IV. "ADVOCACY" OU "INDUCEMENT" ?

La politique commerciale américaine mobilise dans le secteur aéronautique les moyens publics avec une intensité toute particulière.

Les administrations, avec au premier chef le Président des États-Unis lui-même, font vivre un système fort élaboré "d'advocacy" c'est-à-dire de promotion des produits américains qui semble souvent s'accommoder "d'inducement", c'est-à-dire de pressions de la part des autorités américaines sur les clients étrangers.

Le Président des États-Unis est particulièrement sensible à la défense de la suprématie de l'industrie aéronautique civile américaine conçue dans le pays comme un véritable enjeu de souveraineté nationale. Mais, ce champion prestigieux n'est pas seul et ne doit pas occulter la mise en place d'une véritable organisation administrative de la défense des intérêts américains dans le secteur .

L'USTR -le représentant des États-Unis pour les échanges- occupe une place importante dans ce dispositif en ce sens qu'il est en charge des négociations commerciales avec les États étrangers et relaie dans ce cadre les intérêts de l'industrie américaine. Son rôle a trouvé une illustration particulièrement frappante à l'occasion des négociations euro-américaines qui ont débouché sur l'accord de 1992 sur les appareils de 100 places et plus. Il ne s'est pas achevé avec la signature de cet accord dont l'USTR assure le suivi dans des conditions qui ne laissent planer aucun doute sur le véritable sens de son action.

L'accord euro-américain du 17 juillet 1992

Le 17 juillet 1992, la Communauté européenne et les États-Unis ont conclu un accord relatif aux avions de 100 places et plus.

Cet accord a été négocié sous la pression, puisque, d'une part, les Allemands venaient d'être condamnés au GATT pour avoir mis en place un système de garantie de change et que, d'autre part, les États-Unis menaçaient d'attaquer les avances remboursables consenties par les États partenaires d'Airbus industrie.

a) Le système GATT

Cet accord devait compléter le système GATT en vigueur depuis 1979 qui comportait deux textes concernant le secteur aéronautique :

L'accord sur le commerce des aéronefs , dit Code Aéronautique. Ses dispositions consistent essentiellement en une suppression des droits de douane, une interdiction faite aux gouvernements de faire pression sur les autres gouvernements et les compagnies aériennes (inducements") et une reconnaissance de la spécificité de la construction aéronautique subventionnée dans tous les pays.

L'accord sur les subventions . Il avait pour but de limiter les subventions accordées à tous les secteurs économiques et la jurisprudence des panels du GATT devait en accentuer la rigueur.

Il est à noter que postérieurement à l'accord euro-américain, la négociation, engagée en novembre 1992 dans le cadre de l'Uruguay Round, a abouti, en décembre 1993 , à l'application de l'accord sur les subventions au secteur aéronautique à l'exclusion de trois dispositions (clauses spécifiques prévues en "footnotes" à l'accord).

Cet "accord subventions" pose d'abord le principe d'un renversement de la charge de la preuve au bénéfice de l'Etat ayant subi un "préjudice sérieux". Ce préjudice, dans le cas général, existe automatiquement si les subventions atteignent 5 % du coût d'un programme.

Par ailleurs, les soutiens à la recherche sont autorisés dans la limite de 100 % du coût de l'opération s'il s'agit de recherche fondamentale, 75 % s'il s'agit de recherche industrielle de base et 50 % en cas de recherche industrielle appliquée.

Les dispositions de cet accord sont supposées s'appliquer à l'aéronautique sous réserve des trois "footnotes" suivantes .

En premier lieu le taux de 5 % n'est pas applicable à la construction aéronautique si bien que l'Etat plaignant doit apporter la preuve que les soutiens alloués par un autre État à ses concurrents lui causent un "préjudice sérieux".

D'autre part , il est reconnu qu'une avance non remboursée du fait de l'échec d'un programme n'est pas considérée comme une subvention.

Enfin , à la différence des autres secteurs, l'ensemble des subventions à la recherche est attaquable : les taux de 100 %, 75 % et 50 % ne sont pas applicables.

