TROISIÈME PARTIE


DIRIGER LE MOUVEMENT

A. DONNER L'IMPULSION : LE NUMÉRIQUE HERTZIEN TERRESTRE

La diffusion hertzienne terrestre reste à l'écart de la numérisation bien qu'elle soit le vecteur unique d'accès à la télévision et à la radio pour 90 % des foyers français qui, sauf à s'équiper d'une antenne parabolique, la révolution de la communication audiovisuelle.

La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait pourtant de nombreux avantages.

Du point de vue du consommateur, il y a bien sûr la multiplication et la diversification des services, propre à la numérisation quelque soit le vecteur de diffusion.

En France, sur les six réseaux qu'il serait possible d'établir dans les bandes de fréquences de radiodiffusion que gère le CSA, il serait possible d'offrir une trentaine de services traditionnels ou novateurs à quelque 80 % de la population à partir des infrastructures existantes et à la seule condition pour les consommateurs de se procurer un décodeur (il n'est pas nécessaire de modifier l'antenne " râteau "), en attendant que la fabrication en série de postes de télévision numérique " intégrés " permette à chacun d'accéder au meilleur coût à l'ensemble des services nouveaux interactifs associés ou nom aux programmes traditionnels de télévision. Ajoutons que la diffusion numérique permettrait la portabilité des terminaux, et, dans certaines conditions, leur mobilité.

Du point de vue des pouvoirs publics, la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre rendrait possible une gestion plus rationnelle de la ressource en fréquences. Elle permettrait en particulier, à terme, de récupérer des fréquences de radiodiffusion afin de les affecter à d'autres usages, en particulier la téléphonie mobile dont le développement est gêné par la rareté des ressources de diffusion. Or, on sait que la téléphonie mobile est actuellement le premier vecteur du développement des télécommunications. Ajoutons que la cession des droits d'usage des fréquences pour des applications de télécommunications procurerait à l'Etat des ressources qu'il pourrait réaffecter au secteur audiovisuel dans le cadre du repli inéluctable, comme on a vu ci-dessus, de la politique réglementaire de soutien aux industries françaises de l'audiovisuel.

En outre, le développement de la diffusion hertzienne terrestre numérisée pourrait freiner dans une certaine mesure la perte d'efficacité de la réglementation nationale que provoquera le développement de la diffusion satellitaire numérique 47( * ) .

En définitive, la diffusion hertzienne terrestre numérisée représenterait, avec la diffusion multiplexée par micro-ondes (MMDS), un moyen d'étendre à l'ensemble du territoire le bénéfice de la révolution numérique dans tous ses aspects.

Or peu de choses ont été faites jusqu'à présent pour étudier dans un esprit dynamique la transition de l'analogique vers le numérique en diffusion hertzienne terrestre. Une réflexion a été lancée avec la remise, en mai 1996, d'un rapport de M. Philippe Lévrier sur la numérisation de l'hertzien terrestre. Ce rapport estimait que l'introduction de la télévision numérique terrestre sur le marché grand public pouvait intervenir autour des années 1998-1999, à la condition de lancer la fabrication en série des téléviseurs intégrés.

Des expérimentations ont été lancées depuis peu. Des groupes de travail se réunissent sur les problèmes que pose la gestion des fréquences et sur le téléviseur numérique. Il reste à engager une réflexion, avec les acteurs intéressés, sur l'élaboration du cadre juridique de la diffusion numérique.

En effet, la loi du 30 septembre 1986 est absolument impropre à offrir un cadre juridique au numérique hertzien terrestre. Axée sur le rôle des diffuseurs-éditeurs, elle permet seulement l'attribution d'une fréquence à un diffuseur pour un service, alors qu'avec la numérisation, chaque fréquence pourra diffuser quatre à cinq services, et que le titulaire de l'autorisation devrait, dans la plupart des cas, ne plus être un diffuseur-éditeur, mais un " ensemblier " constituant un bouquet de services. Il importera d'encadrer l'activité de ce nouvel opérateur et de définir ses relations avec les éditeurs des services du bouquet afin de préserver le pluralisme de l'offre des services audiovisuels.

Qu'est-ce qui explique l'atonie récente des acteurs de la communication audiovisuelle dans ce domaine crucial ? Il s'agit vraisemblablement du peu d'intérêt des diffuseurs hertziens français pour la numérisation de ce vecteur, compte tenu de leurs résultats commerciaux et financiers satisfaisants et de leur choix de porter leurs efforts vers la télévision satellitaire numérique qui présente actuellement pour eux les menaces les plus sérieuses en termes de concurrence. Un changement d'attitude semble cependant se dessiner de la part de certains diffuseurs traditionnels intéressés par la possibilité de disposer de canaux supplémentaires pour de nouvelles chaînes ou services valorisables.

Par ailleurs, les industriels de l'électronique grand public, encore marqués par les avatars de la télévision à haute définition, demandent des garanties à l'égard de la prise de risque que représente l'investissement sur le numérique hertzien terrestre. Un signal fort des pouvoirs publics est nécessaire afin que le numérique hertzien terrestre ait un visibilité suffisante pour que le lancement de la production de terminaux numériques soit un projet plutôt qu'une aventure. Ce signal a été donné dans d'autres pays.

C'est ainsi que, la Grande-Bretagne se prépare depuis 1996 à opérer à l'horizon de 1999 le déploiement sur l'ensemble de son territoire de six bouquets numériques de quatre à cinq chaînes, le lancement débutant en 1998. La fermeture du réseau analogique aurait lieu dans dix ans.

Quant aux Etats-Unis, ils précèdent là aussi le mouvement, puisque tous les diffuseurs hertziennes terrestres devront émettre en numérique en 2003 et que l'arrêt de la diffusion analogique hertzienne terrestre est prévue en 2006.

Il ne sera possible de mettre en France le numérique hertzien terrestre sur les rails que si, l'intérêt pour la France de ce mode de transport de l'information étant préalablement admis par les acteurs concernés, un scénario de transition est mis au point de la même manière qu'en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Il s'agirait de déterminer une date de passage au numérique et les condition réglementaires et techniques d'une transition non déstabilisatrice du marché.

Les points suivants devront notamment être réglés dans ce cadre : les modalités d'attribution des fréquences pendant la période de transition entre l'analogique et le numérique et celles de leur affectation ultérieure (octroi ou non d'une priorité aux opérateurs existants, gratuité ou non de l'utilisation pour des applications rentables, procédures d'attribution...), la normalisation des récepteurs et la compatibilité des systèmes d'accès sous condition, l'articulation de la diffusion numérique terrestre et de la communication locale (réserve de fréquences pour les services locaux ou création de réseaux nationaux).

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