c) Les principales forces d'opposition et la perspective des élections présidentielles de l'an 2000.

L'opposition politique mexicaine comprend deux forces principales -le PRD et le PAN- et bénéficie de surcroît de l'appoint de deux petits partis - le parti vert et le parti du travail :

- le PRD (parti de la révolution démocratique), créé en 1989, regroupe divers courants de la gauche mexicaine, allant d'anciens dirigeants du PRI -comme MM. Cardenas et Munoz Ledo- à des groupes d'extrême gauche. S'il n'avait recueilli que 17 % des voix aux élections présidentielles de 1994, le PRD a été le principal bénéficiaire des élections de 1997 qui en ont fait le premier parti d'opposition (126 députés) tout en lui permettant de conquérir deux postes de gouverneurs, dont celui du district fédéral de Mexico avec M. Cardenas ; le PRD a ainsi pour principal objectif de démontrer, dans la perspective des élections présidentielles, sa capacité à gérer et le fait qu'il est devenu un véritable parti de gouvernement ;

- le PAN (parti d'action nationale), d' inspiration libérale et catholique , dont la création remonte à 1939, s'oppose à la fois au populisme du PRD et à l'autoritarisme du PRI. Traditionnellement implanté dans le nord du pays et dans les grandes agglomérations urbaines, il détient 121 députés , 31 sénateurs , 6 postes de gouverneurs et de nombreuses villes importantes. Mais, après avoir adopté, dans les dernières années, une stratégie de compromis avec le pouvoir en répondant aux ouvertures des présidents Salinas et Zedillo pour la mise en oeuvre des réformes économiques libérales, le PAN, après les médiocres résultats des élections de 1997 , voit ses dirigeants -notamment son président Calderon Hinojosa- confrontés aux ambitions de l'aile libérale du parti, menée par le populaire gouverneur de Guanajuato, Vincente Fox , d'ores et déjà candidat aux élections présidentielles.

A côté de ces deux piliers de l'opposition, deux autres petits partis , ayant obtenu respectivement 6 et 7 sièges de députés aux dernières élections, permettent à l'opposition de détenir la majorité absolue à la Chambre :

- le parti vert écologiste du Mexique (PVEM), créé en 1986, qui est principalement implanté à Mexico et a obtenu en 1997 4 % des voix ;

- et le parti du travail , qui a réuni, en 1990, plusieurs organisations sociales et qui a rassemblé, en 1997, 2,6 % des suffrages.

Pour tous les partis, à commencer bien sûr par le PRI lui-même, les élections présidentielles de l'an 2000 constituent l'échéance majeure :

- pour la première fois, la victoire du PRI n'est pas assurée ; alors que sa domination ininterrompue depuis 1929 risque d'être remise en cause, le président Zedillo, en garantissant le respect du verdict des urnes tout en renonçant -au moins partiellement- à la désignation de son successeur, a ouvert le jeu politique ; au sein même du PRI, le courant libéral du parti -dont ont fait partie à la fois Carlos Salinas et Ernesto Zedillo- est concurrencé par l'aile gauche du parti , qui peut estimer avoir été victime du dérèglement du système traditionnel qui assurait, au sein même du PRI, une alternance de fait des présidences entre le courant populiste, héritier de la révolution, et la droite moderniste et libérale ;

- à la droite de l'échiquier politique, le candidat du PAN -qui était arrivé en deuxième position aux élections de 1994- n'est pas officiellement désigné, même si Vincente Fox est déjà entré en campagne ;

- enfin, à gauche, malgré les ambitions d'autres personnalités et malgré deux précédents échecs, M. Cuauthtémoc Cardenas devrait être le candidat du PRD , avec des chances réelles de succès selon les sondages d'opinion. Mais il devra, d'ici là, faire ses preuves à la tête de la ville de Mexico -la plus grande agglomération du monde-, confrontée à la fois à l'insécurité, à la dette, à la corruption et à une grave pollution ; l'amélioration relative de ces plaies mexicaines constituerait naturellement une clé pour la victoire aux élections de l'été 2000, qui apparaissent aujourd'hui extrêmement indécises.

Les entretiens de la délégation
avec les autorités fédérales mexicaines.

La délégation sénatoriale a eu le privilège de rencontrer, durant son séjour à Mexico, les principales autorités fédérales mexicaines à l'occasion d'une série d'entretiens au plus haut niveau.

- L 'audience accordée par le Président Zedillo , le 22 février 1999, a été l'occasion pour le Chef de l'Etat mexicain de qualifier de " très opportune " la visite de la délégation sénatoriale, après le voyage officiel du Président Chirac qui avait donné un nouvel essor aux relations bilatérales et au moment où le Mexique négociait le volet commercial de l'accord de coopération avec l'Union européenne, auquel il attache une particulière importance.

Abordant la situation économique mexicaine, le Président Zedillo, après avoir rappelé le redressement de l'économie et la reprise rapide de la croissance après la crise financière de 1994, a rappelé les contraintes qui pesaient sur la poursuite de la croissance en 1999, qu'il s'agisse d'un environnement international défavorable ou de la chute des cours du pétrole. Il a également souligné le défi que constituait la démographie mexicaine (90 millions d'habitants en 1994, 100 millions en l'an 2000) : ainsi, plus de six millions d'élèves supplémentaires avaient dû être scolarisés au Mexique depuis 1994.

Evoquant ensuite la vie politique mexicaine, le Chef de l'Etat, après avoir rappelé que le Mexique connaissait désormais une vie démocratique normalisée, allant de pair avec des débats démocratiques plus intenses, a indiqué qu'il veillerait à ce que les élections présidentielles de l'an 2000 -auxquelles il espérait naturellement la victoire de son parti- soient justes, légales et transparentes.

