où les systèmes d'assurance-chômage sont généreux- a été réduit à 8,5 %.

b) La persistance de déséquilibres structurels

Ces succès incontestables ont été toutefois hypothéqués par la persistance de déséquilibres structurels de l'économie australienne.

- Le commerce extérieur du pays présente d'abord des apparences plus proches de celles d'un pays en voie de développement que de celles d'une puissance industrielle, les produits primaires représentant près des deux-tiers des exportations. L'Australie est de surcroît dépendante d'un faible nombre de marchés, notamment le Japon qui absorbe le quart des exportations australiennes.

Cette caractéristique de l'économie australienne trouve son origine dans la faiblesse industrielle d'un pays qui souffre à la fois d'un marché intérieur limité, d'un éloignement géographique pénalisant, d'une relative pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et d'un syndicalisme encore puissant hérité des "trade-unions" britanniques.

De ce fait, l'Australie est particulièrement sensible à l'évolution de la demande : sur le plan intérieur, toute croissance de la demande entraîne une hausse rapide des importations, le tissu industriel national étant trop faible pour la satisfaire ; et sur le plan extérieur, tout ralentissement de l'économie mondiale a un impact direct sur les exportations de matières premières australiennes. Cette contrainte extérieure forte explique que la croissance de l'économie australienne ne puisse être que modérée et équilibrée.

- Ce déficit structurel de la balance commerciale se traduit aussi par une lourde dette extérieure , constituée en forte partie des dettes contractées par des opérateurs financiers australiens lors de prises de contrôle de sociétés étrangères. L'Australie enregistre chaque année d'importantes entrées nettes de capitaux, principalement à destination du secteur privé. La dette extérieure de l'Australie a ainsi continué à croître : elle a doublé entre 1984 et 1988, dépassé les 100 milliards de dollars en 1990 et atteint en 1996 188 milliards -soit près de 39 % du PIB.

2. Une économie australienne assainie

a) Une croissance maintenue dans un environnement stabilisé

La conjoncture économique australienne se caractérise toutefois aujourd'hui par une croissance maintenue, une inflation contenue et un certain redressement des comptes extérieurs qui doivent lui permettre de surmonter ces handicaps structurels.

- Une croissance soutenue . Entrée dans un cycle de croissance positive fin 1991, conformément au rythme des économies anglo-saxonnes, qui a connu son apogée en 1994 (avec une croissance de 5,1 %, et 7 % hors secteur agricole), l'économie australienne est aujourd'hui dans une phase de légère décélération. La croissance reste néanmoins soutenue, sur un rythme annuel de l'ordre de 4 % (3,5 % pour cette année).

Cette croissance maintenue a été principalement favorisée par la consommation des ménages qui a progressé plus rapidement que les autres composantes du PIB. Elle doit être également tirée par les investissements productifs privés qui sont favorisés par la baisse des taux, la fin du marasme immobilier, la fermeté du dollar australien et la confiance des milieux d'affaires.

- Une inflation maîtrisée . L'inflation a été par ailleurs réduite à un niveau satisfaisant (3,1 % en 1995-1996) après un léger dérapage l'année précédente (4,5 %). L'indice des prix à la consommation se situe au même niveau que l'inflation "sous-jacente", concept utilisé en Australie pour mesurer la dérive structurelle des prix. Pour l'avenir immédiat, il est prévu que l'inflation tendancielle poursuive sa décrue (2,75 % en juin 1997), grâce notamment à la baisse des prix à l'importation.

Cette maîtrise de l'inflation a été favorisée par :

- une politique monétaire rigoureuse , l'objectif assigné à la Reserve Bank étant de maintenir l'augmentation tendancielle des prix dans la fourchette de 2 à 3 % par an,

- et une politique des revenus sage : les gouvernements travaillistes avaient obtenu que cette politique soit "co-parrainée" par la puissante confédération syndicale ACTU, atténuant ainsi les revendications salariales ; cette cogestion de la politique des revenus a cependant été abandonnée par le gouvernement libéral qui compte sur le démantèlement progressif des conventions collectives et la généralisation des accords d'entreprises pour limiter les hausses salariales.

