2. Renforcer la concurrence

La Commission européenne est convaincue depuis longtemps que le renouveau du transport ferroviaire passe par un renforcement des forces du marché dans ce secteur. La directive de 1991 a autorisé les entreprises participant à un regroupement international et les entreprises assurant des services de transport combiné à accéder aux réseaux des grandes entreprises ferroviaires.

·  En 1995, la Commission européenne a formulé une nouvelle proposition visant à accorder cet accès au réseau à toute entreprise offrant des services de fret ou des services de transport international de voyageurs. La Délégation du Sénat pour l'Union européenne, puis la commission des Affaires économiques avaient estimé que cette proposition était prématurée en l'absence de véritable bilan de la directive de 1991. Le Conseil de l'Union européenne n'a pas retenu cette proposition jusqu'à présent. Dans son Livre blanc, la Commission européenne renouvelle sa proposition et indique qu'elle s'emploiera à la faire adopter dans les plus brefs délais.

Votre rapporteur constate que le bilan de la directive 91/440 qu'il avait souhaité dans son précédent rapport n'a toujours pas été réalisé. La Commission indique, certes, que certains Etats n'ont pas complètement transposé la directive et qu'elle a engagé des procédures d'infraction à leur encontre, mais on ne peut qualifier de telles indications de bilan.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les possibilités d'accès au réseau ouvertes par la directive de 1991 n'ont pas reçu la moindre application depuis l'entrée en vigueur de la directive. Il serait souhaitable de connaître les raisons de cette situation avant d'envisager un élargissement des droits d'accès.

·  Dans l'attente d'une plus large ouverture à la concurrence, la Commission européenne propose, conformément à la recommandation d'un groupe consultatif mis en place par le commissaire européen chargé des transports (3( * )), de mettre en place quelques " corridors ferroviaires " transeuropéens. Il s'agirait de choisir certains itinéraires prometteurs pour le transport de marchandises et de favoriser le libre accès aux infrastructures correspondant à ces itinéraires pour le transport de fret. Sur ces trajets, le transport de marchandises pourrait bénéficier d'une priorité dans l'attribution des sillons et des guichets uniques seraient créés pour traiter les demandes de sillons le plus vite possible.

Cette proposition peut effectivement présenter un intérêt pour le renouveau du transport ferroviaire de marchandises, mais devrait être mise en oeuvre par la coopération entre les entreprises concernées par ces " corridors ferroviaires ".

·  En ce qui concerne les transports intérieurs de voyageurs, la Commission européenne reconnaît que le libre accès au réseau n'est pas forcément la meilleure solution pour les services offerts sur des réseaux denses et surexploités, tels que les réseaux urbains et régionaux. En effet, les mêmes infrastructures peuvent être utilisées pour de nombreux services, ce qui soulève des questions complexes d'attribution des sillons et de partage des coûts entre les opérateurs. Aussi, la Commission fait-elle valoir que " en ce qui concerne ces services, pour lesquels un libre accès n'est pas souhaitable ou faisable, il semble plus indiqué de maintenir des concessions exclusives. On pourrait introduire les forces du marché en attribuant ces concessions dans le cadre d'un appel d'offres communautaire ; cet appel d'offres indiquerait clairement le type de services exigé ainsi que les limites des concessions. "

C'est un système de ce type qu'a mis en oeuvre le Royaume-Uni, comme on l'a vu précédemment. Ce système implique en premier lieu une gestion régionale des réseaux régionaux qui ne peut avoir que des effets bénéfiques en termes d'efficacité et d'attention portée au client. L'expérimentation de la régionalisation dans le cadre du projet de loi français sur le Réseau Ferré National va donc dans la bonne direction et il est indispensable que chacun des acteurs s'attache à la réussite de cette expérience afin qu'elle puisse être rapidement généralisée. Car, comme l'a noté le groupe consultatif mis en place par le commissaire européen chargé des transports, les entreprises de chemins de fer " sont devenues trop monolithiques et ont perdu toute image ou dimension humaine. L'esprit d'innovation s'étouffe et les entreprises se retrouvent incapables de répondre aux besoins de leur clientèle. "

Pour l'avenir, un système d'appel d'offres pourrait effectivement permettre aux autorités régionales d'obtenir la gestion des services régionaux dans les conditions les plus avantageuses pour les finances publiques. Naturellement, la mise en place d'un tel mécanisme mérite une préparation et une réflexion approfondies, mais pourrait apporter des progrès sensibles dans l'efficacité des transports ferroviaires sans que le service public soit pour autant remis en cause. Votre rapporteur reviendra sur cette conciliation indispensable entre le maintien d'un service public de haut niveau et l'introduction d'une certaine concurrence qui pourrait stimuler les entreprises ferroviaires.

·  Enfin, la Commission européenne propose de renforcer les dispositions de la directive 91/440 en ce qui concerne la séparation entre l'exploitation des services de transport et la gestion des infrastructures. La directive de 1991 impose une séparation qui peut être organique ou simplement comptable. La Commission estime qu'il est indispensable de créer deux unités d'activités distinctes, avec des gestions et des bilans séparés dans les cas où les Etats membres maintiennent des compagnies de chemins de fer intégrées. L'actuelle réforme de l'organisation du système ferroviaire français va dans le sens de cette proposition, qui devrait permettre une meilleure gestion des infrastructures.

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