D. DES BÉNÉFICIAIRES CONTRÔLÉS ?

Alors que les concours du compte spécial sont attribués au terme d'une procédure fortement centralisée, les organismes à qui ils sont versés et plus encore les opérations qu'ils favorisent n'apparaissent qu'insuffisamment maîtrisés.

1. Les organismes horizontaux

a) La Caisse d'investissement des départements d'outre-mer (CIDOM)

C'est par une décision interministérielle du 15 février 1983 que le ministre de l'économie, des finances et du budget et celui des DOM-TOM ont décidé de créer un instrument de financement nouveau baptisé Caisse d'investissement des départements d'outre-mer (CIDOM) par simple ouverture d'une ligne comptable dans les écritures de la SOCREDOM.

Ainsi, la CIDOM ne se différencie-t-elle pas de cette dernière entité qui, on le rappelle, est une filiale de la Caisse française de développement (CFD) holding des sociétés départementales de crédit des DOM qui constituent les établissements financiers spécialisés en charge du financement du développement économique des DOM.

Lors de sa constitution, la CIDOM fut dotée de 210 millions de francs prélevés sur les bénéfices de l'IEDOM. Une fois le compte n° 902-23 créé, cette source de financement aurait normalement dû être tarie. Il n'entre en effet pas dans les missions du compte d'affectation spéciale de financer directement les opérations d'organismes à vocation financière fussent-ils publics.

Pourtant, en contravention, semble-t-il, avec la lettre des règles gouvernant l'affectation des dépenses du compte, ce dernier a contribué au financement de la CIDOM. En particulier, une somme de 57,5 millions de francs a été versée à la CIDOM en 1995 représentant près de 60 % des dépenses du chapitre 1 du compte 902-23 -soit le chapitre concernant les seuls DOM- de l'exercice 1995.

Mais, dira-t-on, la CIDOM n'est qu'un intermédiaire si bien que, sur le fond, l'examen du respect de la volonté du législateur suppose l'identification des destinataires effectifs des interventions de la CIDOM.

En la matière l'examen direct se heurte d'abord à l'absence d'individualisation claire des comptes de la CIDOM dont les opérations sont, en effet, incluses dans celles de la SOCREDOM.

Cette confusion formelle semble recouvrir d'ailleurs une confusion substantielle en ce sens qu'en dépit de leur origine particulière les ressources allouées à la CIDOM "profitent" à la SOCREDOM et, à travers elles, "in fine", à la CFD.

Une estimation précise des ressources de la CIDOM et de ses engagements est hors d'atteinte compte tenu des voies comptables qu'emprunte sa gestion.

Or, il n'est pas douteux qu'existe un écart entre les ressources allouées à la CIDOM et les engagements pris par elle. Ainsi, en 1995, abondée de plus de 57 millions de francs par le compte spécial, la CIDOM n'a-t-elle contractée que 21,7 millions de francs d'engagements nouveaux.

Inversement, en 1996, malgré l'absence de nouvelle dotation, les engagements nouveaux de la Caisse se seraient élevés à 63,3 millions de francs.

Le signe de l'écart entre dotations du compte spécial à la CIDOM et engagements contractés par celle-ci reste, on l'a dit, à déterminer. On ne peut en l'état que constater que s'il apparaissait que les engagements de la Caisse étaient inférieurs aux ressources publiques accordées à elle, la CIDOM et donc la SOCREDOM et la CFD bénéficieraient de concours publics contribuant à leur équilibre financier alors que tel n'est pas leur objet légal ni d'ailleurs leur destination naturelle.

La nature des engagements de la CIDOM vient confirmer, en tout cas, l'élargissement en pratique du champ d'intervention du compte spécial du Trésor.

Il convient d'abord d'observer que , comme pour d'autres crédits issus du compte, les bénéficiaires ultimes de ses versements ne sont pas, contrairement à la lettre de la loi, des organismes publics mais bien des entreprises privées . C'est d'ailleurs l'objet même de la CIDOM que "d'apporter son soutien aux entreprises du secteur productif des DOM et de Saint-Pierre et Miquelon et de participer à la restructuration des filières économiques en apportant des concours sous forme de prises de participations, de prêts participatifs, de dotations de fonds de garantie et de caution."