On doit également indiquer que malgré les efforts déployés pendant la négociation, il a été impossible de définir de nouvelles règles spécifiques, c'est-à-dire un nouveau code aéronautique, pour deux raisons principales :

- Le premier objectif de négociation, pour l'Europe et les États-Unis, était la multilatéralisation de l'accord de 1992. Mais les États-Unis ont très vite refusé de l'étendre aux moteurs, segment massivement subventionné. De plus, ils ont voulu obtenir un abaissement du plafond applicable aux avances remboursables inacceptable pour les Européens. Pour leur part, ceux-ci souhaitaient modifier les clauses relatives aux aides à la recherche afin d'assurer un plus grand équilibre de l'accord.

- Les autres négociateurs, essentiellement le Japon et le Canada, n'acceptaient pas la "logique" de l'accord bilatéral, soit parce que leurs systèmes d'aides dépasseraient les plafonds, soit tout simplement parce qu'ils refusaient l'application d'un accord qu'ils n'avaient pas eux-mêmes négocié.

b) L'accord du 17 juillet 1992

Ces rappels ayant été faits, les principales dispositions de l'accord de juillet 1992 sont les suivantes :

L'article 2 est une clause de "grandfathering" qui absout les soutiens décidés antérieurement à l'accord sous la condition qu'ils ne soient pas modifiés dans un sens plus avantageux pour leurs bénéficiaires.

L'article 3 interdit, à compter de l'entrée en vigueur de l'accord, tout soutien à la production d'avions de large capacité.

L'article 4 concerne le soutien au développement des avions visés par l'accord.

Il énonce d'abord une condition à l'octroi d'un soutien. Il faut qu'une appréciation critique du projet montre qu'il existe une perspective raisonnable de couvrir avant l'expiration d'une période de 17 ans tous les coûts de développement du projet. Est donc introduite la condition d'un retour sur investissement , d'une viabilité économique du projet .

Il fixe ensuite les plafonds aux soutiens publics directs qui ne doivent pas excéder :

•  25 % du coût total de développement du programme, étant entendu par ailleurs que les remboursements doivent intervenir au plus tard 17 ans après le premier versement effectué et comprendre une rémunération égale au "coût de l'emprunt" ;

•  8 % du coût total de développement du programme, étant entendu qu'aux conditions précitées de remboursement, s'ajoute pour cette tranche une obligation d'acquitter un taux égal "au coût de l'emprunt majoré de 1 %".

Enfin, l'article précise les modalités temporelles des remboursements :

•  20 % des redevances devront avoir été acquittées lorsque 40 % des livraisons prévues auront été réalisées ;

•  quand ce dernier niveau atteindra 85 %, les remboursements réalisés ne devront eux-mêmes pas être inférieurs à 70 %.

L'article 5 traite des soutiens indirects .

Il s'ouvre par une obligation de moyens imposée aux parties de prendre les mesures nécessaires pour que les soutiens indirects n'offrent pas un avantage déloyal aux constructeurs d'aéronefs civils.

Puis, il précise que les avantages identifiables pour le développement ou la production des appareils ne doivent pas excéder :

3 % du chiffre d'affaires annuel de l'industrie aéronautique civile résultant de la vente des produits couverts par l'accord,

4 % du chiffre d'affaires annuel d'une seule entreprise résultant de la même source.

L'article 6 interdit de soutenir les prêts consentis par les constructeurs à leurs clients, sauf pour les prêts à l'exportation dès lors que le financement public de tels prêts est conforme à l'accord sectoriel intervenu dans le cadre de l'OCDE.

L'article 7 exclut les apports en capital du champ d'application de l'accord.

L'article 9 réserve le cas où des circonstances exceptionnelles mettraient en péril la survie des entreprises et justifieraient de déroger aux disciplines de l'accord. De façon très significative aucune dérogation ne peut concerner le lancement de nouveaux programmes.

L'article 10 et l'article 11 ménagent de procédures souples et peu contraignantes de prévention des litiges commerciaux et des actions en justice.

L'article 12 comporte engagement des parties de faire en sorte que leur accord soit multilatéralisé.

Derrière le discours affiché de promouvoir les conditions d'un commerce pleinement concurrentiel, c'est-à-dire sans distorsions de concurrence, où les contrats se décident "sur des bases technologiques et commerciales", il faut savoir identifier les objectifs réellement poursuivis par la diplomatie commerciale américaine : le maintien de l'avantage concurrentiel américain face à l'industrie européenne.

