2. Trois questions

a) L'architecture du droit français est-elle obsolète ?

La question est souvent posée de la pérennité de la législation de la communication audiovisuelle, destinée, selon certains, à fusionner avec le droit des télécommunications au sein d'un droit unique de la communication.

(1) L'articulation actuelle

Rappelons que la séparation de la communication audiovisuelle et des télécommunications est fondée sur la distinction de deux filières définies par la nature des contenus qu'elles produisent, régies par deux autorités, utilisant deux catégories de réseaux, et répondant à deux logiques juridiques.

Reprenons ces différents éléments.

- Deux filières de contenus.

La définition de la communication audiovisuelle est donnée au second alinéa de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 : " on entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ".

La notion de communication audiovisuelle est ainsi définie par la destination des contenus. Une circulaire du 17 février 1988 a tenté de préciser cette définition en retenant trois critères : le message délivré par le service est destiné indifféremment au public en général ou à des catégories de publics, le contenu du message n'est pas fonction de considérations fondées sur la personne destinataire du message, le message est à l'origine mis à la disposition de tous les usagers du service gratuitement ou non.

Les messages ayant le caractère d'une correspondance privée relèvent des télécommunications. Le producteur du contenu est alors l'utilisateur lui-même.

- Deux autorités.

Le CSA régit la communication audiovisuelle et applique le droit de l'audiovisuel. l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) régit les télécommunications et applique le droit des télécommunications. Deux blocs juridiques apparaissent ainsi.

- Deux catégories de réseaux.

Les réseaux hertziens et filaires qui acheminent les messages sont traditionnellement , et encore largement, dédiés à l'un ou l'autre mode de communication, sous l'autorité de l'une des deux autorités et sous l'emprise de l'un des deux blocs juridiques. Des passerelles existent entre les deux droits afin de régler le cas des services empruntant un réseau relevant de l'autre bloc de compétence.

- Deux logiques juridiques.

Le droit de la communication audiovisuelle est sous l'emprise de la notion d'intérêt général, comme on l'a vu dans le seconde partie de ce rapport. Celui des télécommunications est régi par les notions de confidentialité, de protection de la vie privée, et récemment de concurrence entre opérateurs.

(2) Les remises en cause

Cette répartition est remise en cause par la convergence des réseaux et par celle des contenus. Si, jusqu'à un point difficile à repérer à l'heure actuelle, la convergence des réseaux peut être résolue par la méthode des passerelles et par des contacts entre les autorités de régulation, la convergence des contenus semble remettre plus profondément en cause la distinction des régimes juridiques. Il y a en effet interpénétration des régimes juridiques quand un même contenu incorpore des opérations relevant de la communication audiovisuelle et des opérations de télécommunications. C'est le cas de nombreux services interactifs. Destinés généralement au public ou à des catégories de public, ce sont des services de communication audiovisuels. Mais ils peuvent comprendre de la correspondance privée, quand par exemple une commande est payée " en ligne " par le consommateur ou quand des données personnelles, bancaires ou autres, sont transmises à un consommateur dans le cadre d'un service offert à tous. Deux régimes juridiques sont alors applicables à un seul contenu.

L'extension des services interactifs pourrait ainsi rendre à terme inextricable la délimitation des droits et la répartition des compétences entre les autorités de régulation. La convergence des réseaux deviendrait du même coup un facteur supplémentaire de complexité.

Il est cependant possible de donner une solution à ces problèmes dans le cadre de la loi de 1986. Le droit de la communication audiovisuelle distingue en effet les services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne (chapitre I°), les services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par le câble (chapitre II), et les autres services de communication audiovisuelle (chapitre IV).