- Un certain redressement des comptes extérieurs. L'Australie est enfin parvenue à corriger sensiblement l'important déficit structurel de sa balance des transactions courantes qu'illustre le tableau ci-dessous :

Principaux soldes de la balance des transactions courantes

(en milliards de dollars australiens)

 

1989-1990

1990-1991

1991-1992

1992-1993

1993-1994

1994-1995

1995-1996

Solde commercial

-2428

2911

3797

591

-589

-8269

-1823

Solde des invisibles

-4139

-2553

-1899

-2188

-960

-1377

93

Solde des revenus de facteur

-17180

-18060

-15656

-13949

-14800

-18354

-19447

Balance des transactions courantes

-21460

-15329

-11573

-14884

-16171

-27476

-19968

Après s'être fortement dégradée en 1994-1995, la balance commerciale s'est améliorée l'an dernier, les exportations progressant de 10,3 % tandis que les importations n'augmentaient que de 5,6 %. On relève en particulier que la part des pays asiatiques dans le commerce international australien progresse : elle est passsée de 46 à 55 % entre 1988 et 1996.

b) Des handicaps qui doivent être surmontés

Cet environnement économique favorable doit permettre à l'Australie de surmonter les handicaps qui caractérisent sa situation économique.

- Le gouvernement s'efforce d'abord de corriger une épargne nationale insuffisante . Cette insuffisance, constante depuis les années 1970 -époque où avaient été prises de nombreuses mesures caractéristiques de l'Etat-providence- est illustrée par le niveau particulièrement bas du taux d'épargne des ménages (qui ne s'élevait en 1995-1996 qu'à 2,5 % du PIB), l'un des plus faibles de l'OCDE.

L'épargne nationale ne permet ainsi pas de couvrir l'ensemble des besoins de financements et est donc à l'origine du déficit des transactions courantes . C'est ce qui justifie l'effort entrepris par le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire (4 % du PIB en 1993-1994, 2,1 % en 1995-1996, prévisions de 1,1 % en 1996-1997 et de 0,3 % en 1997-1998) et susciter un renouveau de l'épargne privée au travers des fonds de pension.

De même, la dette extérieure a fortement cru (même si elle a été légèrement réduite (de 41,4 % du PIB en 1991-1992 à 38,6 % en 1995-1996). La situation reste cependant maîtrisable : la bonne tenue du compte en capital permet d'assurer le financement du compte courant dans des conditions satisfaisantes et le service de la dette décroît avec la chute des taux et n'atteint que 11,3 % des exportations.

- L'autre problème majeur de l'économie australienne reste le chômage , même s'il a déjà été fortement résorbé -de 11,1 % en août 1993 à 8,1 % en janvier 1996- grâce à la dynamique de la croissance économique, alors que 770 000 emplois (soit 6,6 % de la population active) étaient créés durant la même période.

Car le marché du travail est redevenu morose -le taux de chômage variant aujourd'hui autour de 8,5 %- alors que la population active continue d'augmenter (+ 1,5 % par an) et que le taux de croissance actuel ne permet pas d'y remédier.

Le nouveau gouvernement mise sur la déréglementation du travail pour résorber le chômage et démanteler les politiques d'aides à l'emploi du gouvernement précédent. Mais il est à craindre que cette déréglementation ne puisse avoir d'effets que sur le moyen terme.

Au total, l'économie australienne -naturellement riche et favorisée- bénéficie des cycles de croissance américains et asiatiques et connaît aujourd'hui une situation globalement satisfaisante , malgré la question du chômage (qui ne constitue d'ailleurs pas elle-même un sujet de préoccupation aigu).

L'économie australienne croît mais à un rythme beaucoup moins rapide que l'environnement asiatique dans lequel elle s'intègre pourtant de plus en plus. L'Australie, à l'évidence, se rapproche plus d'un modèle de développement européen que de la forte croissance du modèle asiatique. Elle demeure fortement dépendante de financements extérieurs et s'efforce d'inspirer confiance aux investisseurs étrangers pour assurer le financement de son déficit structurel des paiements courants.

C'est la raison pour laquelle les Australiens souhaitent que de nombreuses entreprises étrangères s'implantent dans leur pays et qu'elles fassent des grandes villes australiennes -comme Sydney, Melbourne ou Perth- leur base d'intervention dans la région Asie-Pacifique . Les résultats n'ont pas été jusqu'ici à la hauteur des espérances australiennes. Mais les opportunités et les conditions favorables proposées -à commencer par la qualité de vie australienne et la communauté culturelle qui unit l'Australie aux Européens -méritent sans aucun doute d'être prises en considération par les investisseurs français potentiels.

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