Là comme ailleurs, la qualification d'organisme public des bénéficiaires des versement du compte apparaît largement comme un écran.

En outre, les crédits du compte sont dépensés à travers la CIDOM pour des objets qui ne sont pas toujours conformes à leur affectation légale .

Le tableau qui suit présente concrètement les engagements contractés par la CIDOM en 1996 :

Il en ressort clairement, même si les soutiens accordés à l'entreprise sucrière GARDEL de Guadeloupe peuvent être considérés comme relevant d'une vocation agricole, que le champ sectoriel des interventions de la Caisse dépasse, de beaucoup, celui défini pour le compte spécial par ses textes créateurs.

C'est le cas en particulier des opérations suivantes :

les prêts participatifs de 1 MF respectivement en faveur d'une entreprise de matériaux de construction de Guyane et d'une entreprise fabriquant des pneus en Guadeloupe ;

•  le prêt participatif de 1 MF en faveur d'une entreprise hôtelière de la Réunion ;

•  les deux prêts participatifs d'un montant respectif de 1,3 et de 5 MF en faveur respectivement de deux entreprises de transports de Guyane et de Martinique ;

•  la dotation de 10 MF au fonds de participation de Guadeloupe (FGP) qui, constitué en 1996, sous la forme d'un compte géré par la SODERAG concourt conjointement avec le FEDER à la création et au financement d'entreprises du secteur productif exerçant leur activité dans la région Guadeloupe ;

•  et la dotation de 1 MF au fonds de participation de Saint-Pierre et Miquelon en cours de constitution qui, géré par la CFD, participe au financement des entreprises du secteur productif de Saint-Pierre et Miquelon.

L'entorse la plus nette avec l'objet assigné au compte spécial reste cependant la contribution de la CIDOM à une opération d'audit à la Réunion.

Ainsi, il a été confié à la Banque Paribas la mission d'expertiser l'adossement de la SODERE à la CFD. Cette opération étant réalisée à la demande de l'Etat, la CIDOM participe à hauteur de 2 MF au financement de cette mission dont le coût sera facturé à la CFD.

Outre ces observations , la forte concentration des concours de la CIDOM au projet de l'entreprise Gardel qui, après avoir bénéficié en 1995 d'un prêt participatif de 15 millions de francs -près de 70 % des engagements de la CIDOM cette année-là-, a encore reçu 27 millions de francs en 1996 soit plus de 42 % des engagements de l'exercice, doit être soulignée .

Elle contraste avec la dispersion des autres interventions, même si des engagements substantiels ont pu être pris au bénéfice d'entreprises individuelles et si les engagements financiers au profit du fonds de participation de la Guadeloupe ont été élevés en 1996 -10 millions de francs-.

Finalement, la CIDOM pose plusieurs problèmes :

L'un, immédiat, est celui de son devenir dans la mesure où il entrait dans les intentions du précédent gouvernement de supprimer la SOCREDOM qui en constitue la structure de rattachement. Il semble que dans ce schéma la CIDOM aurait pu être directement géré par la CFD.

Mais, plus fondamentalement, la justification même de l'existence de la CIDOM est posée. La justification de la création d'une structure chargée des missions propres à la CFD se pose. Elle se pose d'autant plus que les modalités retenues pour le financement de la CIDOM imposent une entorse aux règles gouvernant l'emploi des ressources ainsi affectées.

•  Enfin, il apparaît que les engagements du compte spécial en faveur de la CIDOM ne se traduisent pas par des dépenses effectives immédiates, si bien que des phénomènes de transferts de trésorerie se produisent aux dépens de l'Etat.

En toute hypothèse, une clarification des relations financières entre la CIDOM et le compte s'impose de même qu'un examen des financements accordés par la CIDOM qui devraient être toujours conformes aux règles d'intervention du compte spécial.

b) La Société de gestion des fonds de garantie des départements d'outre-mer (la SOFODOM)

A l'initiative de l'IEDOM, ont été créés à partir de 1978 des fonds de garantie interbancaire -FGI- dans chaque département d'outre-mer. Le fonds de la Guyane date de 1979 et la création du fonds de la Guadeloupe de 1982.

Localement, chaque FGI est géré par un comité de gestion qui, autour de l'IEDOM, réunit les établissements de crédit et les organisations socio-professionnelles.