Les services relevant du chapitre IV (il s'agit pour l'essentiel actuellement de la télématique du minitel) sont soumis au régime de la déclaration, les autres étant soumis à un régime d'autorisation. Le régime de la déclaration peut être aménagé pour englober l'ensemble des nouveaux services interactifs, souvent proches de la télématique, nonobstant les éléments de correspondance privée qu'ils comportent. Les services considérés comme liés au marché de la télévision, la vidéo à la demande par exemple, pourraient recevoir, dans ce cadre et en tant que de besoin, une réglementation inspirée de celle de la télévision. Une démarche juridique de ce type ne pourrait être engagée que si le droit européen n'assimile pas à l'avenir les nouveaux services à des services de télécommunications. Cette démarche suppose aussi que soit admise l'opportunité d'attirer les nouveaux services vers la communication audiovisuelle. On peut observer à cet égard que s'ils répondent à la définition législative de la communication audiovisuelle, à l'exception des opérations de correspondance privée qu'ils incorporent de façon souvent connexe, les nouveaux services sont assez éloignés de la logique d'intérêt général propre à la communication audiovisuelle (cf. I et II de ce rapport) et semblent plutôt relever de la protection de la vie privée, qui renvoit au droit des télécommunication, et de la protection du consommateur, qui renvoit au droit commun de la consommation.

Revenons brièvement aux conséquences parfois évoqués de l'interpénétration des régimes juridiques. Si celle-ci a lieu effectivement, si le rattachement des nouveaux services au chapitre IV de la loi de 1986 apparaît pas inopportun, deux autres solutions peuvent être envisagées : soit mettre en cause la séparation actuelle des droits et des autorités régulatrices et créer un droit unique de la communication, soit proposer une summa divisio nouvelle entre la communication audiovisuelle et les télécommunications.

La première hypothèse, qui correspond en partie à l'option initiale de la loi de 1986, conduit à l'absorption du droit de la communication audiovisuelle par un droit des télécommunications en position d'hégémonie sur le plan international (alors qu'en 1986 la gestion unifiée des réseaux devait être attribuée au CSA). Même réduite à une fusion des autorités de régulation laissant subsister la dualité des droits, cette hypothèse semble comporter de graves inconvénients. On peut en effet prévoir qu'une autorité de régulation chargée de l'ensemble d'un secteur élargi de la communication ferait prévaloir les aspects techniques de la régulation par rapport à la régulation des contenus.

En ce qui concerne la seconde hypothèse, il serait possible de répartir les compétences entre les deux autorités à partir d'une distinction entre la régulation des réseaux, confiée à l'ART et celle des contenus, confiée au CSA. Celui-ci perdrait alors sa compétence sur la planification et sur l'attribution des autorisations d'utiliser les fréquences de radiodiffusion, compétence essentielle au maintien du pluralisme dans la radio et la télévision. Ce n'est donc qu'à la suite d'une réforme, pour d'autres motifs, du régime de l'autorisation, qu'une redistribution de cette envergure pourrait être envisagée. Nous allons maintenant examiner les éléments qui pourraient plaider éventuellement en faveur de ce type d'évolution.

b) Le contenu du droit français est-il remis en question ?

On peut évoquer succinctement les remises en cause possibles du droit français de la communication audiovisuelle en examinant ses trois principaux éléments constitutifs : le régime de l'accès aux moyens de diffusion, le régime des contenus, le régime des entreprises.

(1) Le régime de l'accès aux moyens de diffusion

Sur ce point, le principal facteur d'évolution est la diminution de la rareté des capacités de transport de l'information, consécutive à la numérisation. Il faut distinguer à cet égard le cas de la diffusion hertzienne terrestre de celui des autres moyens de transport.

La diffusion hertzienne terrestre reste analogique pour l'instant en France, ce qui gèle la situation en matière de capacités de transport. Une future numérisation ne libérerait de fréquences que pour un faible nombre de chaînes nouvelles, semble-t-il, à l'issue d'une période de transition d'une dizaine d'année au cours de laquelle coexisteraient la diffusion analogique et la diffusion numérique, et pour autant que les fréquences disponibles alors ne soient pas affectées à d'autres usages, tels que la téléphonie mobile, économiquement aussi rationnels, ou plus, que la télévision. En ce qui concerne la radio, il semble que la numérisation selon le procédé DAB ne libère guère de capacités de transport. On ne peut donc parler d'éléments d'évolution véritablement significatifs pour la diffusion hertzienne terrestre.

