7. Les droits des minorités nationales - Intervention de M. Serge VINÇON (RPR) (Mardi 23 janvier)

Une fois encore, selon le rapport, l'Assemblée manifeste son vif intérêt pour les minorités nationales et la protection de leurs droits. Elle a déjà adopté quatre recommandations au cours des cinq dernières années, marquant sa préoccupation constante en la matière.

L'Assemblée appuie fortement la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la toute récente convention-cadre pour la protection des minorités nationales, espérant que le plus grand nombre des Etats membres ratifient ces conventions dans les meilleurs délais.

Des efforts restent cependant à fournir. C'est pourquoi, l'Assemblée poursuit son action afin de promouvoir l'efficacité des instruments juridiques existants.

Le projet de recommandation demande au Comité des ministres :

- que le Comité consultatif, à créer dès l'entrée en vigueur de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, soit aussi indépendant, efficace et transparent que possible.

- d'examiner, en attendant la conclusion des études menées par la Commission juridique de l'Assemblée et par la Commission européenne pour la démocratie par le droit, la recommandation de principe d'un noyau dur de droits susceptibles d'être acceptés par tous les Etats contractants à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.

- de conclure, au plus vite et le mieux possible, les travaux sur un projet de protocole, à la Convention européenne des Droits de l'Homme " dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales ", et de faire le nécessaire pour que ce protocole soit aussi complet que possible.

Dans ce débat, M. Serge VINÇON, sénateur (RPR) , est intervenu de la façon suivante  :

" Monsieur le Président, mes chers collègues, à nouveau nous débattons des instruments juridiques de protection des droits des minorités. Je voudrais exprimer des réserves à l'égard de certaines des orientations du rapport qui nous est soumis.

" Elles portent d'abord sur la notion même de "minorités nationales", ensuite sur la substance des droits qu'il conviendrait de reconnaître en plus des garanties de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

" La notion même de minorités nationales soulève un problème insoluble : la Convention européenne des Droits de l'Homme pose elle-même le principe de non-discrimination à raison, notamment, de l'origine ethnique. En France, d'ailleurs, aucun juge n'accepterait une distinction dans les droits des minorités selon la durée de leur présence sur le sol national.

" En toute amitié, je ferai remarquer que l'Allemagne, si elle a bien signé la convention-cadre sur le droit des minorités, a assorti sa signature d'une déclaration qu'il convient de citer : "La convention-cadre ne contient aucune définition de la notion de minorités nationales. Par conséquent, il appartient à chaque partie contractante de déterminer les groupes auxquels elle s'appliquera après la ratification. En République fédérale d'Allemagne, sont considérés comme minorités nationales les Danois de nationalité allemande et les membres du peuple sorabe de nationalité allemande. La convention-cadre sera également appliquée aux groupes ethniques résidant traditionnellement en Allemagne, à savoir les Frisons de nationalité allemande et les Sintis et Rom de nationalité allemande".

" Il convient également de citer la déclaration luxembourgeoise : "Le Grand Duché de Luxembourg entend par "minorité nationale", au sens de la convention-cadre, un groupe de personnes installées depuis de nombreuses générations sur son territoire qui ont la nationalité luxembourgeoise et qui ont conservé des caractéristiques distinctes du point de vue ethnique et linguistique. Sur la base de cette définition, le Grand Duché de Luxembourg est amené à constater qu'il n'existe pas de "minorité nationale" sur son territoire".

" Mes chers collègues, ces deux déclarations excluent les minorités allogènes.

" En France, aucun juge ne tiendrait compte de telles distinctions au nom même du principe de non-discrimination inscrit dans la Convention européenne des Droits de l'Homme. Cette contradiction démontre les limites de l'exercice auquel nous voulons nous livrer.

" Les droits des minorités ne peuvent être véritablement garantis que par un exercice loyal et concret des dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

" La consécration par la Convention européenne des Droits de l'Homme de droits individuels susceptibles de recours devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, juridiction supranationale, aboutit précisément à garantir les droits de chaque personne vis-à-vis de l'Etat où elle réside.

" La substance des droits spécifiques qui seraient reconnus aux minorités nationales ne pose pas moins de problèmes que la définition même du concept de minorité.

" En effet, soit il s'agit de formulations redondantes par rapport à la Convention européenne des Droits de l'Homme -libertés de pensée, de religion, d'expression, droit au respect de la vie privée par exemple- et alors ces nouveaux instruments juridiques sont non seulement inutiles, mais source de confusion s'ils comportent quelques variantes dans la définition des droits garantis ; soit il s'agit de droits réellement distincts et alors ils seront aussitôt exploités pour limiter l'application des droits universels reconnus par la Convention européenne des Droits de l'Homme.

" Ainsi, le droit de préserver "en toute liberté son identité religieuse, ethnique ou culturelle", notamment contre "toute tentative d'assimilation" sera revendiqué, n'en doutons pas, par les activistes islamistes pour demander d'abord la légalisation du foulard islamique et ensuite l'interdiction des Versets sataniques au nom de l'identité religieuse et culturelle.

" Quelle régression non seulement pour nos sociétés en général, mais encore pour les personnes appartenant elles-mêmes à ces minorités ! Savez-vous, mes chers collègues, qu'on a jugé ici, en Alsace, il y a un an, les membres d'une famille qui avait décidé la mort de leur fille parce qu'elle refusait de porter dans son collège le foulard islamique ?

" Non sans difficulté, mon pays s'attache à demeurer fidèle à sa tradition intégratrice fondée sur l'assimilation de ceux qui, tout au long de son histoire, ont fait le choix de s'installer en France. Cette tradition a d'ailleurs ses lettres de noblesse : Georges Charpack, arrivé en France à l'âge de sept ans, ne connaissant pas la langue française, est aujourd'hui l'un de nos prix Nobel.

" Plutôt que de concéder des droits spécifiques, constitutifs de ghettos communautaires, porteurs de régression et facteurs de fractures ethniques pour nos sociétés, il convient, au contraire, de renforcer les capacités intégratrices de nos institutions collectives, en premier lieu l'enseignement.

" Le droit français qui nous interdit, d'ailleurs, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat, de souscrire à des droits particuliers limitant l'universalité des libertés individuelles, résulte du principe superbement énoncé dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 : "La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse".

" La définition d'instruments abstraits, prétendant surenchérir sur la Convention européenne des Droits de l'Homme, en organise, en fait, l'affaiblissement puisque ces droits particuliers seront interprétés, qu'on le veuille ou non, comme des limitations aux droits universels.

" Je me félicite, pour ma part, que le Comité des ministres ait renoncé à s'engager plus avant dans l'impasse de la définition de "droits culturels". En revanche, je vous invite à soutenir la pleine application des accords bilatéraux consacrant les droits de minorités transnationales, sanctionnés dans le Pacte de stabilité. "

A l'issue de ce débat, la recommandation n° 1285 et la directive n° 513 contenues dans le rapport n° 7442 sont adoptées.

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