II. LES ALLOCUTIONS PRONONCEES PENDANT LA SESSION DE 1996 ET QUESTIONS DES DELEGUES FRANÇAIS

A. PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (22-25 JANVIER)

1. Allocution de Mme Leni FISCHER, Présidente de l'Assemblée (Lundi 22 janvier)

" Chers collègues, je vous remercie de la confiance que vous m'accordez en élisant, en ma personne, la première Présidente de l'Assemblée parlementaire. Permettez-moi aussi de remercier notre doyen, M. Ehrmann, d'avoir ouvert cette partie de session et procédé à l'élection.

" Vous me permettrez ici d'ajouter quelques mots de remerciements en allemand à l'intention de ma famille, de mon mari et de mes enfants ; à l'intention de mes amis et de tous ceux qui, ces dernières années, m'ont assistée et m'ont soutenue, et qui se trouvent aujourd'hui dans la tribune des invités. Merci beaucoup.

" Je voudrais, tout spécialement vous remercier aussi, Monsieur le Président Martínez -cher Miguel Ángel que je viens d'embrasser- de tout ce que vous avez accompli durant votre présidence et, en particulier, de votre engagement politique et personnel. Vous avez, durant votre mandat, assisté comme nous tous à l'arrivée de treize -pas moins- nouveaux Etats membres. La plupart des nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale sont devenues au sein de notre Organisation des partenaires. D'autres suivront.

" Durant votre présidence s'est tenu le Sommet du Conseil de l'Europe, le premier de notre histoire, organisé à Vienne, en octobre 1993, et vous y avez pris une large part. Autre aspect important de votre présidence, le développement des relations extérieures de l'Assemblée, grandement facilité par votre attitude extraordinairement amicale avec les principales personnalités politiques. Et puis, c'est encore sous votre présidence que le Comité des ministres a enfin officiellement reconnu, en février 1994, le nom d'Assemblée parlementaire pour notre institution.

" Je vous connais, cher Miguel, depuis une vingtaine d'années. Nous nous sommes aussi rencontrés à l'Union interparlementaire et continuons d'y coopérer grâce au Groupe des "Douze plus", composé de représentants du Conseil de l'Europe et de quelques autres qui unissent leurs forces pour promouvoir les valeurs démocratiques de l'Europe dans le monde.

" Nous partageons, au sein de notre Assemblée, le patrimoine que je chéris peut-être le plus au monde et dont nous pouvons être particulièrement fiers : l'atmosphère amicale et le respect qui caractérise les relations et négociations entre nos groupes politiques. Je remercie les chefs de ces groupes pour leur sens des responsabilités et leur dévouement envers notre Assemblée. Et je me réjouis de ce qu'ils poursuivent ici leur combat pour l'Europe, en s'attachant tout particulièrement aux questions vitales Nord-Sud. Une fois encore, merci beaucoup.

" J'aimerais ensuite remercier tous ceux qui m'ont aidée à remplir mes tâches passées à l'Assemblée et, plus spécialement, les membres du Greffe. Je rendrai d'abord hommage à M. Heinrich Klebes, le greffier sortant. Son remarquable travail pour l'Assemblée et le Conseil de l'Europe a été reconnu puisqu'on lui a conféré le titre de greffier honoraire à partir du 1 er février 1996. L'Assemblée lui adresse toutes ses félicitations.

" Ces dernières années, j'ai aussi bénéficié de la fructueuse coopération de M. Bruno Haller qui succédera à M. Klebes le 1 er février 1966. Je lui souhaite beaucoup de succès et je suis persuadée que nous formerons une bonne équipe.

" Prendre mes fonctions en 1996, année que les principaux quotidiens français ont déjà baptisée "Année de l'Europe", n'est pas seulement un honneur, c'est un défi. Le plus important est le rôle que jouera l'Assemblée dans l'instauration d'une paix sûre et durable sur l'ensemble du continent. Une personnalité aussi grande que Winston Churchill disait que la base de l'unité européenne était le désir universel de tous les simples citoyens et citoyennes de vivre en paix, d'élever leurs enfants dans la liberté et de recueillir le juste profit de leur journée de travail.

" Notre défi est de consolider la culture commune, y compris les valeurs démocratiques. Ne soyez donc pas surpris d'entendre la précédente Présidente de la commission de la culture et de l'éducation de l'Assemblée lancer un appel en faveur d'un renforcement de l'action du Conseil de l'Europe dans le secteur culturel au sens large.