Ces fonds ont été regroupés au sein de la SOFODOM en 1986 . Celle-ci est une société financière dont le siège social est situé à Paris et dont le capital -5 millions de francs- est majoritairement -51 %- détenu par l'IEDOM et pour 49 % par les établissements de crédit installés dans les DOM.

Les activités de la SOFODOM sont doubles .

Elle exerce des activités qui lui sont propres à partir de ses ressources, mais elle agit aussi pour le compte de tiers en tant que partenaire technique .

Le tableau ci-après récapitule l'évolution des ressources de la SOFODOM depuis sa création en les répartissant selon qu'elles ont servi à des opérations propres ou, au contraire, déléguées.

On relèvera que l'essentiel des ressources -574,3 millions de francs- est mobilisée pour des opérations propres et que les fonds gérés -56,9 millions de francs- représentent moins du dixième de l'activité de la SOFODOM.

Cependant, les subventions reçues pour financer des opérations propres atteignent, avec 92,6 millions de francs, un pourcentage important -16,1 %- des ressources nécessaires à l'activité propre de la SOFODOM.

Toutes activités confondues, les subventions reçues par la SOFODOM se sont élevées à près de 150 millions de francs, soit un peu moins du quart de l'ensemble de ses ressources.

Entre 1992 et 1995 le total des subventions a atteint 110,9 millions de francs et leur part dans le total des ressources de la société s'est accrue pour atteindre le tiers de cet ensemble.

Entre 1992 et la mi 96, la SOFODOM a été dotée hors Saint-Pierre et Miquelon de 35 millions de francs à partir du compte d'affectation spéciale.

Le tableau ci-après récapitule pour la Guadeloupe et la Guyane les sections propres et les fonds gérés pour compte de tiers des deux FGI.


FGI
GUADELOUPE
FGI
GUYANE
Sections propres

- économie générale

- réforme foncière et rénovation cannière

- cyclone Hugo

- commerce rural

- commerces de l'ïle de Saint-Martin

- renforcement du haut de bilan

Fonds externe

- logements évolutifs sociaux

Sections propres

- économie générale

- renforcement du haut de bilan

- soutien conjoncturel au BTP

- relance de la filière crevettière

Fonds externe

- fonds de garantie à l'habitat social


Source : Rapport pour 1995 de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer

Les champs d'intervention de deux FGI ne sont pas rigoureusement identiques . Seul le fonds de la Guyane pour des raisons propres à l'histoire de ses finances publiques locales est doté d'une section "soutien conjoncturel au BTP" qui, de surcroît, est inscrite au rang des sections propres du fonds.

Encore, cette dernière observation mérite-t-elle d'être nuancée. Les règles d'imputation des opérations entre sections propres et fonds gérés sont en effet particulièrement confuses.

C'est ainsi que le tableau ci-dessus, issu du rapport de l'IEDOM pour 1995, qui range les sections "soutien conjoncturel au BTP" et "relance de la filière crevettière" parmi les sections propres de la SOFODOM, est contredit par le rapport de l'IEDOM consacré à la Guyane en 1993 qui indiquait : "La SOFODOM intervient au titre des secteurs "LES", " Soutien conjoncturel au BTP " et " relance de la filière crevettière " "en tant que partenaire technique, gestionnaire de ressources publiques".

Cette confusion , entretenue sans doute par le caractère existentiel de certains rattachements-il est à souligner que la SOFODOM a ainsi ouvert en décembre 1992 la section de relance de la filière crevettière en vue de garantir les crédits mis en place par la SOFIDEG dans le cadre du plan de relance de ce secteur d'activité- nuit beaucoup à la clarté des relations entre la société et l'Etat . Il y a en effet lieu de rappeler que lorsqu'elle intervient pour compte de tiers la SOFODOM n'est pas engagée financièrement alors que dans l'hypothèse inverse elle l'est.

La confusion relevée plus haut rend cette distinction largement théorique dans les faits.

Au surplus, il y a lieu de souligner que les dépenses publiques en faveur de la SOFODOM sont, semble-t-il, considérées indifféremment comme des subventions. Ce "traitement" qui n'est pas convenable vient encore renforcer la confusion d'une situation que le flou des imputations retenues contribue en tout état de cause à créer .