En ce qui concerne la diffusion hertzienne par satellite et la distribution sur les réseaux câblés, il faudrait parler de changement de nature de la rareté des capacités de transport, plutôt que de véritable disparition. On peut comparer la situation nouvelle à celle des supermarchés dont les importantes capacités de présentation de la marchandise seront toujours insuffisantes par rapport à l'offre des producteurs. Cette difficulté est aisément résolue dans les supermarchés par le jeu de l'offre et de la demande, et les conflits éventuels sont traités selon les règles du droit de la concurrence. Peut-on appliquer des règles similaires à la communication audiovisuelle ? Cela signifierait que le régime d'autorisation d'accès aux moyens de diffusion doit disparaître au profit d'un régime de déclaration. Ce serait la conséquence normale du repli de la rareté des fréquences si la communication audiovisuelle divulguait des contenus assimilables aux conserves et surgelés. Nous avons vu que ce n'était pas le cas en France et que la portée sociale, et par conséquent politique, de la communication audiovisuelle expliquait, autant que la rareté des capacités, la spécificité du droit de la communication audiovisuelle. Le régime de l'autorisation permet en effet d'assurer le pluralisme, que le Conseil constitutionnel considère comme un objectif de valeur constitutionnelle, on l'a vu précédemment. Il paraît donc difficile d'abandonner l'accès aux moyens de diffusion à la loi de l'offre et de la demande.

Mais il faut sans doute distinguer aussi, au sein des services de communication audiovisuelle, ceux qui justifient le recours à une procédure d'autorisation administrative (pour l'essentiel les services traditionnels de radio et de télévision) de ceux dont on ne voit pas ce qui justifierait que leur traitement diffère celui des fruits et légumes, dans la mesure où ils fonctionnent selon une logique uniquement commerciale, et dans la mesure où leur intérêt social n'est pas profondément différent de celui des produits de supermarché. Dans cette logique, la suppression du régime d'autorisation ne serait possible que pour ces services à faible intérêt social, pour la plupart assimilables aux services de télématique ou aux " nouveaux services ". La dualité du régime d'accès à un même support en fonction de la nature du service paraît toutefois difficile à mettre en oeuvre.

(2) Le régime des contenus

Il semble que soit en cours à un rythme encore difficile à évaluer un processus de démantèlement des règles françaises de contenu, sous l'influence des facteurs d'internationalisation évoqués plus haut. Les distorsions de concurrence dont souffriront les diffuseurs français au fur et à mesure de l'internationalisation effective du marché seront présentées au législateur comme imposant l'assouplissement des règles de contenu les plus contraignantes : quotas de diffusion, règles relatives à la publicité, règles relatives à la programmation des oeuvres cinématographiques...

Le repli de la réglementation pourrait ne concerner dans un premier temps que les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, en particulier les services thématiques du satellite et par voie de conséquence (il s'agira des mêmes) ceux du câble. Seuls resteraient dans cette hypothèse soumis à une forte régulation les services diffusés par voie hertzienne terrestre, protégés de la concurrence internationale. Encore apparaîtra-t-il inopportun de défavoriser les services généralistes et gratuits, dont on a noté l'intérêt social dans la première partie du rapport, et de stimuler par des avantages réglementaires la croissance des services destinés à des publics spécifiques.

Ajoutons à ces perspectives économiques l'impossibilité technique d'appliquer telle quelle la réglementation existante aux nouveaux services interactifs. Ainsi, la notion de quota de diffusion n'a aucun sens, appliquée à la vidéo à la demande. Si l'on veut maintenir l'esprit actuel de la réglementation, des adaptations seront nécessaires. On peut imaginer par exemple de remplacer les quotas de diffusion par des quotas portant sur le contenu des catalogues de vidéo à la demande. On peut cependant avoir des doutes sur la crédibilité d'un programme de renforcement et d'extension de la réglementation française dans le contexte international actuel.

Il semble ainsi que le législateur puisse être conduit à des choix difficiles, la seule question véritablement ouverte étant celle du rythme d'une évolution apparemment inéluctable vers la déréglementation. L'objectif pourrait être alors d'accompagner l'ouverture des marchés et de porter remède aux distorsions de concurrence constatées. Notons à cet égard que la réforme des réglementations de contenus ne saurait aboutir à un démantèlement pur et simple. Une des pistes souvent évoquées pour maintenir notre politique de promotion de l'industrie française des programmes est le développement des incitations financières et le renforcement des obligations d'investissement imposées aux chaînes de télévision.