Plusieurs données objectives peuvent être citées pour conforter ce jugement.

La première, d'ordre historique, permet de rappeler que les négociateurs américains de l'accord de 1992 souhaitaient faire table rase du passé afin que les avantages directs reçus, du fait des crédits publics, par les industriels américains dans la période d'essor de leur activité, soient définitivement absous. Cette absolution a été acquise et constitue un élément de déséquilibre essentiel de l'accord au profit de la position de l'industrie américaine sur le marché. Les avantages concurrentiels indus engrangés par les constructeurs américains avant 1992 sont "légalisés" et constituent un legs permanent qui affecte la loyauté de la concurrence sur un marché dont l'accord examiné se proposait, soi-disant, d'accroître l'effectivité. Une négociation plus loyale eut consisté à établir un bilan actualisé des avantages tirés des soutiens publics et à permettre à la partie en retard sous cet angle de combler son handicap.

Une deuxième donnée qui vient d'ailleurs conforter la précédente appréciation met en évidence l'absence de toute notification d'un quelconque avantage direct consenti par les pouvoirs publics américains à leurs industriels depuis la signature de l'accord de 1992 .

Au cours d'un entretien avec les représentants de l'USTR, ceux-ci ont indiqué que cette situation s'expliquait d'abord par le "blanchiment" de toutes les aides acquises avant 1992 confirmant en cela l'importance de cette clause pour la partie américaine, mais également par les caractéristiques propres au soutien public apporté au secteur aux États-Unis. Il y est, en effet, systématiquement fait état du caractère indirect de l'aide consentie à l'industrie aéronautique civile qui ne relèverait que de la politique de la recherche à l'exclusion de toute intervention de politique industrielle. Le soutien public américain ne générerait ainsi aucun avantage commercial direct. On sait ce qu'il faut penser d'une telle prétention.

Et, c'est pourquoi la position défendue par l'administration américaine sur ce point, favorisée par le problème rencontré pour identifier les avantages commerciaux tirés d'un système nébuleux de soutien, semble si provocante qu'on ne peut la considérer autrement que comme un élément parmi d'autres visant à dominer le rapport de forces avec l'Europe.

La troisième donnée réside dans la volonté des États-Unis de ne couvrir que les soutiens américains et européens concernant le marché des avions de plus de 100 places.

Ce faisant, l'accord bilatéral Europe-Etats-Unis ne concerne d'abord pas les autres Etats où l'industrie aéronautique pèse quelque poids et, en particulier, le Japon.

Ce n'est pas le fruit du hasard. Il faut savoir, en effet, que les avions commerciaux américains intègrent une proportion importante d'éléments fabriqués par les entreprises nippones si bien qu'aujourd'hui près du tiers des Boeing nouvellement apparus sont produits ailleurs qu'aux États-Unis par des firmes bénéficiant d'un soutien public que les Américains entendent d'autant moins réduire que leurs constructeurs en bénéficient directement . On comprend mieux les réticences de l'administration américaine à "multilatéraliser" l'accord de 1992 en dépit des engagements pris lors des négociations d'alors. Vérité outre-Atlantique, erreur outre-Pacifique...

Une même observation vaut pour l'industrie des moteurs qui échappe aux restrictions particulières de l'accord de 1992 pour des raisons analogues.

Qu'en conclure ?

L'accord de 1992 est un mauvais accord pour l'Europe qui, loin de promouvoir la loyauté de la concurrence dans le commerce des avions commerciaux, a permis aux États-Unis de "sanctuariser" un avantage commercial dû, pour beaucoup, aux soutiens publics consentis dans ce pays avant sa conclusion.

L'accord fait, en outre, peser une épée de Damoclès sur tout nouvel engagement public significatif pour soutenir des appareils nouveaux en Europe , tel que le futur gros porteur européen. Les entretiens avec les responsable américains ne laissent aucun doute sur ce point. L'accord servira à faire obstacle à ce projet quand bien même les soutiens publics qui lui seraient accordés y seraient manifestement conformes.

Par ailleurs, l'accord est asymétrique dans ses dispositions touchant à l'aide indirecte puisque les plafonds, sous lesquels celle-ci doit demeurer, sont calculés comme un pourcentage du chiffre d'affaires du secteur ou d'une entreprise particulière qui demeurent beaucoup plus élevés aux États-Unis qu'en Europe.

