B. UNE MARGE D'APPRECIATION CONSIDERABLE POUR L'APPRECIATION DE CES COMPETENCES

Si le principe de subsidiarité, tel qu'il figure dans le Traité, définit une orientation claire quant à la manière dont les compétences communautaires doivent être conçues et exercées, il n'en laisse pas moins subsister une importante marge d'appréciation tenant au fait qu'il repose sur l'appréciation d'éléments qualitatifs et qu'il fait intervenir le notion controversée de " compétence exclusive ".

1. Des éléments qualitatifs

Qu'est-ce que la " réalisation suffisante " d'un objectif ? Qu'est-ce qu'une " meilleure réalisation " ? Où situer la limite entre " ce qui est nécessaire " pour atteindre un objectif et ce qui constitue une contrainte superflue ? Il est clair que, dans beaucoup de domaines d'intervention de la Communauté, bien des réponses sont possibles à de telles questions, et que les instances communautaires disposent de ce fait d'une marge d'appréciation considérable.

La difficulté est d'autant plus sérieuse que les objectifs de la Communauté et de l'Union sont parfois définis par le Traité en termes ambitieux et vagues. Dans des domaines tels que l'environnement, la politique sociale, la culture, l'éducation, la protection des consommateurs, la santé publique, quand pourra-t-on dire que les objectifs fixés par le Traité sont " suffisamment atteints " ?

Il suffit de citer quelques-uns de ces objectifs pour mesurer la difficulté :

- " la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement " (article 130 K),

- " l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles " (ibid),

- " l'amélioration des conditions de vie et de travail de la main d'oeuvre permettant leur égalisation dans le progrès " (article 117),

- " l'épanouissement des cultures des Etats membres " (article 128),

- " le développement d'une éducation de qualité " (article 126),

- " protéger la santé, la sécurité et les intérêts économiques des consommateurs, et leur assurer une information adéquate " (article 129 A),

- " assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine " (article 129).

On voit mal sur quels critères objectifs s'appuyer pour déterminer où se situe la " réalisation suffisante " de tels objectifs, et qui, de la Communauté ou des Etats membres, est le mieux à même d'agir avec le plus d'efficacité dans de tels domaines.

Une telle situation est susceptible de limiter considérablement la portée de l'article 3B.

Un des aspects de celui-ci, comme on vient de le voir, est que la Communauté ne dispose que de compétences d'attribution, qu'elle n'a pas " la compétence de la compétence ". Mais, dès lors que les compétences communautaires sont définies en termes aussi vagues, il est clair que, si les instances communautaires sont seules compétentes pour interpréter ces compétences et pour déterminer si une intervention communautaire est ou non conforme au principe de subsidiarité, alors la Communauté n'est pas loin de disposer, en fait sinon en droit, de " la compétence de la compétence ". En réalité, ce sont les dispositions du Traité accordant ou non un pouvoir d'action à la Communauté et précisant les modalités de son exercice qui apparaissent, sous cet angle, comme le principal instrument de protection de la compétence des Etats, bien plus que le principe de subsidiarité.

Les autres aspects du principe de subsidiarité sont, pour les mêmes raisons, remis en question par la définition très large des objectifs de la Communauté :

- une action de la Communauté peut toujours paraître justifiée si l'objectif à atteindre est défini par le traité de manière si vague qu'il ne pourra jamais paraître " suffisamment réalisé ", et qu'il ne sera jamais possible, dans un sens ou dans l'autre, de se prononcer sur les chances d'une " meilleure réalisation " grâce à une intervention de la Communauté ;

- la restriction aux interventions communautaires entraînée par la règle selon laquelle ces interventions doivent " compléter " l'action des Etats membres est singulièrement affaiblie si l'ampleur du chemin à parcourir pour obtenir une " meilleure réalisation " de l'objectif poursuivi est indéterminée ;

- face à un objectif imprécis, il est toujours difficile d'affirmer qu'une action est exagérément contraignante, qu'elle emploie des moyens disproportionnés.

Ainsi, la formulation du principe de subsidiarité qu'a retenue le Traité reste suffisamment ambiguë pour que le caractère protecteur ou non de ce principe dépende en réalité de l'interprétation qui en est donnée dans chaque cas.

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