B. LA SÉANCE DU 10 JUIN AU MATIN

Le mardi 10 juin au matin, la COSAC a entendu M. Gerrit ZALM , ministre néerlandais des Finances, président en exercice du Conseil " ECO-FIN ".

M. Gerrit ZALM a fait le point sur l'état d'avancement des textes relatifs à la mise en place de l'euro :

· Beaucoup de progrès ont été faits pour définir les relations entre l'euro et les monnaies des Etats membres non participants. Le nouveau mécanisme de change aura l'euro pour point d'ancrage ; la marge de fluctuation sera, comme aujourd'hui, de • 15 %, mais les Etats non participants seront invités à rester volontairement à proximité du taux pivot.

· Le cadre juridique pour l'utilisation de l'euro sera précisé par deux textes, l'un fondé sur l'article 235 du traité et immédiatement applicable, l'autre fondé sur l'article 109L et qui sera applicable au printemps 1998, lorsque la liste des pays participant à la monnaie unique sera connue.

· Le pacte de stabilité est techniquement au point. Il amènera les Etats participants à rechercher l'équilibre budgétaire ou un léger excédent, de manière à ce que les stabilisateurs puissent jouer en cas de ralentissement économique ; les engagements des Etats s'inscriront dans des programmes de convergence et de stabilité que le Conseil veillera à faire respecter grâce à un système d'alerte précoce et à un mécanisme progressif de sanctions. Le produit des sanctions bénéficiera aux Etats qui auront, quant à eux, rempli leurs obligations.

M. Gerrit ZALM s'est félicité de la collaboration apportée par le Parlement européen à la mise au point de ces textes, indiquant que nombre des suggestions de l'Assemblée de Strasbourg avaient été reprises.

Puis il a abordé les conséquences du changement de majorité parlementaire en France. Le nouveau Gouvernement a demandé un délai de réflexion ; il souhaite notamment que le pacte de stabilité s'accompagne d'une coordination des politiques économiques au sein du Conseil ECO-FIN, ce qui est au demeurant conforme au traité. Le pacte de stabilité n'est pas renégociable ; en revanche, une discussion est possible sur la coordination : une déclaration ou une résolution sur ce sujet pourrait compléter utilement le pacte de stabilité. Les Gouvernements sont persuadés qu'un accord de ce type interviendra à Amsterdam.

Un membre de la délégation portugaise a souligné l'évolution positive de la situation financière des pays du Sud de la Communauté, au sujet de laquelle, a-t-il rappelé, la présidence néerlandaise avait, au début de l'année, exprimé un certain scepticisme. Puis il a souhaité que l'indépendance de la banque centrale européenne ne soit pas synonyme d'une absence de responsabilité ; faisant référence au modèle américain, il a souhaité que la BCE soit responsable devant le Parlement européen.

Un membre de la délégation finlandaise a demandé des précisions sur l'importance particulière accordée au critère du déficit parmi les " critères de Maastricht ", et sur la position éventuelle du Conseil " ECO-FIN " quant à la " force " souhaitable pour la monnaie unique européenne.

Un membre de la délégation espagnole s'est opposé à toute renégociation du pacte de stabilité. Puis il s'est interrogé sur les modalités de l'adhésion ultérieure à la monnaie unique des Etats qui ne feront pas partie de la première vague, citant les exemples du Royaume-Uni, de la Suède, de la Grèce, et s'interrogeant sur le cas de l'Italie.

Un membre de la délégation du Parlement européen a déclaré que, si le Parlement européen avait été davantage écouté, les difficultés seraient bien moins grandes aujourd'hui. Le Parlement européen, a-t-il indiqué, avait plaidé pour plus de souplesse sans être entendu, l'inspiration keynésienne des allusions du ministre aux stabilisateurs budgétaires lui paraissant à cet égard une nouveauté tardive. Le Parlement européen, a-t-il poursuivi, souhaite un parallélisme entre union économique et union monétaire, et demande que la banque centrale européenne soit responsable. Enfin, il a souhaité que la Commission européenne fasse connaître plus rapidement ses prévisions pour éviter que l'établissement de la liste des participants ne s'effectue dans de mauvaises conditions.

En réponse, M. Gerrit ZALM a apporté les précisions suivantes :

· Les Pays-Bas n'ont jamais voulu frapper d'ostracisme les Etats membres méridionaux ; ils ont seulement souligné qu'il ne fallait pas dramatiser l'hypothèse dans laquelle ces Etats membres ne pourraient participer à l'euro dès 1999. Les Etats ibériques ont obtenu de très bons résultats sur le plan des finances publiques. Le diagnostic définitif sera établi au début de 1998 ; l'Allemagne et la France sont en toute hypothèse au coeur de ce processus.