En effet, dès lors que les fonds versés à la SOFODOM sont considérés comme des subventions dans tous les cas, ils deviennent, à tout coup, propriété de la société, sort auquel devrait échapper les fonds gérés par elle pour le compte de l'Etat .

Une conséquence pratique importante en découle : l'Etat ne bénéficie pas des intérêts produits par les sommes mises à disposition de la SOFODOM. Or, comme les bénéfices de celle-ci ne sont pas consolidés avec ceux de l'IEDOM pour le moment, l'Etat ne "récupère" pas ces intérêts, via l'affectation des bénéfices de l'IEDOM au compte d'affectation spéciale . Il reste vrai que l'Etat ne rémunère pas les services de la SOFODOM. Mais, les solutions retenues ne favorisent certes pas la clarté des relations financières entre l'Etat et la SOFODOM.

2. Les organismes locaux : les sociétés de développement économique départemental et les sociétés immobilières des départements d'outre-mer (SIDOM) de la Guadeloupe et de la Guyane

Les versements du compte au profit d'intervenants locaux concernent des organismes publics appartenant à deux catégories : les sociétés immobilières et les sociétés de financement du développement local.

a) Les sociétés de développement départemental économique
(1) La société financière pour le développement économique de la Guyane (SOFIDEG) :

Créée par l'arrêté interministériel du 24 mai 1982, la SOFIDEG est une société anonyme d'économie mixte qui emprunte le statut des sociétés financières.

Elle a pour objet de financer, par des concours à moyen et long terme, le développement économique et social du département.

Majoritairement détenue par l'Etat , la SOFIDEG a, l'an dernier, bénéficié d'une recapitalisation au terme de laquelle ses principaux actionnaires sont la SOCREDOM, filiale de la CFD (pour près de 22 % du capital), la CFD pour le compte de l'Etat (pour près de 10 % du capital), la Caisse nationale de crédit agricole (près de 19,4 % du capital), le département de la Guyane (près de 23 % du capital), la Région (près de 14 % du capital) et la Chambre de commerce et d'industrie (près de 11 % du capital).

Avant l'augmentation de ses fonds propres à hauteur d'un peu plus de 80 milliards de francs, la SOFIDEG se trouvait dans une situation très défavorable . Elle a accumulé les résultats négatifs qui se sont élevés en cinq ans, pour les années 1991 à 1995, à plus de 88 millions de francs. Depuis le 31 décembre 1993, la SOFIDEG ne respectait plus le ratio de solvabilité qui atteignait même la valeur de 0 en 1995 contre un taux minimum réglementaire de 8. L'activité de crédit de la SOFIDEG a même dû être suspendue au premier trimestre de 1995. En conséquence, les prêts octroyés en 1995 n'ont pas dépassé 67,2 millions de francs contre 242,2 millions de francs en 1990.

Les encours de crédits s'élevaient, au 31 décembre 1995, à 1.065,9 millions de francs et se répartissaient entre :

•  le secteur agricole pour 160,8 millions de francs (15,1 % du total),

•  l'habitat pour 477,4 millions de francs (44,8 % du total),

•  le soutien aux PME pour 426,8 millions de francs (40 % du total),

•  les prêts au personnel pour 0,8 million de francs.

Le niveau des créances contentieuses, précontentieuses et douteuses est considérable. Il atteint près de 50 % des encours.

Entre 1992 et la mi 1996, la SOFIDEG a bénéficié de concours en provenance du compte d'affectation spéciale s'élevant à près de 48 millions de francs.

Pour 30,5 millions de francs -63,5 % du total- ces concours ont été destinés à l'agriculture, le reste, 17,5 millions de francs et 36,5 % du total, étant voué au secteur du BTP.

Les concours agricoles ont d'abord bénéficié aux entreprises crevettières pour 10 millions de francs. Il s'agissait en fait pour le compte de contribuer aux mesures décidées afin de favoriser l'équilibre financier d'entreprises très lourdement endettées et sur lesquelles les établissements de crédits portaient des créances irrécouvrables. Il faut souligner que l'endettement des entreprises du secteur reste important et que leurs capacités d'y faire face sont insuffisantes.