" Ce domaine qui s'est développé plus rapidement que les autres s'appuie sur la Convention culturelle européenne. Depuis 1991, l'URSS -désormais la Fédération de Russie- y adhère. Les ressources, malheureusement, n'ont pas suivi l'extension. L'un des grands problèmes qui se pose au Conseil de l'Europe est de faire connaître ses activités et ses réalisations non seulement aux Gouvernements et aux décideurs, mais aussi au large public des ONG, aux chercheurs, aux enseignants et aux journalistes. Peut-être pourrait-on faire une percée grâce aux nouvelles technologies de la communication, en particulier Internet.

" J'espère qu'Israël pourra bientôt se rallier à la Convention culturelle européenne. Il importe que l'Europe au sens large -tout comme celle plus étroite de l'Union européenne- ne se ferme ni aux pays voisins, ni aux cultures apparentées. La Commission de la culture et de l'éducation a fait œuvre de pionnier par son ouverture aux cultures judaïque et islamique. Nos travaux sur la tolérance religieuse viennent tout juste de commencer : il conviendra, ensuite, de les faire entrer dans la salle de classe, dans le sillage du rapport sur l'histoire dont nous débattrons cet après-midi.

" Comme le disait le Chancelier Kohl, il y a quatre mois, devant notre forum, malgré les progrès accomplis depuis 1990, la persécution des minorités ethniques et religieuses continue de sévir en Europe, nourrie par la haine ethnique et religieuse. Le Conseil de l'Europe et son Assemblée ne doivent donc pas relâcher leurs efforts pour la protection des droits des minorités. Il nous faut, premièrement, faire le maximum pour une rapide mise en œuvre de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Après quoi, nous devrons surtout veiller à ce que le mécanisme d'application prévu dans cette convention soit aussi indépendant, efficace et transparent que possible. Deuxièmement, en dépit des nouvelles fâcheuses qui nous parviennent par le biais du Comité des ministres, nous devrions poursuivre notre action en faveur de l'élaboration d'un protocole additionnel visant à sauvegarder les droits de l'individu dans le domaine culturel.

" En 1993, je l'ai déjà dit, l'Assemblée a instauré une procédure de surveillance pour le respect des engagements contractés par les nouveaux Etats membres lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe. Cette procédure a, depuis, été révisée pour garantir que la surveillance couvre l'observation des obligations statutaires et autres par tous les membres. Il y a, certes, encore beaucoup à faire. Mais il importe en tout cas au plus haut point que le système soit mis en œuvre dans un esprit de coopération et que le Conseil de l'Europe offre son aide pour aider les Etats membres à honorer leurs engagements.

" En dépit des hauts et des bas de la coopération Est-Ouest, l'Assemblée a maintenu depuis les années 50 ses relations avec la Yougoslavie, premier pays d'Europe centrale à mener en 1987 une coopération officielle au titre de la Convention culturelle européenne. L'Assemblée a donc suivi en détail la récente tragédie. On peut comprendre, vu les circonstances, l'urgence qui a présidé à l'élaboration des Accords de Dayton, mais il faut espérer que l'on associera davantage le Conseil de l'Europe à l'application de ces accords et aux processus de reconstruction. Le Conseil devrait, par exemple, participer aux programmes de protection des biens culturels, d'éducation et de reconstruction civile. Il devrait aussi être représenté au Comité directeur prévu à la Conférence de mise en œuvre de Londres.

" En 1876, Victor Hugo, dans un texte intitulé "Pour la Serbie", écrivait : "Plus de guerres, plus de massacres, plus de carnage ; libre pensée, libre-échange ; fraternité. Est-ce donc si difficile la paix ? La République d'Europe, la fédération continentale, il n'y a d'autres réalités politiques que celle-là". C'était il y a 120 ans.

" L'Assemblée débattra cette semaine de la demande d'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe. Je ne veux pas m'immiscer dans ce débat, mais j'apprécierai que les membres aient, en conscience, les idées bien nettes sur la conduite à tenir : faire confiance aux sphères dirigeantes de Russie ou exclure ce pays de notre zone d'influence. Peut-être devrions-nous aussi nous demander ce qui favorise la démocratie, quelle est notre responsabilité dans le soutien aux défenseurs des droits de l'homme en Russie et comment nous envisageons la coopération avec les représentants élus des citoyens russes ?

