12- PROFESSEUR BERNARD CHARPENTIER, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE TRANSPLANTATION, DOYEN DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE PARIS-SUD

Une journée de réflexion organisée par la Société française de transplantation et sept autres sociétés savantes s'est tenue la semaine dernière pour étudier les trois thèmes suivants :

o le prélèvement sur donneur vivant ;

o l'extension du prélèvement au donneur à coeur arrêté ;

o transplantation et aléa thérapeutique.

La synthèse de cette journée sera communiquée aux rapporteurs.

Praticien de la greffe rénale depuis 25 ans, le professeur Charpentier a pu mesurer les effets des législations successives sur la pratique médicale. Le cadre juridique posé par la loi de 1994 -et notamment la création de l'EFG- a été bien accepté par la profession. On peut simplement regretter les conditions un peu précipitées dans lesquelles ont été recueillis ses avis et la réunion dans un même débat de questions qui auraient gagné à être examinées séparément.

Dans la pratique, même si la loi ne trace une nette frontière qu'entre le constat de la mort d'une part, le prélèvement et la transplantation d'autre part, une séparation trop nette s'est instaurée entre les équipes chargées de ces deux dernières activités. La circulation de l'information transitant par l'EFG ne facilite pas l'établissement de la traçabilité. Ce cloisonnement est en partie pallié par l'existence des infirmières coordinatrices qui assurent l'accueil et l'information des familles.

L'opposition fréquente des familles a conduit à une diminution des prélèvements cadavériques et les greffons provenant de sujets trop âgés affectent les chances de succès durable des transplantations.

Quant aux transplants xénogéniques, y compris ceux provenant d'animaux transgéniques, ils n'ont pour l'instant qu'un avenir incertain.

Deux autres ressources sont exploitables :

o le prélèvement sur donneur vivant dont le régime pourrait faire l'objet de certains aménagements ;

o l'embryogenèse dont les perspectives sont très prometteuses ; déjà utilisée pour les greffes de peau, elle pourrait permettre dans un proche avenir la production, à partir de cellules souches, d'organes développés dans des animaux-relais. Il s'agirait alors d'un combiné " allo-xéno " n'exposant pas aux mêmes risques que les xénogreffes proprement dites (cas des cellules souches bronchiques fournissant des poumons provisoirement implantés dans des porcs).

Conditions de prélèvement sur donneur vivant

Les professionnels sont unanimement opposés à l'instauration du " reward and gift " (don contre récompense) usité aux Etats-Unis.

S'agissant de l'élargissement de la parenté, il convient d'avancer avec prudence. Certes, le critère de l'histocompatibilité n'a pas la valeur médicale qu'on a voulu lui conférer mais son objectivité en rend l'application incontestable. Assouplir les conditions du don expose à des pressions familiales qui conduiront à préférer le cousin moins histocompatible mais célibataire au frère chargé de famille.

S'agissant des époux, la condition d'urgence actuellement imposée est inapplicable pour les greffes de rein. Faut-il la faire disparaître sachant par ailleurs que, dans 70 % des cas, le don se fait de la femme vers l'homme ? On pourrait envisager des dérogations exceptionnelles après une procédure contradictoire où des médecins représentant le donneur entendraient l'équipe médicale de transplantation, la famille et le couple.

Quant aux donneurs n'entrant dans aucune de ces catégories mais " émotionnellement relatés " (couples homosexuels, amis très proches), il s'agit de situations peu fréquentes dont l'appréciation pourrait être laissée à l'EFG.

En tout état de cause, la prise en considération de ces cas très particuliers ne doit pas aboutir à une remise en cause des règles générales posées en 1994. Le passage devant le président du Tribunal de grande instance, par la dimension symbolique qu'il confère au don, est également une des dispositions très positives de la loi.

Prélèvement sur donneur à coeur arrêté

Ce prélèvement est techniquement possible pour le rein qui peut supporter un certain degré d'ischémie et permettrait une augmentation sensible des transplantations rénales. Mais les conditions actuelles de recueil du consentement imposent des délais qui rendent cette opération impraticable.

Aléa thérapeutique

A la différence d'un médicament, la qualité de l'organe obtenu par prélèvement cadavérique ne peut être rigoureusement contrôlée et garantie. Elle est fonction de l'âge et de l'état général du donneur qui peut être porteur -le cas s'est présenté- d'une affection virale indétectable dans les conditions de rapidité où s'effectue la transplantation. Celle-ci expose par ailleurs le receveur à des risques infectieux et cancéreux. L'ensemble de ces aléas devrait faire l'objet d'une information plus systématique avant l'intervention. On ne peut exclure, même si le cas ne s'est pas encore présenté, que la responsabilité des praticiens soit mise en cause par les familles devant le juge.

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