Il est à noter que la SOFIDEG a depuis été appelée à financer le plan de restructuration décidé en faveur des entreprises artisanales du secteur le 17 novembre 1995. Ce plan de 48,3 millions de francs sur la période 1995 à 1998 suppose de sa part une conversion de créances pour 8,2 millions de francs [3] .. En l'état, aucune précision ne peut être apportée sur l'impact sur le compte spécial d'une opération qui contribuera à dégrader la situation de la SOFIDEG.

Pour le reste, les concours à l'agriculture se sont inscrits dans le cadre du "Plan Vert". Défini par l'instruction interministérielle du 23 septembre 1989, il prévoyait, notamment, l'octroi de prêts bonifiés aux exploitants agricoles qui poursuivaient leur activité. La SOFIDEG a été chargée pour constituer l'intermédiaire en la circonstance, l'Etat lui garantissant une marge brute de 3 % sur l'encours de ses prêts. En outre, le FIDOM garantissait par son aval les annuités.

Malheureusement, la cohérence entre les interventions du compte et celles du FIDOM a été défaillante .

Dans les faits, à partir de novembre 1994, le FIDOM a suspendu ses prises en charge, sa dette à l'égard de la SOFIDEG étant estimée par les dirigeants de celle-ci à 30 millions de francs. Par ailleurs, le montant des créances impayées est considérable et fait l'objet d'une demande récurrente de moratoire de la part des socio-professionnels. En conséquence, et alors que l'économie agricole du département continue de connaître une situation difficile marquée par un recul des productions, il apparaît, selon toute vraisemblance que cette section des opérations de la SOFIDEG restera une source de déséquilibre et par là même une source constante d'appels au financement public, et ce, même si la société a réduit à rien ses concours au secteur.

Les autres dépenses du compte au bénéfice de la SOFIDEG ont contribué à atténuer l'impact sur ses comptes des difficultés de remboursement du secteur du BTP . Confronté à la crise de la commande publique produit elle-même pour une grande part de la crise des finances locales, le secteur a de fait bénéficié d'un moratoire. Le compte a donc été appelé pour verser les intérêts des prêts concernés par ce moratoire. Il reste que, si l'encours a diminué, grâce à la reprise des remboursements, la moitié des engagements -soit 17 millions de francs- est fortement compromise, situation qui apparaît sans que les solutions soient évidentes. Car, si la mise en jeu du fonds de garantie interbancaire à hauteur de 7 millions de francs a permis de réduire à 10 millions de francs le montant des créances nettes de la SOFIDEG à ce titre, celle-ci se trouve "coller" avec un prêt de 10 millions de francs consenti sans cession de créances.

(2) La société de développement de la Guadeloupe (SODEGA)

La société de développement de la Guadeloupe est l'homologue pour ce département de la SOFIDEG de Guyane.

Majoritairement détenue par l'Etat grâce à des participations indirectes à travers la CFD la SODEGA est une filiale de la SOCREDOM, elle-même filiale de la CFD cet établissement créé en 1969 est destiné à financer le développement économique du département.

Les intérêts locaux sont représentés à son capital puisque le conseil général porte 40 % de celui-ci.

La SODEGA, à l'inverse de la SOFIDEG, n'a pas reçu de dotation du compte spécial du Trésor depuis longtemps, le dernier versement de l'Etat à son profit ayant été effectué en 1983 à une époque où le compte d'affectation spéciale n'existait pas.

La situation financière de la SODEGA apparaît moins difficile que celle de la SOFIDEG ce qui doit être pris en considération si l'on veut estimer le degré de sollicitation éventuelle du compte spécial du Trésor. Elle aurait ainsi dégagé un bénéfice de 1 million de francs en 1996. Mais, la société supporte un volume important de créances compromises dont le taux de provisionnement pourtant élevé apparaît encore insuffisant.

Cette charge combinée avec des difficultés d'accès au financement de la CFD et de l'IEDOM a provoqué une réorientation de la politique de prêts de la SODEGA.

Celle-ci s'est d'abord montrée plus rigoureuse dans ses octrois de crédits, refusant en particulier de participer au plan d'allongement de la duration de la dette de l'entreprise sucrière Gardel.