Enfin, l'accord a disqualifié le mécanisme des aides directes privilégiées en France et en Europe dans le même temps qu'il consacrait le système de soutien à l'américaine. Il est, à ce propos, nécessaire de souligner qu'à l'encontre des aides directes, les aides indirectes ne sont pas conditionnées à des perspectives de rentabilité financière et ne sont pas remboursables.

Le "Department of commerce" est une pièce essentielle du dispositif

Le ministère du commerce ne fournit pas de financements directs aux industriels du secteur. Mais, il a pour mission de mettre tout en oeuvre pour assurer la suprématie mondiale de l'industrie aéronautique civile américaine.

Cette mission le conduit à élaborer une politique du marché intérieur américain qui, dans le secteur, se caractérise par l'acceptation de regroupements "a priori" peu compatibles avec le maintien d'une concurrence entre les constructeurs nationaux . Lors de ses entretiens avec Mme Sally Bath, responsable de la division aéronautique du département au cours de l'été 1996, votre rapporteur avait compris que l'administration qu'elle dirigeait souhaitait l'émergence d'un constructeur unique d'appareils civils aux États-Unis. La fusion Boeing - Mac Donnell Douglas qui devait intervenir quelques mois plus tard allait confirmer cette orientation justifiée en particulier par le besoin d'éliminer les capacités excédentaires de l'industrie aéronautique civile.

Il faut souligner combien, malgré l'atteinte portée par cette fusion aux conditions de concurrence sur le marché intérieur américain, le département du commerce s'est montré indifférent à cet aspect de l'opération.

C'est que l'analyse faite par lui de la situation du marché des produits aéronautiques civils repose sur une vision mondiale et non étroitement américaine . En ce sens, le département du commerce considère que les conditions de concurrence doivent être appréciées à l'aune du monde entier et que la coexistence de deux constructeurs aéronautiques civils suffit à garantir son effectivité.

Cette appréciation est, au demeurant, confortée par la très forte implication du département du commerce dans les opérations de promotion de l'industrie aéronautique civile américaine à l'étranger.

Le département du commerce est, en effet, le principal coordinateur du " cabinet de guerre ", qui, à travers le réseau des ambassades américaines à l'étranger, exerce une pression constante en faveur de l'exportation des matériels aéronautiques civils ou militaires d'origine américaine.

Ce réseau, animé selon le périodique "Aviation Week and Space Technology", par l'ambassade des États-Unis en France bénéficie de la mobilisation spécifique de plusieurs dizaines d'agents diplomatiques et des informations fournies par l'ensemble des agences américaines concernées par les questions d'aviation civile.

Un "lobbying" global est donc en marche, destiné à faire prévaloir les intérêts des constructeurs américaines dès qu'un contrat aéronautique, si minime soit-il, se présente.

Un contrat passé avec Lauda Air est cité par le département du commerce comme l'exemple d'une intervention réussie pour évincer Airbus d'une opération portant sur deux appareils, de type B-737. Mais, bien d'autres opérations peuvent être citées, à tel point que le soutien politique, d'ailleurs ouvertement reconnu par Mme Bath, lors de l'entretien qu'a eu votre rapporteur avec elle, a nourri plusieurs fois le soupçon que les États-Unis se livraient, en contravention avec l'accord euro-américain de 1992, à des pratiques d' inducement (incitations).

Les pratiques d'incitations selon l'accord de 1992

Au terme de l'article 4.4 de cet accord, "les signataires s'abstiennent d'établir des liens négatifs ou positifs entre la vente ou l'achat d'aéronefs civils et d'autres décisions ou mesures des pouvoirs publics susceptibles d'influencer cette vente ou cet achat, lorsque les fournisseurs de plusieurs signataires sont en concurrence."

Le même article donne une liste indicative des pratiques interdites :

"- droits et restrictions concernant l'industrie aéronautique, tels que les droits d'atterrissage ou de trafic,

- programmes et mesures économiques généraux, tels que les mesures concernant les importations, les mesures visant à corriger les déséquilibres commerciaux bilatéraux et les mesures relatives aux travailleurs étrangers ou au rééchelonnement de la dette,

- programmes et mesures d'aide au développement, tels que l'octroi de subventions, de prêts et le financement d'infrastructures, étant entendu que l'utilisation de cette aide pour l'achat d'aéronefs civils ne relève pas de cette catégorie si l'octroi de ces crédits n'est pas subordonné au fait que cette vente ait lieu,

- mesures et programmes concernant la défense et la sécurité nationale."

