c) Quelle réforme des modes de décision du Conseil ?
• Dans une Union élargie, il sera extrêmement difficile de prendre des décisions à l'unanimité. L'extension du domaine où le Conseil décide à la majorité est donc un aspect capital du préalable institutionnel. Même si les domaines régis par l'unanimité sont aujourd'hui peu nombreux, il s'agit de domaines où le renforcement de la capacité de décision de l'Union paraît indispensable, car la réussite des deux plus grands chantiers de l'Union, l'union monétaire et l'élargissement, en dépend au moins en partie. L'extension du vote à la majorité qualifiée devrait ainsi concerner la politique sociale, la fiscalité, la politique de cohésion, la libre circulation des personnes et la lutte contre la criminalité internationale (4( * )).

• Mais l'extension du champ du vote à la majorité qualifiée doit nécessairement s'accompagner d'une révision de la pondération des votes au sein du Conseil. La délégation pour l'Union européenne a déjà abordé ce sujet, il y a un an, sur le rapport de M. James Bordas (5( * )) ; votre rapporteur se bornera donc à rappeler les données essentielles de ce débat :
- il a toujours été admis dans la Communauté que les règles de pondération des votes devaient assurer une certaine sur-représentation des " petits " Etats. L'application d'un critère purement démographique aboutirait en effet à une domination des " grands " Etats - Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni - qui, à eux cinq, rassemblent 294 millions d'habitants, c'est-à-dire les quatre cinquièmes de la population de l'Union à Quinze. Seulement, à mesure de ses élargissements, l'Union a compté de plus en plus de " petits " Etats membres : la sous-représentation des " grands " Etats est donc allée en s'accentuant. Ainsi, les trois plus grands Etats, qui représentent ensemble plus de 53 % de la population de l'Union, ont moins de 35 % des droits de vote. Or, l'élargissement à l'Est va nécessairement aggraver ce phénomène : en effet, sur les onze pays candidats, un seul, la Pologne, dont la population est comparable à celle de l'Espagne, est un " grand " Etat. Si l'on ne modifie pas les règles actuelles de pondération, l'on obtiendra à l'issue du processus d'élargissement une Union de vingt-six Etats où six " grands " Etats, avec 70 % de la population, auront 42 % des droits de vote, tandis qu'une coalition de douze " petits " Etats pourra constituer une minorité de blocage tout en rassemblant seulement 11,5 % de la population de l'Union ;

- la modification progressive du rapport entre " grands " et " petits " Etats a pour effet de compromettre la légitimité du processus de décision, dont les règles reflètent de moins en moins les réalités démographiques et les contributions financières respectives des Etats membres ; en même temps, elle tend à empêcher l'approbation à la majorité qualifiée de propositions pourtant approuvées par des Etats représentant une très large majorité de la population de l'Union. Tant du point de vue de la légitimité que de l'efficacité, une révision des règles de pondération paraît donc indispensable dans l'optique de l'élargissement.

- un objectif raisonnable pourrait être, ainsi que M. Michel Barnier l'avait suggéré devant la Délégation lors de la préparation de la CIG , d'adopter des règles de pondération permettant de rétablir et de conserver l'équilibre entre " grands " et " petits " Etats tel qu'il existait au sein de l'Europe des Douze . A défaut d'accord sur une nouvelle pondération, un système de double majorité serait pour votre rapporteur une solution de repli acceptable, très largement préférable au statu quo (dans ce système, la coalition d'Etats nécessaire pour qu'une mesure soit approuvée devrait représenter à la fois une majorité qualifiée en voix, avec les règles actuelles de pondération, et une majorité qualifiée démographique, par exemple 60 % de la population de l'Union).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page