Mais, surtout, elle a développé son activité de prêts aux particuliers qui, avec 170 millions de francs de crédits sur un total de 300 millions de francs en 1996, s'est affirmée au détriment des financements apportés aux secteurs prioritaires (tourisme, artisanat, industrie et habitat social) soumis à de réelles difficultés financières.

b) Les SIDOM
(1) La Société immobilière de la Guyane (SIGUY)

La SIGUY est une société d'économie mixte -grâce aux 1,56 % de son capital détenus par la Caisse d'allocations familiales !- détenue majoritairement par l'Etat qui possède 57,6 % du capital, les 40,89 % restant appartenant aux collectivités locales.

La participation de l'Etat est portée par la Caisse française de développement - CFD- en son nom propre (24,67 % du capital) ou pour le compte de l'Etat (32,89 % du capital).

Le conseil d'administration de la société est donc majoritairement composé de représentants de l'Etat, la CFD ne disposant assez curieusement que d'un siège au conseil d'administration alors qu'elle détient en propre le quart du capital de la SIGUY. Le conseil d'administration tient en général deux réunions par an à Cayenne auxquelles assistent avec régularité les représentants de la Direction du Trésor et du ministère des DOM-TOM.

La SIGUY gère un patrimoine de 3.000 logements et a subi depuis 1992 une succession de pertes s'élevant selon les années entre 13 et 6 millions de francs . En 1994, la perte de l'exercice s'était montée à 12,2 millions de francs ; en 1995, elle fut encore de 8,6 millions de francs.

La crise financière apparue au tournant des années 90 a justifié le versement d'une dotation en capital de 24 millions de francs . Les ressources du compte spécial ont été sollicitées afin d'y pourvoir, un premier versement de 20 millions intervenant en 1993, complété l'année suivante par un versement de 4 millions de francs.

En dépit de cette augmentation de capital, les capitaux propres de l'entreprise représentaient, en 1995, à peine 12 % des immobilisations nettes.

Les dettes extérieures de la SIGUY s'élèvent à 669,8 millions de francs et sont, pour les 9/10èmes, des dettes financières.

Les besoins en fonds propres de la société sont estimées à 40 millions de francs.

La société, qui semble avoir un temps connu des problèmes de gestion, est d'abord handicapée par un patrimoine dont les deux tiers sont constitués de logements à "marge brute négative".

Plus fondamentalement, elle souffre d'un effet de ciseau entre le coût de ses ressources -elle a construit 900 logements entre 1982 et 1992, période de taux d'intérêts élevés- et l'évolution de ses recettes qui, longtemps réglementairement encadrée, reste soumise au contexte socio-économique du département et paralysée par l'état d'un patrimoine qui réclame d'importantes opérations de réhabilitation. Celles-ci sont, en l'état, très insuffisantes. A l'encontre de la situation observable en Guyane, les soutiens du compte d'affectation spéciale, sollicités par d'autres interventions, n'ont d'ailleurs apporté qu'un financement marginal à ces opérations. Celles-ci sont pourtant nécessaires à l'équilibre financier de la SIGUY et à la satisfaction des besoins locaux. Il importe que le compte privilégie à l'avenir les interventions réalisées dans ce domaine.

Il est à observer que l'actionnaire de référence, la CFD, n'a guère contribué à favoriser l'équilibre de la SIGUY se contentant d'apporter un prêt participatif au taux de 7 %. En outre, si l'Etat, comme on l'a dit, a accru les ressources de l'entreprise, atténuant ainsi l'impact des réticences de la CFD, il s'est montré peu empressé à assumer les conséquences financières d'un rééchelonnement des dettes de la SIGUY auprès du Crédit foncier de France, évaluées à 25 millions de francs, alors que cette mesure paraissait s'imposer.

(2) La Société immobilière de la Guadeloupe (SIG)

La SIG est une société d'économie mixte qui joue, dans le département de la Guadeloupe, un rôle analogue à la SIGUY en Guyane et aux sociétés d'HLM de métropole.

Son capital est majoritairement détenu par l'Etat dont les actions sont portées par la CFD. Le département -pour près de 37 % du capital- et les communes -près de 11 % du capital- sont les deux autres actionnaires principaux. Il est à souligner que la Région ne participe pas à ce tour de table à l'encontre de la situation en Guyane.

Créée en 1950, la SIG gère un patrimoine de 11.000 logements après avoir construit 16.000 logements en 45 ans, l'écart entre ces deux chiffres provenant en particulier des cessions d'une partie du parc aux accédants à la propriété.