Le Président Zedillo a enfin conclu l'entretien avec la délégation sénatoriale en soulignant le souhait du Mexique de resserrer les liens avec l'Union européenne. Il a émis le voeu que les négociations en cours puissent aboutir rapidement, sous sa présidence, et souhaité que la France -et le Sénat en particulier- puissent appuyer l'établissement de cette nouvelle relation entre l'Union européenne et son pays.

- Recevant la délégation à l'occasion d'un déjeuner organisé en son honneur, Madame Rosario Green, ministre des Affaires étrangères , a célébré l'excellence des relations franco-mexicaines après la visite d'Etat du Président Chirac en novembre 1998. Elle a particulièrement souligné le souci commun des deux pays de préserver leur identité culturelle et s'est félicitée du soutien actif de la France en vue de resserrement des relations entre le Mexique et l'Union européenne, sur le plan économique mais aussi dans le cadre d'un dialogue et d'une coopération d'ensemble.

Evoquant la situation dans l'Etat du Chiapas, Mme Rosario Green a réaffirmé la volonté de dialogue des autorités mexicaines et souligné les efforts considérables qu'elles avaient entrepris pour combler les retards économiques et sociaux et réduire les carences de cette région.

La ministre des Affaires étrangères a enfin souligné l'importance toute particulière que Mexico attachait au sommet Union européenne-Amérique latine de Rio, en juin 1999, dont il attendait des résultats concrets. Cette réunion devait être, à ses yeux, l'occasion d'aboutir à des propositions nouvelles, dûment financées, telles que l'instauration d'un mécanisme d'urgence lors de catastrophes naturelles en Amérique latine, l'accroissement du nombre des bourses d'études et l'augmentation des échanges culturels.

- Au cours d'un entretien avec le ministre mexicain de la défense , -en charge des armées de terre et de l'air-, la délégation sénatoriale a bénéficié d'une présentation détaillée de l'organisation des forces mexicaines (12 régions militaires, 41 zones militaires et 3 régions aériennes), des missions qui leur sont confiées (défense du territoire, sécurité intérieure, éradication des cultures de stupéfiants et interception des trafiquants, secours aux populations en cas de catastrophes naturelles...), et de leurs activités dans le domaine social. La ministre de la défense a également précisé les modalités de formation des officiers et sous-officiers mexicains et évoqué les perspectives de renforcement de la coopération franco-mexicaine en matière de défense.

La délégation a enfin achevé sa visite au ministère de la Défense par une présentation particulièrement éclairante du " musée " des saisies de drogue.

- Le secrétaire d'Etat à la Marine a également présenté à la délégation les missions incombant à la Marine mexicaine : sécurité du pays, surveillance maritime, lutte contre la pollution maritime et le trafic de stupéfiants, sauvetage en mer... Il a précisé que les équipements dont elle disposait étaient principalement américains -et accessoirement russes et allemands-, même si des productions mexicaines commençaient à prendre la relève.

L'Amiral Lorenzo Franco a enfin estimé que l'achat éventuel de vedettes rapides françaises pourrait être examiné, en fonction des possibilités budgétaires et après une présentation des bâtiments proposés, au cours du second semestre 1999.

- La délégation a également eu des entretiens avec deux autres importantes personnalités gouvernementales : M. Labastida Ochoa, ministre de l'Intérieur , et M. Jorge Madrazo Cuellar, procureur général de la République (cf. B. ci-dessous).

- A l'occasion de ses contacts avec le Congrès mexicain, la délégation a eu plusieurs entretiens au Sénat . Après une présentation du Parlement mexicain, elle a eu une réunion de travail avec de nombreux sénateurs, dont plusieurs membres de la COCOPA (Commission parlementaire de concorde et de pacification) avec lesquels elle a évoqué la situation dans le Chiapas. Ceux-ci ont estimé que cette situation trouvait ses origines dans un centralisme excessif, un sous-développement économique et des données sociales et religieuses particulières. Puis, après avoir rappelé les étapes du conflit, ils ont déploré le refus actuel du leader des zapatistes de renouer le dialogue alors qu'il ne sera possible de sortir de l'impasse que par la négociation. Ils ont enfin rappelé qu'il s'agissait d'un problème intérieur mexicain qui ne pouvait se résoudre par les armes et qui excluait naturellement toute intervention extérieure.

- Les répercussions internationales du conflit du Chiapas ont également été évoquées au cours d'une réunion et d'un déjeuner de travail à la Chambre des députés. Mais la plupart des thèmes d'actualité ont été abordés à cette occasion : perspectives d'accord entre le Mexique et l'Union européenne, situation économique, situation des droits de l'homme. Les membres de la délégation sénatoriale ont particulièrement plaidé pour la levée rapide des augmentations de droits de douane récemment décidées par le Congrès mexicain. Ils ont également souligné l'intérêt réciproque d'une ratification rapide de l'accord franco-mexicain d'encouragement et de protection réciproques des investissements.

- La délégation a enfin eu un entretien avec M. Cuauhtémoc Cardenas , chef du gouvernement du district fédéral de Mexico -et leader du PRD-, avec lequel la délégation a principalement abordé les principaux problèmes liés à la gestion, très difficile, de la principale mégalopole du monde : une forte insécurité, qui se manifeste spectaculairement par des bandes organisées spécialisées dans les enlèvements et le racket ; les questions d'environnement et la très forte pollution atmosphérique, qui a des conséquences inquiétantes en termes de santé publique ; les difficultés d'adduction d'eau dans une ville où 30 à 40 % de l'eau est perdue ; et la faible autonomie budgétaire du district fédéral de Mexico.

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