Notons aussi qu'au delà des objectifs économiques et culturels que l'on vient d'évoquer, le contrôle exercé par l'autorité de régulation répond à des objectifs éthiques, d'ordre public, de pluralisme... Une partie importante des obligations imposées aux services de communication audiovisuelle dans ces domaines figure dans les conventions passées entre le CSA et chaque service. Le maintien du système du conventionnement des services français apparaît ainsi comme une nécessité, spécialement au regard de l'objectif constitutionnel de pluralisme. Une conséquence parmi d'autres : si la suppression des régimes d'autorisation était décidée, sans doute faudrait-il que le conventionnement, effectué actuellement à l'occasion de la délivrance des autorisations, soit préservé par d'autres moyens.

(3) Le régime des entreprises

On examinera plus loin les problèmes que pose l'évolution du régime des entreprises de communication audiovisuelle face à la numérisation et à l'internationalisation.

c) Une harmonisation européenne plus poussée ?

Cette question a été posée récemment par le livre vert sur la convergence de la commission européenne, évoqué plus haut.

Le livre vert présente la problématique de la convergence des réseaux et des services d'information sous la forme de neuf questions soumises à débat public en vue de la définition ultérieure d'un " environnement réglementaire approprié qui permettra de profiter pleinement des opportunité offertes par la société de l'information " . Deux options sont mises en relief : l'idée que le cadre national, analogique et monomédia des réglementations actuelles freine le développement des nouveaux produits et services, et l'idée que la spécificité des secteurs concernés justifie la séparation entre les réglementations économiques et la réglementation des prestations de services d'information (en raison du rôle social et culturel de ces services, en particulier). En outre, le document avance l'idée que l'expérience de la déréglementation des télécommunications et celle de la mise en place du marché intérieur de la radiodiffusion doivent inspirer l'élaboration d'un nouveau cadre législatif pour la société de l'information. Il paraît utile de présenter sommairement le contenu de ce texte avant d'avancer quelques remarques sur le renforcement éventuel de l'harmonisation communautaire.

PRINCIPALES QUESTIONS POSEES PAR LE LIVRE VERT

1. La convergence des technologies est en cours, va-t-elle atteindre, et à quelle allure, les marchés, les services, les secteurs industriels actuellement distincts ? Que peut-on en attendre du point de vue de la compétitivité économique et de l'efficacité sociale ? quelles seront ses incidences sur la vie quotidienne ?

2. La convergence aura-t-elle en particulier un impact sur l'emploi, sur l'organisation du travail, quels seront les services offerts, quel seront les modes d'accès à ces services, faut-il encourager la généralisation des équipements de réception et de traitement de l'information numérique, comment ?



3. la convergence se heurte à de nombreuses barrières, en particulier réglementaires (procédures d'autorisation pour l'accès aux infrastructures) et économiques (insuffisance de la concurrence du fait de l'intégration verticale des opérateurs, prix élevé des services de télécommunication, pénurie de contenus attractifs). Par ailleurs l'insuffisance de certaines législation (droits de la propriété intellectuelle) ou la fragmentation du marché européen joue aussi un rôle de frein. La question prote sur la liste et sur l'impact de ces barrières.

4. Le quatrième chapitre dessine l'antagonisme latent entre la réglementation nationale et les forces du marché, et suggère que le droit de la concurrence pourrait fournir un substitut efficace à une réglementation trop exhaustive. Il souligne la difficulté pour le pouvoir législatif et réglementaire de courir après l'innovation. Il observe qu'il peut être incohérent de traiter différemment des services semblables en fonction de leur mode de mise à disposition du public (exemple des sondages d'opinion), il note le caractère économiquement irrationnel des législations nationales restrictives compte tenu de la mondialisation, il mentionne le fait que la disparition de la rareté des moyens de transport de l'information met en cause les procédure d'autorisation d'accès aux réseaux (disparition de l'économie de pénurie) et note la nécessité de réévaluer la frontière entre le public et le privé ainsi que la différenciation des régimes juridiques des deux secteurs. Il pose enfin la question de l'unification des administrations de contrôle dans le cadre national et européen.