Des pratiques antérieures à l'accord de 1992, où les pouvoirs publics américains avaient manifestement exercé des pressions contraires à la loyauté du commerce avaient été citées dans le rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat par MM. Marcel Fortier, Maurice Blin, Jean-François Pintat, Josy Moinet et Jean-Pierre Masseret en 1987.

Les cas suivants avaient été dénoncés :

"- Egypte (en 1983) : Dans cette affaire où Airbus était en compétition avec Boeing, un lien a été établi par le gouvernement américain entre cette affaire et son aide militaire à l'Egypte.

- Thaïlande (en 1985)) : Une lettre de l'Ambassadeur des États-Unis est intervenue en faveur d'un choix pour Boeing, menaçant d'augmenter de 6 % les droits de douane frappant les textiles thaïlandais à l'entrée des États-Unis en cas d'achat d'AIRBUS.

- Japon (en 1985) : Un lien a été établi entre l'achat de Boeing par ANA (All Nippon Airway) et une ouverture des droits de trafic entre Tokyo et Guam.

Un lien a été également clairement établi entre cette affaire et la résorption du déficit américain à l'égard du Japon. M. Yeutter (Ambassadeur, USTR) est intervenu personnellement auprès du MITI en faveur de Boeing.

- Corée (1987) : Le choix du gouvernement sud coréen en faveur du MD 11 (contre l'A 340) a été fait pour résorber le déficit américain à l'égard de la Corée. Il a été fait lors d'une mission sud-coréenne aux États-Unis dont le mandat consistait en l'achat de 2 milliards de dollars de marchandises américaines.

- SAS(1987) : Dans cette affaire qui oppose l'A 340 et le MD 11, un lien a été établi entre un accroissement des droits de trafic de SAS et le choix du MD 11.

- Algérie (1987) : cette affaire a donné lieu à une proposition de "barter arrangement" (sous forme d'achat de gaz naturel algérien) de la part de Boeing et a fait l'objet de nombreuses interventions diplomatiques de la part de l'Ambassadeur des États-Unis."

Ces pratiques n'étaient alors pas spécifiquement prohibées. Elles le sont aujourd'hui. Mais il reste plus que douteux que cette interdiction ait conduit les autorités américaines à modifier leur comportement alors même qu'elles ont renforcé leur engagement pour contrer les succès à l'exportation d'Airbus.

On peut citer :

la signature simultanée en 1993 d'un accord bilatéral sur les droits de trafic avec l'Arabie Saoudite et de contrats avec Boeing et Mc Donnell Douglas portant achat de 61 appareils pour un montant global de 7 milliards de dollars ;

l'octroi d'un prêt de l'Eximbank à la Russie pour la remotorisation des IL 96 par Pratt et Whitney et la signature concomitante par Aeroflot d'un contrat pour la location de 10 Boeing 737 mettant fin aux négociations engagées par Airbus depuis le mois de décembre 1994.

Il s'agit là d'exemples que recouvre une réalité majeure : en leur qualité de super-puissance, les États-Unis ont tout loisir d'exercer les pressions qu'ils souhaitent pour favoriser leurs industriels.

Cette faculté est d'ailleurs favorisée par le niveau d'équipement militaire des États-Unis qui concourt à ce statut international exceptionnel. Il est ainsi très significatif qu'au cours du déplacement de votre rapporteur aux États-Unis, ce pays ait décidé de donner purement et simplement 14 avions de combat F 16 à la Jordanie. On imagine sans peine les retombées commerciales d'un tel don pour les constructeurs américains d'appareils civils.

Quelque patents que soient les cas "d'incitations", leur prohibition est dénuée d'effectivité. Ils sont en effet impossibles, ou peu s'en faut, à prouver.

Il reste que l'Europe devrait, en la matière, faire preuve d'une vigilance sans faille et, surtout, mettre en oeuvre les conditions de contrer efficacement l'action des pouvoirs publics américains.

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