Après avoir connu une crise entre 1985 et 1990 imputée à un surdéveloppement de la société qui s'était dotée d'une régie d'entretien aux effectifs nombreux (300 employés) mal utilisée, la SIG a supprimé cette régie et adopté un calibre plus réaliste. Un peu plus de 200 emplois ont été supprimés si bien qu'aujourd'hui l'entreprise fonctionne avec environ 85 employés.

L'activité de construction de logements qui tourne autour de 5 à 600 logements nouveaux par an, les opérations de réhabilitation et la nécessité d'absorber les dégâts causés par les cyclones assurent une extension et un renouvellement satisfaisants du patrimoine qui reste toutefois insuffisant pour satisfaire la demande.

Les produits locatifs évoluent favorablement, la SIG ayant semble-t-il, il faut l'observer incidemment, bénéficié d'autorisations administratives lui permettant de relever ses loyers un peu au-delà de ce que le cadre légal aurait théoriquement permis.

Entre 1992 et la mi-1996, la SIG a bénéficié de versements du compte spécial du Trésor, totalisant 28,9 millions de francs.

7 millions de francs ont été consacrés à aider la SIG à racheter 184 logements appartenant à la Société anonyme HLM qui se trouvait en 1990 dans une situation très précaire.

Le reste, environ 22 millions de francs, a été consacré à aider la société à mener plusieurs opérations de réhabilitation .

L'aide apportée par les crédits du compte , qui obéit à un taux-plafond égal à 43,4 % du coût total de l'investissement dans la limite de 70.000 francs par logement est qualifiée de considérable par les dirigeants de la société.

Quelques motifs d'espoir

Une source importante des problèmes financiers des SIDOM vient de l'effet de ciseau entre le coût de leurs ressources et l'évolution de leurs produits.

Plusieurs évolutions récentes pourraient atténuer l'ampleur de cet effet. Il s'agit de :

- la baisse du taux du livret A qui s'est répercutée sur le coût des programmes et même de l'encours du crédit de ces sociétés, diminuant d'1/6ème ses coûts ;

- du système des annuités progressives qui a été réagencé avec une option pour des remboursements constants ou des annuités progressives de 1 % au-delà de 15 ans contre, dans le système antérieur, 1,95 % pour les prêts de la CDC et même 4 % pour ceux du Crédit foncier ;

- des loyers qui ont été partiellement libérés et déconnectés de l'évolution de l'indice du coût de la construction, si bien que les conseils d'administration tenus fin 1996 ont pu décider des augmentations de l'ordre de 2 % ;

- enfin, de la loi sur les surloyers qui devrait permettre de remédier aux situations d'abus.

Cependant, il reste beaucoup d'hypothèques à lever :

- assainir le passé ;

- raccourcir les délais des opérations dont chaque étape est trop longue, qu'il s'agisse de l'obtention et de la viabilisation des terrains, des délais d'obtention du permis de construire, les communes la conditionnant souvent à la viabilisation et prise en charge par les sociétés des voies et réseaux divers, de l'obtention des garanties auprès des collectivités locales qui se montrent de plus en plus réticentes, soit qu'elles soient contraintes financièrement, soit qu'elles montrent une certaine mauvaise humeur à l'égard de partenaires dont la direction leur échappe ou des décisions de financement enfin, la CDC ayant accru sa vigilance, en particulier à l'égard de la SIGUY à propos de laquelle elle avait, en 1996, déclenché une procédure d'audit.

*

* *

L'examen des dépenses du compte spécial n° 902-23 n'appelle pas d'observations critiques majeures. Toutefois, plusieurs améliorations sont souhaitables :

- un certain nombre de clarifications dans les relations financières entre l'Etat et les organismes bénéficiaires des versements du compte s'imposent,

- la recherche d'une meilleure visibilité pour les intervenants locaux des conditions de gestion des ressources du compte est nécessaire,

- une pleine conscience du poids des impondérables une orientation des dépenses vers les opérations de réhabilitation du patrimoine immobilier social dans les départements devrait être privilégiée,

- le contrôle des organismes bénéficiaires des subsides du compte et des opérations réalisées par eux doit être plus continu et s'inscrire dans le cadre des réformes nécessaires.

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