5. La cinquième question porte sur les adaptations envisageables dans un certain nombre de domaines clés : faut-il remettre en cause la distinction entre la communication audiovisuelle et les télécommunications et élaborer la notion de " nouveau service " sur le plan juridique, comment réglementer l'accès au marché (quelle évolution des systèmes d'octroi de licences compte tenu de la convergence des services sur des réseaux différents), l'accès aux réseaux, les systèmes d'accès conditionnel, l'accès aux contenus (achats de droits exclusifs), faut-il généraliser la tarification du spectre des fréquences afin de garantir son utilisation optimale, quelle normalisation, comment protéger les consommateurs et les handicapés ?

6. Le document avance l'hypothèse selon laquelle la convergence pourrait faciliter la réalisation des objectifs d'intérêt général poursuivis par certaines réglementations. Sont cités les objectifs relatifs aux contenus (faut-il différencier par exemple la réglementation de la publicité selon le type de service concerné ?), le rôle du service public de radiodiffusion (quelle diversification, quel financement ?), la protection de la vie privée et des données, la cryptographie, la diversité culturelle, la protection des mineurs et l'ordre public.

7. Faut-il élaborer un tronc commun réglementaire simple reposant sur la distinction des réseaux et des services, réajuster les responsabilités respectives des autorités nationales compétentes et le partage des compétences entre les Etats membres et le niveau communautaire ?

8. Quelles questions doivent être traitées au niveau international ?

9. Le neuvième point énonce quelques principes : la réglementation devrait être limitée au strict nécessaire pour réaliser les objectifs clairement identifiés, elle devrait avant tout répondre aux besoins des utilisateurs, elle devrait fournir aux acteurs du marché un cadre clair et prévisible, garantir la participation de chacun à la société de l'information, mettre en place une régulation indépendante efficace. Trois options sont présentées pour l'évolution de la réglementation : construire sur les cadres réglementaires existants, ce qui peut maintenir des obstacles freinant l'investissement, élaborer un cadre réglementaire spécifique pour les nouveaux services ce qui présente des difficultés pratiques de délimitation des secteurs, élaborer progressivement un nouveau modèle réglementaire couvrant la totalité des services d'information en réduisant la discrimination au sein des secteurs et entre eux.

On constate que, sous la forme un peu anarchique propre aux documents de la commission européenne, le livre vert offre une large palette de questions derrière lesquelles se profile de façon plus ou moins claire l'idée d'une large déréglementation de la communication sous les auspices de l'Union européenne, au nom du lancement des marchés du multimédia. Cette opération, dans cette optique, ne peut (quelles que soient les précautions de présentation auxquelles le livre vert recourt manifestement) conduire qu'à la dilution au moins partielle du droit de la communication dans celui des télécommunications.

Lors de la renégociation de la directive " télévision sans frontière ", le refus opposé à la France par la commission de proposer l'inclusion des nouveaux services dans le champ d'application de la directive est significatif à cet égard. Ce refus équivaut en effet, compte tenu des définitions communautaires, à assimiler pour l'essentiel les nouveaux services à des services de télécommunications. On sait que telle n'est pas la position française traditionnelle, et l'on a vu ci-dessus que les arguments plaidant en faveur d'une prise en charge de ces services par le droit de la communication audiovisuelle, avec un régime juridique spécifique, ne sont pas négligeables.

L'hypothèse d'une harmonisation plus poussée du droit de la communication au niveau européen pose donc problème. Il n'en est pas moins évident que la France ne peut continuer à légiférer dans une attitude de splendide isolement dont toutes les évolutions en cours démontrent le caractère illusoire. A l'heure de la mondialisation de la communication, le cadre régional est le seul pertinent pour élaborer une politique de l'audiovisuel. La France a souvent exaspéré ses partenaires en se présentant comme porteuse d'incontournables grands desseins (ce qui évoque dans nombre d'Etats membres le mythe de la " Grande Nation ", oublié dans notre pays mais toujours vivace ailleurs), mais certaines expériences françaises peuvent susciter un large assentiment, c'est le cas en particulier, semble-t-il, des dispositifs d'incitation financière à la production.

La France conserve donc les moyens de se présenter comme une force de mouvement et de proposition. Ce qui peut avec profit, du point de vue des principes et des valeurs que nous défendons, être traité au niveau européen doit l'être, même au prix des adaptations qui apparaîtront nécessaires. Il importera vraisemblablement d'en tenir compte au moment de réformer la législation de la communication audiovisuelle.

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