" Depuis toujours la coopération avec l'Union européenne a revêtu une signification particulière pour le Conseil de l'Europe. Il n'y a pas de contradiction entre le projet d'intégration européenne et la politique paneuropéenne. L'Union européenne et le Conseil de l'Europe devraient être les acteurs majeurs d'un même projet européen. Pour ce faire, il faudra rendre davantage consciente l'opinion publique de cette réalité. La meilleure façon d'y parvenir est de réaliser des projets communs, de faire référence chaque fois que cela est possible à la fonction complémentaire de l'autre institution. Malheureusement, ceci est rarement le cas dans les programmes de travail des deux institutions. Ne devrait-il pas aller de soit, chaque fois que l'Union prend une initiative ayant une dimension paneuropéenne, de réaliser une telle action avec le Conseil de l'Europe sous la forme d'une joint venture ?

" Un thème en discussion actuellement au sein de l'Union est celui des relations avec les Parlements nationaux. Depuis près de cinquante ans, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe constitue un lien particulièrement important et original entre le projet européen et les Parlements nationaux. Là aussi, l'Union et ses institutions pourraient davantage s'appuyer sur l'expérience et les ressources des membres de notre Assemblée parlementaire. Fin mars 1996, débutera la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne. L'Assemblée a toujours soutenu les efforts d'intégration de l'Union et cela vaut également pour la Conférence intergouvernementale. Une définition réaliste de la répartition des tâches entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne est encore en suspens.

" Nous serions heureux si la Conférence intergouvernementale examinait ce problème sérieusement et prenne en compte les propositions formulées par notre Assemblée.

" En guise de conclusion, je voudrais vous faire part encore de quelques réflexions sur les méthodes de travail de l'Assemblée, sur son administration et son budget.

" En raison de l'élargissement de l'Assemblée depuis 1989, une réforme de l'organisation des débats de l'Assemblée devient indispensable. Les organes compétents de l'Assemblée y travaillent. Il s'agit en particulier d'impliquer davantage les groupes politiques pour l'établissement de l'ordre des orateurs dans les discussions générales de l'Assemblée et de revoir les horaires pour les séances de l'Assemblée.

" Une autre question étudiée par le Bureau de l'Assemblée est celle d'une simplification des structures des commissions de l'Assemblée.

" Dès sa création, l'Assemblée a milité en faveur d'une plus grande autonomie administrative et budgétaire. Cette revendication est justifiée car une comparaison avec les autres institutions parlementaires internationales montre que l'Assemblée figure parmi celles dont les pouvoirs sont les plus limités. A cet égard, je ne suis pas encore en mesure de vous soumettre des propositions précises. Mais, le moment venu, je ferai part de mes idées à notre Commission du budget qui a déjà été chargée par la Commission Permanente de se pencher sur les pouvoirs budgétaires de l'Assemblée.

" Quant au budget global de l'Organisation, l'adhésion de nouveaux Etats membres ne doit plus se traduire par une diminution des contributions budgétaires des anciens Etats membres. Les contraintes budgétaires ne justifient pas non plus, à mon avis, de geler le budget du Conseil de l'Europe. Une telle décision est contraire à l'esprit des délibérations et aux engagements pris lors du sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement, à Vienne. Le Conseil de l'Europe ne peut pas faire face aux engagements contractés lors de l'adhésion des nouveaux Etats membres sans obtenir une augmentation de ses ressources équivalente au surcroît de ses activités résultant de l'élargissement.

" En tant qu'Assemblée parlementaire, nous sommes un des deux organes statutaires de l'Organisation, l'autre étant le Comité des ministres. Ces dernières années, nous avons eu plus de contacts avec le Comité des ministres grâce notamment à une augmentation des réunions du Comité mixte. Je poursuivrai l'action de Miguel Ángel Martínez visant à accorder davantage de poids à l'Assemblée au sein de l'Organisation.

" A cet égard comme à beaucoup d'autres, tels que l'amélioration du dialogue entre l'Assemblée et les conférences des ministres spécialisés, je compte sur la coopération avec le Secrétaire général, Daniel Tarschys.

" Je vous prie, mes chers collègues, de m'assister dans ma tâche difficile et de garder constamment à l'esprit notre objectif si bien formulé par notre premier Président, Edouard Herriot en 1949, "la liberté et le droit à l'échelle du continent". "

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page