· La France doit préciser ses demandes ; tous les Gouvernements sont pour la croissance et l'emploi et prêts à la discussion sur ces sujets.

· L'indépendance de la banque centrale européenne (BCE) résulte du traité et ne peut donc être remise en cause. L'Union a adopté le modèle allemand, qui a fait ses preuves.

· La gestion de l'euro sera orientée vers la maîtrise de l'inflation. L'objectif assigné à la BCE est la stabilité des prix ; cet objectif figure déjà également dans les statuts des banques centrales nationales. L'euro sera une monnaie " forte " par rapport à celles des pays ayant plus d'inflation. La priorité accordée au critère du déficit est logique, puisque la réduction du déficit entraîne celle de la dette totale.

· Le problème de l'adhésion ultérieure à l'euro de certains pays se pose dans chaque cas de manière spécifique. Ainsi la Suède a un problème politique et se trouve en dehors du système de parité. Le Royaume-Uni observe et n'aura pas de difficulté à se joindre à la monnaie unique s'il juge que celle-ci fonctionne bien.

· La marge de • 15 % pour le nouveau mécanisme de change est certes importante, mais on peut espérer qu'en pratique, grâce à une concertation informelle, une marge aussi ample sera inutile. L'engagement reliant les partenaires du mécanisme de change ne sera pas illimité : la priorité est la stabilité de l'euro.

· Le dispositif d'ensemble ne manque pas de souplesse, bien au contraire : cette souplesse pourrait même être source de difficultés, car des règles du jeu claires sont indispensables.

· L'objectif d'équilibre ou d'excédent des finances publiques des Etats a pour raison d'être de rendre une latitude à ces derniers : il est indépendant des controverses sur le keynésianisme.

· Les incertitudes sur le calendrier doivent être supprimées dès que possible, car elles pourraient pousser les taux d'intérêt à la hausse.

Un membre de la délégation allemande a déploré l'insuffisance de l'information des citoyens sur l'euro. Il a souhaité d'une manière générale que l'Union se rapproche des citoyens.

Un membre de la délégation italienne a souhaité que soient étroitement associées politique monétaire et politique de l'emploi.

Un membre de la délégation allemande a exprimé ses doutes sur la possibilité pour nombre d'Etats membres de remplir les critères de Maastricht et de respecter le pacte de stabilité. L'Allemagne a des difficultés, la France aussi, et il est probable que la nouvelle majorité en France va adopter des mesures qui vont éloigner davantage ce pays du respect des critères. Il a demandé des précisions sur une éventuelle remise en cause de l'indépendance de la BCE et sur les mesures envisagées concernant l'emploi et la coordination des politiques économiques. Enfin, il s'est inquiété d'éventuels mouvements spéculatifs.

Un membre de la délégation belge a estimé que les demandes françaises constituaient certes un élément nouveau, mais que le problème de l'équilibre des objectifs économiques et sociaux au sein du traité avait déjà été soulevé bien des fois. La suggestion de compléter le pacte de stabilité par une résolution ne paraît pas à la hauteur de ce problème : le Conseil a déjà adopté tant de résolutions sans effet pratique ! Au demeurant, la notion de " gouvernement économique " mise en amont par la France ne paraît pas claire.

En réponse, M. Gerrit ZALM a apporté les précisions suivantes :

· L'information sur la monnaie unique doit, au stade actuel, s'adresser surtout au monde des affaires ; pour les citoyens, l'effort de publicité devra être développé lorsque la liste des participants sera connue ;

· multiplier les textes sur l'emploi ne résoudra pas les problèmes ; il n'existe pas de panacée européenne dans ce domaine : le faire croire conduirait aux pires désillusions. Si l'on peut conserver des budgets importants à des mesures censées favoriser l'emploi, il faut expliquer qui paiera ces mesures ;

· les critères de Maastricht s'appliquent à tous, y compris l'Allemagne et la France ;

· l'idée de " gouvernement économique " doit effectivement être précisée ; s'il doit s'agir d'une sorte de gouvernement monétaire, d'un instrument de pression sur la BCE, c'est une formule incompatible avec le traité ; s'il s'agit de coordonner les politiques économiques, on est au contraire tout à fait dans l'esprit du traité : mais en aucun cas, l'indépendance de la BCE ne doit être remise en question.

Un membre de la délégation autrichienne a plaidé pour des objectifs ambitieux en matière d'emploi avec une tâche d'impulsion pour la Communauté. La construction européenne, a-t-il ajouté, doit être réorientée en fonction des attentes des citoyens.

