2. Pour taxer l'enrichissement sans cause

Votre rapporteur estime que l'institution d'une taxation des plus-values résultant du changement d'affectation de la terre agricole est le corollaire de toute politique tendant à protéger l'espace cultivé .

Celui-ci fut trop longtemps considéré comme la " réserve foncière " disponible pour l'extension urbaine. Il est temps de prendre en considération son caractère non reproductible .

Le régime de taxation des plus values actuellement en vigueur ne permet pas de pénaliser efficacement la vente de terrains agricoles à des fins d'urbanisation. En effet, l'article 150 M du code général des impôts prévoit que les plus-values immobilières réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes plus de deux ans après l'acquisition du bien sont réduites de 5 % pour chaque année de détention au delà de la deuxième année. De ce fait, les propriétaires qui possèdent un terrain depuis plus de 22 ans ne payent pas d'impôt sur la plus-value . Ce régime est également applicable aux agriculteurs soumis au forfait.

Quant aux agriculteurs qui relèvent de droit ou sur option, du régime du bénéfice réel et qui n'ont pas opté pour l'inscription des terres dans leur patrimoine privé, ils peuvent être exonérés de tout impôt sur les plus-values de cession, s'ils répondent aux conditions posées par l'article 151 septiès du code général des impôts. Ce texte dispose que les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole sont exonérées dès lors que :

- les recettes des contribuables n'excèdent pas le double de la limite du forfait, soit 1 million de francs ;

- et que l'activité a été exercée pendant au moins cinq ans.

Comme l'observe le professeur René Hostiou : " [...] faute d'une véritable volonté d'instaurer, par le biais de la fiscalité, un mécanisme de récupération des plus values d'urbanisation assorti d'une politique de redistribution de celles-ci, la planification " à la française " relève, pour les propriétaires fonciers intéressés, de la logique de la loterie qui, comme chacun le sait, contient ses bons mais aussi ses mauvais numéros. " 57( * )

L'institution d'une taxation spécifique semble, en conséquence, opportune.

Cependant, le droit français répugne à la taxation des plus-values issues de l'urbanisation. Il est révélateur que les dispositions du code de l'expropriation qui prévoient la taxation des plus values réalisées à l'occasion d'une expropriation ne soient jamais entrées vigueur ! L'article 16-4 de ce code dispose pourtant que " lorsque par suite de l'exécution de travaux publics, des propriétés privées auront acquis une augmentation de valeur [...] la plus value pourra être récupérée sur les intéressés dans les conditions fixées par un règlement d'administration publique. "

Or, le décret relatif à la mise en oeuvre de ces dispositions n'a jamais vu le jour !

Seule une prise de conscience collective sur la rareté du terrain agricole, notamment dans l'espace périurbain, permettra de vaincre la réticence des pouvoirs publics à l'encontre d'une taxation des plus values résultant d'une cession à des fins d'urbanisation. Le paiement d'une telle taxe ne saurait cependant équivaloir à " donner quitus " aux propriétaires désireux d'urbaniser.

Aussi, convient-il de souligner, -en se remémorant l'exemple danois-, que le système de taxation des plus values est indissociable d'une planification foncière systématique, ambitieuse et protectrice des terres agricoles.

Votre rapporteur estime enfin que les fonds recueillis au titre de la taxation des plus values ci-dessus évoquée devraient être affectés à un fonds de gestion des espaces périurbains destiné :

- à l'acquisition de terrains à vocation agricole pérenne donnés à bail à des agriculteurs ;

- à l'aide à l'agriculture périurbaine ;

- ou à des actions de réhabilitation des espaces périurbains dégradés.

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