Un membre de la délégation britannique a estimé que, compte tenu des divergences franco-allemandes, mieux vaudrait reporter l'entrée en vigueur de l'euro. Il s'est inquiété des effets pervers que pourraient avoir les sanctions financières prévues par le pacte de stabilité, qui aggraveront le déficit d'Etats sanctionnés précisément pour leur déficit.

Un membre de la délégation grecque a regretté que la convergence économique ait la priorité sur la convergence sociale. La communauté a adopté des critères monétaires, pas de critères sociaux ; elle doit se doter d'une dimension politique, sociale et humaine. La Grèce consent actuellement des efforts importants pour remplir les critères, mais elle est soumise à certaines contraintes que ne connaissent pas les autres Etats membres, telles que la nécessité d'un important programme d'équipement et surtout l'obligation de maintenir le budget militaire à un niveau élevé compte tenu de la menace turque : ce fardeau particulier devrait être pris en compte.

Mme Danièle POURTAUD est intervenue dans le débat en précisant qu'elle appartenait à la nouvelle majorité parlementaire française. La finalité de la construction européenne, a-t-elle déclaré, est d'assurer la prospérité des peuples. L'euro est un moyen pour cela, non une fin en soi. Le pacte de stabilité est en partie fondé sur une erreur d'analyse ; il donne la priorité à la lutte contre l'inflation, alors que celle-ci n'est pas menaçante et que le problème de l'emploi se pose de façon pressante dans une Europe comptant 18 millions de chômeurs. En situation de sous-emploi, il est nécessaire de stimuler la demande par une politique de relance : l'Europe doit être à cet égard un élément d'impulsion, comme l'avait prévu le " Livre Blanc " présenté par Jacques DELORS ; si elle jouait ce rôle, elle retrouverait l'adhésion populaire qui lui fait aujourd'hui parfois défaut. A force de rigueur, a-t-elle conclu, l'économie européenne risque de mourir guérie.

Un membre de la délégation danoise , après avoir rappelé que son pays remplissait les critères de Maastricht, a indiqué qu'un référendum serait organisé au Danemark, sur l'entrée en vigueur de l'euro. Il a demandé des précisions sur les possibilités qui subsisteraient, en cas de vote négatif, pour utiliser l'euro parallèlement à la monnaie nationale.

M. Gerrit ZALM, en réponse, a apporté les précisions suivantes :

· La création d'emplois publics ne renforcerait pas l'économie européenne ; d'une manière générale, d'éventuelles mesures budgétaires européennes à cet effet ne pourraient être justifiées que par une valeur ajoutée qui, en l'occurrence, n'a pas été démontrée ; le principe de subsidiarité doit être respecté ;

· Il est vrai que la mise à l'amende d'un Etat membre pour ses difficultés financières peut paraître une solution peu satisfaisante, mais existe-t-il un autre moyen envisageable pour assurer durablement le respect des critères ? On pratique bien, à l'échelon international, la suspension des aides à l'égard de pays qui ne parviennent pas à réduire leur dette, et cette attitude est généralement jugée normale. En outre, le pacte de stabilité prévoit une période pour que le pays mis en cause puisse rétablir ses finances avant de subir des sanctions.

· On peut certes proclamer que l'emploi sera au centre de la construction européenne, mais la croissance ne se décrète pas. Le parallélisme entre les critères financiers et d'éventuels critères sociaux est abusif : va-t-on mettre à l'amende un pays pour insuffisance de son taux de croissance ? Il n'y a pas de baguette magique européenne pour accroître l'emploi : la solution est plutôt dans un réexamen à l'échelon national des rigidités et des droits acquis.

· Il est vrai que la Grèce est dans une situation particulière en matière de défense, mais cela peut-il justifier un traitement particulier au regard des critères de Maastricht ? La menace que doivent affronter les Grecs n'est pas nouvelle ni exceptionnelle : elle résulte au contraire d'une situation durable. Ne pourrait-on dire également que les Pays-Bas ont à se défendre contre les eaux, ce qui entraîne des dépenses publiques élevées ?

· La mise en place de l'euro va concourir à la prospérité des pays membres. L'insuffisance éventuelle de la demande est un problème à traiter nationalement. Peut-on envisager une politique de relance alors que les déficits sont déjà élevés ? L'échec de la relance française au début des années 1980 doit inciter à ne pas recommencer certaines erreurs.

· L'euro ne pourra être émis en parallèle, mais il pourra être utilisé parallèlement à la monnaie nationale dans les pays non participants.

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